Página inicial > Amanda Coomaraswamy > HB: Dieux

HB: Dieux

sábado 3 de fevereiro de 2024

  

Dans cet éternel commencement, il n’y a que l’Identité Suprême de "Cet Un" (tad êkam) (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 129,1-3; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VI, 4, 8, 3 ; Jaiminîya Brâhmana, III, 359; Shatapatha Brâhmana, X, 5, 3, 1, 2.), sans distinction d’être et de non-être, de lumière et de ténèbres, ou encore sans séparation du ciel et de la terre. Le Tout est alors contenu dans le Principe, que l’on peut désigner par les noms de Personnalité, Ancêtre, Montagne, Dragon, Serpent sans fin. Relié à ce principe comme fils ou comme frère puîné - comme alter ego plutôt que comme principe distinct - apparaît le Tueur de Dragon, né pour supplanter le Père et prendre possession du Royaume, et qui en distribuera les trésors à ses séides (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 124, 4.). Car, s’il doit y avoir un monde, il faut que la prison soit détruite et ses potentialités libérées. Cela peut se faire, soit avec la volonté du Père, soit contre sa volonté. Le Père peut "choisir la mort en faveur de ses enfant (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 13, 4. "Ils ont fait de Brihaspati le Sacrifice, Yama a réparti son propre corps aimé".)", ou bien les Dieux peuvent lui imposer la passion et faire de lui leur victime sacrificielle (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 90, 6-8. "Ils ont fait du Premier-Né leur victime sacrificielle".). Ce ne sont pas là des doctrines contradictoires, mais des façons différentes d’exposer une seule et même histoire. En réalité, le Tueur et le Dragon, le sacrificateur et la victime sont Un en esprit derrière la scène, où il n’y a pas de contraires irréductibles, tandis qu’ils sont ennemis mortels sur le théâtre où se déploie la guerre perpétuelle des Dieux et des Titans (NA: Le mot dêva, comme ses analogues theos, deus, peut être employé au singulier pour "Dieu" ou au pluriel pour "dieux", souvent pour "Anges" ou "Demi-dieux", de même que nous disons "Esprit" en entendant le Saint-Esprit, alors que nous parlons également d’"esprits" et notamment d’"esprits malins". Les "Dieux" de Proclus   sont les "Anges" de Denys. Ceux qu’on peut appeler les "grands Dieux" sont les Personnes de la Trinité, Agni, Indra-Vâyu, Âditya, ou Brahmâ, Shiva, Vishnu, que l’on ne doit distinguer, et encore pas toujours nettement, que par rapport à leurs fonctions et leurs sphères d’opération. Les mixtæ personæ des entités duelles Mitrâvarunau et Agnêndrau sont la forme du Sacerdoce et de la Royauté in divinis ; leurs sujets, les "dieux multiples", sont les Maruts ou les Vents. Leurs équivalents en nous sont respectivement le Souffle immanent et central, désigné souvent comme Vâmadéva, souvent comme l’Homme Intérieur ou le Soi immortel, et les Souffles, ses dérivés et "sujets", autrement dit les facultés de voir, d’entendre, de penser, etc., dont notre "âme" élémentaire est un composé homogène, de même que notre corps est composé de parties fonctionnellement distinctes, mais agissant à l’unisson. Les Maruts et les Souffles peuvent agir par obéissance au principe qui les gouverne, ou se rebeller contre lui. Tout ceci est bien entendu un énoncé très simplifié. Cf. n. 35, p. 50.). 16 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

La passion est à la fois un épuisement et un démembrement. Le Serpent sans fin, qui demeurait invincible tant qu’il était l’Abondance une (NA: Taittirîya Aranyaka, V, 1, 3 ; Maitri Upanishad  , 11, 6 (a).), est disjoint et démembré comme un arbre que l’on abat et que l’on coupe en rondins (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 32.). Car le Dragon, comme nous allons le voir maintenant, est aussi l’Arbre du Monde, et il y a là une allusion au "bois" dont est fait le monde par le Charpentier (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 31, 7 ; X, 81, 4 ; Taittirîya Brâhmana, 11, 8, 9, 6 ; cf. Rig Vêda Samhitâ, X, 89, 7 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VI, 4, 7, 3.). Le Feu de la Vie et l’Eau de la Vie (Agni et Soma, le Sec et l’Humide), tous les Dieux, tous les êtres, les sciences et les biens, sont dans l’étreinte du Python, qui, en tant que "Constricteur" (namuchi), ne les relâchera pas tant qu’il ne sera pas frappé et réduit à s’entrouvrir et à palpiter (NA: Rig Vêda Samhitâ, 1, 54, 5, chvasanasya... chushnasya ; V, 29, 4, chvasantam dânavam ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 2, 4, janjabhyamânâd agnîshomau nirakrâmatâm ; cf. Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 13-15.). De ce Grand Être, comme d’un feu abattu et fumant, sont exhalés les Écritures, le Sacrifice, les mondes et tous les êtres (NA: Brihadâranyaka Upanishad, IV, 5, 11, mahato bhûtasya... êtânî sarvâni nihshvasitâni ; Maitri Upanishad  , VI, 32, etc. "Car toutes choses sont issues d’un seul être" (B?hme, Sig. Rer., XIV, 74). Également dans Rig Vêda Samhitâ, X, 90.), le laissant épuisé de ce qu’il contenait et semblable à une dépouille vide (NA: Shatapatha Brâhmana, 1, 6, 3, 1.5, 16.). Il en est de même de l’Ancêtre quand il a émané ses enfants, il est vidé de ses possibilités de manifestation, et tombe relaxé (NA: "Il est dépourvu d’attaches, vyasransata, c’est-à-dire non lié, ou disjoint, de telle sorte que, ayant été sans jointures, il est articulé, ayant été un, il est divisé et vaincu, comme Makha (Taittirîya Aranyaka, 1, 3) et Vritra (originellement sans jointures, Rig Vêda Samhitâ, IV, 19, 3, mais désunis, I, 32, 7). Pour la "chute" et la restauration de Prajâpati, voir Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 35 et passim ; Panchavimsha Brâhmana, IV, 10, 1 et passim ; Taittirîya Brâhmana, 1, 2, 6, 1 ; Aitarêya Aranyaka, III, 2, 6, etc. C’est par référence à sa "division" que, dans Katha Upanishad  , V, 4, la déité (dêhin) immanente est dite "dépourvue d’attaches" (visransamâna) ; car il est un en soi-même, mais multiple en tant qu’il est dans ses enfants (Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 16), à partir desquels il ne peut pas facilement se réunir (voir note 21).), vaincu par la Mort (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 4, 4, 1.), bien qu’il doive survivre à cette épreuve (NA: Panchavimsha Brâhmana, VI, 5, 1 (Prajâpati) ; cf. Shatapatha Brâhmana, IV, 4, 3, 4 (Vritra).). Les positions sont alors renversées , car le Dragon igné ne sera pas détruit et ne peut l’être, mais entrera dans le Héros, à la question duquel : "Quoi donc, me consumerais-tu?" il répond : "Je vais plutôt t’attiser (éveiller, raviver), afin que tu puisses manger (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 4, 12, 6. La nourriture est, d’une façon tout à fait littérale, consumée par le Feu digestif. Ainsi, quand on annonce un repas rituel, on dit : "Allume le Feu"... ou "Viens au festin", en manière de benedicite. Chose digne de remarque, tandis que l’on désigne habituellement le Soleil ou l’Indra solaire comme le "Personnage dans l??il droit", on peut tout aussi bien dire que c’est Chushna (le Consumeur) qui est frappé et qui, lorsqu’il tombe, entre dans l??il comme dans sa pupille, ou que Vritra devient l??il droit (Shatapatha Brâhmana, III, 1, 3, 11, 18). C’est une des nombreuses modalités par lesquelles "Indra est maintenant ce que Vritra était".)." L’Ancêtre, dont les enfants sont comme des pierres dormantes et inanimées, se dit : "Entrons en eux pour les éveiller" ; mais, tant qu’il est un, il ne peut le faire, c’est pourquoi il se divise en pouvoirs de perception et de «consommation», et il étend ces pouvoirs depuis sa retraite secrète dans la caverne du coeur jusqu’à leurs objets, à travers les portes des sens, en pensant : "Mangeons ces objets". Ainsi "nos" corps sont mis en possession de la conscience, l’Ancêtre étant leur moteur (NA: Maitri Upanishad, II, 6 ; cf. Shatapatha Brâhmana, III, 9, 1, 2 et Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 46, 1-2. "Celui qui meut", comme dans Paradiso, I, 116. Questi nef   cor mortali è permotore. Cf. Platon  , Lois, 898 C.). Et, du fait que ce sont les Dieux Multiples ou les Mesures Multiples du Feu dans lesquels il s’est ainsi divisé, qui constituent "nos" énergies et "nos" pouvoirs, on peut dire de la même façon que «les Dieux sont entrés dans l’homme, qu’ils ont fait d’un mortel leur demeure (NA: Atharva Vêda Samhitâ, XI, 8, 18 ; cf. Shatapatha Brâhmana, II, 3, 2, 3 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 14, 2, mayy êtâs sarvâ dêvatâh. Cf. Kaushîtaki Brâhmana, VII, 4 imê purushê dêvatâh; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V I, 1, 4, 5, prânâ vai dêvâ... têshu paroksham juhoti ("Les Dieux dans cet homme... Ils sont les Souffles... en eux il sacrifie en mode transcendant").)". Sa nature passible est devenue maintenant la "nôtre", et, à partir de cet état, il ne peut pas aisément se rassembler ou se restituer lui-même, dans sa pleine et entière unité (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 5, 2, 1. Prajâpatih prajâ srishtwâ prênânu pravishat, tâbhyâm punar sambhavitum nâshaknot ; Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 36, sa visrastaih parvabhih na shashâka samhâtum.). 18 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

