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Bréhier-Plotin: multiplicité

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Voyons ce qu’est chacune des vertus dans une âme de ce genre. La sagesse et la prudence consistent à contempler les êtres que possède l’Intelligence et qu’elle possède par un contact ; sagesse et prudence sont de deux sortes ; tantôt dans l’Intelligence, tantôt dans l’âme. Dans l’Intelligence, elles ne sont point des vertus ; mais, dans l’âme, elles sont des vertus. Que sont-elles donc dans l’Intelligence ? Simplement, l’acte et l’essence de l’Intelligence. Mais, dans l’âme venant de l’Intelligence et résidant en un être différent d’elles, elles sont des vertus. La justice en soi, par exemple, comme toute vertu en soi, n’est pas une vertu, mais l’exemplaire d’une vertu ; ce qui vient d’elle en l’âme, voilà la vertu ; et en effet la vertu se dit d’un être ; mais la vertu en soi ou idée de la vertu se dit d’elle-même et non d’un être différent d’elle. La justice, par exemple, consiste en ce que chaque être remplit sa fonction propre ; mais suppose-telle toujours une multiplicité de parties ? Oui, la justice qui est dans les êtres qui ont plusieurs parties distinctes ; non pas la justice prise en elle-même, puisqu’il peut y avoir en un être simple accomplissement de sa fonction ; la Justice en vérité, la Justice en soi est alors dans le rapport de cet être à lui-même, qui n’a pas de parties distinctes. Pour l’âme même, la justice sous sa forme supérieure n’est-elle pas une activité tendue seulement vers l’intelligence, la tempérance un retrait intérieur vers l’intelligence, le courage une impassibilité qui imite l’impassibilité naturelle de l’intelligence vers laquelle elle dirige ses regards ? Ainsi, dans cette forme supérieure de la vertu, l’âme est simplement elle-même et n’a plus de relation avec le principe inférieur qui réside en elle. ENNÉADES - Bréhier: I, 2 [19] - Des vertus 6

Le beau se trouve surtout dans la vue ; il est aussi dans l’ouïe, dans la combinaison des paroles et la musique de tout genre ; car les mélodies et les rythmes sont beaux ; il y a aussi, en montant de la sensation vers un domaine supérieur, des occupations, des actions et des manières d’être qui sont belles ; il y a la beauté des sciences et des vertus. Y-a-t-il une beauté antérieure à celle-là ? C’est la discussion qui le montrera. Qu’est-ce donc qui fait que la vue se représente la beauté dans le corps, et que l’ouïe se prête à la beauté dans les sons ? Pourquoi tout ce qui se rattache immédiatement à l’âme est-il beau ? Est-ce d’une seule et même beauté que toutes les choses belles sont belles, ou bien y-a-t-il une beauté différente dans les corps et dans les autres êtres ? Et que sont ces beautés ou bien qu’est cette beauté ? Certains êtres, comme les corps, sont beaux en eux-mêmes, comme la vertu. Car il est manifeste que les mêmes corps sont tantôt beaux, tantôt sans beauté, comme si l’être du corps était différent de l’être de la beauté. Qu’est cette beauté présente dans les corps ? C’est là la première chose à rechercher. Qu’est ce donc qui tourne et attire les regards des spectateurs, et leur fait éprouver la joie dans la contemplation ? Si nous découvrons cette beauté de corps, peut-être pourrions-nous nous en servir comme d’un échelon pour contempler les autres beautés. Tout le monde, pour ainsi dire, affirme que la beauté visible est une symétrie des parties les unes par rapport aux autres et par rapport à l’ensemble ; à cette symétrie s’ajoutent de belles teintes ; la beauté dans les êtres comme d’ailleurs dans tout le reste, c’est leur symétrie et leur mesure ; l’être beau ne sera pas un être simple, mais seulement et nécessairement un être composé ; de plus le tout de cet être sera beau ; et ses parties ne seront pas belles chacun par elle-même, mais en se combinant pour que leur ensemble soit beau. Pourtant, si l’ensemble est beau, il faut bien que ses parties soient belles, elles aussi ; certainement, une belle chose n’est pas faite de parties laides, et tout ce qu’elle contient est beau. De plus des couleurs qui sont belles, comme la lumière solaire, seront, dans cette opinion, en dehors de la beauté, puisqu’elles sont simples et ne tirent pas leur beauté de la symétrie des parties. Et l’or, comment est-il beau ? Et l’éclair que l’on voit dans la nuit, qui fait qu’il est beau ? Il en est de même des sons ; la beauté d’un son simple s’évanouira ; et pourtant bien souvent, chacun des sons qui font partie d’un bel ensemble est beau à lui seul. Et lorsqu’on voit le même visage, avec des proportions qui restent identiques, tantôt beau et tantôt laid, comment ne pas dire que la beauté qui est dans ces proportions est autre chose qu’elles, et que c’est par autre chose que le visage bien proportionné est beau ? Et si, passant aux belles occupations et aux beaux discours, on veut voir encore dans la symétrie la cause de cette beauté, que vient-on parler de symétrie dans de belles occupations, dans des lois, dans les connaissances ou dans les sciences ? Les théorèmes sont symétriques les uns aux autres : qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’ils s’accordent ? Mais il y a aussi bien accord et concordance entre les opinions du méchant. Cette opinion : la tempérance est une sottise, est d’accord avec celle-ci : la justice est une naïveté généreuse ; il y a de l’une à l’autre une correspondance et une concordance. Donc voici la vertu qui est une beauté de l’âme et bien plus réellement une beauté que celles dont nous parlions : en quel sens y aurait-il des parties symétriques ? Il n’y a pas de partie symétriques, à la manière dont les grandeurs ou les nombres sont symétriques, quelque vrai qu’il soit que l’âme contient une multiplicité de parties. Car dans quel rapport se font la combinaison ou le mélange des parties de l’âme et des théorèmes scientifiques ? Et l’intelligence, qui est isolée, en quoi consistera sa beauté ? ENNÉADES - Bréhier: I, 6 [1] - Du Beau 1

