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Vallin (EI:52-57) – a encarnação abstrata e as relações entre essência e existência
sábado 23 de dezembro de 2023
destaque
A presença no mundo que dá origem à temporalidade objectivante baseia-se numa corporização que descreveremos como abstrata. É evidente que a subjetividade objectivante que vimos não é intemporal, nem "desencarnada". Está necessariamente unida a um corpo que medeia a sua transcendência para o mundo. Mas a sua relação com o corpo é tal que a subjetividade não é rigorosamente individualizada pela sua corporização. O corpo como centro e sinal da incorporação ou do envolvimento da subjetividade objectivante no mundo não a afecta com um carácter irredutível de singularidade, mas constitui simplesmente o instrumento do seu poder sobre o mundo. Longe de o isolar num ponto móvel do espaço que o condenaria a uma individualização radical, o corpo é aqui o meio pelo qual ele se transcende para a totalidade infinita do espaço do mundo, o meio pelo qual ele pode perceber o mundo que se estende neste espaço como uma realidade objetiva acessível em princípio a toda a subjetividade humana. Estas observações ajudar-nos-ão a esclarecer o sentido que devemos dar à vontade de poder que caracteriza a subjetividade objetivante. Não se trata de um poder rigorosamente individual, isto é, que emana de um sujeito que é verdadeiramente um ser individual; este poder é simplesmente individualizado, isto é, manifesta-se num corpo singular que pode ser objetivamente localizado no espaço; mas o fato de estar encarnado num corpo particular não faz parte da essência da sua encarnação e do seu envolvimento com o mundo. Aqui, a subjetividade é simplesmente individualizada, mas não é realmente individual, ou melhor, um ser individual.
original
Afin de mieux comprendre comment la subjectivité objectivante dévoile le réel, il nous faut déterminer de façon plus précise comment elle s’enracine dans le monde existant vers lequel elle se « transcende ». Nous venons de la saisir dans son activité de temporalisation qui la met nécessairement en présence d’autre chose qu’elle-même, et qui constitue, comme l’a bien montré Heidegger (SZ:329), un mode fondamental de l’extériorité. L’activité de temporalisation comme telle constitue le mode le plus originel de l’extériorité à soi de la subjectivité temporaliste. Aussi ne saurait-on considérer ici comme un problème philosophique le passage de la temporalisation à l’incarnation, c’est-à-dire à la relation entre la subjectivité et l’espace ou la subjectivité et son corps.
L’activité de temporalisation ne saurait se concevoir indépendamment de l’engagement dans le monde et, partant, indépendamment de l’incarnation de la subjectivité dans un corps qui rende possible ou plutôt effective la relation de transdescendance vers le monde. Loin d’enfermer la subjectivité en elle-même, nous avons vu que la temporalisation la projette au contraire hors de soi. Il nous paraît donc illégitime de séparer de façon radicale, à la manière de Bergson , une temporalité de nature spirituelle pure et la spatialité matérialisante. La temporalisation et l’incarnation sont deux aspects différents du même phénomène fondamental de transdescendance qui caractérise la subjectivité temporaliste en général, et la structure temporelle objectivante en particulier. La temporalisation constitue en elle-même une sorte d’incarnation première qui fonde et explique l’incarnation effective plutôt qu’elle ne s’oppose à elle. Il ne saurait être question de développer ici cette vérité dans la totalité de ses implications. Il nous suffira d’avoir montré la temporalisation comme le fondement des relations de la subjectivité avec le monde, cette relation nécessaire avec le monde existant s’avérant constitutive de l’être de la subjectivité temporaliste comme telle. Le problème qui se pose alors ne consiste pas à expliquer l’incarnation spatialisante à partir d’une ineffable intimité temporelle, mais simplement à discerner les divers modes d’incarnation et de spatialisation qui sont corrélatifs de l’activité de temporalisation s’exerçant au niveau des diverses structures temporelles.
[53] Quel est donc le type d’incarnation et la nature de la subjectivité qui correspondent à la temporalisation objectivante que nous venons d’esquisser ?
