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Berdyaeff: LA DIALECTIQUE DU DIVIN ET DE L’HUMAIN D’APRÈS LA PENSÉE ALLEMANDE.

domingo 6 de abril de 2008, por Cardoso de Castro

La conception statique ne peut se maintenir à la longue. Et c’est justement le Dieu chrétien, le Dieu de la religion qui est celle de la Vérité crucifiée, c’est justement ce Dieu-là, disons-nous, qui doit être conçu dynamiquement. Un processus de création dynamique s’accomplit en Dieu de toute éternité. Ceci ne veut pas dire que Dieu dépende du monde et du processus qui s’y déroule, mais que ce processus se rattache intimement à celui qui s’accomplit en Dieu, non dans le temps, mais dans l’éternité, c’est-à-dire au drame divin. Et c’est cela qui confère une signification d’éternel à ce qui se passe dans le monde et à ce qui arrive à l’homme. Si l’homme et le monde n’étaient pour Dieu d’aucune nécessité, ils ne seraient que des accidents et, de ce fait même, dépourvus de tout sens. Il faut avoir le courage de reconnaître que Dieu a besoin de l’homme, sans que ce besoin constitue une limitation de Dieu, sans qu’il soit question d’une atteinte à sa soi-disant immobilité de pierre et à sa prétendue suffisance. Dieu éprouve une nostalgie de l’aimé, et c’est cela qui confère à l’aimé un sens supérieur. La croyance en Dieu est une croyance en une Vérité supérieure, en une Vérité qui s’élève au-dessus de la non-vérité du monde. Mais cette Vérité exige une participation créatrice de l’homme et du monde, elle est à la fois divine et humaine, elle est le produit d’une humanité idéale. C’est dans cette union de la Vérité Divine et de la vérité humaine que réside tout le mystère de la vie religieuse. Les hommes ont cherché à justifier la vie par toutes sortes d’arguments rationnels et optimistes. On a fait appel, pour la justifier, soit à la traditionnelle idée théolosique de Providence divine partout présente (« Dieu est en tout »), soit à l’idée idéaliste-panthéiste de développement cosmique de l’Esprit, de la Raison, idée de Hegel, Schelling et autres grands idéalistes, soit enfin à l’idée positiviste de progrès, ce progrès devant aboutir à une vie plus parfaite, plus libre, plus rationnelle, plus juste, dans un temps à venir. Toutes ces justifications n’ont été, au fond, que des expressions du principe irrationnel inclus dans ce monde phénoménal, mais aucune n’a réussi à expliquer l’existence du mal qui règne dans le monde, aucune n’a saisi le caractère tragique du processus cosmique, ce qui a rendu la construction d’une théodicée impossible. Ce qui.me paraît le plus inacceptable, ce sont les diverses formes du panthéisme historique qui a une diffusion beaucoup plus large qu’on ne le pense généralement et qui se retrouve jusque dans les doctrines théologiques les plus orthodoxes. Ce qui est vrai pour notre monde phénoménal, ce n’est pas le panthéisme, mais le dualisme, puisqu’il est l’expression d’une lutte entre deux principes opposés. Mais ce dualisme n’est pas définitif. Le dernier mot, le mot encore inexprimé, appartient à Dieu et à la Vérité Divine. Ceci est au delà de tout pessimisme et de tout optimisme. Et en cela réside également notre dernière croyance. C’est grâce à elle que sera surmontée la tragédie de la liberté qui fut le chemin de l’homme et du monde qu’il porte en lui. Mais le monde qui se trouve au delà est incompatible avec un dualisme quelconque, ne supporte pas la séparation, qui rappelle trop le monde d’ici-bas, en paradis et enfer. Contrairement aux représentations propres à la conscience bornée, la chute de l’homme ne donne pas lieu à un processus judiciaire entre Dieu et l’homme, mais provoque une lutte dramatique et un effort créateur de l’homme pour répondre à l’appel divin. Le monde subit l’action non seulement de Dieu et de la liberté humaine, mais aussi celle du Fatum. Celui-ci signifie la chute dans la sphère extérieure, la séparation d’avec Dieu. Mais ce n’est là que le chemin. Pour la conscience chrétienne, pour l’Esprit religieux, le Fatum n’est pas insurmontable. Ce serait tomber dans une contradiction logique que de dire que le processus qui se déroule dans le temps enrichit l’éternité, puisque l’éternité renferme le temps. Mais une contradiction logique peut avoir pour nous un sens existentiel.