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Bréhier-Plotin: mère

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Mais voici encore, sur ce point, des considérations plus exactes. Les événements que les devins prédisent d’après le rapport de position des astres à la naissance d’un enfant, sont, disent-ils, non seulement annoncés mais produits par les astres. Mais lorsque l’on dit [en tirant l’horoscope d’un enfant], qu’il est de naissance noble, par son père ou par sa mère, comment dire que les astres produisent cette noblesse, puisqu’elle existait chez les parents, avant la situation des astres qui sert à la prédire ? D’ailleurs, ils prétendent connaître le sort des parents d’après l’horoscope des enfants ; d’après celui des pères, ils prédisent le caractère et le sort d’enfants qui ne sont pas encore nés ; ils annoncent, d’après l’horoscope d’un individu, la mort de son frère, d’après celui d’une femme, le sort de son mari, ou inversement. Comment donc, à la naissance d’un individu donné, la position des astres produirait-elle des effets qu’ils déclarent eux-mêmes venir de ses parents ? Si les parents, qui sont antérieurs à cette conjonction, sont les causes véritables, les astres ne le sont pas. D’autre part, si l’on ressemble à ses parents, c’est que la beauté et la laideur viennent de famille, et non du mouvement des astres. Il est constant, que, en un même moment, naissent des animaux de toute espèce et des hommes ; or tous les êtres, pour qui la conjonction des astres est la même, devraient avoir des caractères identiques. Comment donc, avec ces figures identiques des astres, naissent à la fois des hommes et d’autres êtres ? ENNÉADES - Bréhier  : III, 1 [3] - Du destin 5

Donc première question : qui est Aphrodité ? Ensuite, l’amour est-il né d’elle ou seulement en même temps qu’elle, ou alors comment peut-il être à la fois né d’elle et en même temps qu’elle ? Il y a une double Aphrodité, l’Aphrodité céleste qui est, dit-on, fille d’Ouranos, et une autre qui est fille de Zeus et de Dioné, et qui préside aux marialges humains’. La première n’a pas de mère, et ne préside pas aux mariages, parce qu’il n’y a pas de mariage dans le ciel. L’Aphrodité céleste est la fille de Cronos, qui est l’intelligence ; elle est donc l’âme divine par excellence ; née sans intermédiaire d’un être pur, elle est pure et elle reste là-haut ; elle ne peut ni ne veut descendre ici-bas ; sa nature l’empêche de fouler notre sol terrestre ; elle est une hypostase séparée de la mati  ère, une essence qui ne participe pas à la matière ; c’est ce qu’on a voulu laisser entendre, en disant qu’elle n’a pas de mère. Il est juste de dire qu’elle est un être divin et non un démon, puisqu’elle est un être pur, sans mélange de matière et qui reste en lui-même. L’être qui naît immédiatement de l’intelligence est lui-même un être pur, qui tire la force qu’il a en lui de ce qu’il est près d’elle, et qui éprouve le désir de se fixer à son générateur, seul capable de le maintenir là-haut. Donc l’âme ne tombe pas, parce qu’elle est suspendue à l’intelligence, bien moins encore que ne tombe du soleil la lumière qui resplendit autour de lui, qui rayonne de lui et se suspend à lui. Guidée par Cronos ou si l’on veut par le père de Cronos, Ouranos, elle dirige son activité vers lui et s’incline à lui ; elle l’aime ; ainsi, elle engendre Éros, et avec lui, elle contemple Cronos ; cet acte de contemplation a produit une hypostase et une essence, et ils regardent Cronos l’un et l’autre, la mère et Éros, son bel enfant. Éros est l’hypostase éternellement dirigée vers une autre beauté ; il n’est que l’intermédiaire entre celui qui désire et l’objet désiré ; il est pour l’amant l’oeil qui lui permet de voir son aimé ; de lui-même il court au devant de l’aimé et il se remplit de cette vision, avant même d’avoir donné à l’amant la faculté de voir par son organe. Il est le premier à voir: mais il ne voit pas comme l’amant; car l’objet de la vision se fixe dans l’amant, lui, il jouit du spectacle du beau qui le touche en passant. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 2