Envisagée au niveau de la sphère objectivante, la subjectivité temporaliste paraît engagée dans le corps selon une modalité que nous qualifierons d’abstraite et qui correspond au caractère abstrait de la temporalité logique précédemment mis en lumière. Cette correspondance s’explique par le fait que le caractère particulier de l’activité temporalisante se manifestant au niveau de chacune des structures temporelles se fonde essentiellement sur une certaine présence au monde, qui présuppose un certain mode d’incarnation ou de spatialisation de la subjectivité.
La présence au monde qui engendre la temporalité objectivante est fondée sur une incarnation que nous qualifierons d’abstraite. Il est évident que la subjectivité objectivante dont nous avons vu qu’elle n’est pas intemporelle n’est pas non plus « désincarnée ». Elle est nécessairement unie à un corps qui est comme le médiateur de sa transcendance vers le monde. Mais sa relation avec le corps est telle que la subjectivité n’est pas rigoureusement individualisée par son incarnation. Le corps en tant que centre et signe de l’incarnation ou de l’engagement dans le monde de la subjectivité objectivante n’affecte pas celle-ci d’un irréductible caractère de singularité, mais constitue simplement l’instrument de sa puissance sur le monde. Bien loin de l’isoler dans un point mouvant de l’espace qui la condamnerait à une individualisation radicale, le corps est ici ce par quoi elle se transcende vers l’infinie totalité de l’espace du monde, ce par quoi elle peut percevoir le monde qui s’étale dans cet espace comme une réalité objective accessible en principe à toute subjectivité humaine. Ces remarques nous aideront à préciser le sens qu’il convient de donner à la volonté de puissance caractérisant la subjectivité objectivante. Il ne s’agit pas d’une puissance rigoureusement individuelle, c’est-à-dire émanant d’un sujet qui serait véritablement un être individuel, cette puissance est simplement individualisée c’est-à-dire qu’elle se manifeste dans tel corps singulier objectivement repérable dans l’espace ; mais le fait d’être incarnée dans tel corps déterminé n’appartient pas à l’essence de son incarnation et de son engagement dans le monde. La subjectivité est ici simplement individualisée mais elle n’est pas vraiment individuelle ou plutôt un être individuel. Cette affirmation ne s’éclairera d’ailleurs que progressivement au cours de ce travail, mais l’on peut saisir dès maintenant que, s’il appartient à l’essence de la subjectivité objectivante d’être [54] incarnée ou individualisée — ce qui revient ici pratiquement au même — cette individualisation signifie simplement la nécessité pour la subjectivité d’être incarnée. Mais l’on ne saurait affirmer qu’au niveau de cette sphère temporelle, tel corps humain avec tels détails singuliers qui la distinguent d’autres corps analogues — à la manière de la monade leibnizienne — appartient à « telle subjectivité » objectivante à l’exclusion de telle autre, car la subjectivité objectivante comme telle est précisément caractérisée autant que par la nécessité d’exister dans un corps, par le fait que ce corps est essentiellement n’importe quel corps, c’est-à-dire simplement un corps humain en général doué d’organes sensoriels par lequel la subjectivité se transcende vers le monde existant. Aussi la subjectivité, nécessairement incarnée dans tel corps singulier qui la situe dans tel lieu déterminé de l’espace et la met en face de telles réalités singulières, à l’intérieur d’un champ de perception limité, n’est-elle pas condamnée à entretenir avec ces objets des relations affectées d’un irréductible coefficient de singularité. A partir de chacun des lieux occupés par son corps dans l’espace, ou plus exactement à partir de n’importe quel lieu occupé par n’importe quel corps dans l’espace, la subjectivité objectivante apparaît comme la puissance universelle par l’expansion de laquelle l’espace lui-même est constitué comme un milieu homogène où tous les êtres et tous les objets sont enserrés dans d’innombrables réseaux de relations objectives, c’est-à-dire théoriquement accessibles à n’importe quelle subjectivité, ou plus précisément à la subjectivité objectivante en tant qu’incarnée dans n’importe quel corps. Car le terme de « subjectivité » objectivante n’admet que le singulier et non le pluriel ; la subjectivité se pose ici comme une réalité qui est impersonnelle et supra-individuelle dans son essence quoique nécessairement incarnée et individualisée.
