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Lavelle : La Présence Totale - Introduction

quinta-feira 28 de agosto de 2014, por Cardoso de Castro

  

INTRODUCTION

Le petit livre qu’on va lire exprime un acte de confiance dans la pensée et dans la vie. Pourtant, dans les époques troublées, la plupart des hommes ne se laissent ébranler que par une philosophie qui justifie leur gémissement devant le présent, leur anxiété devant l’avenir, leur révolte devant une destinée qu’ils sont obligés de subir, sans être capables de la dominer. La conscience cherche une amère jouissance dans ces états violents et douloureux où l’amour-propre est à vif et qui, par la secousse même qu’ils impriment au corps et à l’imagination, nous donnent enfin l’illusion d’avoir pénétré jusqu’à la racine même du réel. Ce n’est qu’en apparence que l’on aspire, à s’en délivrer ; on redouterait plutôt qu’ils ne fussent jamais assez aigus, comme un poinçon dont le mouvement s’arrêterait court.

Alors la conscience se jette dans la solitude, afin de mieux se sentir livrée au malheur de l’abandon ; elle s’oblige elle-même à descendre dans cet abîme de misère où le néant l’environne, où aucune voix ne lui répond, où les forces de la nature semblent coaliser contre elle leur indifférence et leur brutalité. On veut qu’il y ait une sorte d’impuissance, de désespoir et de malédiction qui soient inséparables de la réflexion. Pour l’en affranchir, on ne peut lui demander que de se renoncer elle-même, d’écouter la voix du groupe, de devenir la servante de l’instinct de domination, et de collaborer à une tâche temporelle qui, en lui permettant de se dépasser, lui fait oublier le souci de sa vocation éternelle.

Est-il vrai que la conscience n’ait le choix qu’entre le malheur lucide de son existence séparée, et cette aveugle abdication par laquelle elle emprunte à la discipline de l’action l’élan qu’elle ne trouve plus en elle ? Nous voudrions montrer que le propre de la pensée n’est pas, comme on le croit, de nous séparer du monde, mais de nous y établir, qu’au lieu de nous resserrer sur nous-même, elle nous découvre l’immensité du réel dont nous ne sommes qu’une parcelle, mais qui est soutenue et non point écrasée par le Tout où elle est appelée à vivre. En elle et dans le Tout, c’est le même être qui est présent, sous une forme tantôt participée et tantôt participante ; c’est la même lumière qui nous découvre tantôt sa face éclairante et tantôt sa face éclairée ; c’est le même acte qui s’exerce tantôt en nous, tantôt sans nous, et qui nous rend comptable et responsable à chaque instant de notre propre existence, en même temps que de celle du Tout.


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