Vallin (EI:39-42) – Le dogmatisme temporaliste et l’expérience de l’individualité.

(VallinEI)

B) Problèmes posés par les structures temporelles (cont.)

2) De la subjectivité temporaliste en général

Il est clair qu’une interprétation polyvalente de la subjectivité doit accompagner l’analyse des diverses modalités de temporalisation caractérisant chacune des « structures temporelles ». A chacune de ces modalités correspond un aspect différent de la subjectivité.

Dans son sens le plus général, la subjectivité temporaliste équivaut — du moins dans le cadre de l’expérience temporaliste que nous cherchons à décrire — à la conscience immanente intentionnellement dirigée vers une réalité qui n’a pas nécessairement le statut de l’objectivité.

La conscience que nous appellerons ici « subjectivité temporaliste » apparaît à la fois comme intentionnellement dirigée vers le réel qu’elle dévoile et comme un processus de temporalisation qui caractérise sa propre réalité subjective. La relation caractérisant la subjectivité temporaliste en général déborde donc la relation sujet-objet que nous ne retrouverons qu’à titre de cas particulier au cours de notre analyse des structures temporelles.

De plus, la subjectivité est intentionnellement axée, dans chacune de ces sphères, sur un aspect du monde chaque fois différent qui n’est pas seulement visé comme signification mais comme réalité effective et densité existentielle.

Avant d’aborder l’analyse de la structure temporelle objectivante, nous préciserons l’emploi que nous comptons faire de la notion de transcendance couramment employée par les phénoménologues contemporains.

La « transcendance » de la subjectivité temporaliste par rapport au monde qu’elle vise et dans lequel elle s’enracine (de façon différente selon chacune des structures temporelles) désignera tout d’abord — dans le cadre très général de la « Transdescendance » impliquée dans une optique non métaphysique — le dépassement de toute réalité empirique qui caractérise la subjectivité temporaliste en général. Bien qu’en fait la subjectivité mise en lumière au niveau des diverses structures temporelles ne soit pas intemporelle à la manière du « Je pense » kantien mais toujours engagée en quelque manière dans le temps, nous parlerons néanmoins de la subjectivité transcendantale pour désigner la conscience dans son rapport avec le monde réel et existant au niveau des diverses structures temporelles.

Cette « transcendance » implique bien la notion d’un degré ou d’une dignité ontologique supérieurs à ceux du réel qui se trouve ainsi « dépassé » ou « transcendé », mais ce « dépassement » n’implique en aucune manière que la subjectivité contienne « éminemment » ce réel qui n’en serait — en termes platoniciens — qu’une participation dégradée. Cette transcendance désigne purement et simplement le clivage ontologique et la polarisation sans lesquels la notion même de monde ou de réalité serait dépourvue de toute signification, la subjectivité étant ce sans quoi on ne saurait penser ou poser quelque chose comme un monde ou une réalité en général.

De plus, dans le cadre « temporaliste » tel que nous l’avons délimité, cette première forme de transcendance est intimement liée à une deuxième forme, qu’il nous faut préciser. La subjectivité temporaliste qui se distingue par le refus explicite de toute participation à la Transcendance comprise dans la rigueur de sa signification traditionnelle, non seulement n’est pas bloquée en elle-même, dans l’autarcie d’un splendide isolement, mais elle se dépasse nécessairement vers un réel qui est autre qu’elle et dont elle a besoin pour acquérir consistance et réalité. Si la « subjectivité » se dépasse ici ou se transcende, c’est vers « en bas » et les diverses structures temporelles apparaîtront à cet égard comme autant de modalités de la Transdescendance en général.

Si la subjectivité temporaliste doit transcender le monde réel pour lui reconnaître sinon pour lui donner nécessairement un sens, cette transcendance est donc corrélative d’un dépassement inverse de la subjectivité vers le réel : la subjectivité doit se transcender vers la réalité du monde existant. On ne peut la concevoir que comme se dépassant vers ce réel et ce dépassement est constitutif de son essence. En tant que subjectivité immanente qui a coupé toutes relations de participation effective avec le Principe métaphysique ou transcendant, la conscience ne saurait avoir de réalité indépendamment de cette relation de transdescendance qui seule lui permet d’échapper au vide et à l’abstraction de l’intériorité pure.

La subjectivité qui transcende la réalité empirique du monde existant transcende de la même manière le moi empirique, mais on ne saurait la concevoir indépendamment de ce dernier. La subjectivité n’est donc pas pensable comme séparée de son corps, grâce auquel elle a prise sur le monde qu’elle « transcende » et vers lequel elle se transcende. La subjectivité temporaliste peut donc être dite transcendantale en ce sens qu’elle ne se réduit pas au moi empirique. Mais si cette subjectivité transcendantale qui, dans chacune des structures temporelles, constitue d’une façon particulière la modalité de succession des états de conscience affectant le moi empirique, apparaît comme le fondement de ce dernier, elle se fonde à son tour sur le moi empirique en ce sens que la temporalisation et la compréhension temporalisante de la réalité du monde qui sont l’essence de la subjectivité temporaliste appellent comme un complément nécessaire un contenu empirique sans lequel son activité fondamentale serait dépourvue de contenu et de signification.

Ce sont d’ailleurs les étapes et les degrés de cette « Transdescendance » qui traduisent la proximité de plus en plus accusée du pôle substantiel de la manifestation dont le rôle est ici fondamental, parallèlement à l’éloignement du pôle essentiel dont le primat caractérise la perspective métaphysique.

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