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L’originalité de la communion chrétienne avec Dieu.
quarta-feira 26 de setembro de 2007, por
CHAPITRE PREMIER - L’Agapè.
I - L’ « AGAPÈ » ET LA COMMUNION AVEC DIEU.
2. — L’originalité de la communion chrétienne avec Dieu.
On peut observer aux heures décisives de l’histoire religieuse, au moment où jaillit un élément nouveau, que bien que l’on ait conscience des réalités qui apparaissent, on reste attaché aux valeurs anciennes déjà données. Ce n’est pas aussi extraordinaire qu’il peut sembler à première vue. C’est le signe que les transformations réellement importantes sont d’origine interne et que la vie nouvelle brise progressivement les formes anciennes pour s’en créer de nouvelles. La Réforme en est un exemple. Luther ne prétend pas fonder une nouvelle Eglise. Il reste fidèle, aussi longtemps qu’il le peut, à l’Eglise ancienne. Ce n’est que sous la pression des événements que son action réformatrice aboutit à la création d’une Eglise nouvelle et indépendante.
Mais le plus bel exemple nous est offert par l’apparition du christianisme. Il y a en lui quelque chose d’absolument nouveau et, cependant, le contact avec l’ancien état de choses se trouve maintenu. Jésus ne se présente pas comme le fondateur d’une nouvelle religion; et pourtant le christianisme s’oppose au judaïsme dont il est issu, comme une religion nouvelle et de nature différente. Jésus se meut au milieu des formes créées par la piété de l’Ancien Testament. Loin de lui de vouloir les supprimer. Il n’est pas venu pour abolir la Loi et les prophètes, mais pour les accomplir. Il n’est pas venu pour annoncer un Dieu nouveau. Son Dieu est celui de l’Ancien Testament, le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Tout son effort tend vers ce seul but : amener les hommes à communier avec ce Dieu. Et c’est précisément sur ce point qu’apparaît l’élément nouveau et décisif. Jésus ne veut pas apporter de, nouvelles conceptions ou de nouvelles idées de Dieu, mais une nouvelle communion avec Lui. La nouveauté réside dans ce qu’il y a de plus intime dans la vie religieuse, à savoir dans la communion avec Dieu. Pour reprendre l’image dont s’est servi Jésus (Matth., 9, 17), c’est le vin nouveau qui fait rompre les vieilles outres, et le christianisme naît du judaïsme comme une religion absolument nouvelle. La communion chrétienne avec Dieu est entièrement différente, par sa nature, de cette même communion telle qu’elle existait dans le judaïsme. Ceci explique que malgré leurs liens historiques, leur union et leur parenté, le christianisme et le judaïsme sont foncièrement différents. En quoi consiste donc l’originalité de la communion chrétienne avec Dieu ?
« Je ne suis pas venu pour appeler les justes, mais les pécheurs. » (Marc, 2, 17.) Par ces mots, Jésus bouleverse radicalement l’ordre tout entier des valeurs juives. Il est difficile d’imaginer une thèse attaquant plus violemment les idées traditionnelles. Que l’on se représente les sentiments qui se liaient, chez les Juifs, à la notion d’homme « juste ». A l’opposition qui sépare le juste et le pécheur, le pieux et l’impie, se rattachait un jugement de valeur bien déterminé. A ce sentiment naturel vient s’ajouter un puissant facteur religieux. Le juste aime la Loi de Dieu et cette Loi l’ennoblit. La piété régie par la Loi, telle qu’elle était pratiquée dans l’Ancien Testament, ne s’identifie pas à un légalisme formel. Un lien étroit unit l’homme pieux à la Loi. Le juste n’éprouve pas, en face d’elle, un sentiment de contrainte, mais un sentiment d’intime solidarité. Il trouve son plaisir dans la Loi de l’Eternel et, s’il l’accomplit, il prend de la valeur et se rend agréable à Dieu. Il se trouve dans l’état d’âme que nous rencontrons dans le Psaume I : « Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne marche pas sur la voie des pécheurs et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs, mais qui trouve son plaisir dans la Loi de l’Eternel et qui parle d’elle jour et nuit. Il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau, qui donne son fruit en sa saison et dont le feuillage ne se flétrit point. Et tout ce qu’il fait, réussit. Il n’en est pas ainsi des méchants : ils sont comme la paille que le vent dissipe. C’est pourquoi les méchants ne restent pas dans l’assemblée des justes. Car l’Eternel connaît la voie des justes; et la voie des pécheurs mène à la ruine. » Entre le juste et le pécheur se trouve ainsi tracée une limite qui, au regard de Dieu et des hommes, est absolue.
Et voici que Jésus vient renverser tout cela; il mange et boit avec les péagers et les pécheurs et déclare : « Je ne suis pas venu pour appeler les justes, mais les pécheurs. » A ceux qui avaient été élevés dans la piété régie par la Loi, cela dut apparaître comme l’attaque la plus violente dirigée contre le fondement de la religion et de la morale. Ce n’était pas seulement un dogme isolé qui était mis en cause; cette attaque visait l’essence même de la piété régie par la Loi et atteignait, par là, le sentiment le plus profond de la valeur de la religion traditionnelle. Cette attaque se trouve encore aggravée du fait que Jésus ne présente pas ce renversement des valeurs comme l’effet d’un sentiment personnel, mais qu’il lui donne un fondement religieux objectif. Ce n’est pas lui seulement, mais Dieu qui juge ainsi. Quand Jésus appelle les pécheurs, il ne le fait pas en vertu de sa propre autorité. Au contraire, c’est pour cela qu’il a été envoyé. Rattachant ce renversement des valeurs à la conscience qu’il a de sa vocation, il le fonde par là-même en Dieu. Il agit ainsi en Son nom. Son action est une image de celle de Dieu. Celui-ci cherche le pécheur et veut le recevoir dans Sa communion. La communion avec Dieu n’est pas une communion régie par la Loi, mais par l’amour. La position de Dieu à l’égard de l’homme n’est pas caractérisée par la justitia distributiva, mais par l’agapè, non par la justice qui punit et récompense, mais par l’amour qui donne.