On a compris que la déité est implicitement ou explicitement une victime volontaire. Ceci est reflété dans le Rite humain, où le consentement de la victime, qui a dû être humaine à l’origine, est toujours assuré suivant les formes. Dans l’un ou l’autre cas, la mort de la victime est aussi sa naissance, en accord avec la règle infaillible qui veut que toute naissance ait été précédée d’une mort. Dans le premier cas il y a naissance multiple de la déité dans les êtres vivants, dans le second ils renaissent en elle. Mais, même ainsi, il est reconnu que le sacrifice et le démembrement de la victime sont des actes de cruauté, voire de perfidie (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 1, 2 ; II, 5, 3, 6 ; cf., VI, 4, 8, 1 ; Shatapatha Brâhmana, I, 2, 3, 3 ; III, 9, 4, 17 ; XII, 6, 1, 39, 40 ; Panchavimsha Brâhmana, XII, 6, 8, 9 ; Kaus. Up., III, 1, etc. ; cf. Bloomfield dans Journal of the American Oriental Society, XV, 161.). C’est là le péché originel (kilbisha) des Dieux, auquel tous les hommes participent du fait même de leur existence distincte et de leur façon de connaître en termes de sujet et d’objet, de bien et de mal, et auquel l’Homme Extérieur doit d’être exclu d’une participation directe (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 4, 12, 1, Aitarêya Brâhmana, VII, 28.) à "ce que les Brâhmanes entendent par Soma". Les formes de notre "connaissance", ou plutôt de notre "opinion" (avidyâ) ou de notre "art" (mâyâ), le démembrent chaque jour. Une expiation pour cette ignorantia divisiva est fournie dans le Sacrifice, où, par le renoncement à lui-même de celui qui l’offre, et par la restitution de la déité démembrée dans son intégrité et sa plénitude premières, la multitude des "soi" est réduite à son Principe unique. Il y a ainsi multiplication incessante de l’Un inépuisable et unification incessante de l’indéfinie Multiplicité. Tels sont les commencements et les fins des mondes et des individus, produits d’un point sans lieu ni dimensions, d’un présent sans date ni durée, accomplissant leur destinée, et, après leur temps achevé, retournant "chez eux", dans la Mer ou le Vent où leur vie prit origine, affranchis par là de toutes les limitations inhérentes à leur individualité temporelle (NA: Pour le retour des "Fleuves" vers la "Mer" où leur individualité se perd, de sorte que l’on parle seulement de la mer : Chândogya Upanishad, VI, 10, 1 ; Prashna UP., VI, 5, Mund. Up.  , IlI, 2, 8 ; Angutara Nikâya, IV, 198 ; Udâna, 55, et de même Lao Tseu, Tao Te King  , XXXII ; Rûmî  , Mathnawî, VI, 4052, Maître Eckhart   (dans Pfeiffer, p. 314), tout à l’effet que "Wenn du das Tröpflein wist im grossen Meere nennen, Den wirst du meine Seel’im grossen Gott erkennen" (Angeles Silesius  , Cherubinische Wandersmann, II, 15) ; "e la sua volontate è nostra pace ; ella è quel mare, al quai tutto se mose" (Dante  , Paradiso III, 85, 86). Pour le "retour" (en Agni), Rig Vêda Samhitâ, I, 66, 5, V, 2, 6) ; (en Brahma), Maitri Upanishad, VI, 22: (dans la "Mer"), Prashna Up., VI, 5 ; (dans le Vent), Rig Vêda Samhitâ, X, 16, 3 ; Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 16 (ainsi que Katha Up., IV, 9 ; BU  , I, 5, 23) ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 1, 1, 2, 3, 12 ; Chândogya Upanishad, IV, 3, 1-3 ; (vers le summum bonum, fin dernière de l’homme), Samyutta Nikâya, IV, 158 ; Sutta Nipâta, 1074-6 ; Mil. 73 ; (vers notre Père), Luc, 15, 11 f.). 20 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

Le Sacrifice (yajna) dont il s’agit est une répétition mimée et rituelle de ce que firent les Dieux au commencement ; il constitue à la fois un péché et une expiation. Nous ne comprendrons pas le Mythe tant que nous n’aurons pas accompli le Sacrifice, ni le Sacrifice avant d’avoir compris le Mythe. Mais, avant que nous puissions tenter de comprendre l’opération, il faut se demander Qui est Dieu et Qui nous sommes. 25 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Par la séparation du Ciel et de la Terre, on distingue les "Trois Mondes" ; le Monde Intermédiaire (antariksha) produit l’espace, dans lequel les possibilités latentes de manifestation formelle pourront naître selon la multiplicité de leurs natures. De la première substance, l’éther (âkâsha), dérivent successivement l’air, le feu, l’eau et la terre ; et de ces cinq éléments (bhûtâni), combinés en proportions variées, sont formés les corps inanimés des créatures (NA: Chândogya Upanishad, 1, 9, 1 ; VII, 12, 1 ; Taittirîya Upanishad, II, 1, 1. L’Éther est l’origine et la fin du "nom et de la forme", i. e. de l’existence ; les quatre autres éléments sont issus de lui et retournent à lui comme à leur principe. Quand il est tenu compte de quatre éléments seulement, comme cela arrive fréquemment dans le Bouddhisme, on a en vue les bases concrètes des choses matérielles ; cf. Saint Bonaventure  , De red. artium ad theol., 3, Quinque sunt corpora mundi simplicia, scilicet quatuor elementa et quinta essentia. Tout comme, dans l’ancienne philosophie grecque, les "quatre racines" ou "éléments" (feu, air, terre et eau d’Empédocle  , etc.) ne comprennent pas l’éther spatial, tandis que Platon mentionne les cinq (Epinomis  , 981 C) et qu’Hermès fait remarquer que "l’existence de toutes les choses qui sont eût été impossible si l’espace n’avait existé comme une condition préalable de leur être". (Ascl. II, 15). Il serait absurde de supposer que ceux qui parlaient seulement de quatre éléments n’avaient pas à l’esprit cette notion passablement évidente.), dans lesquels la Divinité entre pour les éveiller, se divisant elle-même pour remplir ces mondes et devenir la "Multitude des Dieux" (vishwê dêvâh), Ses enfants (NA: Maitri Upanishad, II, 6 ; VI, 26 ; c’est-à-dire apparemment (iva) divisé dans les choses divisées, mais en réalité non divisé (Bhagavad Gîtâ, XIII, 16 ; XVIII, 20), cf. Hermès Lib., X, 7, où "les âmes prosiennent pour ainsi dire (wsper) du morcellement et du partage de la seule Ame Totale".). Ces Intelligences (jn  ânâni, ou spirations, prânâh) (NA: Jnânâni, prajnâ-mâtrâ etc. Katha Upanishad, VI, 10 ; Maitri Upanishad, VI, 30 ; Kaush. UP., III, 8.), sont les hôtes des "êtres" (bhûtagana) ; elles opèrent en nous, unanimement, à titre d’"âme élémentaire" (bhûtâtman), ou de soi conscient (NA: Maitri Upanishad, III, 2 f.). C’est là en effet notre "soi", mais un soi pour le moment mortel, sans essence spirituelle (anâtmya, anâtmâna), ignorant du Soi immortel (âtmânam ananuvidya, anâtmajna) (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 2, 2, 3, 6. Cf. Notes 199, 204.), et qu’il ne faut pas confondre avec les Déités immortelles qui sont déjà devenues ce qu’elles sont par leur "valeur" (arhana), et que l’on désigne sous le nom d’"Arhats" (Dignités) (NA: Rig Vêda Samhitâ, V., 86, 5 ; X, 63, 4.). Par le moyen des déités perfectibles et terrestres, tout comme un Roi reçoit le tribut (balim âhri) de ses sujets (NA: Atharva Vêda Samhitâ, X, 7, 39, XI, 4, 19 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, 23, 7 ; Brihadâranyaka Upanishad, IV, 3, 37, 38.), le Personnage dans le coeur, l’Homme Intérieur, qui est aussi le Personnage dans le Soleil, obtient la nourriture (anna, ahara), tant physique que mentale, qui lui est nécessaire pour subsister durant sa procession de l’être vers le devenir. En raison de la simultanéité de sa présence dynamique dans tous les devenirs passés et futurs (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 90, 2 ; Atharva Vêda Samhitâ, X, VIII, 1 ; Katha Upanishad, IV, 13 ; Shwêt. Up., III, 15.), on peut regarder les pouvoirs créés, à l??uvre dans notre conscience, comme le support temporel de la prosidence (prajnâna) et de l’omniscience (sarvajnâna) éternelles de l’Esprit solaire. Non que le monde sensible, avec ses événements successifs, déterminés par des causes médiates (karma, adrishta apûrva), soit pour lui source de connaissance ; mais bien plutôt parce que ce monde est lui-même la conséquence de la science qu’a l’Esprit de "cette image diverse peinte par lui-même sur le vaste canevas de lui-même (NA: Shankarâchârya, Swâtmanirûpana, 95. L’"image du monde" (jagacchitra = kosmos noetos) peut être appelée la forme de l’omniscience divine, et elle est le paradigme hors du temps de toute existence, la «création" étant exemplaire, cf. mon "Vedic Exemplarism" dans Harvard Journal of Asiatic Studies, I, 1936. "Un précurseur de l’Indo-Iranien arta et même de l’Idée platonicienne se trouve dans le sumérien gish-ghar, le contour, plan ou modèle des choses-qui-doivent-être, établi par les Dieux à la création du monde et fixé dans le ciel en vue de déterminer l’immutabilité de leur création" (Albright, dans JAOS, 54, 1934, p. 130, cf. p. 121, note 48). L’"image du monde" est la paradeigma aiona de Platon (Timée  , 29 A, 37 C), to archetypou eidas d’Hermès, et l’éternel miroir qui conduit les esprits qui regardent en lui vers la connaissance de toutes les créatures, et "mieux qu’en regardant ailleurs" de saint Augustin   (voir Bissen, L’exemplarisme divin selon saint Bonaventure, 1929, p. 39, note 5) ; cf. saint Thomas d’Aquin  , Sum. Theol., I, 12, 9 et 10, Sed omnia sic videntur in Deo sicut in quodam speculo intelligibili... non successive, sed simul. "Quand l’habitant du corps, contrôlant les facultés de l’âme qui saisissent ce qui leur appartient dans les sons, etc., s’illumine, il voit l’Esprit (âtman) dans le monde, et le monde dans l’Esprit" (Mahâbhârata, III, 210) ; "Je vois le monde comme une image, l’Esprit" (Siddhântamuktâvalî, p. 181).)". Ce n’est pas par le moyen de la Totalité qu’il se connaît lui-même : c’est par sa connaissance de lui-même qu’il devient la Totalité (NA: Brihadâranyaka Upanishad, I, 4, 10 ; Prashna Upanishad  , IV, 10. L’omniscience présuppose l’omniprésence et inversement. Cf. ma "Recollection, Indian and Platonic", Journal of the American Oriental Society, Supplement, 3, 1945.). C’est le propre de notre façon inductive de connaître, que de le connaître par la Totalité. 32 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