Au niveau de la sphère objectivante, le Cogito s’effectue donc de telle manière que la subjectivité se pose comme activité de conscience impersonnelle non repliée sur elle-même, mais se transcendant immédiatement vers le monde par l’intermédiaire de son incarnation abstraite dans un corps qui la « situe » dans ce dernier. C’est en partie parce que ce corps n’est pas ici posé et saisi comme l’expression singulière d’une essence individuelle, ni comme un obstacle dont l’opacité entraverait l’expansion spirituelle, que la subjectivité reste impersonnelle, non individuelle quoique individualisée. En tant qu’elle se situe dans la sphère objectivante sa relation avec son corps est une relation de possession abstraite, où l’avoir peut se masquer derrière [55] l’apparence de l’être car le corps n’est pas ici un principe de limitation qui m’enfermerait en moi tout en me laissant à distance de moi-même et du monde, mais l’instrument qui me permet au contraire d’étendre sur lui ma puissance.
La transparence de la possession du corps par la subjectivité est d’ailleurs ce sur quoi se fonde la transparence du monde. Le corps ne s’est pas encore révélé comme le signe d’une individualisation irréductible, de la contingence ou de la facticité de mon avoir qui s’opposerait à une essence de mon être avec laquelle il se trouverait par là même dans une sorte de tension dialectique. Aussi le corps forme-t-il avec la subjectivité objectivante une totalité organique harmonieuse et sans fissure : il n’apparaît pas comme situé dans l’ordre de la nature tandis qu’elle-même se saisirait comme liberté. Il est le véhicule, indispensable à sa propre réalisation spirituelle, du mouvement spirituel qui la caractérise comme volonté de puissance impersonnelle se transcendant vers le monde. Elle possède ici son corps sans ambiguïté et c’est pourquoi elle ne se sent pas rigoureusement individualisée à l’occasion de cette relation : à vrai dire le corps ne saurait être ici l’objet d’une aperception thématique qui l’objectiverait comme une réalité que la subjectivité se trouverait à la fois être et ne pas être. Elle ne vise pas son corps comme une chose à laquelle elle se sentirait liée et même identifiée tout en se sentant distincte de lui. Le corps fait indivisiblement partie de son être en tant que transcendance vers le monde. La perception du monde ne se répercute pas dans son être selon des modalités singulières et ineffables. L’affectivité revêt ici un caractère impersonnel qui engage mon être en tant que subjectivité impersonnelle, de même que ma perception du monde revêt un caractère essentiellement interchangeable. La subjectivité objectivante, grâce à la médiation discrète et transparente de son corps, intègre le réel dans la sphère de sa volonté de puissance. La relation de possession qui s’exprime par le pronom possessif au singulier (son corps) ne doit donc pas être entendu dans la rigueur de sa signification grammaticale. La prise de possession du monde, bien qu’elle soit liée à une sorte de passion très concrète, n’a pas comme support une subjectivité rigoureusement individuelle, mais seulement individuée, c’est-à-dire se manifestant dans tel corps déterminé et repérable, distinct de tel autre, etc.
Nous retrouvons donc ici le même paradoxe et la même ambiguïté que dans l’activité de temporalisation. La subjectivité, en raison de sa finitude, ne pouvait saisir le réel que successivement sans jamais pouvoir réaliser une totalité achevée, mais [56] était pourtant certaine a priori d’intégrer dans la sphère de sa puissance tout le réel susceptible de se présenter à elle au cours de l’expérience à venir. De même ici la subjectivité, quoique incarnée dans un corps singulier ne perçoit pas le monde à travers les organes sensoriels de ce corps en tant qu’il est corps singulier mais simplement en tant qu’il est un corps en général.