Mais la faculté de l’âme qui correspond à cette beauté la reconnaît ; car rien n’est plus propre que cette faculté à juger de ce qui leur appartient, même si le reste de l’âme contribue à ce jugement. Peut-être se prononce-t-elle, elle aussi, parce qu’elle s’ajuste à l’idée qui est en elle et qu’elle s’en sert pour juger, comme on se sert d’une règle pour juger ce qui est droit. Mais comment la beauté corporelle s’accorde-t-elle avec la beauté antérieure au corps ? C’est demander comment l’architecte, ayant ajusté la maison réelle à l’idée intérieure de la maison, prononce que sa maison est belle. C’est parce que l’être extérieur de la maison, si l’on fait abstraction des pierres, n’est que l’idée intérieure, divisée selon la masse extérieure de la mati  ère et manifestant dans la multiplicité son être indivisible. Donc, lorsque l’on perçoit dans les corps une idée qui relie et domine la nature informe et contraire à l’idée, une forme qui se distingue en se subordonnant d’autres formes, on en saisit d’un seul coup la multiplicité éparse ; on la rapporte, on la ramène à l’unité intérieure et indivisible ; on lui confère l’accord, l’ajustement et la liaison intérieure avec cette unité intérieure. De même un homme de bien voit paraître la douceur chez un jeune homme, comme une trace de vertu en accord avec la vertu véritable et intérieure. La beauté d’une couleur simple lui vient d’une forme qui domine l’obscurité de la matière et de la présence d’une lumière incorporelle qui est raison et idée. D’où résulte que, entre tous les corps, le feu est beau en lui-même ; parmi les autres éléments, il est au rang de l’idée ; il est le plus élevé par sa position, et le plus léger de tous les corps, parce qu’il est voisin de l’incorporel ; il est seule et n’accueille pas en lui les autres éléments, tandis que les autres l’accueillent en eux ; car ils peuvent s’échauffer, tandis que lui ne peut se refroidir. C’est lui qui primitivement possède les couleurs et, de lui, les autres choses reçoivent la forme et la couleur. Il éclaire et il brille, parce qu’il est une idée. Les choses inférieures à lui, effacées par l’éblouissement de sa lumière, cessent d’être belles, parce qu’elles ne participent pas à l’idée totale de la couleur. Ce sont des harmonies musicales imperceptibles aux sens qui font les les harmonies sensibles ; par celles-là l’âme devient capable d’en saisir la beauté, grâce à l’identité qu’elles introduisent en un sujet différent d’elle-même. Il s’ensuit que les harmonies sensibles sont mesurées par des nombres qui ne sont point en un rapport quelconque, mais dans un rapport subordonné à l’action souveraine de la forme. J’en ai assez dit sur les beautés sensibles, images et ombres, qui, s’échappant en quelque sorte, viennent dans la matière, l’ordonnent, et dont l’aspect nous frappe d’effroi. ENNÉADES - Bréhier: I, 6 [1] - Du Beau 3