De là aussi la prière : "Ce que Tu es, puissé-je l’être (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 5, 7, 6.)", et le sens éternel de la question critique : "De qui sera-ce le départ lorsque je partirai d’ici (NA: Prash. Up., VI, 3 ; cf. réponses dans Chândogya Upanishad, III, 14, 4 et Kaush. Up., II, 14.) ?" de moi-même ou du «Soi immortel", du "Conducteur (NA: Chândogya Upanishad, VIII, 12, 1 ; Maitri Upanishad, III, 2 ; VI, 7. Pour le hgemwn Aitarêya Aranyaka, II, 6 et Rig Vêda Samhitâ, V, 50, 1.)". Si l’on a réalisé effectivement les véritables réponses, si l’on a trouvé le Soi et fait tout ce qu’il y avait à faire (kritakritya), sans aucun résidu de potentialité (krityâ), la fin dernière de notre vie est actuellement atteinte (NA: Aitarêya Aranyaka, II, 5 ; Shankhâyana Aranyaka, II, 4 ; Maitri Upanishad, VI, 30 ; cf. Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 8, 3, 1. Kritakritya, "tout en acte" correspond au pali katamkaranîyam dans la "formule Arhat" bien connue.). On ne saurait trop insister sur le fait que la liberté et l’immortalité (NA: Amritattwa, littéralement "immortalité" ; dans toute la mesure où il s’agit d’êtres nés, soit dieux, soit hommes, ce mot n’implique pas une durée sans fin, mais la "totalité de la vie" ; on doit entendre : ne mourant pas prématurément (Shatapatha Brâhmana, V, 4 ; I, 1 ; IX, 5, 1, 10; Panchavimsha Brâhmana, XXII, 12, 2, etc.). Ainsi la totalité de la vie de l’homme (âyus = aeon) est de cent ans (Rig Vêda Samhitâ, I, 89, 9 ; II, 27, 10, etc.) ; celle des Dieux est de "mille ans" (XI, 1, 6, 6, 15) ou de la durée que représente ce chiffre rond (Shatapatha Brâhmana, VIII, 7, 4, 9; X, 2, 1-11, etc.). Dès lors, quand les Dieux, qui, à l’origine, étaient "mortels", obtiennent leur "immortalité" (Rig Vêda Samhitâ, V, 3, 4, et X, 63, 4, ; Shatapatha Brâhmana, XI, 2, 3, 6, etc.), cela ne doit être compris que dans un sens relatif et ne signifie pas autre chose que leur vie, comparée à celle des hommes, est plus longue (Shatapatha Brâhmana, VII, 3, 1, 10, Shankara  . Sur les Br. Sûtra, I, 2, 17 et II, 3, 7, etc.). Dieu seul, comme "non-né" ou "né seulement en apparence" est absolument immortel ; Agni, vishwâyus = pyr aionos, seul "immortel parmi les mortels, Dieu parmi les Dieux" (Rig Vêda Samhitâ, IV, 2, 1 ; Shatapatha Brâhmana, II, 2, 2, 8, etc.). Sa nature intemporelle (akâla) est celle du "maintenant" sans durée, dont nous, qui ne pouvons penser qu’en termes de passé et de futur (bhûtam bhavyam) n’avons et ne pouvons avoir l’expérience. De Lui toutes choses procèdent, et en Lui elles s’unifient (êko bhavanti) à la fin (Aitarêya Aranyaka, II, 3, 8, etc.). En d’autres termes, l’"immortalité" est de trois ordres : la longévité humaine, l’æviternité des Dieux, et l’immortalité sans durée de Dieu (sur l’æviternité, voir saint Thomas d’Aquin., Sum. Theol., I, 10, 5). Les textes hindous eux-mêmes ne permettent aucune confusion : toutes les choses sous le Soleil sont au pouvoir de la Mort (Shatapatha Brâhmana, II, 3, 37, X, 5, 1, 4). Pour autant qu’elle descend dans le monde, la Divinité elle-même est un "Dieu qui meurt" ; il n’y a dans la chair aucune possibilité de ne jamais mourir (Shatapatha Brâhmana, II, 2, 2, 14; X, 4, 3, 9 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 38, 10, etc.) ; la naissance et la mort sont indissolublement liées (Bhagavad Gîtâ, II, 27; Angutara Nikâya, IV, 137 ; Sutta Nipâta, 742). On peut observer que le grec athanasia a des significations analogues ; pour l’"immortalité mortelle", cf. Platon, Banquet  , 207, D-208 B, et Hermès, Lib., XI, I, 4a et Ascl., III, 40 b.) peuvent être, non seulement atteintes, mais encore réalisées ici-même et maintenant aussi bien que dans un quelconque au-delà. Celui qui "est délivré en cette vie" (jîvan mukta) ne "meurt plus" (napunar mriyatê) (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 3, 3, 9 ; Brihadâranyaka Upanishad, I, 5, 2, etc. Cf. Luc, 20, 36; Jean, II, 26.). "Celui qui a compris le Soi contemplatif sans âge et sans mort, qui n’a en lui aucun manque et qui ne manque de rien, celui-là ne redoute pas la mort (NA: Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 44; cf. Aitarêya Aranyaka, III, 2, 4.).". Étant déjà mort, il est, comme le çoufi, "un mort qui marche (NA: Mathnawî, VI, 723 f. La parole "Mourez avant que vous ne mouriez" est attribuée à Mohammed  . Cf. Angelus Silesius, "Stirb ehe du stirbst".)". Un tel homme n’aime plus ni lui-même ni les autres : il est le Soi de lui-même et des autres. La mort à soi-même est la mort aux autres ; et, si le "mort" semble ne pas être égoïste, ce n’est pas pour quelque motif altruiste, mais à titre accidentel, et parce qu’il est littéralement sans ego. Délivré de lui-même et de toutes conditions, de tous devoirs et de tous droits, il est devenu Celui qui se meut à son gré (kâmachârî) (NA: Rig Vêda Samhitâ, IX, 113, 9 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 28, 3 ; Shankhâyana Aranyaka, VII, 22; Brihadâranyaka Upanishad, II, 1, 17, 18, Chândogya Upanishad, VIII, 5, 4 ; VIII, I, 6 (cf. D, I, 72) ; Taitt. Up., III, 10, 5 (de même dans Jean, X, 9).) comme l’Esprit (Vâyu, âtmâ dêvânâm) qui "va où il veut" (yathâ vasham charati) (NA: Rig Vêda Samhitâ, IX, 88, 3 ; X, 168, 4 ; cf. Jean, III, 8 ; Gylfiginning, 18.), n’étant plus, comme le dit saint Paul  , "sous la loi". 37 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Le Sacrifice reflète le Mythe mais, comme tout reflet, en sens inverse. Ce qui était un processus de génération et de division devient ici un processus de régénération et d’unification. Des deux "soi" qui habitent ensemble dans le corps et qui y ont leur départ, le premier est né de la femme, et le second du Feu sacrificiel, matrice divine où la semence de l’homme doit naître de nouveau, autre qu’il n’était. Jusqu’à ce qu’il soit né de nouveau, l’homme n’a que le premier soi, le soi mortel (NA: Jaiminîya Brâhmana, I, 17 ; Shatapatha Brâhmana, VII, 2, 1, 6 avec VII, 3, 1, 12; Brihadâranyaka Upanishad, II, 1, 11 ; Sutta Nipâta, 160, et d’innombrables textes distinguant les deux soi. La doctrine selon laquelle duo sunt in homine est universelle, et notamment hindoue, islamique, platonicienne, chinoise et chrétienne. Cf. "On being in one’s right mind". Rev. ot Religion, VII, 32 f.). Offrir un sacrifice, c’est naître, et l’on peut dire qu’"en vérité, il est encore non-né celui qui n’offre pas de sacrifice (NA: Shatapatha Brâhmana, I, 6, 4, 21 ; III, 9, 4, 23 ; Kaushîtaki Brâhmana, XV, 3 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 14, 8. Cf. Jean. 3, 3-7.)". Et encore, quand l’Ancêtre notre Père "a émis ses enfants et tendrement (prêma, snêhavachêna) demeure en eux, il ne peut plus, à partir d’eux, se réunir à Lui-même" (punar sambhû) (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 5, 2, 1 ; cf. Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 35, 36 ; Shankarâchârya, Br. Sûtra, II, 3, 46.). Aussi s’écrie-t-il : "Ceux-là s’épanouiront qui, d’ici-bas, me réédifieront" (punar chi) : Les Dieux L’ont édifié, et ils se sont épanouis; ainsi celui qui offre le Sacrifice s’épanouit aujourd’hui même dans ce monde-ci et dans l’autre (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 5, 2, 1. Non seulement les desservants eux-mêmes, mais la création tout entière participent aux bienfaits du Sacrifice (Shatapatha Brâhmana, I, 5, 2, 4 ; Chândogya Upanishad, V, 24, 3).). Celui qui offre le Sacrifice, en édifiant l’(autel du) Feu "de tout son esprit et de tout son moi (NA: Shatapatha Brâhmana, III, 8, 1, 2.)" ("ce Feu sait qu’il est venu pour se donner à moi (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 4, 1, 11 ; IX, 5, 1, 53.)"), "réunit» (samdhâ, samskri) du même coup la déité démembrée et sa propre nature séparée. Car il serait dans une grande illusion, il serait simplement une bête, s’il disait : "Il est quelqu’un, et moi un autre (NA: Brihadâranyaka Upanishad, I, 4, 10 ; IV, 5, 7 ; Cf. Maître Eckhart, "Wer got minnet für sinen got unde got an betet für sinen got und im dâ mite lâzet genüegen daz ist nur als, ein angeloubic mensche" (Pfeiffer, p. 469).)". 44 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Le Sacrifice est d’obligation : "Nous devons faire ce que les Dieux firent autrefois (NA: Shatapatha Brâhmana, VII, 2, 1, 4.)". En fait, on en parle souvent comme d’un "travail" (karma). Ainsi, de même qu’en latin operare = sacra facere = hieropoiein, de même dans l’Inde, où l’accent est mis si fortement sur l’action, bien faire signifie faire des actes sacrés. Seul le fait de ne rien faire - et mal faire revient à ne rien faire - est vain et profane. A quel point l’acte sacré est analogue à tout autre travail professionnel, on s’en rendra compte si l’on se souvient que les prêtres ne sont rémunérés que lorsqu’ils opèrent pour autrui, et que recevoir des cadeaux n’est pas licite lorsque plusieurs hommes sacrifient ensemble pour leur propre compte (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 2, 10, 2. A une telle "session rituelle" (sattra) le Soi (Âtman, l’Esprit) est la rétribution (dakshina) et c’est dans la mesure où les sacrificateurs obtiennent le Soi en récompense qu’ils gagnent le ciel (âtmâ-dakshinam vai sattram, dtmânam êva nîtwâ swargam lokam yanti, Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 4, 9, 1 ; cf. Panchavimsha Brâhmana, IV, 9, 19). "Dans une session, le Soi est le salaire... Que je saisisse ici mon Soi comme rétribution, pour ma gloire, pour le monde du ciel, pour l’immortalité" (Kaushîtaki Brâhmana, XV, 1). Par contre, dans le cas des sacrifices accomplis pour autrui, comme dans le cas d’une Messe dite pour d’autres, un salaire est dû aux prêtres, qui, en tant que pères spirituels, permettent à celui qui offre le Sacrifice de naître de nouveau du Feu sacrificiel, du sein de Dieu (Shatapatha Brâhmana, IV, 3, 4, 5 ; Aitarêya Brâhmana, III, 19, etc.). Mais, dans l’interprétation sacrificielle de la "totalité de la vie", l’ardeur, la générosité, l’innocence et la véracité sont les "salaires des prêtres" (Chândogya Upanishad, III, 17, 4).). Le Roi, comme suprême Patron du Sacrifice pour son Royaume, représente le sacrificateur in divinis, et constitue lui-même le type de tous les autres sacrificateurs. 45 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

