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Plotino - Tratado 7,1 (V, 4, 1) — Do Uno, que é o Primeiro, nasce algo
domingo 16 de janeiro de 2022, por
Míguez
1. Si existen seres después del Primero, es necesario, que provengan inmediatamente de El, o que se reduzcan a El por medio de otros seres intermedios y que ocupen el segundo y el tercer rango, el segundo con referencia al primero y el tercero con referencia al segundo. Porque conviene que, antes de nada, exista una cosa simple y diferente de todas las demás que provienen de ella, la cual se dará en sí misma y sin mezclarse con las que la siguen, aunque, por lo demás, pueda encontrarse presente de alguna manera en las otras cosas. Esa cosa de que hablamos es realmente el Uno, al que no cabe considerar como ser y luego como Uno, porque ya encierra falsedad el decir que es Uno, "si no hay de él razón ni ciencia" y si se afirma, también, que está "por encima de la esencia" (Pues si no existiese una cosa simple, verdaderamente extraña a todo accidente y composición y realmente una, tampoco existiría principio alguno). Por ser simple se basta a sí misma y es la primera de todas las cosas; porque todo lo que no sea primero tiene necesidad de lo anterior a él, y lo que no es simple necesita de los términos simples de que está compuesto. Esa cosa, pues, que ser solamente una, dado que, si supusiese otra cosa, ambas tendrían también que ser una; porque no hablamos aquí de dos cuerpos, uno de los cuales se considerase como el primero. Un cuerpo, en efecto, no es nada simple, sino algo engendrado, y no es, por tanto, principio. "El principio es ingénito", y como no es nada corpóreo, sino realmente uno, es ciertamente el Primero de que hablamos.
Si hay, por tanto, algún otro ser después del Primero, no será ya un ser simple, sino una unidad múltiple. ¿De donde proviene? Sin duda alguna, del Primero; porque, si aquí interviniese el azar, no sería éste el principio de todas cosas. ¿Cómo, pues, proviene del Primero (esa unidad múltiple)? Si el Primero es un ser perfecto e, incluso, el perfecto de todos los seres, y si, además, es la potencia primera, debe ser también el más poderoso de todos los seres, con lo cual las otras potencias habrán de imitarle en la medida de lo posible. Ahora bien; vemos que cuando un ser alcanza su perfección engendra necesariamente y no soporta ya la permanencia en sí mismo sino que produce otro ser. Esto acontece no sólo con los seres que disponen de voluntad propia sino también con los otros seres que viven sin ella y con los seres inanimados que dan de sí mismos todo lo que ellos pueden. Ocurre, por ejemplo, que el fuego calienta y que la nieve enfría, o, igualmente, que los brebajes actúan sobre otro ser. Y todas las cosas, en tanto les es posible, imitan a su principio, tanto en eternidad como en bondad. ¿Cómo, pues, el ser más perfecto y el Bien primero podría permanecer inmóvil en sí mismo? ¿Acaso por envidia o por impotencia, él, precisamente, que es la potencia de todas las cosas? ¿Cómo, entonces, concebirlo como principio? Es necesario, sin duda, que algo provenga de él, puesto que los seres reciben de él el poder mismo de hacer existir otros seres, poder que, necesariamente, a él es debido. El principio generador deberá ser, pues, lo más venerable que exista. Y el ser engendrado por él y que ocupa el segundo rango estará, también, por encima de los demás seres.
Bréhier
1. S’il y a des êtres après le Premier, il est nécessaire ou bien qu’ils viennent immédiatement de lui, ou bien qu’ils s’y ramènent par des intermédiaires, et qu’ils aient le second ou le troisième rang, le second se ramenant au premier et le troisième au second. Il faut, que, en avant de toutes choses, il y ait une chose simple et différente de toutes celles qui viennent après elle ; elle est en elle-même et ne se mélange pas avec celles qui la suivent et en revanche elle peut être présente d’une autre manière aux autres choses. Elle est vraiment l’Un ; elle n’est pas une autre chose et ensuite un ; il y est même faux de dire d’elle : l’Un ; « elle n’est pas objet de discours ni de science » ; et on dit qu’elle est « au delà de l’essence». S’il n’y avait pas une chose simple, étrangère à tout accident et à toute composition et réellement une, il n’y aurait pas de principe; et parce qu’elle est simple et la première de toutes, elle se sullit à elle-même ; car ce qui suit a besoin de ce qui précède ; ce qui n’est pas simple a besoin des termes simples, dont il doit être composé. Une telle chose doit être unique ; car si elle avait sa pareille, les deux ne feraient qu’un. Il ne s’agit pas en effet de deux corps, dont l’un serait le corps primitif ; un corps n’est pas un être simple, il est engendré, et n’est pas principe. Le principe n’est pas engendré : et parce qu’il n’est pas corporel, mais réellement un, il est ce Premier dont nous parlons.
