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Berdyaeff: LA DIALECTIQUE DU DIVIN ET DE L’HUMAIN D’APRÈS LA PENSÉE ALLEMANDE.

domingo 6 de abril de 2008, por Cardoso de Castro

La dialectique de la Trinité Divine suppose une révélation trinitaire, c’est-à-dire qu’on arrive à admettre la possibilité et même la nécessité d’une troisième révélation. Mais cela signifie que les deux époques précédentes doivent être interprétées à la lumière du Trinitarisme, c’est-à-dire à la lumière de la révélation de l’Esprit, elle-même, considérée comme révélation définitive. C’est seulement dans l’Esprit que s’accomplit et s’accomplira la révélation du Divin et de Dieu-Homme. Ce sera la révélation de la liberté, de l’amour, de la force créatrice, révélation de la créature divine. C’est ainsi que s’effectuera la fusion de la théologie mystique apophatique et de l’anthropologie existentielle cataphatique. On peut considérer comme tout à fait périmées les discussions auxquelles on s’était livré à propos de l’idéalisme allemand et des courants modernistes nés au sein du catholicisme et du protestantisme. L’immanentisme de Hegel ou d’E. Hartmann, d’un type nettement moniste, se trouve en dehors du problème de l’humanité de Dieu qui m’intéresse ici. Le vieil immanentisme, tout comme le vieil évolutionnisme, ne tenait aucun compte du moment catastrophique que présente l’expérience spirituelle, des ruptures du chemin spirituel. Sous ce rapport, la pensée de Kierkegaard apparaît comme très importante. La philosophie existentielle, pour autant qu’elle touche aux profondeurs mêmes de l’existence du sujet et repose sur l’expérience spirituelle, ne peut être une philosophie immanente, au sens que lui attachait le xix° siècle. Mais ici nous nous heurtons à des contradictions antinomiques. La révélation du divin dans l’homme, l’élévation de l’homme au niveau du divin sont l’effet d’une discontinuité, d’une transcendance. Qu’une certaine expérience du transcendant et de la transcendance soit inhérente à l’homme, c’est là un fait qu’on ne saurait nier, sans faire violence à l’expérience réelle. L’homme est une créature qui se transcende, qui dépasse ses limites, qui aspire au mystère et à l’Infini. Mais l’expérience du transcendant et de la transcendance est une expérience intérieure, spirituelle et, comme telle, on peut la qualifier d’immanente [21]. Ici l’immanentisme signifie, non le fait de rester enfermé dans des limites, mais celui de dépasser ces limites. Le transcendant rejoint l’homme en venant non de l’extérieur, mais de l’intérieur, de la profondeur. Dieu réside en moi à une profondeur plus grande que moi-même. C’est saint Augustin   qui l’a dit. C’est vers moi-même que je dois transcender. La profondeur qui peut devenir invisible, cachée dans l’homme, ne peut devenir visible, se découvrir que par une irruption, par la transcendance. La révélation du transcendant, loin de s’effectuer à la faveur d’une évolution, est un processus tragique du monde. Lorsque la révélation s’objective et se socialise, elle devient immanente à la conscience et à la société humaines. Le prophète, l’apôtre, le saint, le mystique, dépassent les limites de cette mauvaise immanence. Quand on parle de l’immanentisme du mystique, on ne doit pas oublier que cet immanentisme n’a rien de commun avec l’immanentisme du quotidien social, de la conscience bornée. La révélation du transcendant n’est pas l’effet d’une évolution, mais suppose des degrés, des époques tant par rapport à l’homme individuel que par rapport à l’histoire de l’humanité. Et nous sommes à la limite qui sépare la vieille époque agonisante de la nouvelle époque de révélation, d’un nouvel éon. Ce qui se passe dans les profondeurs de l’homme se passe également dans celles de Dieu. Lorsque nous pensons à des objets qui dépassent les limites de te pensée, les déviations dans lesquelles nous sommes entraînés et qui nous poussent dans diverses directions sont toujours dues à nos tentatives de rationaliser le mystère auquel nous nous attaquons, c’est-à-dire viennent toujours de ce que nous voulons traduire en langage notionnel ce qui est notionnellement inexprimable. Ce qui ne veut pas dire toutefois que nous soyons tout à fait incapables d’utiliser à cet effet le langage humain. Bien que d’une façon incomplète, le logos est toujours présent dans le langage humain, et il est possible, par la pensée et le langage, d’avancer vers la limite, de s’approcher du mystère. Il y a des idées-limites. Mais la pensée doit être fécondée par une expérience spirituelle totale. L’agnosticisme est une erreur, en ce qu’il impose des limites arbitraires aux possibilités humaines. Il faut affirmer le gnosticisme; mais le gnosticisme existentiel. L’ancien gnosticisme, celui des premiers siècles, qui contenait des déformations de l’expérience spirituelle, avait opéré avec des mythes. Nous devons, nous aussi, opérer avec des mythes, ne pas nous contenter de notions. Mais nos mythes à nous ne sont plus les mêmes que jadis, que les vieux mythes cosmiques, forgés par le paganisme. Non, notre mythe fondamental est celui du théoandrisme et de Dieu-Humanité, et ce mythe est un mythe réaliste.


[21D’autre part, c’est d’une façon inexacte et arbitraire que des philosophas existentialistes tels que Sartre (et non Japers) emploient le met « transcendant ».