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Crouzel (OP:481-484) – providência [pronoia]

domingo 1º de setembro de 2024

  

La providence, c’est-à-dire ici l’Âme du Monde, est à l’origine du mouvement circulaire du ciel ((II, 2 (14), 1,1. 25 ; II, 3 (52), 6,1. 16 ss.)). Il est impie de dire avec les gnostiques qu’elle ne pénètre pas dans le monde d’ici-bas, ni dans n’importe quel monde, mais qu’elle s’occupe seulement d’eux, les gnostiques. Le monde sensible a quelque chose de celui d’en haut et n’est pas abandonné par la providence ni ne le sera. Elle s’occupe du tout plus que des parties ((II, 9 (33), 16,1. 14 ss.)).

Les traités 47 et 48 (III, 2 et III, 3) forment en réalité un seul traité que Porphyre   a coupé en deux et intitulé : “De la Providence”. Il est absurde d’attribuer au hasard l’existence de cet univers, même si son gouvernement par la providence présente des difficultés. Il ne s’agit pas d’une providence qui a besoin de réfléchir avant d’agir, ou qui aurait créé un monde qui n’aurait pas existé auparavant et l’aurait fait avec prévision et raisonnement, car le monde existe depuis toujours et pour toujours. La providence du monde c’est le fait qu’il découle de l’Intelligence qui lui est antérieure non chronologiquement mais logiquement et qui est sa cause en tant qu’archétype et paradigme du monde sensible, [481] son image. L’intelligence, en tant qu’elle est l’intelligible, est le monde vrai et premier ((III, 2 (47), 1,1. 1.)). On peut en conclure que la notion de providence ne s’applique qu’indirectement à l’Un, seulement comme origine première de tout. La providence est l’oeuvre de l’Intelligence qui agit par son intermédiaire constant, l’Âme du Monde.