Donc s’il y a un être après le Premier, ce n’est plus un être simple ; c’est une unité multiple. D’où vient-elle ? Du Premier ; car s’il y avait rencontre de hasard [entre les termes multiples], il ne serait pas le principe de toutes choses. Comment donc vient-elle du Premier ? Si le Premier est un être parfait et le plus parfait de tous, s’il en est de même de la puissance première, il doit être le plus puissant de tous les êtres, et les autres puissances doivent l’imiter autant qu’elles peuvent. Or, dès qu’un être arrive à son point de perfection, nous voyons qu’il engendre ; il ne supporte pas de rester en lui-même : mais il produit un autre être ; et ceci est vrai non seulement des êtres qui ont une volonté réfléchie, mais encore de ceux qui végètent sans volonté, ou des êtres inanimés qui communiquent tout ce qu’ils peuvent de leur être. Par exemple le feu réchauffe ; la neige refroidit ; le poison agit sur un autre être ; enfin toutes les choses, autant qu’elles peuvent, imitent le principe en éternité et en bonté. Comment donc l’être le plus parfait et le Bien premier resterait-il immobile en lui-même ? Serait-ce par envie ? Serait-ce par impuissance, lui qui est la puissance de toutes choses ? Et comment alors serait-il encore le principe ? Il faut donc que quelque chose vienne de lui, puisque les êtres tiennent de lui le pouvoir d’en faire exister d’autres (car c’est nécessairement de lui qu’ils le tiennent). Le principe générateur doit être le plus vénérable ; mais l’être engendré immédiatement après lui est supérieur à tous les autres.
Bouillet
I. Tout ce qui existe après le Premier en relève, soit immédiatement, soit médiatement, et constitue une série d’ordres différents, tels que le deuxième ordre puisse être ramené au premier, le troisième au deuxième. Il faut en effet qu’au-dessus de tous les êtres il y ait quelque chose de simple et de différent de tout le reste, qui existe en soi-même et qui, sans jamais se mêler à rien, puisse cependant présider à tout, qui soit véritablement l’Un, et non cette unité mensongère qui n’est qu’un attribut de l’être, qui soit enfin un principe supérieur même à l’essence, de telle sorte que ni la parole, ni la raison, ni aucune science ne puisse l’atteindre. Car, s’il n’est complètement simple, étranger à toute complexité et à toute composition, s’il n’est réellement un, il ne saurait être principe. Il n’est souverainement absolu (αὐταρϰέστατον(autarkestaton]] que parce qu’il est simple et premier. Car ce qui n’est pas premier a besoin des choses supérieures ; ce qui n’est pas simple a besoin des choses simples qui servent à le composer. Le principe de tout doit donc être un et unique. Si l’on admettait qu’il y eût un second principe de cette espèce, tous deux ne feraient qu’un seul. Car nous ne disons pas que tous deux soient des corps, ni que l’Un, le Premier soit un corps ; tout corps est composé et engendré, par conséquent n’est pas principe : car le principe ne saurait être engendré [1]. Donc, puisque le Principe de tout ne peut être corporel, qu’il doit être essentiellement un, il doit être le Premier.
S’il existe quelque chose après l’Un, ce n’est plus l’Un simple, c’est l’un-multiple. D’où vient cet un-multiple ? du Premier évidemment : car on ne peut supposer qu’il vienne du hasard ; ce serait admettre que le Premier n’est pas le principe de tout. Comment donc l’un-multiple dérive-t-il du Premier ? Si le Premier est parfait et le plus parfait, s’il est la Puissance première (δύναμις ἡ πρώτη(dunamis hê prôtê]], il faut bien qu’il soit supérieur en puissance à tout le reste et que les autres puissances ne fassent que limiter dans la mesure de leurs forces. Or, nous voyons que tout ce qui arrive à la perfection ne peut se reposer stérilement en soi-même, mais engendre et produit. Non-seulement les êtres capables de choix, mais encore ceux qui sont privés de réflexion et même d’âme font participer, autant qu’ils le peuvent, les autres êtres à ce qui est en eux : ainsi, le feu émet de la chaleur, et la neige, du froid ; les sucs des plantes tendent à communiquer leurs propriétés. Toutes choses dans la nature imitent le Premier principe en engendrant pour arriver à la perpétuité et manifester leur bonté. Comment donc Celui qui est souverainement parfait, qui est le Bien suprême resterait-il renfermé en lui-même, comme si un sentiment de jalousie l’empêchait de faire part de lui-même, ou comme s’il était impuissant, lui qui est la Puissance de toutes choses ? Comment alors serait-il encore principe ? Il faut donc qu’il engendre quelque chose, comme ce qu’il engendre doit engendrer à son tour. Il est en effet nécessaire qu’il y ait quelque chose au-dessous du Premier. Or cette chose [qui est immédiatement au-dessous du Premier] doit être très-vénérable, d’abord parce qu’elle engendre le reste, ensuite parce qu’elle est engendrée par le Premier et qu’occupant le second rang elle doit l’emporter en dignité sur les autres choses.
Guthrie
NECESSITY OF THE EXISTENCE OF THE FIRST.