On a souvent fait remarquer que le Sacrifice était conçu comme un commerce entre les Dieux et les hommes (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 8, 4, 1 ; Atharva Vêda Samhitâ, III, 15, 5, 6. Cf. Rûmî, Mathnawî, VI, 885; et Math., 5, 12, merces vestra copiosa est in c?lis.). Mais on s’est rarement rendu compte qu’en introduisant dans la conception traditionnelle du commerce des notions empruntées à nos féroces transactions commerciales, nous avons faussé notre compréhension du sens originel de ce commerce, qui était alors du type potlatsh, c’est-à-dire bien plus une compétition pour donner qu’une compétition pour prendre, comme fait le nôtre. Celui qui offre le Sacrifice sait, quelle que soit la raison pour laquelle il l’offre, qu’il recevra en retour pleine mesure, ou plutôt mesure supérieure, car si son trésor à lui est limité, celui de l’autre partie est inépuisable. "Il est l’Impérissable (syllabe, Om), parce qu’il dispense à tous les êtres, et que nul ne peut dispenser par-delà Lui (NA: Aitarêya Aranyaka, II, 2, 2. "Lui", le Souffle (prâna) immanent, pneuma. Le point à noter est que la Syllabe transcendante (akshara = Om) est la source de tous les sons proférés (cf. Chândogya Upanishad, II, 23, 24), demeurant elle-même inépuisable (akshara), répandant mais jamais répandue.)". Dieu donne autant que nous pouvons prendre de Lui, et la mesure dépend de celle dans laquelle nous nous sommes abandonnés "nous-mêmes". Ces paroles des hymnes sous-entendent une fidélité de féaux plutôt que des obligations d’affairistes : «Tu es nôtre et nous sommes à Toi", "Que nous soyons tes bien-aimés, ô Varuna", "Puissions-nous être à Toi pour que Tu nous donnes un trésor (NA: Rig Vêda Samhitâ, VIII, 92, 32 (cf. Platon, Phédon  , 62 B, D), V, 85, 8 (également VII, 19, 7, Indra) et II, 11, 1, cf. II, 5, 7 ; X, 12, 1, 10.)". Ce sont là les rapports de baron à comte et de vassal à suzerain, et non pas ceux de changeurs de monnaie. Le langage du commerce survit encore dans des hymnes aussi tardifs et aussi dévotionnels que celui de Mira Bai : C’est Kahn que j’ai acheté. Le prix qu’il demandait, je l’ai donné. Certains s’écrient : "C’est beaucoup". D’autres raillent : "C’est peu". J’ai tout donné, pesé jusqu’au dernier grain, Mon amour, ma vie, mon âme, mon tout. 47 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Nous ne pouvons décrire en détail les "déserts et les royaumes" du Sacrifice, et nous considérerons seulement le moment le plus significatif de l’Offrande (Agnihotra), celui où le Soma offert en oblation est répandu dans le Feu comme dans la bouche de Dieu. Qu’est-ce que le Soma ? Exotériquement, une liqueur enivrante extraite des parties juteuses de plantes variées, mêlée avec du miel et du lait, filtrée, et correspondant à l’hydromel, au vin ou au sang des autres traditions. Ce jus, toutefois, n’est pas le Soma même jusqu’à ce que, "moyennant l’action du prêtre, l’initiation et les formules», et "moyennant la foi", il ait été fait Soma trans-substantiellement (NA: Aitarêya Brâhmana, VII, 31 ; Shatapatha Brâhmana, III, 4, 3, 13; XII, 73, 11.); et, "bien que les hommes, pressant la plante, s’imaginent boire le Soma véritable, aucun des habitants de la terre ne goûte ce que les Brâhmanes entendent par Soma (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 8, 34.)". Les plantes utilisées ne sont pas la véritable plante du Soma, qui pousse dans les rochers et les montagnes (giri, achman, adri), et auxquels il est incorporé (NA: Rig Vêda Samhitâ, V, 43, 4 ; Shatapatha Brâhmana, III, 4, 3, 13. "Dans le rocher", et non "sur le rocher", comme on le traduit souvent de façon erronée.). C’est seulement dans le royaume de Yama, dans l’autre monde, le troisième ciel, que l’on peut avoir part au Soma proprement dit ; néanmoins, rituéliquement et analogiquement, le sacrificateur "boit le Soma dans le banquet des Dieux" (sadhamâdam devaih somam pibati) et peut dire : "Nous avons bu le Soma, nous sommes devenus immortels, nous avons vu la Lumière, nous avons trouvé les Dieux ; que pourrait contre nous l’inimitié ou la traîtrise d’un mortel, ô Immortel (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 113, VIII, 48, 3 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 5, 5; III, 2, 5, etc. Le caractère eucharistique du rite est évident. Cf. Aitarêya Brâhmana, 1, 22 : "Puissions-nous manger de toi, ô Dieu Dharma", et Math., 26, 26 : "Prenez et mangez ; ceci est mon corps".) ?". 50 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

