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Patocka (1995:145-148) – para qual modo de ser passa o morto?
terça-feira 9 de janeiro de 2024
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Qualquer ser para outro que não seja um mero quase-ser teve a sua originalidade para si mesmo, coisa que nada, nenhuma cessação dessa originalidade, lhe pode tirar. Qualquer ser para um outro permanece sempre um ser com a sua própria originalidade interna, exceto que, no caso dos mortos, essa originalidade chegou ao fim e já não é sincrônica conosco. Não se trata, portanto, de uma passagem ao puro ser para os outros, no sentido de um quase-ser (de uma personagem de um romance, de uma ficção, de uma imaginação). Pelo contrário, o núcleo permanece: um ser que teve a sua própria originalidade, mas que agora não é mais do que um objeto, o objeto idêntico das nossas relações com ele, sem reciprocidade. A reciprocidade é o fator fundamental da sincronia das duas originalidades: a originalidade do ser do outro para comigo (com a minha consciência da sua originalidade para mim) e a minha originalidade para o outro (com a sua consciência do meu ser original em mim). Com a morte, a originalidade do ser-para-si do outro transforma-se na originalidade do seu não-ser para si; esta mudança deve-se à falta de reciprocidade; a pessoa morta não responde, não colabora, não co-percebe, não faz absolutamente nada, eclipsou tudo isso para se tornar um mero objeto que já não tem o sentido de um "um-com-o-outro", de uma participação nos empreendimentos, funções e interesses humanos. Esta participação é algo que se realiza essencialmente na reciprocidade — a vida é vida na reciprocidade e, portanto, na dualidade do ser em si e do ser para si.
Erika Abrams
([Mon être pour autrui] pour moi) est un objet de l’imagination, de représentations, visées et considérations portant sur moi en tant qu’objet des diverses activités pragmatiques des autres, aussi bien dans la diachronie que dans la synchronie ; dans la diachronie, je peux ainsi, en représentation, vivre dans les autres ma propre vie après la mort, ma propre quasi-vie en autrui.
Mon être pour moi dans la figure de la non-actualité pure, être de la protention — il n’y a aucun être pour soi sans protention ; le savoir qu’on aurait d’un être sans protention est toujours ou bien un savoir qui transcende la conscience propre en tant qu’objet, ou bien la prise de conscience interne d’un projet en bout de course, mais même ce « bout de course » n’est jamais et ne peut, par la nature même de l’être propre, être sans protention — ce qui pose alors le problème de la différence entre l’être propre et le projet propre, le Dasein in mir et mon être au sens fondamental.
L’absence pure et simple est la non-originalité de la conscience que j’ai de l’autre, jointe à la conscience de son propre être original pour soi. Je sais qu’il est, qu’il vit en lui-même, sans avoir la perception de cet être, sans que celui-ci me soit présent dans son comment. — Dans la mort, si je vois un défunt, il se joint, à l’originalité de son être pour moi, la conscience de la non-existence de son être pour soi. S’il est enterré, transformé, loin de tout regard possible — ses cendres ne sont plus sa figure — la conscience (originale ?) de sa non-existence pour soi accompagne la non-originalité de son être pour moi.
Dans quel mode d’être le mort passe-t-il ?
Tout être pour autrui qui n’est pas un simple quasi-être, a eu son originalité pour soi, chose que rien, aucune cessation de cette originalité, ne peut lui ôter. Tout être pour autrui demeure toujours un être pourvu de sa propre originalité interne, à cela près, dans le cas du mort, que celle-ci a pris fin et n est plus synchrone avec nous. Il ne s’agit donc pas d’un passage au pur être pour autrui au sens du quasi-être (d’un personnage de roman, d’une fiction, d’une imagination). Au contraire, le noyau demeure : un être qui a eu son originalité propre, mais qui n’est plus qu’un objet, l’objet identique de nos rapports à lui, sans réciprocité. La réciprocité est le facteur fondamental de la synchronie des deux originalités : l’originalité de l’être de l’autre pour moi (avec ma conscience de son originalité pour soi) et mon originalité pour l’autre (avec sa conscience de mon être original en moi-même). Avec la mort, l’originalité de l’être pour soi de l’autre se mue en l’originalité de son non-être pour soi ; elle prend cette tournure par défaut de réciprocité ; le mort ne répond pas, ne collabore pas, ne co-perçoit pas, il n’effectue rien du tout, il s’est entièrement éclipsé de tout cela pour devenir un simple objet qui n’a plus désormais le sens d’un « l’un-avec-l’autre », d’une participation aux entreprises, aux fonctions et aux intérêts humains. Cette participation est quelque chose qui se réalise essentiellement dans la réciprocité — la vie est vie dans la réciprocité et, partant, dans la dualité de l’être en soi-même et de l’être pour soi.
Comment cet autre révolu est-il visé ? Nous le visons, bien sûr, comme celui qui n’a plus, qui a épuisé son originalité propre. En ce sens, il n’est plus avec nous. Son originalité propre pour soi est parvenue à son terme et ne pourra plus désormais en aucune façon être ressuscitée, rendue synchrone avec notre originalité pour nous-mêmes. Cela dit, la question se pose de savoir qui est cet autre révolu. Coïncide-t-il avec l’une quelconque ou avec la totalité des phases de son flux révolu, ou bien est-il autre chose encore, entièrement distinct ? Qui visons-nous à vrai dire en pensant à celui qui n’est plus ? Sans doute, il demeure identique au vivant qu’il fut, et pourtant il est visé d’une tout autre manière. Si le vivant est identique à l’intérieur du changement, reste que cette identité est vivante, c’est l’identité de ce qu’on peut faire d’une liberté située qui recueille continuellement son propre héritage. Celui qui ne vit plus, n’a plus, quant à lui, cette possibilité de se faire ; le mort est une histoire close, ses possibilités aussi sont mortes. Est-ce à dire qu’il est devenu une simple suite de vécus révolus, que nous le voyons comme un enregistrement sur disque ou sur bande magnétique, que son identité est l’identité de cet écheveau passé ?
Bien que l’horizon d’une possible expérience empathique des possibilités révolues du mort demeure essentiellement présent, le mort est pour nous au premier chef ce qu’il fut pour nous. Son originalité révolue, covisée, n’est pas réalisée dans la suite de ses vécus. Mon père mort est mon père et reste comme tel pour moi. Pour d’autres, il demeure en tant que « monsieur P., directeur de lycée », dans la fonction qui fut la sienne lorsqu’ils l’ont connu, défini par un trait caractéristique avec lequel ils l’identifient. Est-ce à dire que le mort est pour nous avant tout son rôle ? Qu’il est un être pour nous figé, avec un simple horizon vide d’originalité passée pour soi ?
PATOCKA, Jan. Papiers phénoménologiques. Grenoble: Jérôme Millon, 1995