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Chambon (LF:13-15) – Bollnow e as tonalidades afetivas
sexta-feira 24 de novembro de 2023, por
tradução
O livro [de Bollnow] começa por definir o campo das tonalidades afetivas, a sua função e a sua importância. A questão do homem tornou-se incerta porque a certeza tradicional do homem como "animal racional" se desmoronou. A crise da cultura contemporânea caracteriza-se pelo facto de a razão já não ser o princípio constitutivo da natureza humana. Neste sentido, a descoberta do papel fundamental das tonalidades afetivas exprime esta crise. É o fim de uma definição específica do homem. O aparecimento de tonalidades afetivas, de sentimentos enraizados na vida, significa que as actividades superiores do espírito já não são autônomas. Elas mergulham nas profundezas da vida, onde têm a sua fonte. A questão da relação entre o pensamento e a vida, até agora negligenciada, coloca-se agora. Mas é precisamente esta questão que nos obriga a revelar "o conjunto estrutural íntimo da vida humana" [BOLLNOW O.F., Les tonalités affectives, trad. L. et R. Savioz, Edition de la Baconnière, Neuchâtel, 1953].
original
L’analyse précise des thèmes de l’ouvrage de O. F. Bollnow s’avère nécessaire pour préciser le sens de nos questions et dégager les points problématiques.
L’ouvrage commence par circonscrire le domaine des tonalités affectives, leur fonction et leur importance. La question de l’homme est devenue incertaine parce que la certitude traditionnelle de l’homme comme “animal rationnel” s’est effondrée. La crise de la culture contemporaine est caractérisée par le fait que la raison n’est plus le principe constitutif de la nature humaine. En ce sens, la découverte du rôle fondamental des tonalités affectives exprime cette crise. Elle fait s’évanouir une définition spécifique de l’homme. L’apparition des tonalités affectives, des sentiments enracinés dans la vie, signifie que les activités supérieures de l’esprit ne sont plus autonomes. Elles plongent dans le fond de la vie, où elles ont leur source. Se pose désormais la question du rapport entre la pensée et la vie, négligée jusqu’alors. Mais cette question contraint précisément à dévoiler “l’ensemble structurel intime de la vie humaine” .
O.F. Bollnow n’explicite pas philosophiquement la notion de vie ; il l’éclaircit indirectement par l’analyse descriptive des sentiments qui y sont liés, et lui empruntent ainsi leur caractère basique dans l’expérience humaine. Les “sentiments vitaux” sont les fondements de la vie psychique. Ils constituent le véritable fond de la conscience, la forme primitive en laquelle la vie prend conscience de soi. Une spécification caractérise cette forme, jamais indifférente, qui contient une prise de position à l’égard du réel. Quant à savoir si cette prise de position est déjà une attitude ou un jugement, ou bien n’en est que l’amorce et l’origine, cela dépend de la possible inhérence de l’intentionnalité à la tonalité affective.
Il est essentiel que la prise de position “naturelle” puisse précéder l’intentionnalité et en apparaisse comme l’origine. La “vérité”, le rapport de [14] l’homme au monde, s’instituent avant les initiatives du sujet pensant, et fournissent leur teneur propre aux jugements qui s’édifient secondairement sur leur base.
O.F. Bollnow introduit entre autres une distinction capitale entre les tonalités affectives et les sentiments. Alors que les sentiments sont particularisés et spécifiés en fonction de l’objet sur lequel ils se dirigent, les tonalités affectives constituent un sol plus général et plus passif, un état fondamental qui traverse uniformément l’homme en son entier, conférant à l’ensemble de ses attitudes et de ses pensées une coloration définie et insurmontable. On peut parler à leur sujet, comme Heidegger , d’une “Grundbefindlichkeit”, d’un sentiment de la situation de base. Le monde y est donné avant que l’homme ne s’avise d’expliciter cette expérience en jugements et en paroles.
On saisit par exemple la différence entre la joie et la gaîté (Freude -Fröhlichkeit). La première est dynamiquement orientée vers un objet particulier et relève ainsi des activités caractérisées par l’intentionnalité. La seconde est un soubassement vital qui imprègne l’ensemble de la vie mentale et supporte la précédente. L’homme y est conscient de soi immédiatement et avant tout rapport à quelque chose d’extérieur. Un exemple de cette distinction est donné par la différence soulignée par Heidegger entre la peur et l’angoisse. Celle-ci est indéterminée quant à son objet, contrairement à la peur. Le mérite de la philosophie existentielle est d’avoir combattu une confusion entre l’indétermination propre de la tonalité affective et le domaine plus circonscriptible des sentiments déterminés. Elle a insisté sur cette indétermination comme sur une caractéristique spécifique. Mais cette différence ne vaut pas seulement pour l’angoisse, elle distingue en général toutes les tonalités affectives des sentiments. La gaîté a la même indétermination objective que l’angoisse.
Une transition insensible existe cependant de la tonalité au sentiment. Elle révèle justement que l’ensemble de la vie psychique ne se détache jamais du bain des tonalités affectives où il est plongé. Comment les tonalités engendrent-elles des orientations dynamiques particulières objectivement déterminées ? Le passage est assuré par des sentiments qui, en se rapportant bien à quelque chose de déterminé, le débordent pour conférer à l’âme une coloration générale. Ainsi l’affliction, liée à une raison particulière, est indéterminée et générale. Ces états affectifs contiennent un élément de visée sans être en tous points des dispositions intentionnelles. L’intentionnalité s’amorce ainsi en quelque chose dont la nature est radicalement différente. O.F. Bollnow souligne descriptivement la relation qui unit les activités supérieures à leur fondement. Mais comment l’intentionnalité est-elle rendue possible par un fondement non intentionnel ?
La description montre que l’absence de l’intentionnalité n’est pas un [15] critère tout à fait suffisant, bien que juste, pour distinguer les tonalités affectives. “C’est donc le fait de se rapporter non pas à un objet (intentionnel), mais à une cause, qui peut être vraiment conscient” . C’est lorsque l’intentionnalité se transforme en réflexion et saisie d’une cause, que la conscience devient vraiment elle-même et prend la forme de la connaissance. Lorsque le rapport à l’objet a son centre de gravité dans l’objet extérieur, dans le terminus ad quem plutôt que dans le terminus a quo, lorsque l’expérience semble s’expliquer par l’objet, la conscience est devenue connaissance. Cela met à jour la relation qui unit la conscience cognitive et l’extériorité. Les soubassements de la conscience ignorent encore cette relation à la cause. Ainsi dans l’expérience, le rapport du sujet à soi n’est pas médié par l’objet de l’expérience. Les soubassements ont un caractère de coïncidence immédiate avec soi. Les soubassements ne sont pas encore tout à fait conscients, bien qu’il soient la forme primitive de la conscience de soi et du réel. La conscience y plonge dans un fond d’elle-même, une essence propre, à demi étrangère cependant. La coïncidence de l’âme avec soi n’a donc rien à voir avec une primauté du sujet de la connaissance. Elle ne se situe pas sur le plan du rapport cognitif.
[CHAMBON, C. Logique de la finitude: essai sur l’expérience de la réalité. Strasbourg: Presses universitaires de Strasbourg, 1990. p. 13]