On saisit mieux maintenant l’identification du Soma avec l’Eau de la Vie, et celle de notre âme élémentaire et composite (bhûtâtman) avec les plantes à Soma d’où l’élixir royal doit être extrait (NA: Maitri Upanishad, III, 3 f.); et l’on comprend comment et par qui "ce que les Brâhmanes entendent par Soma" est consommé dans nos coeurs (hritsu) (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 168, 3 ; I, 179, 5 ; cf. X, 107, 9 (antahpêyam).). C’est le sang de vie de l’âme draconnienne qui offre maintenant ses pouvoirs tout équipés à leur souverain (NA: Cf. Philon  , LA., II, 56, "répandre en libation le sang de l’âme et offrir en encens l’esprit tout entier à Dieu, notre Sauveur et Bienfaiteur".). Le sacrificateur livre aux flammes l’offrande de ce qui est à lui et de ce qu’il est ; vidé ainsi de lui-même (NA: Shatapatha Brâhmana, III, 8, 1, 2 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 17, 5, 2. Comme c’était au commencement, Rig Vêda Samhitâ, X, 90, 5 ; Shatapatha Brâhmana, III, 9, 1, 2.), il devient un Dieu (NA: Les Dieux sont véritables, ou réels (satyam), les hommes faux et irréels (anritam), Aitarêya Brâhmana, I, 6 ; Shatapatha Brâhmana, I, 1, 1, 4 ; III, 9, 4, 1, etc. (les universaux sont réels, les particuliers irréels). Le sacrificateur initié est sorti de ce monde et est temporairement un Dieu. Agni ou Indra (Shatapatha Brâhmana, III, 3, 10, etc. Cf. Philon, Heres, 84, "ce n’est pas un homme quand il est dans le Saint des Saints") ; et, s’il ne se munissait pas pour le retour au monde des hommes, il serait en danger de mourir prématurément (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 7, 6, 6, etc.), C’est pourquoi il est pourvu à la redescente (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 3, 10, 4; Panchavimsha Brâhmana, XVIII, 10, 10 ; Aitarêya Brâhmana, IV, 21) ; et c’est en revenant au monde humain, au monde d’irréalité et de mensonge, en redevenant cet homme-ci, Un Tel, une fois encore, qu’il dit : "Maintenant je suis celui que je suis" (aham ya êvâsmi so’smi, Shatapatha Brâhmana, I, 9, 3, 23 ; Aitarêya Brâhmana, VII, 24) ; aveu tragique d’être "conscient une fois encore d’une vie toujours limitée, toujours corporelle et terrestre" (Macdonald, Phantastes, 1858, p. 317). Car il ne peut y avoir de plus grande douleur que de percevoir que nous sommes encore ce que nous sommes (Cloud of unknowing  , ch. XLIV). "Il n’y a pas de plus grand crime que ton être" (Shams-i-Talviz).). Quand il abandonne le rite il revient à lui-même, il revient du réel à l’irréel. Mais, bien qu’il dise alors : "Maintenant je suis ce que je suis", ces mots mêmes montrent bien qu’il s’agit là d’une apparence n’ayant qu’une réalité temporaire. Il est né de nouveau du Sacrifice, et il n’est pas vraiment abusé. "Ayant tué son propre Dragon (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 4, 4.)", il n’est plus réellement quelqu’un. L??uvre a été accomplie une fois pour toutes. Il est parvenu au bout de la route et au bout du monde, "là où le Ciel et la Terre se tiennent embrassés", et peut dès lors "travailler" ou "jouer" à son gré. C’est à lui que les paroles suivantes s’adressent : Lo tuo piacere omai prende per duce... per ch’io te sopra te corono e mitrio : Prends désormais ton plaisir pour guide... je te couronne roi et pape de toi-même (NA: Purgatorio, XXVII, 131, 142.). Nous qui étions en guerre avec nous-mêmes, nous sommes maintenant réintégrés et en paix ; le rebelle a été dompté (dânta) et pacifié (shânta), et, là où les volontés étaient en conflit règne désormais l’unanimité (NA: Bhagavad Gîtâ, VI, 7, Jitâtmanah prashântasya paramâtmà samdhitah : Le Suprême Soi du soi individuel est "apaisé" (samâhitah = "en samâdhi") quand ce dernier a été conquis et pacifié. Cf. Dhammapada, 103-105 êkam cha jêyya attânam sa vê sangâma-juttamo... attâ havê jitam... n’êvadêvo... apajitam kayira... bhâvit’attânam. Celui qui gagne cette bataille (psychomachie, jihad) est le véritable Conquérant (jina). Observer que "pacifier" est littéralement procurer le repos. Shânti, "la paix", n’est pas pour un soi qui ne veut pas mourir. La racine sham se trouve aussi dans shamayitri, le "boucher" qui "apaise" la victime dans le rituel extérieur (Rig Vêda Samhitâ, V, 43, 3 ; Shatapatha Brâhmana, III, 8, 3, 4, etc.) ; le sacrificateur "apaise" (shamayati) le feu de la colère de Varuna (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 1, 6 ; Shatapatha Brâhmana, IX, 1, 2, 1) ; en nous, c’est le plus haut soi qui "pacifie" le soi individuel, qui apaise son feu. Quiconque désire être "en paix avec lui-même" doit être mort à lui-même. Cf. République  , 556 E ; Gorgias, 482 C ; Timée, 47 D ; et Harvard Journal of Asiatic Studies, VI, 389, 1942 ("On Peace").). 52 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Il se peut aussi que les rois eux-mêmes, dressant leur arrogante puissance contre l’autorité sacerdotale, aient cessé de choisir leurs ministres brahmanes avec sagesse (NA: Cf. Shatapatha Brâhmana, IV, 1, 5, 4.). De cet état de choses, Indra lui-même, roi des Dieux, "aveuglé par son propre pouvoir" et égaré par les Asuras, fournit l’archétype in divinis (NA: Brihad Dêvatâ, VII, 54.). D’un autre côté, pour ce qui est de l’"éveil" de la qualité royale en ce qui concerne le Bouddha, nous en avons également le paradigme en Indra ; car, exhorté par le conseiller spirituel à qui il doit allégeance, Indra "se réveille" (buddhwâ châtmânam) (NA: Brihad Dêvatâ, VII, 57.) et se célèbre lui-même, le Soi éveillé, par des louanges où l’on trouve des mots qu’aurait pu employer le Bouddha : «Jamais, à aucun moment, je ne suis soumis à la Mort" (mrityu-mâra) (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 48, 5.). On ne perdra pas non plus de vue qu’il est plus d’une fois référé à l’Indra védique comme à un Arhat. Et, s’il paraît étrange que la véritable doctrine ait été enseignée par un membre de la caste royale, dans le cas du Bouddha, il y a là un état de fait qu’il n’est pas rare de rencontrer dans les Upanishads (NA: Brihadâranyaka Upanishad, VI, 2, 8 ; Chândogya Upanishad, V, 3-11 ; Kaush. Up., IV, 9 (où la situation est appelée "anormale", pratiloma).). Krishna lui-même, bien qu’il fût un maître spirituel, n’était-il pas aussi de sang royal ? Tout cela revient à dire que, lorsque le sel d’une "église établie" a perdu sa saveur, c’est du dehors que sa vie sera renouvelée plutôt que du dedans. 98 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Introduction