Le monde sensible tire son existence de ce monde intelligible. Il ne naît pas d’un raisonnement qui conclurait qu’il doit naître, mais “de la nécessité d’une nature seconde”, l’Intelligence, qui avait la puissance de faire naître un autre être sans chercher à le faire. Elle n’a pas agi comme un artisan. L’univers sensible n’est pas intelligence et raison comme l’intelligible, mais y participe. L’Âme du Monde préside à ce mélange de matière et de raisons qui constitue le monde sensible : elle le gouverne très facilement, par sa présence pour ainsi dire ((Ibid. 2,1.1 ss.)). Le monde est beau, si on regarde les ensembles sans attacher aux parties une importance trop grande ((Ibid. 3,1. 1 ss.)). Une vision optimiste du monde est ainsi développée par Plotin   malgré les luttes qui divisent la nature et les injustices des hommes. Les âmes ne dépendent pas de la génération : elles existent toujours, avant comme après leurs incarnations ((Ibid. 4,1. 1 ss.)) Les âmes sont heureuses ou malheureuses, malheureuses par leur faute, mais tout est récupéré dans le grand ordre de la nature et le mal a lui aussi son utilité ((Ibid. 5,1. 1 ss.)). Il arrive que le bon soit malheureux, le mauvais heureux, et cela constitue une objection contre la Providence : il faut la résoudre pour montrer que le monde dépend d’une intelligence ((Ibid. 6,1. 1 ss.)). L’homme ne peut avoir immanquablement le bonheur parce qu’il est un être mélangé et qu’il n’est pas absolument semblable à son archétype qui est dans l’intelligible. Il ne faut pas accuser la providence de la méchanceté des hommes : les âmes ont des mouvements propres dont la providence n’est pas responsable. Il n’est pas vrai cependant que la providence ne s’étendrait pas jusqu’à la terre : animaux et plantes participent à la raison, à l’âme [482] et à la vie ((Ibid. 7,1. 1 ss.)). L’homme est situé entre les dieux et les bêtes, il n’est pas l’être le plus précieux de l’univers : les hommes sont bons, mauvais ou entre les deux. Si les uns dominent et les autres sont dominés, c’est que les premiers se sont exercés et non les seconds. Ce sont les armes et le courage qui font gagner la guerre, non les prières : on n’obtient pas de fruits en priant, mais en travaillant. Les méchants commandent à cause de la lâcheté des gouvernés ((Ibid. 8,1. 1 ss.)). La providence n’est pas seule et tout à elle seule, l’homme est aussi quelque chose que le divin ne supprime pas. Elle promet dans une vie future récompenses ou châtiments, car l’homme a la responsabilité de lui-même et de son destin ((Ibid. 9,1. 1 ss.)). Même le péché involontaire c’est l’homme qui le fait. L’influence des astres sur les hommes n’a pas une force telle que rien n’est en notre pouvoir (ἐφ ἤμῖν). L’homme va vers le bien par sa nature propre et le principe de son action c’est le libre arbitre (αὐτεξούσιον) ((Ibid. 10,1. 1 ss.)). La raison ne veut pas que tout soit bon, de la même façon qu’un artiste met une diversité dans son tableau : elle n’a pas fait que des dieux, elle a fait aussi des démons, des hommes et des animaux, parce qu’elle a en elle une diversité intelligible. Un drame n’est complet qu’avec les rôles inférieurs ((Ibid. 11,1. 1 ss.)). La raison n’est pas faite de choses toutes semblables et l’harmonie des âmes vient de ce que chacune est mise selon ses mérites dans le lieu convenable ((Ibid. 12,1. 1 ss.)). Il ne faut pas voir seulement le présent, mais aussi le passé et l’avenir, et les conditions diverses et changeantes des hommes, des maîtres devenant esclaves ou des riches devenant pauvres parce qu’ils ont mal utilisé leurs conditions antécédentes — il s’agit de métempsychose —. Les diverses conditions des hommes ne viennent pas du hasard : tout est ordonné et cet ordre voulu par la providence s’étend aux animaux et aux plantes. Le divin agit toujours selon sa nature qui porte en elle le beau et le juste ((Ibid. 13,1. 1 ss.)). L’ordre du monde ne vient pas d’un raisonnement, mais il aboutit à des résultats qui dépassent ceux des raisonnements les plus parfaits. C’est folie [483] d’accuser la raison à cause des différences qui existent entre les êtres du monde sensible ((Ibid. 14,1. 1 ss.)). La matière est-elle cause de cet état de lutte où il se trouve ou est-elle ainsi faite par la faute de la raison ? La mort est nécessaire pour que d’autres puissent vivre. Elle n’a rien de terrible, la pauvreté non plus. La vie est comparable à une pièce de théâtre et l’homme qui ne sait vivre que de la vie d’en bas y est un acteur ou mieux un jouet ((Ibid. 15,1. 1 ss.)). Où est alors la méchanceté et le péché ? Toute vie est acte, un mouvement qui ne vient pas du hasard, un acte artistique comme celui du danseur. C’est en faisant déficientes les parties de l’univers que cette raison engendre la guerre : car l’unité établie par la raison passe par la constitution de contraires ((Ibid. 16,1. 1 ss.)). Il y a une harmonie des contraires. Les méchants ne sont pas tels par eux-mêmes, mais ils sont des acteurs et l’auteur du drame donne à chacun le rôle que l’auteur a choisi. L’Âme du Monde harmonise les différents sorts qui lui viennent selon la raison et, les ayant harmonisés, elle les adapte au drame et à la raison universelle pour former une seule harmonie finale. Le mal est à situer en fonction de la beauté même de l’univers : c’est ce qui est contre nature conçu dans le cadre de la nature : il est nécessaire comme le bourreau dans la ville ((Ibid. 17,1. 1 ss.)). La coexistence du bien et du mal est nécessaire : le mal peut avoir des conséquences bonnes. Nous priverions la raison des bonnes actions en lui enlevant les mauvaises car ces dernières sont nécessaires à l’existence des premières ((Ibid. 18,1. 1 ss.)).