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Bréhier-Plotin: peine

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

À quel sujet appartiennent le plaisir et la peine, la crainte et la confiance, le désir et l’aversion ? Est-ce à l’âme ? Est-ce à l’âme usant du corps ? Est-ce à un troisième être composé de l’âme et du corps ? Et cette dernière question se dédouble — est-ce au mélange lui-même ? Est-ce à une chose différente résultant du mélange ? Les mêmes questions se posent pour les actions et les opinions qui résultent de ces passions. Pour les réflexions et les opinions, on doit chercher si toutes ou seulement certaines d’entre elles appartiennent au même sujet que les passions. Il nous faut encore considérer la nature des actes de l’intelligence et le sujet auquel elles appartiennent ; enfin, il faut voir ce qu’est cette partie de nous-mêmes qui fait cet examen, pose toutes ces questions et les résout. ENNÉADES - Bréhier: I, 1 [53] - Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ? 1

Nous examinerons plus tard comment pâtit le corps organisé ; cherchons maintenant comment pâtit le composé de l’âme et du corps, et, par exemple, comment il souffre. Est-ce parce qu’il y a telle disposition du corps, puis que cette affection s’est transmise aux sens, enfin que la sensation aboutit à l’âme ? — Mais on ne voit pas encore bien comment naît la sensation. Ensuite, il y a des cas où la peine commence par une opinion ou un jugement énonçant qu’un malheur nous arrive à nousmêmes ou à quelqu’un de nos proches ; de là, vient la modification pénible qui s’étend au corps et à l’animal entier. — Mais on ne sait pas si c’est à l’âme ou au composé qu’il faut attribuer cette opinion. De plus, une opinion sur le mal ne renferme point l’émotion de la peine ; cette opinion peut exister, sans que la peine s’y ajoute du tout ; on peut aussi juger qu’on est méprisé, sans ressentir de colère, ou l’on peut penser à un bien, sans être ému de désir. ENNÉADES - Bréhier: I, 1 [53] - Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ? 5

Non ! L’être humain, et, en particulier, le sage, n’est pas double ; la preuve, c’est que l’âme se sépare du corps et méprise les prétendus biens corporels. Il est ridicule d’estimer le bonheur du sage à la mesure de celui d’un animal ; le bonheur consiste à bien vivre ; et, puisque bien vivre c’est agir, il n’existe que dans l’âme, et non pas même dans l’âme toute entière ; il n’existe pas dans l’âme végétative, de manière que, par elle, il atteignît le corps ; être heureux, ce n’est pas avoir un corps grand et robuste ; et il n’est pas non plus dans le bon état des sens, puisque les excès des sens alourdissent l’âme et risquent d’entraîner l’homme de leur côté. Il faut que, par une sorte de contrepoids qui le tire en sens inverse vers le bien, il diminue et affaiblisse son corps, afin de montrer que l’homme véritable est bien différent des choses extérieures. Que l’homme qui reste ici-bas soit beau et grand ; qu’il soit riche et commande à tous les hommes ; il est d’une région inférieure, et il ne faut pas lui envier les séductions trompeuses qu’il y trouve. Mais le sage, qui peut-être ne possède pas du tout ces avantages, les amoindrira s’ils viennent à lui, puisqu’il ne prend soin que de lui-même. Il amoindrira et laissera se flétrir, par sa négligence, les avantages du corps ; il déposera le pouvoir. Tout en veillant à sa santé, il ne voudra pas ignorer complètement la maladie ; il voudra même faire l’expérience des souffrances ; jeune, il ne les a pas subies ; il voudra les connaître. Mais, arrivé à la vieillesse, il ne voudra plus être troublé par les douleurs ou par les plaisirs, ni par aucun de ces états agréables ou pénibles que l’on sent ici-bas, pour ne pas diriger son attention vers le corps. A la souffrance il opposera le pouvoir qu’il a acquis pour lutter contre elle ; le plaisir, la santé et l’absence de peine n’ajouteront rien à son bonheur, et les états contraires ne lui retireront rien et ne l’amoindriront pas ; car, puisque les premiers de ces états ne lui ajoutent rien, comment les états contraires lui retireraient-ils quelque chose ? ENNÉADES - Bréhier: I, 4 [46] - Du bonheur 14

  •  Et l’homme malheureux ? Son malheur ne s’accroît-il pas avec le temps ? Tous les états pénibles, en durant plus longtemps, n’augmentent-ils pas notre malheur, par exemple, les longues souffrances, les douleurs et tous les états de ce genre ? Et, si leur durée suffit à augmenter notre mal, pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’état contraire, le bonheur ? - Dans le cas des peines et des souffrances, l’on peut dire que leur durée les fait croître ; voici, par exemple, une maladie chronique ; elle devient une manière d’être permanente, et l’état du corps empire avec le temps. Supposons en effet qu’il reste le même et que le dommage n’augmente pas ; la peine qui est toujours un état présent sera aussi la même, dès que l’on ne fait pas entrer en compte l’état passé et que l’on n’y a pas égard. Mais le mal, en devenant un état chronique, s’accroît avec le temps ; il augmente, en devenant permanent ; et c’est à cause de cet accroissement de mal et non à cause de la plus grande durée d’un mal qui resterait égal à lui-même que nous devenons plus malheureux. Car, si le mal reste égal à luimême, comme les instants qui composent le surplus de durée n’existent pas simultanément, il ne faut pas dire que le mal en est plus grand ; ce serait compter ce qui n’est plus avec ce qui est. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 6