L’espace dans lequel elle s’incarne se révèle d’ailleurs comme un milieu qui unifie, qui réunit et rapproche les objets plutôt que comme un véritable principe de séparation, d’individuation, d’isolement de ces derniers.
Et cet aspect unificateur apparaît comme une nouvelle conséquence de la volonté de puissance qui caractérise la subjectivité objectivante. Le monde existant dans l’espace apparaît comme ce sur quoi la subjectivité étend sa puissance : le monde lui est bien donné comme une réalité vers laquelle elle se transcende, mais il n’est qu’un obstacle théorique dont la résistance est tout abstraite. Le monde est comme illuminé jusque dans ses profondeurs par cette puissance expansive dont la subjectivité objectivante est affectée en raison de son incarnation abstraite. Ou plus exactement les profondeurs du monde s’estompent et son opacité se dissipe, grâce à cet espace qui tend à être dépouillé ici de ses vertus qualitatives et individualisantes, et ceci du fait de sa correspondance avec une activité de temporalisation qui exclut elle aussi l’individualisation véritable de la subjectivité.
La distance de la subjectivité incarnée par rapport à telle réalité située dans le monde est en même temps et plutôt que ce qui la sépare de cette dernière, ce qui l’en rapproche, car l’espace qui l’en sépare est dépouillé de son opacité qualitative. De même que la subjectivité n’est incarnée que par accident dans tel corps singulier (mais par essence dans un corps en général), de même la réalité qu’elle vise dans le monde n’est située que par accident à telle place qualitativement déterminée.
Il n’y a pas plus de lieu privilégié pour tel objet à percevoir que pour la subjectivité incarnée qui le perçoit. L’accroissement de la distance qui estompe la vivacité d’une couleur ou les contours d’un objet ne change rien à l’optique essentiellement abstraite de la subjectivité objectivante : ce qui lui importe c’est la couleur en général, ou la forme en général, c’est-à-dire la couleur ou la forme comme essences nécessairement immergées dans l’existence, mais non selon telle ou telle configuration chaque fois singulière.
On ne saurait affirmer que la subjectivité transcende ici le fait de la « situation » : elle est bien « située », chaque fois, en [57] un lieu déterminé ; elle est incarnée dans un corps qui est bien, comme le voulait Leibniz , la condition de son point de vue sur le monde, mais la subjectivité n’est pas ici une monade, car son point de vue sur le monde n’est pas exclusivement son point de vue à elle. Si la situation est imposée à la subjectivité en vertu d’une inéluctable nécessité, il n’en reste pas moins qu’elle est abstraite.
Le caractère abstrait de sa vision du monde, avec ce qu’il implique d’objectivité et d’impersonnalité, bien loin de s’imposer malgré la situation, est au contraire intimement lié à cette dernière. La situation ou l’incarnation de la subjectivité objectivante dans un corps conservent leur caractère de limitation, de finitude, malgré la forme abstraite qu’elles revêtent, au niveau de la sphère objectivante. L’impersonnalité et l’abstraction de cette vision du monde qui élimine du réel ce qui pourrait faire obstacle à l’expansion de sa volonté de puissance est en effet très différente du point de vue théorique transcendant d’un être infini non situé, tel que le Dieu de l’ontologie traditionnelle, et qui intégrerait l’infinie totalité du réel dans son acte infini de Connaissance : cette impersonnalité abstraite de la subjectivité objectivante est liée à la nécessité de la situation, de l’incarnation, mais cette nécessité, au lieu de se traduire ici par l’ineffable subjectivité d’une perspective irremplaçable, se manifeste, non pas pour elle-même, il est vrai, mais d’un point de vue plus compréhensif et susceptible de saisir ses limites, par l’appauvrissement du réel dont elle expulse les éléments incompatibles avec les déterminations intelligibles qu’elle projette sur le monde existant.
VALLIN, Georges. Être et individualité. Éléments pour une phénoménologie de l’homme moderne. Paris: PUF, 1959