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Bréhier-Plotin: symétrie

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Que l’un ou l’autre soit vrai, il en résulte que Dieu possède des vertus, fussent-elles différentes des nôtres. Si donc on accorde que nous pouvons ressembler à Dieu, même par des vertus différentes des siennes (car s’il en est autrement dans les autres vertus, nous avons du moins des vertus qui ne sont pas semblables à celles de Dieu, à savoir les vertus civiles), rien n’empêche d’aller plus loin et de dire que nous devenons semblables à Dieu par nos vertus propres, même si Dieu, n’a pas de vertus. De quelle manière est-ce possible ? Le voici : si une chose est échauffée par la présence de la chaleur, il est nécessaire que l’objet d’où lui vient la chaleur soit également échauffé ; et si un objet est chaud grâce à la présence du feu, est-il nécessaire que le feu soit lui-même échauffé par la présence du feu ? On peut répondre qu’il y a aussi dans le feu une chaleur, mais une chaleur inhérente. En suivant l’analogie, l’on pose que la vertu est dans l’âme un caractère acquis, tandis qu’elle est inhérente à l’être que l’âme imite et de qui elle la tient. Mais on répondra à l’argument tiré du feu ; il s’ensuit que cet être est la vertu elle-même [comme le feu est la chaleur] ; or ne jugeons-nous pas qu’il était supérieur à la vertu ? Bon argument, si la vertu à laquelle l’âme participe était identique à l’être de qui elle la tient ; mais la vertu est différente de cet être. La maison sensible n’est pas la même que celle qui est dans la pensée [de l’architecte], bien qu’elle lui soit semblable ; la maison sensible présente ordre et proportion, tandis que, dans la pensée, il n’y a ni ordre, ni proportion, ni symétrie. De même nous tenons du monde intelligible l’ordre, la proportion et l’accord, qui constituent ici-bas la vertu ; mais les êtres intelligibles n’ont nullement besoin de cet accord, de cet ordre et de cette proportion, et la vertu ne leur est d’aucune utilité ; il n’en reste pas moins que la présence de la vertu nous rend semblables à eux. De ce que la vertu nous rend semblables à l’être intelligible, il ne s’ensuit donc pas nécessairement que la vertu réside en cet être. Il faut, maintenant, par notre développement, convaincre l’esprit et ne pas se contenter de le contraindre. ENNÉADES - Bréhier  : I, 2 [19] - Des vertus 1

Le beau se trouve surtout dans la vue ; il est aussi dans l’ouïe, dans la combinaison des paroles et la musique de tout genre ; car les mélodies et les rythmes sont beaux ; il y a aussi, en montant de la sensation vers un domaine supérieur, des occupations, des actions et des manières d’être qui sont belles ; il y a la beauté des sciences et des vertus. Y-a-t-il une beauté antérieure à celle-là ? C’est la discussion qui le montrera. Qu’est-ce donc qui fait que la vue se représente la beauté dans le corps, et que l’ouïe se prête à la beauté dans les sons ? Pourquoi tout ce qui se rattache immédiatement à l’âme est-il beau ? Est-ce d’une seule et même beauté que toutes les choses belles sont belles, ou bien y-a-t-il une beauté différente dans les corps et dans les autres êtres ? Et que sont ces beautés ou bien qu’est cette beauté ? Certains êtres, comme les corps, sont beaux en eux-mêmes, comme la vertu. Car il est manifeste que les mêmes corps sont tantôt beaux, tantôt sans beauté, comme si l’être du corps était différent de l’être de la beauté. Qu’est cette beauté présente dans les corps ? C’est là la première chose à rechercher. Qu’est ce donc qui tourne et attire les regards des spectateurs, et leur fait éprouver la joie dans la contemplation ? Si nous découvrons cette beauté de corps, peut-être pourrions-nous nous en servir comme d’un échelon pour contempler les autres beautés. Tout le monde, pour ainsi dire, affirme que la beauté visible est une symétrie des parties les unes par rapport aux autres et par rapport à l’ensemble ; à cette symétrie s’ajoutent de belles teintes ; la beauté dans les êtres comme d’ailleurs dans tout le reste, c’est leur symétrie et leur mesure ; l’être beau ne sera pas un être simple, mais seulement et nécessairement un être composé ; de plus le tout de cet être sera beau ; et ses parties ne seront pas belles chacun par elle-même, mais en se combinant pour que leur ensemble soit beau. Pourtant, si l’ensemble est beau, il faut bien que ses parties soient belles, elles aussi ; certainement, une belle chose n’est pas faite de parties laides, et tout ce qu’elle contient est beau. De plus des couleurs qui sont belles, comme la lumière solaire, seront, dans cette opinion, en dehors de la beauté, puisqu’elles sont simples et ne tirent pas leur beauté de la symétrie des parties. Et l’or, comment est-il beau ? Et l’éclair que l’on voit dans la nuit, qui fait qu’il est beau ? Il en est de même des sons ; la beauté d’un son simple s’évanouira ; et pourtant bien souvent, chacun des sons qui font partie d’un bel ensemble est beau à lui seul. Et lorsqu’on voit le même visage, avec des proportions qui restent identiques, tantôt beau et tantôt laid, comment ne pas dire que la beauté qui est dans ces proportions est autre chose qu’elles, et que c’est par autre chose que le visage bien proportionné est beau ? Et si, passant aux belles occupations et aux beaux discours, on veut voir encore dans la symétrie la cause de cette beauté, que vient-on parler de symétrie dans de belles occupations, dans des lois, dans les connaissances ou dans les sciences ? Les théorèmes sont symétriques les uns aux autres : qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’ils s’accordent ? Mais il y a aussi bien accord et concordance entre les opinions du méchant. Cette opinion : la tempérance est une sottise, est d’accord avec celle-ci : la justice est une naïveté généreuse ; il y a de l’une à l’autre une correspondance et une concordance. Donc voici la vertu qui est une beauté de l’âme et bien plus réellement une beauté que celles dont nous parlions : en quel sens y aurait-il des parties symétriques ? Il n’y a pas de partie symétriques, à la manière dont les grandeurs ou les nombres sont symétriques, quelque vrai qu’il soit que l’âme contient une multiplicité de parties. Car dans quel rapport se font la combinaison ou le mélange des parties de l’âme et des théorèmes scientifiques ? Et l’intelligence, qui est isolée, en quoi consistera sa beauté ? ENNÉADES - Bréhier: I, 6 [1] - Du Beau 1

