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Bréhier-Plotin: Banquet

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Pourtant, peut-on dire que Plotin   suit ici Platon   ? Assurément, le cadre du traité est platonicien ; il décrit l’ascension de l’âme vers le Bien, et il y distingue deux degrés ; celui qui correspond aux descriptions du Phèdre  , du Banquet  , et aux premières démarches de l’éducation scientifique dans le livre VII de la République   (jusqu’à la dialectique exclusivement) ; dans ce premier degré, l’âme s’évade du monde sensible. Le deuxième degré est la dialectique (celle des livres VI et VII de la République et du Sophiste) et consiste en un voyage à travers les intelligibles ; elle a pour objet l’être et non pas les discours. ENNÉADES - Bréhier  : I, 3 [20] - De la dialectique Notice Traducteur

Ce célèbre traité est un de ceux qui font le mieux voir comment Plotin utilise les dialogues platoniciens, en introduisant entre eux un ordre systématique ; toute la série des questions sur le Beau, qui ouvrent le traité, provient de l’ Hippias majeur. D’après Plotin, ce sont les questions de l’ Hippias qui trouvent leur solution dans le Banquet et dans le Phèdre, comme il le fait voir à partir du chapitre IV. Mais, avant d’aborder cette solution, Plotin rencontre d’abord la théorie stoïcienne du Beau, qui, partant de la beauté plastique, de celle d’une statue, et définissant la beauté par la symétrie, assimilait complètement la beauté intellectuelle à la beauté sensible ; et il la critique, parce qu’elle refuse d’admettre, entre les divers ordres de beauté, cette hiérarchie ascendante qui fait le fond de la doctrine platonicienne. À partir du chapitre II, il prend pour guide le discours de Diotime dans le Banquet, passant de la beauté sensible à la beauté des âmes, et de celle-ci au Beau en soi. Mais, sur la beauté des corps, il ne trouve chez Platon que d’assez vagues indications ; sans doute il y voit que la beauté sensible vient de la participation à une idée, et que l’âme reconnaît et aime cette beauté parce qu’elle se souvient des idées ; mais la participation équivaut à l’information de la mati  ère par la forme ; et c’est là le langage non plus de Platon, mais d’Aristote  , par lequel Plotin, dans toute cette partie, est visiblement séduit comme dans tous les cas où un néoplatonicien a à traiter des choses sensibles. Quand il vient à parler des beautés non sensibles, il utilise le Phèdre et le Banquet. Encore faut-il remarquer qu’il y mélange intimement, comme on le voit au chapitre V et à la fin du chapitre IX, des idées morales empruntées au Phédon   et au Théétète   sur la vertu purification et sur l’évasion du monde sensible, idées qui, dans les dialogues platoniciens, sont loin d’être aussi intimement unies à la dialectique de l’amour. Enfin, dernière interprétation, étrangère au platonisme original : le Beau, terme de l’ascension de l’âme dans le Banquet, est identifié au monde des Idées ; de plus, il est subordonné au Bien, qui devient le terme dernier de l’amour. Tel est le résultat d’un long effort, commencé sans doute bien avant Plotin, pour introduire une cohérence doctrinale dans l’ensemble des dialogues de Platon. ENNÉADES - Bréhier: I, 6 [1] - Du Beau 9

Parlons maintenant de l’Amour qu’on prétend être un dieu ; ce n’est pas seulement une opinion courante, c’est celle des théologiens et de Platon. Platon en maint passage appelle Éros fils d’Aphrodité ; il en fait le gardien des beaux enfants, celui qui meut leurs âmes vers la beauté intelligible ou qui fortifie la tendance déjà existante qui les y porte. C’est de cet Amour et de lui surtout que la philosophie doit parler. Recevons aussi l’enseignement que Platon nous a donné dans le Banquet ; ici Eros n’est plus né d’Aphrodité, mais de Poros et de Pénia, le jour de la naissance d’Aphrodité ; mais qu’il soit né d’elle, ou qu’il soit né en même temps qu’elle, le sujet exige que nous parlions d’Aphrodité. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 2

Mais quelle est la nature du démon et en général des démons, dont il est parlé dans le Banquet ? Qui sont les démons ? Qui est Éros, ce fils de Pénia et de Poros, fils de Métis, qui est né le jour de la naissance d’Aphrodité ? L’interprétation qui fait de cet Éros le monde sensible et non point quelque chose de ce monde, à savoir un Éros né en lui, est bien contraire à la vraisemblance ; car le monde est un dieu bienheureux, qui se suffit à lui-même, tandis que Platon reconnaît en Eros, non pas un dieu ou un être satisfait de lui-même, mais un être toujours besogneux. De plus, puisque le monde est fait d’une âme et d’un corps, et que l’âme du monde est l’Aphrodité du monde, il s’ensuit nécessairement qu’Aphrodité serait une partie d’Éros, et la principale (à moins que l’âme du monde ne soit le monde lui-même, au sens où l’âme de l’homme est l’homme véritable ; mais alors Éros, pour désigner le monde, devrait être Aphrodité). En outre pourquoi Eros, qui est un démon, désignerait-il le monde, tandis que les autres démons, qui sont évidemment de même essence que lui, ne le désigneraient pas aussi ? Le monde serait alors composé de démons ! Enfin comment désigneraitil le monde, celui qu’on appelle le gardien des beaux enfants ? Combien ne serait-il pas mesquin et déplacé d’appliquer au monde ce que Platon dit d’Éros : sans lit, sans chaussure et sans maison. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 5