Si le principe générateur était lui-même intelligence en soi, ce qui vient après serait inférieur à l’Intelligence, mais devait être contigu et semblable à elle. Mais puisque le générateur est au delà de l’Intelligence, l’être engendré doit être l’Intelligence. Mais pourquoi le générateur n’est-il pas l’Intelligence ? Parce que la pensée est l’acte de l’Intelligence ; or la pensée qui voit l’intelligible, qui est tourné vers lui et qui reçoit de lui son achèvement est en elle-même indéfinie comme la vision, et n’est définie que par l’intelligible. C’est pourquoi l’on dit que « les idées et les nombres sont faits de la dyade indéfinie et de l’Un », et les idées et les nombres c’est l’intelligence. L’Intelligence n’est donc pas simple mais multiple ; elle manifeste une composition, intelligible, il est vrai ; elle voit déjà une multiplicité de choses. Elle est elle-même objet de pensée et aussi pensante ; la voilà donc déjà double ; mais après elle viennent tous les autres objets de sa pensée. ENNÉADES - Bréhier: V, 4 [7] - Comment les êtres qui viennent après le Premier dérivent du Premier : sur l’Un 2

  •  Dira-t-on que rien n’empêche qu’une seule et même chose ait des attributs multiples ? - Le sujet de ces attributs, à tout le moins, est un ; pas de multiplicité, s’il n’y a une unité dont elle dérive et en laquelle elle est, s’il n’y a au moins une de ces choses multiples qui est comptée la première, et que l’on peut isoler et saisir en elle-même. - Dira-t-on que ce premier terme est simultané aux autres ? - Alors il faut le réunir avec les autres, et bien qu’il soit différent d’eux tous, l’abandonner puisqu’il ne se sépare pas des autres. Il faut, en revanche, postuler un sujet, sujet qui n’est plus un terme parmi les autres, mais qui existe en lui-même. - Ce sujet, dira-t-on, est au sein même des autres termes. - Oui, un sujet qui lui ressemble, mais non ce sujet lui-même ; car, pour qu’il apparaisse dans le multiple, il faut que, en lui-même, il soit isolé. - Dira-t-on qu’il n’a d’existence que dans son union aux autres termes ? - Donc il n’existera pas à l’état simple. Mais alors il n’y aura pas non plus de composé ; car s’il ne peut être à l’état simple, il n’aura aucune existence substantielle ; et si le simple n’existe pas, le composé n’existera pas non plus. Car chacun de ces termes ne peut être un terme simple, puisqu’il n’y a pas de terme simple doué d’une existence substantielle ; et aucun d’eux ne pouvant avoir en lui-même d’existence substantielle ne peut se lier à un autre, puisqu’aucun d’eux absolument n’existe. Comment alors un composé pourrait-il exister ? Comment naîtrait-il de choses qui n’ont pas l’être, je ne dis pas de choses qui n’ont pas tout l’être, mais de choses qui n’ont pas d’être du tout ? S’il y a une multiplicité, il faut, avant cette multiplicité, une unité. Si donc l’être pensant est une multiplicité, il ne faut pas que la pensée soit en ce qui n’est pas une multiplicité. Or tel est le Premier. La pensée et l’intelligence sont donc en des êtres postérieurs à lui. ENNÉADES - Bréhier: V, 6 [24] - Ce qui est au-delà de l’être ne pense pas. Quel est l’être pensant de premier rang ? Quel est celui de second rang ? 3