Página inicial > Patocka, Jan > Patocka (1992:180-181) – objectidade
Patocka (1992:180-181) – objectidade
segunda-feira 18 de dezembro de 2023
Erazim Kohak
Take as an example the things of our ordinary surroundings. These are realities we encounter in persona. The table, the typewriter, the landscape, the brook, the forest are there before me as themselves, not as represented by our subjective impressions, whenever I perceive them as present. However, for the physicist, who works with purely conceptual schemata, the real world is the world of physics, and that world seems to him related to our “subjective image” of this physical world by the causal bond of neurophysiology. Phenomenology reveals something important, that the thing, the real thing itself, in persona, is the thing of our perception and of our immediate practice—as opposed to its mere presentation, memory, verbal allusion when we merely speak of it, without its living presence; the thing with its practical qualities— the road as fit for walking or driving, the landscape that beckons us, the night forest with its terrifying and mysterious solitude, the joyful or the merciless blue of the sky above, these are the things themselves, not only their traits or qualities but their “expressive cast” as well, their mutual references, their contiguity of form that makes for the close solidarity of the “appearance” and the presence of each of them—all those are originary characteristics, not “inserted” secondarily into impressions. For things as they appear to us are aspects of the world in its relation to us, in dialogue with us, they are what we meet of the world and in the world, what suits us or repels us, simply what of it we understand and what “addresses us” directly as meaningful, and this grasping of a given meaning, continuing in indefinitum, this anticipation which is constantly being confirmed or denied, continuing through corrections, in surprising or tedious but ever ready twists, is the perceiving of things—the most important task in which the world manifests itself to us and coexists with us, continuously, ever anew, ever making a claim on us. The constitution of the thing is this achievement, continuous, spreading out endlessly. To say it is an achievement does not imply subjectification because meaning is not captured simply by opening our eyes but rather with “all of our soul”—we know already (from the example first presented in Philosophy of Arithmetic with respect to number) that activity is the presupposition for this capturing of meaning, that objectivity cannot become meaningful for us in any other way, and yet it does not cease to be objectivity: quite the contrary, it only becomes such on this basis.
Erika Abrams
Considérons par exemple les choses de notre environnement de tous les jours. Ce sont des réalités que nous rencontrons in persona. Une table, une machine à écrire, un paysage, un ruisseau, une forêt sont là-devant moi en personne chaque fois que je les perçois actuellement; ce sont les choses mêmes que je perçois, et non pas mes propres impressions subjectives en tant que représentants des choses. D’un autre côté, le physicien, qui travaille avec des schémas purement intellectuels, tient pour le monde vrai le monde de la physique, avec notre « image subjective » duquel le monde perçu serait uni par le lien causal de la neurophysiologie. La phénoménologie rend un service important en montrant que la chose, la chose proprement dite, véritable, en personne, est la chose de notre intuition et de notre praxis immédiate, telle qu’elle s’oppose à la présentification, au souvenir, à l’allusion ou à la simple visée verbale, quand nous en parlons sans qu’elle soit présente en tant que vivante. La chose avec ses caractères pragmatiques, le chemin avec sa praticabilité, le paysage avec l’appel qu’il nous lance, la forêt nocturne avec sa solitude effrayante et mystérieuse, le bleu éclatant ou implacable du ciel au-dessus de notre tête — ce sont là les choses mêmes, non seulement leurs propriétés, leurs qualités, mais encore leurs « propriétés expressives », leurs renvois réciproques, avec la complexion morphologique qui fait qu’il l’a, entre l’apparition et î’« apparence » de chacune d’entre elles, une solidarité étroite. Ce ne sont pas là des caractères « insérés » secondairement dans les impressions, mais des caractères originaires des choses. Les choses telles qu’elles se découvrent à nous sont, en effet, des aspects du inonde dans sa relation et son dialogue avec nous. Elles sont la partie du [181] monde que nous rencontrons, qui vient au-devant de nous ou nous repousse — la partie du monde que nous comprenons et qui nous « parle » directement comme pourvue de sens. Cette appréhension du sens donné qui se poursuit in indefinitum, cette anticipation du sens qui chaque fois se confirme ou se dément, se continue à l’intérieur des corrections, prenant des tournures tantôt banales, tantôt inattendues, jamais en défaut, c’est la perception des choses — l’accomplissement le plus important dans lequel le monde se montre à nous et coexiste avec nous, perdure en des guises toujours nouvelles, toujours susceptibles d’intuition. La constitution des choses est cette effectuation qui se déploie continûment, à l’infini. Le fait qu’il s’agisse d’une effectuation n’implique pas une subjectivation, car la saisie du sens est quelque chose qu’on n’opère pas simplement en ouvrant les yeux, mais qui requiert le concours de l’« âme » tout entière. Nous savons déjà (par les exemples dont Husserl a fait état pour la première fois dans la Philosophie de l’arithmétique, par rapport au nombre) que l’activité est une présupposition de cette saisie. Il n’y a point d’autre manière dont une objectité puisse acquérir un sens pour nous, mais elle ne cesse pas pour autant d’être une objectité ; au contraire, elle ne le devient que sur ce fondement.
[PATOCKA , Jan. Introduction à la phénoménologie de Husserl. Grenoble: Jérôme Millon, 1992]
Ver online : Jan Patocka