1. Everything that exists after the First is derived therefrom, either directly or mediately, and constitutes a series of different orders such that the second can be traced back to the First, the third to the second, and so forth. Above all beings there must be Something simple and different from all the rest which would exist in itself, and which, without ever mingling with anything else, might nevertheless preside over everything, which might really be the One, and not that deceptive unity which is only the attribute of essence, and which would be a principle superior even to being, unreachable by speech, reason, or science. For if it be.not completely simple, foreign to all complexity and composition, and be not really one, it could not be a principle. It is sovereignly absolute only because it is simple and first. For what is not first, is in need of superior things; what is not simple has need of being constituted by simple things. The Principle of everything must therefore be one and only. If it were admitted that there was a second principle of that kind, both would constitute but a single one. For we do not say that they are bodies, nor that the One and First is a body; for every body is composite and begotten, and consequently is not a principle; for a principle cannot be begotten. Therefore, since the principle of everything cannot be corporeal, because it must be essentially one, it must be the First.
THE FIRST NECESSARILY BEGETS A SECOND. WHICH MUST BE PERFECT.
If something after the One exist, it is no more the simple One, but the multiple One. Whence is this derived? Evidently from the First, for it could not be supposed that it came from chance; that would be to admit that the First is not the principle of everything. How then is the multiple One derived from the First? If the First be not only perfect, but the most perfect, if it be the first Power, it must surely, in respect to power, be superior to all the rest, and the (other powers must merely imitate it to the limit of their ability. Now we see that all that arrives to perfection cannot unfruitfully remain in itself, but begets and produces. Not only do beings capable of choice, but even those lacking reflection or soul have a tendency to impart to other beings, what is in them; as, for instance, fire emits heat, snow emits cold; and plant-juices (dye and soak) into whatever they happen to touch. All things in nature imitate the First principle by seeking to achieve immortality by procreation, and by manifestation of their qualities. How then would He who is sovereignly perfect, who is the supreme Good, remain absorbed in Himself, as if a sentiment of jealousy hindered Him from communicating Himself, or as if He were powerless, though He is the power of everything? How then would He remain principle of everything? He must therefore beget something, just as what He begets must in turn beget. There must therefore be something beneath the First. Now this thing (which is immediately beneath the First), must be very venerable, first because it begets everything else, then because it is begotten by the First, and because it must, as being the Second, rank and surpass everything else.
MacKenna
1. Anything existing after The First must necessarily arise from that First, whether immediately or as tracing back to it through intervenients; there must be an order of secondaries and tertiaries, in which any second is to be referred to The First, any third to the second.
Standing before all things, there must exist a Simplex, differing from all its sequel, self-gathered not inter-blended with the forms that rise from it, and yet able in some mode of its own to be present to those others: it must be authentically a unity, not merely something elaborated into unity and so in reality no more than unity’s counterfeit; it will debar all telling and knowing except that it may be described as transcending Being - for if there were nothing outside all alliance and compromise, nothing authentically one, there would be no Source. Untouched by multiplicity, it will be wholly self-sufficing, an absolute First, whereas any not-first demands its earlier, and any non-simplex needs the simplicities within itself as the very foundations of its composite existence.
There can be only one such being: if there were another, the two [as indiscernible] would resolve into one, for we are not dealing with two corporal entities.
Our One-First is not a body: a body is not simplex and, as a thing of process cannot be a First, the Source cannot be a thing of generation: only a principle outside of body, and utterly untouched by multiplicity, could be The First.
Any unity, then, later than The First must be no longer simplex; it can be no more than a unity in diversity.
Whence must such a sequent arise?
It must be an offspring of The First; for suppose it the product of chance, that First ceases to be the Principle of All.
But how does it arise from The First?
If The First is perfect, utterly perfect above all, and is the beginning of all power, it must be the most powerful of all that is, and all other powers must act in some partial imitation of it. Now other beings, coming to perfection, are observed to generate; they are unable to remain self-closed; they produce: and this is true not merely of beings endowed with will, but of growing things where there is no will; even lifeless objects impart something of themselves, as far as they may; fire warms, snow chills, drugs have their own outgoing efficacy; all things to the utmost of their power imitate the Source in some operation tending to eternity and to service.
How then could the most perfect remain self-set - the First Good, the Power towards all, how could it grudge or be powerless to give of itself, and how at that would it still be the Source?
If things other than itself are to exist, things dependent upon it for their reality, it must produce since there is no other source. And further this engendering principle must be the very highest in worth; and its immediate offspring, its secondary, must be the best of all that follows.
