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Lavelle : Introduction à la dialectique de l’éternel présent

quinta-feira 28 de agosto de 2014, por Cardoso de Castro

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Il y a plus : une telle opération ne saurait dans aucun cas entamer l’être même qui la fait; et ceux qui voudraient faire la place la plus grande au néant ne réussissent à le poser que par un acte de néantisation qui non seulement suppose l’être qu’il néantit, mais encore, en tant qu’il est constitutif de la conscience, lui donne à elle-même son être idéal (ou spirituel) [Les difficultés d’une telle entreprise sont comparables à celles qu’avait rencontrées Descartes   lorsqu’il avait voulu démontrer qu’il n’existe de mouvement que dans le plein. Et sans doute la solution la plus facile serait de donner au temps une valeur absolue et de faire émerger l’être du néant de manière à faire parcourir aux choses tout l’intervalle qui sépare le néant de l’être. Mais il nous a semblé que, si notre vie temporelle se déployait toujours dans le temps comme le passage de l’un de ses modes à un autre, c’était par la solidarité de tous ces modes qu’elle acquérait son caractère de gravité en témoignant du retentissement de la moindre de ses démarches sur la totalité même de l’être.].

Ce que nous voulions démontrer par cette critique, c’est donc que nous sommes de plain-pied avec l’Être, qu’il est vain de vouloir définir le sujet, comme on le fait presque toujours, en disant qu’il se constitue soit en se séparant de l’être, soit par une quête de l’être : car, d’une part, cette séparation, même si elle était possible, ferait de lui seulement un être séparé, bien qu’elle consistât plutôt dans un privilège accordé à cette forme de l’être qui est moi en tant qu’elle peut servir de repère à toutes les autres; et, d’autre part, cette quête de l’être n’est pas étrangère à l’être, car il y a un être de la quête elle-même qui nous permet seulement de mesurer la distance entre l’être qui dit moi et le tout dont il participe. Il est donc impossible d’imaginer que je ne sois pas de niveau avec l’Être. Je ne m’en détache qu’afin de fixer mes propres limites que j’entreprends toujours de dépasser. Et bien que je lui sois toujours uni de fait, je cherche à faire de cette union un acte subjectif qui fonde et édifie l’être qui est mon être.

C’est donc une même chose d’exclure le néant et d’affirmer l’universalité de l’être. On a confondu quelquefois le néant avec l’être pur, c’est-à-dire avec l’être privé de toute détermination. Mais la simplicité du mot être ne doit pas nous abuser, car l’être pur, c’est non pas sans doute le total, mais la source de toutes les déterminations que l’on obtient non pas en y ajoutant, mais en le divisant, en actualisant séparément toutes les puissances qu’il recèle. Quant à l’universalité de l’être, elle éclate dès que l’on aperçoit qu’il est impossible de rien poser autrement qu’en posant l’être même de ce que l’on pose, de telle sorte que la nature même de ce que l’on pose n’est précisément, à l’égard de l’être, qu’une de ses déterminations possibles parmi une infinité d’autres.


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