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Choix d’un point de départ permettant de définir l’idée d’agapé.
quarta-feira 26 de setembro de 2007, por
Ce n’est pas une moindre erreur que d’essayer de donner une origine sociale à la transmutation des valeurs morales, qui se produit dans le christianisme. Troeltsch le constate avec raison : « Pour comprendre la tendance foncière du christianisme dans ses rapports avec les problèmes sociaux, il est essentiel de savoir que la prédication de Jésus et la formation d’une communauté religieuse nouvelle ne résultent pas d’un mouvement social. Elles ne sont pas issues d’une lutte de classes, elles ne visent pas à en provoquer et ne se rattachent nullement aux bouleversements sociaux de la société antique ».
Dans cet ordre d’idées, rappelons la tentative que fit Nietzsche pour expliquer l’amour chrétien comme un ressentiment né de la haine juive. « Du tronc de cet arbre de vengeance et de haine, de haine juive..., de la haine la plus profonde et la plus sublime, celle qui forge des idéaux et transmute des valeurs, — haine telle qu’il n’y en eût jamais de semblable sur terre..., naquit quelque chose d’incomparable, un amour nouveau, le plus profond et le plus sublime amour... Ce Jésus de Nazareth, personnification de l’Evangile d’amour, ce « Sauveur » apportant la victoire et la félicité aux pauvres, aux malades et aux pêcheurs — n’était-il pas la séduction sous sa forme la plus sinistre et la plus irrésistible, la séduction et le biais qui mènent précisément à ces valeurs et à ces nouvelles formes d’idéal juives ? ». Nietzsche a vu, avec raison, que l’amour chrétien entraîne une transmutation de toutes les valeurs antiques qu’il estimait par dessus tout. Mais le fait qu’il en a situé, arbitrairement, le point de départ dans l’idée d’un ressentiment, l’a empêché de reconnaître l’originalité de l’amour chrétien et l’a amené à confondre "cet amour avec l’altruisme vulgaire. D’après une conception analogue, l’amour chrétien serait, tout uniment, la négation de l’idée de justice distributive. Plusieurs raisons militent en faveur de cette interprétation. L’un des caractères les plus" frappants de l’amour chrétien est d’apparaître comme la transmutation de toutes les valeurs admises jusque là. Il a, par rapport à elles, une valeur critique. Il en est ainsi, par exemple, dans les oppositions bien tranchées du Sermon sur la montagne. Si l’on s’en tient à cette forme antithétique, on est tenté de penser que la communauté chrétienne se sentait naturellement opposée au judaïsme régnant et que cette opposition caractérisait également son attitude morale. Ce que le judaïsme affirmait, le christianisme le niait. Alors que les Juifs appliquaient à la lettre le principe de la justice distributive : « Œil pour œil, dent pour dent », le commandement chrétien était : « Vous ne résisterez pas au mal. » (Matth., 5, 38 et ss.) Tandis que les Juifs ! interprétaient le commandement d’aimer en disant : « Tu aimeras ton prochain et haïras ton ennemi », le christianisme commandait : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » (Matth., 5, 43.) En somme, l’amour chrétien serait déterminé par le fait qu’il s’adresse aux ennemis.