Armstrong
1. If there is anything after the First, it must necessarily come from the First; it must either come from it directly or have its ascent hack to it through the beings between, and there must be an order of seconds and thirds, the second going back to the first and the third to the second. For there must be something simple before all things, and this must be other than all the things which come after it, existing by itself, not mixed with the things which derive from it, and all the same able to be present in a different way to these other things, being really one, and not a different being and then one; it is false even to say of it that it is one, and there is “ no concept or knowledge of it; it is indeed also said to be “ beyond being ”. [2] For if it is not to be simple, outside all coincidence and composition, it could not be a first principle; and it is the most self-sufficient, because it is simple and the first of all: for that which is not the first needs that which is before it, and what is not simple is in need of its simple components so that it can come into existence from them. A reality of this kind must be one alone: for if there was another of this kind, both would be one. For we are certainly not talking about two bodies, or meaning that the One is the first body. For nothing simple is a body, and body is what comes into being, but not the first principle; and “ the first principle has not come into being ” [3]; if then it was a principle which was not bodily, but was truly one, that [other of this kind] would be the First. If then there is something else after the First, it cannot still be simple: it will therefore be a One-Many. Whence, then, does this come ? From the First: for it certainly does not come about by chance, and if it did the First would no longer be the principle of all things. How then does it come from the First? If the First is perfect, the most perfect of all, and the primal power, it must be the most powerful of all beings and the other powers must imitate it as far as they are able. Now when anything else comes to perfection we sec that it produces, and does not endure to remain by itself, but makes something else. This is true not only of things which have choice, but of things which grow and produce without choosing to do so, and even lifeless things, which impart themselves to others as far as they can: as fire warms, snow cools, and drugs act on something else in a way corresponding to their own nature—all imitating the First Principle as far as they are able by tending to everlastingness and generosity. How then could the most perfect, the first Good, remain in itself as if it grudged to give of itself [4] or was impotent, when it is the productive power of all things ? How would it then still be the Principle ? Something must certainly come into being from it, if anything is to exist of the others which derive their being from it: that it is from it that they come is absolutely necessary. That which is generated by it must certainly also be most honourable, and though it is second to the Principle must be better than all else.
Lloyd
§5.4.1. If there is something after that which is first, it is necessary that what comes from it does so either immediately, or else it has its ascent back to it through intermediaries and there is an ordering of things second and third,1 with the second ascending to the first and the third to the second. For there must be something simple prior to all 5 things and different from all things after it, being by itself, not mixed with the things that come from it, all the while being able to be present to other things, having what those other things have in a different manner, being truly one, and not having its existing different from its being one.2 Given this, it is false that that of which there is no ‘account or scientific understanding’3 is even one;4 it is actually said to ‘transcend 10 Substantiality’5 – for if it is not simple, beyond all combination and composition and not truly one, it would not be a principle. And it is absolutely self-sufficient by being simple and first of all. For that which is not first6 needs that which is prior to it, and that which is not simple is in need of the ‘simples’ in it in order that it be composed of them.715
That which is indeed one like this must be unique. For if there were something else like this, the two of them would be one. For we are not speaking about two bodies or saying that the One is the first body. For no body is simple. And a body is generated, and not a principle; ‘a principle is ungenerated’.8 Since the One is not corporeal, but truly one, it would be that which is first. If, therefore, there should be something 20 different after that which is first, that thing would not itself be simple; it will, therefore, be a one-many.9
From where, then, does this come? It comes from that which is first. For it certainly doesn’t happen by chance. If it did, it would no longer be a principle of all things. How, then, does it come from that which is first? If that which is first is perfect, that is, the most perfect of all things and the first power, it must be the most powerful of all things, and the 25 other powers imitate it as much as they are able. In the case of other things, we see whatever comes to perfection, generating, and not holding back so as to remain self-contained, but rather making something else. This is the case not only for things that have choice, but also for things that grow without choice – and even for things without souls, 30 which give of themselves to the extent that they are able. For example, fire warms, and snow chills, and drugs which act on something else according to their own nature. Everything imitates the principle according to its capacity by tending towards eternity and goodness.
How, then, could that which is most perfect and that which is the first35 Good remain in itself as if it were grudging of itself, or without power – that which is the productive power of all things?10 How would it still be a principle? Something actually must come to be from it if indeed other things are to exist beside it. That these things come from it is a matter of necessity. That which is generated must certainly be the most honourable 40 and, as second to it, must be better than everything else.
Brisson & Pradeau
1. S’il y a quelque chose après le Premier [5], il est nécessaire ou bien que cette chose en soit issue immédiatement, ou bien qu’elle y remonte par des intermédiaires, et il doit y avoir un ordre entre les choses qui viennent en deuxième et celles qui viennent en troisième, ce qui vient en deuxième remontant à ce qui vient en premier et ce qui vient en troisième à ce qui vient en deuxième [6]. Il faut en effet qu’il y ait quelque chose de simple avant toutes choses ; il faut aussi que cette chose soit différente de tout ce qui vient après elle, qu’elle existe par elle-même, qu’elle ne soit pas mélangée aux choses qui viennent d’elle, tout en possédant par ailleurs, d’une autre manière, la puissance de leur être présente [7]. Parce qu’elle est réellement une [8], elle n’est pas autre chose, puis une. Il est même faux de dire d’elle qu’elle est une : il n’y a d’elle « ni discours ni science », et de surcroît, on dit d’elle qu’elle est « au-delà de la réalité » [9]. Car si elle n’est pas simple, si elle n’est pas indépendante de toute combinaison et de toute composition, et si elle n’est pas réellement une, alors elle ne saurait être principe [10]. Parce qu’elle est simple et qu’elle est la première de toutes les choses, elle est ce qui se suffit le plus à soi-même ; car ce qui n’est pas premier [11] a besoin de ce qui est avant lui, et ce qui n’est pas simple a besoin des éléments simples qui sont en lui pour exister à partir d’eux [12]. Une chose de ce genre doit bien sûr être unique [13], car s’il y en avait une autre du même genre, les deux ne feraient qu’une. Oui, et nous ne parlons certainement pas de deux corps, ni ne disons que l’Un est le premier corps. En effet, aucun corps n’est simple [14] : le corps est engendré, mais il n’est pas principe, car « le principe est inengendré » [15]. Et si le principe est non pas corporel, mais réellement un, alors cette chose-là sera le Premier. De sorte que, s’il existait quelque chose d’autre après le Premier, ce ne pourrait être quelque chose de simple, mais ce serait quelque chose d’« un-multiple » [16].