La majorité des érudits modernes, evhéméristes de tempérament et de formation, s’imaginent, il est vrai, qu’il n’était pas I’Homme, mais un homme déifié par après. Nous adoptons l’opinion contraire, commandée par les textes, d’où il ressort que le Bouddha est une déité solaire descendue du ciel pour sauver à la fois les hommes et les Dieux, de tout le mal que désigne le mot "mortalité" ; et dans cette perspective sa naissance et son éveil sont perpétuels (NA: Saddharma Pundarîka, XV, 1, en réponse au trouble de ses auditeurs qui ne peuvent comprendre que le Bouddha puisse prétendre avoir été le maître de Bodhisattwas sans nombre dans les ans passés. De même Arjuna est jeté dans le trouble par l’idée de la naissance éternelle de Krishna, et les Juifs ne pouvaient comprendre la parole du Christ : "Avant qu’Abraham fût, je suis". "Le Fils de Dieu est plus ancien que toute sa création" (Shepherd of Hermas  , IX, 12, 1).). 107 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Antérieurement à sa dernière naissance sur la terre, le Bodhisattwa réside dans le ciel de Tusita. Là, pressé par les Dieux de délivrer l’univers de ses peines, il examine et décide du temps et du lieu de sa naissance, de la famille et de la mère dont il naîtra. Un Bouddha doit naître de l’une ou de l’autre des castes sacerdotale ou royale, selon celle qui prédomine à l’époque donnée ; la caste royale prédominant alors, il choisit de naître de la reine Mahâ Mâyâ, épouse du roi Shuddhodana, du clan de Shâkya, dans sa capitale de Kapilavastu, dans le pays du Milieu, c’est-à-dire, quoi que cela puisse signifier par ailleurs, dans le "Pays du Milieu» de la vallée du Gange. L’Annonciation prend la forme d’un "songe de Mahâ Mâyâ", où elle voit un éléphant blanc en gloire descendre des cieux pour entrer dans son sein. Les interprètes des songes du roi expliquent qu’elle a conçu un fils qui sera, soit un Empereur Universel, soit un Bouddha. Ces deux possibilités sont réalisées en fait au sens spirituel. Car, s’il est vrai que le royaume du Bouddha n’est pas de ce monde, c’est pourtant comme Maître spirituel et comme Seigneur de l’Univers qu’il "fait tourner la roue". 110 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Sur ces entrefaites, en quatre jours successifs, tandis qu’il conduisait son char à travers la ville pour se rendre au parc d’agrément, le Bodhisattwa a vu les quatre signes ; car, bien que ces objets eussent été bannis de la cité par l’édit royal, les Dieux prennent la forme d’un vieillard, d’un malade, d’un cadavre et d’un moine ; et dès lors le Prince a connaissance de la vieillesse, de la maladie et de la mort et de la sérénité de l’homme qui s’est élevé au-dessus de ces vicissitudes de l’existence. Il va voir son père, lui annonce son dessein de quitter le monde et de devenir moine, afin de trouver la voie qui libère de l’assujettissement à la mort. Son père ne parvient pas à l’en dissuader, mais il tient fermées les portes du palais. Dans la nuit même, le Bodhisattwa prend congé en silence de sa femme et de son enfant. Appelant son cheval, il sort par la porte du palais, miraculeusement ouverte pour lui par les Dieux ; il est accompagné de son seul écuyer. 113 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Alors Mâra, la Mort, le Mal, lui offre l’empire du monde s’il s’en retourne. N’ayant pas réussi à le tenter, l’adversaire suit le Bodhisattwa, en quête d’une autre occasion. Ayant gagné la profondeur des forêts, le Bodhisattwa se défait de son turban royal et coupe ses longs cheveux qui ne conviennent pas à un pèlerin ; ils sont enlevés par les Dieux et enchâssés dans le ciel. Les Dieux lui procurent un vêtement de pèlerin. Il renvoie son écuyer à la cité avec son cheval ; celui-ci meurt, le coeur brisé. 114 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Dès lors, le Bodhisattwa étudie avec des maîtres brâhmanes et se livre aux plus dures mortifications. Il trouve cinq disciples, mais tous le quittent lorsqu’il abandonne ces jeûnes comme inefficaces. Là-dessus Sujâtâ, la fille d’un fermier, qui avait coutume de porter des offrandes à l’esprit d’un banyan, apporte ce jour-là une offrande de riz au lait où les Dieux ont mêlé de l’ambroisie. Elle trouve le Bodhisattwa assis au pied de l’arbre, et lui donne le riz dans une écuelle d’or et de l’eau dans une aiguière d’or. Elle reçoit ses bénédictions. Alors il descend se baigner à la rivière, après quoi il mange ces aliments, qui devront lui suffire pour sept semaines. Il jette l’écuelle dans la rivière, et elle flotte en remontant le courant ; par ce fait significatif, il apprend que son but sera atteint ce même jour. Il retourne à l’arbre de l’Éveil. Au même moment, Indra (le Tueur de Dragon, avec Agni, de notre précédente étude, et le type du sacrificateur in divinis) prend la forme d’un ramasseur d’herbes et offre au Bodhisattwa les huit bottes d’herbe que l’on utilise dans le sacrifice rituel. Le Bodhisattwa fait des circumambulations autour de l’arbre, et, à la fin, debout, face à l’Orient, il découvre que les cercles du monde sont immobiles autour de lui. Il répand l’herbe en jonchée, et il prend place au pied de l’arbre où se dresse un trône ou autel, résolu à ne pas se lever avant d’être parvenu à connaître la cause du mal de la mort avec son remède. C’est là, au nombril de la terre, et au pied de l’arbre de vie, que tous les Bouddhas précédents se sont éveillés. 115 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Alors Mâra paraît de nouveau et réclame le trône. Le Boddhisattwa touche la Terre, pour qu’elle témoigne que ses vertus lui confèrent le droit d’en prendre possession ; la Terre apparaît et porte témoignage. Mâra, assisté de son armée de démons, livre l’assaut au Bodhisattwa par le feu et les ténèbres, par des pluies de sable brûlant et de cendres. Mais toutes ces armes tombent aux pieds du Bodhisattwa sans lui faire aucun mal. Dès l’apparition de Mâra, les Dieux ont fui, laissant le Bodhisattwa tout seul, avec les puissances de l’âme, ses serviteurs. Enfin Mâra renonce à la lutte et les Dieux reviennent. 116 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Le Bouddha reste pendant sept semaines dans le cercle de l’arbre de l’Éveil, goûtant le bonheur de la Délivrance. Parmi les événements qui survinrent pendant ces semaines, deux sont significatifs : d’abord la tentation par les filles de Mâra, qui essaient d’obtenir par leurs charmes ce que leur père n’avait pu gagner par son pouvoir ; en second lieu, l’hésitation à enseigner. Le Bouddha hésite à mettre en mouvement la Roue de la Loi, pensant qu’elle ne sera pas comprise et que ce sera pour lui l’occasion d’une angoisse inutile. Alors les Dieux s’écrient : "Le monde est perdu". Conduits par Brahmâ, ils viennent persuader le Bouddha qu’il y a des hommes mûrs pour comprendre la Loi. Le Bouddha se rend, en conséquence, à Bénarès ; là, dans la "Première Prédication", il met en mouvement la Roue de la Loi, et dans la seconde il proclame qu’il n’y a pas d’individu permanent sous les formes de la conscience. Autrement dit, dans la doctrine du non-soi (anâtmya) il bannit, de toutes les opérations physiques et mentales, le Cogito, ergo sum courant, comme une illusion grossière et comme la racine de tout mal. Par ces sermons il convertit les cinq disciples qui l’avaient précédemment abandonné ; et il y a maintenant cinq Arhats, c’est-à-dire cinq êtres "éteints" (nirvâta) dans le monde. 118 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

On doit supposer que c’est par ignorance des textes brahmaniques que Mrs Rhys Davids découvre quelque chose de nouveau dans l’Agnihotra Intérieur du Bouddha (Gotama the Man, p. 97). Un autre érudit croit pouvoir discuter tout au long l’histoire du mot arahat sans faire mention de Rig Vêda Samhitâ, X, 63, 4, où les Dieux (qui, en tant que multiples n’ont jamais été considérés comme originellement immortels) sont dits "avoir, par leur valeur (arhanâ), gagné l’immortalité". De même le PTaittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), Pali Dictionary, ne reconnaît dans le mot arahant, "avant le Bouddhisme", qu’un "titre honorifique porté par de hauts dignitaires". On voit que l’exégèse bouddhiste par des érudits qui ne connaissent pas les Vêdas n’est jamais parfaitement sûre.)". 124 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