Ce célèbre traité est un de ceux qui font le mieux voir comment Plotin   utilise les dialogues platoniciens, en introduisant entre eux un ordre systématique ; toute la série des questions sur le Beau, qui ouvrent le traité, provient de l’ Hippias majeur. D’après Plotin, ce sont les questions de l’ Hippias qui trouvent leur solution dans le Banquet   et dans le Phèdre  , comme il le fait voir à partir du chapitre IV. Mais, avant d’aborder cette solution, Plotin rencontre d’abord la théorie stoïcienne du Beau, qui, partant de la beauté plastique, de celle d’une statue, et définissant la beauté par la symétrie, assimilait complètement la beauté intellectuelle à la beauté sensible ; et il la critique, parce qu’elle refuse d’admettre, entre les divers ordres de beauté, cette hiérarchie ascendante qui fait le fond de la doctrine platonicienne. À partir du chapitre II, il prend pour guide le discours de Diotime dans le Banquet, passant de la beauté sensible à la beauté des âmes, et de celle-ci au Beau en soi. Mais, sur la beauté des corps, il ne trouve chez Platon   que d’assez vagues indications ; sans doute il y voit que la beauté sensible vient de la participation à une idée, et que l’âme reconnaît et aime cette beauté parce qu’elle se souvient des idées ; mais la participation équivaut à l’information de la mati  ère par la forme ; et c’est là le langage non plus de Platon, mais d’Aristote  , par lequel Plotin, dans toute cette partie, est visiblement séduit comme dans tous les cas où un néoplatonicien a à traiter des choses sensibles. Quand il vient à parler des beautés non sensibles, il utilise le Phèdre et le Banquet. Encore faut-il remarquer qu’il y mélange intimement, comme on le voit au chapitre V et à la fin du chapitre IX, des idées morales empruntées au Phédon   et au Théétète   sur la vertu purification et sur l’évasion du monde sensible, idées qui, dans les dialogues platoniciens, sont loin d’être aussi intimement unies à la dialectique de l’amour. Enfin, dernière interprétation, étrangère au platonisme original : le Beau, terme de l’ascension de l’âme dans le Banquet, est identifié au monde des Idées ; de plus, il est subordonné au Bien, qui devient le terme dernier de l’amour. Tel est le résultat d’un long effort, commencé sans doute bien avant Plotin, pour introduire une cohérence doctrinale dans l’ensemble des dialogues de Platon. ENNÉADES - Bréhier: I, 6 [1] - Du Beau 9