– Mais alors, d’où viendrait cette chose ?
– Du Premier. Elle ne peut bien entendu être le fait du hasard [17], car dans ce cas le Premier ne serait même plus le principe de toutes choses.
– Mais alors, comment vient-elle du Premier ?
– Si le Premier est parfait [18], qu’il est la plus parfaite de toutes les choses et qu’il est la première puissance [19]. Afin de défendre cette synonymie hétérodoxe, Plotin doit soustraire du concept de puissance ce qu’il comporte donc d’indétermination ou de potentialité. Il le fait ici en associant la puissance de l’Un à son pouvoir causal comme à sa perfection.]], il doit être la chose la plus puissante de toutes celles qui existent, et les autres puissances doivent l’imiter autant qu’elles le peuvent [20]. Or, dès que n’importe laquelle des autres choses atteint sa perfection, nous constatons qu’elle engendre [21], c’est-à-dire qu’elle ne supporte plus de demeurer en elle-même, mais qu’elle produit une chose différente [22].]]. Et cela vaut non seulement pour ce qui a la capacité de choisir [23], mais aussi pour toutes les choses qui croissent sans en avoir le choix, et même pour les choses dépourvues d’âme, qui donnent d’elles-mêmes tout ce qu’elles peuvent : comme le feu qui réchauffe, la neige qui refroidit, les remèdes qui agissent sur une autre chose [24] et comme toutes choses imitent le principe, autant qu’elles le peuvent, en tendant vers l’éternité et la bonté. Comment alors ce qui est le plus parfait, le bien premier [25], demeurerait-il en lui-même, comme s’il était avare de lui-même [26] et comme s’il était dépourvu de puissance ? Et comment pourrait-il être dépourvu de puissance, alors qu’il est puissance de toutes choses [27] ? Et comment pourrait-il être encore principe ? Il faut absolument aussi que quelque chose naisse de lui [28], s’il doit exister quelque chose, puisque c’est précisément de lui que les autres choses tirent leur existence ; c’est une nécessité, en effet, dès lors qu’elles viennent de lui. Ce qui est alors engendré par lui et qui vient en second après lui doit forcément être la chose la plus vénérable et la meilleure de toutes les autres [29].
Ver online : Plotino
[1] La source de ces idées est dans le Parménide de Platon, notamment p. 154. Voy. aussi Cudworlh, Systema intellectuale, IV, 36, p. 708, où ce passage de Plotin est cité et commenté.
[2] A gain the two foundation texts from Plato’s dialogues for the Neoplatonic doctrine of the One beyond being; Parmenides 142A3-4 and Republic 509B9.
[3] Plato Phaedrus 245D1.
[4] The absence of φθόνος, the selfish, grudging wish to keep one’s good to oneself which is the opposite of truly divine generosity, is a cardinal feature of Plato’s thought about the divine (and a conscious challenge to older Greek ideas): cp. Plato Phaedrus 247A7 and Timaeus 29E1-2.
[5] La majuscule du « Premier » est de convention : elle indique que Plotin nomme ainsi, tò prôton, le premier principe (que ce traité 7 nommera encore « Un », « Bien premier » et « intelligible »). C’est la première fois que l’Un se trouve désigné ainsi comme « le Premier ». Les traités précédents avaient déjà signalé que le premier principe est le bien « qui est au-delà du beau » (1 (I, 6), 9, 39-40), ou encore qu’en étant « premier », il est « ce qui est beau par lui-même » (5 (V, 9), 2, 9). La caractérisation de l’Un comme « Premier » fera l’objet des développements autrement plus précis du traité 9 (VI, 9), plus particulièrement aux chapitres 2 et 3.
[6] La précision présuppose sans ambiguïté qu’il n’y a que deux choses, ou deux sortes de choses, après le Premier (l’Intellect, qui est la deuxième, et l’Âme, la troisième). La formule est empruntée au pseudo-Platon auteur de la Lettre II, 312e3-4 ; le traité 10 (V, 1), 8, 1-4 la reprend.
[7] Plotin juxtapose ici les principales « caractéristiques » du premier principe : il est simple, cause de soi, séparé de ce qui n’est pas lui, mais aussi et en même temps cause de toutes choses. La double hypothèse, d’apparence paradoxale, que Plotin entend défendre est celle selon laquelle l’Un n’est aucune des choses qui viennent après lui, tout en étant leur cause. La question de la « présence » de l’Un en toutes choses devient ainsi le problème majeur de toute réflexion sur l’Un. Dans la littérature abondante sur ces questions, on peut se reporter à la présentation générale que D.J. O’Meara, Plotin. Une introduction aux Ennéades, donne du « principe d’antériorité du simple », p. 59-70, ainsi qu’à la notice « Causa sui » de P. Hadot. La difficulté ainsi rencontrée est d’ordre étiologique, et elle est relative à la manière dont Plotin conçoit la « participation » d’une réalité à son principe, en l’espèce d’une certaine forme de « présence » du second dans la première. Par ailleurs et dans cette même phrase, nous traduisons, à la ligne 7, állois et non állos, en suivant la correction de l’édition H.-S. (III, Addenda, p. 325).