En fait, il n’y a pas plus d’individu que d’âme du monde (NA: Angutara Nikâya, II, 177 : "Je ne suis rien de quiconque, quelque part, et il n’y a rien de moi nulle part" ; semblablement, Majjhima Nikâya, II, 263, 264, Sutta Nipâta, 950, 951. Plotin  , Ennéades, VI, 9, 10 : "Mais cet homme est maintenant devenu un autre, et il n’est plus lui-même et ne s’appartient plus". Cf. mon "Akimcannâ : Self-naughting" dans New Indian Antiquary, III, 1940, et The Cloud of Unknowing, ch. LXVIII "Let be this everywhere and this aught, in comparison of this nowhere and this naught" (littéralement : "Sois ce partout et ce tout, en comparaison avec ce nulle part et ce rien").). Ce que nous appelons notre "conscience" n’est rien d’autre qu’un processus mental. Son contenu change de jour en jour, et il est aussi soumis au déterminisme causal que le contenu de la réalité corporelle (NA: Samyutta Nikâya, II, 13 ; III, 165, etc. En outre, annicam dukkham anattâ, Samyutta Nikâya, III, 41, etc., comme ato’ (âtmatas) nyad ârtam, Brihadâranyaka Upanishad, III, 4, 2. Comme le dit saint Augustin, le corps et l’âme sont pareillement changeants, et ceux qui ont réalisé cela sont partis à la recherche de Ce qui est Immuable (Sermo CCXLI, 2, 2).). Notre individualité est constamment en cours de destruction et de renouvellement (NA: Samyutta Nikâya, II, 96, vinnânam... rattiyâ cha divassassa cha ânnad êva upajjati annam nirujjhati.); il n’y a dans le monde ni soi ni rien de cette nature ; et tout cela s’applique à tous les êtres, ou plutôt à tous les devenirs, soit d’hommes, soit de Dieux, maintenant et dans l’au-delà. Plutarque déclare semblablement : "Nul ne demeure une personne, ni n’est une personne... Nos sens, par suite de notre ignorance de la réalité, nous disent faussement que ce qui paraît être est effectivement (NA: Moralia, 392, D, s’appuyant sur Platon, Banquet, 207 D, E ; Phédon, 78 C. Voir note précédente.)". Le vieux symbole brahmanique (et platonicien) du char illustre cela : le char, avec toutes ses parties, correspond à ce que nous appelons notre soi ; il n’y avait pas de char avant que ses parties ne fussent assemblées, et il n’y en aura plus lorsqu’elles s’en iront en morceaux ; il n’y a pas de char en dehors de ses parties ; le "char" n’est qu’un nom, donné par convenance à un certain objet de perception, et qui ne saurait être pris pour une entité (sattwa). Il en est de même pour nous qui sommes, comme le char, des "assemblages". Celui qui comprend a vu les choses "comme elles se sont produites" (yathâ bhûtam), issues de leur principe et y disparaissant, et il s’est distingué lui-même de toutes ces choses ; ce n’est pas lui, mais l’ignorant qui posera des questions telles que celles-ci : "Suis-je ?" "Qu’étais-je avant ?" "D’où est-ce que je viens ?", "Où vais-je (NA: Samyutta Nikâya, II, 26, 27. Le disciple éclairé ne doit pas se regarder lui-même comme transmigrant, mais seulement reconnaître l’opération incessante des causes médiates selon lesquelles les individualités contingentes paraissent et disparaissent.) ?". S’il est encore expressément permis à l’Arhat de dire "je", c’est uniquement par commodité ; il a depuis longtemps dépassé toute croyance en une personnalité qui lui serait propre (NA: Samyutta Nikâya, I, 14 ; D., 1, 202, le Bouddha parle de "lui-même" de façon conventionnelle, mais cela ne signifie pas qu’il pense dans ces termes.). Mais tout cela ne signifie pas - et il n’est dit nulle part - qu’"il n’y a pas de Soi". Au contraire, il y a tels passages où, après le dénombrement des cinq constituants de notre "existence" évanescente et irréelle, l’on trouve, non pas la formule habituelle de négation, "ceci n’est pas mon Soi", mais le commandement positif : "Réfugie-toi dans le Soi (NA: Samyutta Nikâya, III, 143. Voir note 11.)", tout comme le Bouddha dit l’avoir fait lui-même (NA: D., II, 120. Voir note 11.). 134 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine

Cf. Brihadâranyaka Upanishad, IV, 5, 1 (la peur de Maitrêyî) ; Katha Upanishad, 1, 20, 22 (les Dieux mêmes doutaient : "Est-il, ou n’est-il pas ?" après avoir trépassé) ; Chândogya Upanishad, VIII, 5, 3 ; VIII, 9, 1 ; Aitarêya Aranyaka, III, 2, 4, anâdishtah = Philon, Migr. adeiktos. "Encore serait-il impropre de dire même d’un Bouddha après sa mort qu’il ne connaît pas, qu’il ne voit pas" (D., II, 68). Sa nature ne peut être exprimée par aucune antithèse ou combinaison des mots "est" et "n’est pas". Il "est", mais en nul "lieu" (Milinda Panho, 73).), nous ne devons pas oublier que ce qu’il nous est demandé de substituer à notre conscience des choses agréables ou désagréables - ou plutôt à notre assujettissement aux sentiments de plaisir ou de peine - ce n’est pas une inconscience, mais bien une superconscience, laquelle n’est pas moins réelle et béatifique du fait qu’elle ne peut être analysée dans les termes de la conscience mentale. D’autre part, il nous faut peut-être indiquer que cette superconscience, ou ce que la théologie chrétienne appelle "le mode divin de connaissance, sans intermédiaire d’objets extérieurs au connaissant", ne saurait en aucune façon être assimilée à la subconscience de la psychologie moderne, dont on a dit très justement : "Alors que le matérialisme du XIXe siècle a fermé l’esprit de l’homme à ce qui est au-dessus de lui, la psychologie du XXe l’a ouvert à ce qui est au-dessous (NA: René Guénon, "L’erreur du psychologisme". Études Traditionnelles  , 43, 1938. - "La pire sorte d’homme est celui qui présente à l’état de veille les caractères qu’on lui trouve à l’état de rêve" (Platon, République, 567 B).)". 137 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine

Il faut aussi se rendre compte clairement que c’est ici qu’il convient de poser la question : "Qui est l’Éveillé (NA: C’est là, à strictement parler, un faux problème ; un Bouddha n’est plus qui que ce soit.)" ? Car la réponse à cette question nous dira tout ce qui peut être dit de ceux qui ont suivi ses traces jusqu’à la fin, et qui peuvent être appelés "ceux qui mettent fin au monde". Qui est le Grand Personnage, le Parent du Soleil, l’?il dans le Monde (NA: Cf. Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 9, 3 ; II, 3, 8, 1, 2 ; II, 5, 8, 2 ; L’expression répétée "?il du Monde" revient à identifier le Bouddha avec Agni et le Soleil.), le descendant d’Angirasa, le Dieu des Dieux, qui déclare qu’il n’est ni un Dieu, ni un Génie, ni un homme, mais un Bouddha, un être en qui toutes les conditions qui déterminent les modes particuliers d’existence ont été détruites (NA: Angutara Nikâya, II, 37.) ? Qui sont ces Arhats qui, comme les Immortels védiques, ont gagné d’être ce qu’ils sont par leur "dignité" ? 147 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine

La question peut être abordée sous bien des angles différents. En premier lieu, les noms et les épithètes du Bouddha sont suggestifs ; dans les Vêdas, par exemple, les premiers et les plus grands des Angirases sont Agni et Indra (NA: Rig Vêda Samhitâ, 1, 31, 1 (Agni) ; 1, 130, 3 (Indra).), à qui également la désignation d’Arhat est très souvent appliquée. Agni, comme le Bouddha, "s’éveille à l’aube" (usharbudh) : Indra est pressé de rester "l’esprit en éveil" (bodhin-manas (NA: Rig Vêda Samhitâ, V, 75, 5 (afin qu’il puisse dominer Vritra). Bodhinmanas suggère le bodhi-chitta bouddhique. Milinda Panho, 75, assimile buddhi, Bouddha. Dans Rig Vêda Samhitâ, V, 30, 2, naro bubudhânah, et III, 2, 14, etc., ushar-budh sont des anticipations des termes ultérieurs buddhi, buddhimat, buddha.) ), et, lorsqu’il s’est laissé dominer par l’orgueil de sa propre force, il se "réveille" effectivement en recevant les reproches de son alter ego spirituel (NA: Brihad Dêvatâ, VII, 57 sa (Indra), buddhwâ âtmânam. Les récits de Jâtaka mentionnent nombre de naissances antérieures du Bouddha en tant que Sakka (Indra). Dans les Nikâyas, Sakka se comporte comme le protecteur du Bouddha, comme Indra à l’égard d’Agni ; mais c’est le Bouddha lui-même qui l’emporte sur Mâra. Autrement dit, le Bouddha est comparable à cet Agni qui est "à la fois Agni et Indra, brahma et kshatra". Dans Majjhima Nikâya, I, 386, il semble que l’on parle du Bouddha comme d’Indra (purindado sakko) ; mais ailleurs, par exemple Sn. 1069, et quand ses disciples sont appelés "fils du Sakyan", l’on se réfère au clan de Sakya, dont le nom, comme celui d’Indra, contient l’idée d’ "être capable".). Que le Bouddha soit appelé le "Grand Personnage" et l’ "Homme par excellence" (mahâ purusha, nritama) ne signifie nullement qu’il soit un homme, dès lors que ce sont là des épithètes appliquées aux plus grands Dieux dans les premiers livres brahmaniques. Mâyâ n’est pas un nom de femme, mais celui de la Natura naturans, de "notre Mère Nature (NA: Mâyâ, le "moyen" de toute création, divine ou humaine, ou l’"art" maternel par quoi toute chose est faite, est "magique" seulement dans le sens de B?hme, Sex Puncta Mystica, V., 1, f ("La Mère d’éternité, l’état originel de Nature ; la puissance formative dans l’éternelle Sagesse, la puissance d’imagination, la mère dans les trois mondes ; utile aux enfants pour le Royaume de Dieu, aux Sorciers pour le Royaume du Malin ; car l’intelligence peut faire d’elle ce qu’il lui plaît"). Pour Shankara, le plus grand interprète du mâyâvâda, Mâyâ est "la Non-Révélée, la Puissance (Shakti) du Seigneur, l’Inconnaissable avidyâ sans conmmencement, que le sage infère de la considération des possibilités d’existence (kârya = factibilia, ce par quoi tout ce monde en mouvement est appelé à naître... et au moyen de quoi la Servitude et la Délivrance sont l’une et l’autre rendues effectives" (Vivêka-chûdâmani, 108, 569). Dans des textes comme ceux-ci le gérondif avidyâ, synonyme de "Puissance", ne peut signifier simplement "Ignorance", mais plutôt "mystère", ou "opinion", en opposition avec vidyâ, "ce qui peut être connu" : avidyâ est la Potentialité qui ne peut être connue que par ces effets, par tout ce qui est mâyâ-maya. En d’autres termes, Mâyâ est le Théotokos, et la mère de tous les vivants ; Metis (mère d’Athéna) ; Sophia ; Kaushalyâ (mère de Râma) ; Maia (mère d’Hermès, Hésiode, Theog., 938) ; Mâyâ (mère du Bouddha). De qui d’autre le Bouddha pouvait-il naître ? Le fait. que les mères des Bodhisattwas meurent jeunes tient effectivement à ce que, comme le dit Héraclite   (Fr. X), "la Nature aime à se cacher". Mâyâ "s’évanouit" comme s’évanouissait Urvashî, mère d’Âyus (Agni) par les ?uvres de Purûravas, et comme s’évanouissait Saranyû loin de Vivaswân ; Prajâpati, swamûrti, de Mâyâ, prend sa place comme la savarnâ de Saranyù prend la place de celle-ci. L’Avatâra éternel a, en vérité, toujours "deux mères", l’une éternelle et l’autre temporelle, l’une sacerdotale et l’autre royale. Voir aussi mon "Nirmânakâya", JRAS., 1938. Mâyâ étant l’"art" par quoi toutes choses et chaque chose sont faites (nirmita, "mesuré"), et l’"art" ayant été à l’origine une science mystérieuse et magique, elle acquiert son autre sens, son sens péjoratif (par ex. Maitri Upanishad, IV, 2), de la même façon que des mots comme invention, "métier", finesse et adresse, peuvent ne pas désigner seulement les vertus essentielles de l’artifex, mais aussi comporter le sens d’artifice, "industrie", rouerie, astuce et tricherie ; c’est dans le mauvais sens par exemple qu’il est dit que "la conscience est un mirage" (mâyâ viya vinnânam, Visuddhi Magga, 479 ; Samyutta Nikâya, III, 142), tandis que, d’un autre côté, Wycliffe pouvait rendre "prudents comme des serpents" (Matth., X, 16 ; cf. Rig Vêda Samhitâ, VI, 52 ; I, ahimâyâh) par "sournois comme des serpents".)". Or, si nous considérons la vie miraculeuse du Bouddha, nous constatons que presque tous les détails, depuis le libre choix de l’heure et du lieu de la naissance (NA: Cf. Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 28, 4, yadi brâhmana-kulê yadi râja-kulê, comme J., I, 49, khattiya-Kulêvâ brâhmanakulê.) jusqu’à la naissance par le côté elle-même (NA: Rig Vêda Samhitâ, IV, 18, 2 (Indra) pârshwât nirgarnâni ; Buddhacharita, I, 25 (Bouddha) pârshwât sutah. Ainsi Agni (Rig Vêda Samhitâ, VI, 16, 35, garbhê mâtuh... vididyutânah) et le Bouddha (D., II, 13, kucchi-gatam passati) sont tous les deux visibles dans la matrice. On pourrait faire bien d’autres parallèles.), et aux Sept Pas (NA: 11V., X, 8, 4 (Agni) sapta dadhishê padâni, X, 122, 3 (Agni) sapta dhâmâni pariyan ; J., I, 53 (Bodhisattwa), sattapada-vîtihârêna agamâsi.), depuis la Sortie jusqu’au Grand Éveil sur l’autel jonché, au pied de l’Arbre du Monde, au Nombril de la Terre, depuis la défaite des Dragons jusqu’à l’allumage miraculeux du bois pour le sacrifice (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 8, 3 ; cf. 1 Rois, 18, 38.), peuvent être mis en parallèle exact - et en disant exact c’est bien là ce que nous entendons - avec le mythe védique d’Agni et d’lndra, le prêtre et le roi in divinis. Par exemple, et cette seule indication doit suffire, si le Dragon védique combat à l’aide du feu et de la fumée (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 32, 13.), et aussi à l’aide de femmes en guise d’armes (NA: Rig Vêda Samhitâ, V, 30, 9 ; X, 27, 10.), ainsi fait Mâra, la Mort, à qui les textes bouddhiques se réfèrent encore sous les noms de "Constricteur" (namuchi), "Mal" (Pâpmâ) et Serpent (Sarpa-râjâ) ; si le Tueur védique du Dragon est abandonné par les Dieux et doit compter sur ses seules ressources, le Bodhisattwa est laissé seul, lui aussi, et ne peut faire appel qu’à ses propres facultés (NA: Rig Vêda Samhitâ, VIII, 96, 7 ; Aitarêya Brâhmana, III, 20, etc. Le Bouddha est mârabhibhû, Sutta Nipâta, 571, etc., comme Indra est le conquérant de Vritra-Namuchi ; voir mes "Some Sources of Buddhist Iconography", B. C. Law, vol. 1, p. 471-478, sur le Mâra-dharsana.). En disant cela nous ne voulons pas nier que la défaite de Mâra par le Bouddha soit un symbole de la conquête du Soi, mais seulement montrer que c’est là une histoire très antique, une histoire qui a été racontée partout et toujours ; que, dans sa forme bouddhique, elle n’est pas nouvelle, mais est issue directement de la tradition védique, où la même histoire est rapportée et où elle a la même signification (NA: Cf. Rig Vêda Samhitâ, III, 51, 3 où Indra est abhimâti-han (ailleurs vritra-han, etc.) ; de même dans IX, 65, 15 et passim. Abhimâti (= abhimâna, Maitri Upanishad, VI, 28, i. e. asmi-mâna), la conscience de l’Ego, est d’ores et déjà l’Ennemi, le Dragon à vaincre.). 148 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine

Le Bouddha se dit lui-même inconnaissable (ananuvêdya) ici même et maintenant ; ni les Dieux ni les hommes ne peuvent le voir (NA: Majjhima Nikâya, I, 140, 141. Le Bouddha est ananuvêjjo, "hors d’atteinte" ; les autres Arahats sont pareillement sans traces (vattam têshâm n’atthi pannâpanâya). Samyutta Nikâya, I, 23 ; Vajracchêdika Sûtra ; cf. Samyutta Nikâya, III, III f, et Hermès, Lib., XIII, 3.). Ceux qui le voient sous quelque forme ou pensent à lui avec des mots ne le voient pas du tout. "Je ne suis ni prêtre, ni prince, ni laboureur, ni quoi que ce soit à aucun degré ; je parcours le monde comme celui qui sait et qui n’est Personne, et que les qualités humaines ne contaminent pas (alipymâna... mânavêbhyah) ; il est vain de demander mon nom de famille (gotra) (NA: Sutta Nipâta, 455, 456, 648. Cf. Shankara, Vivêkachûdâmani 297 tyajâbhimânam kula-gotra-nâmarûpashra-mêshwârdrasavashritêshu, "Rejette les idées de famille et de clan, de nom et de forme, d’étape de vie, qui appartiennent au cadavre vivant", à ce que saint Paul appelle "ce corps de mort".)