[8] L’unité du Premier, comme y reviendront les deux premiers chapitres du traité 9 (VI, 9), est la seule unité dont on puisse dire qu’elle soit réelle. Une chose quelconque n’existe selon Plotin qu’à la condition d’être une. Mais cette unité est toujours relative à l’unité réelle (à ce qui est réellement un, tò óntos hén) qui est sa cause ultime.
[9] Plotin cite Platon : Parménide, 142a3-4, puis République, VI, 509b9. Ces deux citations signalent au lecteur, de façon elliptique, un thème devenu classique dans la tradition platonicienne, celui du caractère proprement inaccessible à la connaissance rationnelle du premier principe. Le médioplatonisme, en s’appuyant également sur les remarques que le Parménide consacre à sa première série de déductions (à partir de l’hypothèse selon laquelle l’objet de l’entretien « est un », dépourvu de partie, de lieu, de mouvement, etc., et qui s’achève sur le constat qu’on ne peut le connaître) et sur celles que la République consacre pour sa part au bien, avait établi en des termes identiques l’éminence de son premier principe. Chez les médioplatoniciens, ce premier principe est l’Intellect divin parfaitement actif (voir par exemple Alcinoos, Enseignement des doctrines de Platon, chapitre X). Plotin, en plaçant l’Un avant l’Intellect des médioplatoniciens, n’en retient pas moins les formules platoniciennes consacrées, en disant à son tour que le premier principe est « au-delà de la réalité » (epékeina (tês) ousías). Il adopte ce faisant une formule qui est abstraite de son contexte platonicien, puisque la République ajoutait que le bien est au-delà de la réalité « en dignité et en puissance ». L’histoire platonicienne de cette formule est décrite et commentée par M. Baltes, « Is the idea of the good in Plato’s Republic beyond being ? ». Dans les traités antérieurs au traité 7, l’antériorité de l’Un est évoquée en des termes semblables par les traités 1 (I, 6), 9, 37 (voir la note 88, p. 92 du premier volume de cette collection), puis 3 (III, 1), 2, 3, et 6 (IV, 8), 7, 18 (voir cette fois, dans premier volume également, la note 102, p. 267). Parmi les traités ultérieurs, il revient au traité 49 (V, 3), notamment aux chapitres 12-13, d’évoquer de nouveau cette supériorité du Premier sur l’Intellect. Que le Premier ne puisse être objet de science est la conséquence nécessaire de son éminence et du fait qu’il est au-delà de ce que peut concevoir une pensée intellective qui, par définition, ne peut porter que sur l’intelligible. Le traité 9 (VI, 9), 4 précisera ainsi que la perception du Premier n’est pas de type contemplatif, mais qu’elle consiste en une vision d’un type particulier ; voir, infra, la note 58, p. 108.
[10] Ces précisions ont valeur de définition. Plotin ne donne le rang de principe qu’à une réalité susceptible d’atteindre l’unité. Une chose qui, par elle-même, ne peut s’unifier n’a pas d’existence au sens strict (c’est le cas des produits corporels de l’âme, qui sont unifiés par cette dernière). Seuls l’Intellect et l’Âme atteignent à l’unité ; ils sont donc les deux principes ou « réalités véritables » issus de l’Un et participant de l’unité.
[11] Ici, ligne 13, J. Igal lit toi mé au lieu de tò mé (même correction chez H.-S., vol. III, p. 325) ; au prix de cette correction, la compréhension de la phrase originale est en effet plus aisée ; on l’a donc adoptée.
[12] On a là de nouveau un axiome dont la portée est générale : toute réalité composée existe en vertu de ce qui la compose. Plotin entend rappeler ainsi que l’Intellect, qui comporte de l’unité et de la multiplicité, atteint l’unité dont il est capable du fait de ce qui, unique et antérieur à lui, est en lui. Mais comme c’est le cas des autres axiomes, Plotin se contente de le mentionner sans l’expliquer. Le traité 32 (V, 5), 5 y revient, en expliquant comment l’Intellect (l’être) provient de l’Un et existe lorsqu’il le conçoit.
[13] On trouve ici l’un des exemples de la manière dont Plotin, plutôt que de nommer l’Un (qui ne peut être ainsi nommé que par défaut), préfère employer le pronom réflexif ekeînos ou l’indéfini ti.
[14] Plotin écarte l’hypothèse qui voudrait faire d’un élément matériel le constituant ultime de toutes choses. La simplicité du principe ne saurait être celle d’un corps simple, c’est-à-dire de l’un des quatre éléments traditionnels de la physique. C’est un point qu’avait déjà signalé le traité 2 (IV, 7), 1-2, en insistant sur le fait qu’un élément corporel n’est jamais simple au sens strict, mais toujours composé en dernière instance d’une forme et d’une matière (ce qui fait de lui le produit d’une âme). Voir encore, dans ce même volume, les précisions du chapitre 6 du traité 12 (II, 4).
[15] Phèdre, 245d : c’est la définition du principe que retient toute la tradition platonicienne.
[16] L’expression est empruntée au Parménide, 144e5 (mais on la retrouve aussi bien, présentée comme une difficulté merveilleuse, en Philèbe, 14c8, où Socrate soutient que l’une des questions les plus importantes et les plus difficiles est précisément celle de savoir comment des choses multiples peuvent être une). C’est à sa propre lecture du Parménide de Platon que Plotin emprunte ici la distinction entre ce qui est « un-multiple » (hèn pollá), à savoir l’Intellect (qui comporte en lui-même une multiplicité, puisqu’il est la totalité multiple des intelligibles), et ce qui est « un et multiple » (hèn kaì pollá), à savoir l’âme (voir avant tout le chapitre 8 du traité 10 (V, 1), et, infra, la note 144, p. 200-201, puis 49 (V, 3), 15, 11). L’unité de l’Un, ici comme ailleurs, a une double signification : quantitative, dans la mesure où l’un se distingue de ce qui est multiple, mais aussi et surtout qualitative, puisque ce qui est un est identique à soi, là où le multiple diffère de soi.
[17] Plotin affirme que la naissance de l’Intellect ne peut être fortuite, et qu’elle ne peut relever d’une cause extérieure ou fortuite ; c’est le sens que porte le terme suntukhía, rendu ici par « hasard » et qui désigne les circonstances fortuites d’un événement, son caractère hasardeux (voir 12 (II, 4), 2, 11, et la note 14, p. 263-264, de R. Dufour). Plotin l’avait employé pour dénoncer la manière dont certains prédécesseurs stoïciens ou pythagoriciens font de l’existence de l’âme le résultat de telles circonstances (dans le traité 2 (IV, 7), aux chapitres 83, 6, puis 84, 24), ou encore pour insister, comme ici, sur le fait que le hasard des circonstances ne pouvait expliquer que l’Intellect pense l’intelligible (5 (V, 9), 7, 18). Dans tous ces cas de figure, l’activité d’une réalité quelconque doit être rapportée selon une causalité nécessaire à ce dont elle provient et qu’elle conçoit.
[18] « Parfait » rend téléon, qui désigne la fin, l’achèvement atteint par une chose. Plotin reste fidèle ici à l’enseignement des dialogues de Platon, qui disent du Bien qu’il est la cause de toutes choses sans que rien ne soit cause de sa propre existence et de sa propre perfection. Outre les pages du livre VI de la République que cite Plotin, c’est dans le Philèbe que Platon dit du Bien qu’il est seul véritablement suffisant « hikanós » (20b-c, puis 67a).
[19] Cette nouvelle qualité du Premier, qui est la « première puissance », est à son tour désignée allusivement. Elle doit être rapportée à la double caractéristique qui précède et qui dit de l’Un qu’il est principe et parfait. La puissance (dúnamis) de l’Un est ainsi définie comme le pouvoir d’être la cause parfaite de toutes choses. Plotin emploie ici, en le subvertissant, un vocabulaire aristotélicien. Au terme de puissance, il va en effet ajouter celui d’acte (enérgeia), pour dire de l’Un qu’il est à la fois la puissance première et l’acte premier. Dans la perspective d’Aristote, une telle identité terminologique eût été inconcevable, puisque la puissance est précisément ce qui se distingue de l’acte, comme une possibilité ou une potentialité (en puissance) se distingue d’une réalisation (en acte ; la note 23, infra, y revient, et Plotin s’en explique plus abondamment dans le traité 25 (II, 5
[20] Cet axiome est l’une des formules privilégiées de la procession plotinienne, qui enseigne que toute chose reçoit de son principe ce qu’elle est capable de recevoir et autant qu’elle en est capable. Le recours à la catégorie platonicienne de l’imitation (mímesis) permet à Plotin de soutenir que ce qui est engendré ou produit par un principe se constitue soi-même selon sa capacité, sa puissance à imiter le principe dont il est issu. Plotin y avait insisté déjà dans le traité 6 (IV, 8), 6. Il va préciser dans le chapitre suivant que cette imitation du principe se traduit dans l’aptitude de ce qui est engendré à exercer un acte semblable à celui du principe. Voir J.-F. Pradeau, L’Imitation du principe. Plotin et la procession, chapitre III.
[21] Nouvel axiome plotinien, dont l’importance est considérable dans les traités, puisqu’elle permet d’expliquer que la production (poíesis), loin d’être le signe d’un défaut ou d’une nécessité contrainte, est synonyme de perfection. Comme il ne l’indique aucunement ici, Plotin tient que la production est identique à la contemplation (theoría) : c’est parce qu’une réalité contemple le principe dont elle est issue qu’elle en produit à son tour une image et qu’elle engendre. Les précisions indispensables sont notamment données dans les traités 10 (V, 1), 6, 6-53, et surtout 30 (III, 8), 3-4.
[22] Il y a là, désignée de nouveau de façon très allusive, une difficulté majeure. Plotin qualifie en termes affectifs l’état d’insuffisance dans lequel se trouve ce qui est produit par un principe. Les raisons du caractère « insupportable » de la situation de la chose engendrée sont loin d’être claires (pour un emploi semblable de la même formule, voir 12 (II, 4), 10, 35, et surtout 26 (III, 6), 18, 27). Plotin s’en expliquera en distinguant entre le fait de demeurer (ménein) en soi-même et celui de laisser quelque chose advenir hors de soi (dans le traité 38 (VI, 7), il parlera ainsi d’une « puissance susceptible de demeurer comme de procéder » (ménein te kaì proïénai ; chapitre 8, 14
[23] Le choix volontaire dont il est question ici est la proaíresis ; voir, dans le traité 2 (IV, 7), les précisions du chapitre 5, puis les remarques générales de la Notice au traité 3 (III, 1).
[24] L’exemple des remèdes a le mérite d’insister encore plus explicitement que les deux premiers sur le fait que les effets sont produits dans une réalité distincte de l’agent : à la fois séparée de lui et autre que lui. C’est encore là un axiome qui gouverne les rapports que chacune des trois réalités véritables entretient avec ce qu’elle engendre.
[25] Sur la perfection et la primauté du Bien, voir, supra, la note 14.
[26] L’impossibilité pour une réalité divine d’éprouver de la jalousie comme de ne pas dispenser sa bonté est établie par Platon (voir le Phèdre, 247a7, puis le Timée, 29c1-2, et enfin l’étude de L. Brisson, « La notion de phtónos chez Platon »). Plotin y revient dans le traité 33 (II, 9), 17, 17, pour objecter sur ce point aux hypothèses gnostiques.
[27] C’est ici que la modification des catégories aristotéliciennes est la plus suggestive. Plotin entend la puissance comme l’exercice entier et immédiat d’une activité. Dans les deux principaux exposés pertinents qu’on trouve au livre III de la Physique, puis au livre Θ de la Métaphysique, Aristote avait choisi de distinguer entre deux modes d’être, l’être en puissance et l’être en acte, en accordant au second d’être la réalisation, antérieure en droit et finalement même en fait, de ce que le premier n’est ou ne contient qu’à titre potentiel. Chez Aristote, cette distinction doit permettre de rendre compte de l’aptitude qu’ont les choses à changer (en fondant la réalisation d’un changement dans la nature potentielle de la réalité concernée), mais aussi d’établir que l’acte est antérieur à la puissance comme la détermination formelle est antérieure à la potentialité matérielle. Aristote tient en effet que la matière est puissance, et que toutes les choses sensibles comportent une part d’indétermination du fait qu’elles sont un composé de matière et de forme, ou aussi bien d’indétermination et de détermination. En ce sens, passer de la puissance à l’acte, c’est recevoir une détermination (formelle) supplémentaire. C’est ce qu’indique mieux que tout autre l’exemple aristotélicien courant de la fabrication technique de la statue sculptée dans l’airain : l’airain est un matériau indéterminé, doté de certaines qualités plastiques, qui va recevoir une forme particulière à la faveur de l’intervention technique. L’airain, dit Aristote, est en puissance la statue que réalise le sculpteur. Ce qui est vrai de l’airain dans cet exemple l’est de la matière en général, qui est l’indétermination même, ce qu’il y a de plus « en puissance », susceptible qu’elle est de recevoir toutes les formes possibles, de donner lieu à tous les mouvements et à toutes les réalisations. En Métaphysique, Λ, 5, alors qu’il identifie la matière à la puissance, Aristote ajoute que l’acte est pour sa part du côté de la forme. Il établit ainsi une certaine continuité entre ce qui est indéterminé (la puissance) et la détermination proprement dite (l’acte), et il suggère que toute chose, à l’exception de l’acte pur qui est au principe de tout, est un composé d’indétermination matérielle et de détermination formelle. Selon Plotin, une telle hypothèse a pour conséquence que tous les actes, à l’exception de celui du premier moteur, comportent une part d’indétermination matérielle. Et cette conséquence est inacceptable pour Plotin qui soutient au contraire que les trois principes sont des actes qui ne sont en rien en attente d’une « actualisation ». Selon Aristote, la puissance s’actualise à la faveur d’une action (l’homme éduqué que je suis en puissance devient éduqué en acte via l’action du tiers pédagogue ; l’airain devient statue quand le sculpteur l’informe). C’est dire que la puissance est sous condition d’un acte, ce qui n’est pas non plus admissible selon Plotin, qui veut au contraire établir que la puissance des réalités véritables s’exerce toujours entièrement : elle est un pouvoir d’action et de production qui n’est jamais en attente de sa réalisation. Le traité 25 (II, 5) reprendra cet argument avec davantage de précision et de complexité.
[28] La remarque comporte une nuance : Plotin ne dit pas, en effet, que le Premier « engendre quelque chose », mais bien que quelque chose naît de lui. Cette nuance, préparée par ce qui précède, dit bien que la constitution de ce qui est engendré est l’œuvre, pour surprenant que cela puisse paraître, du rejeton lui-même, qui existe à la mesure de l’imitation qu’il parvient à réaliser de son principe.
[29] Défini comme perfection, le Premier est ainsi la norme qui permet de juger de la valeur de ce qui vient après lui. Voir, supra, la note 14.