  •  Est-ce que toute âme a pareillement un Éros qui soit une substance et une hypostase ? - Pourquoi l’âme universelle et l’âme du monde auraient-elles un Eros existant comme hypostase, et non pas les nôtres, ni les âmes qui sont dans les bêtes ? Oui, cet Éros, c’est le démon qui, dit-on, accompagne chacun de nous" ; c’est lui qui est notre Éros. C’est lui qui produit nos désirs instinctifs ; chaque âme prend pour elle l’Éros qui correspond à sa nature, et engendre un Éros différent selon ses mérites et selon ce qu’elle est. L’âme universelle a l’Éros universel ; les âmes individuelles ont chacune le leur. Comme l’âme individuelle est à l’âme universelle (dont elle n’est pas séparée mais où elle est si bien contenue que toutes les âmes n’en font qu’une), ainsi l’Éros individuel est à l’Éros universel. L’Éros individuel est uni à l’âme individuelle, le grand Éros, à l’âme universelle, et l’Éros cosmique, au monde tout entier dans toutes ses parties ; cet Éros, qui est un, se multiplie et se montre partout où il veut dans l’univers ; il prend des formes particulières et apparaît quand il lui plaît. Nous devons penser qu’il y a dans l’univers beaucoup d’Aphrodités, êtres démoniaques qui naissent en lui, chacun accompagné d’un Éros ; ces nombreuses Aphrodités particulières, avec leurs Éros propres, dépendent de l’Aphrodité universelle ; car l’âme est mère d’Éros ; l’âme, c’est Aphrodité ; Éros, c’est l’acte de l’âme quand elle se penche vers le bien ; Éros conduit donc toute âme au bien ; mais l’Éros de l’âme d’en haut est un dieu qui l’unit éternellement au Bien ; celui de l’âme mélangée à la matière est un démon. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 4

    Les mythes, s’ils sont vraiment des mythes, doivent séparer dans le temps les circonstances du récit, et distinguer bien souvent les uns des autres des êtres qui sont confondus et ne se distinguent que par leur rang ou par leurs puissances ; (d’ailleurs, même où [Platon  ] raisonne, il fait naître des êtres qui n’ont pas été engendrés, et il sépare des êtres qui n’existent qu’ensemble). Mais, après nous avoir instruits comme des mythes peuvent instruire, ils nous laissent la liberté, si nous les avons compris, de réunir leurs données éparses -. Voici comment nous en faisons la réunion : l’âme unie à l’intelligence, tirant d’elle son existence, comblée par elle de raisons, belle de toutes les parures qu’elle en reçoit, comblée de richesse, laissant voir en elle l’éclat et l’image de toutes les beautés intelligibles, voilà Aphrodité dans son ensemble. Poros ou la richesse, ce sont toutes les raisons qui sont en elle, quand le nectar a coulé d’en haut. L’éclat dont l’âme resplendit, cette splendeur de vie, c’est le jardin de Zeus, où dort Poros, appesanti par le nectar dont il s’est gorgé. Le festin des dieux, c’est la vie qui se montre et persiste éternellement chez les êtres réels, la félicité dont ils jouissent. Quant à Éros, il a toujours été ce qu’il est, puisqu’il résulte de l’aspiration de l’âme au meilleur et au bien ; il existe toujours, dès le moment où l’âme existe. C’est un être mixte ; il y a en lui de l’ indigence, puisqu’il aspire à se rassasier ; mais il n’est pas sans ressources, puisqu’il cherche le complément de ce qu’il possède ; il ne chercherait pas le bien, s’il n’avait absolument aucune part au bien. Il est né de Poros et de Pénia, ce qui veut dire : le besoin et le désir, en se rencontrant dans l’âme avec le souvenir des raisons, produit en elle une activité, orientée vers le bien, qui est Éros. Sa mère est Pénia, parce que c’est toujours le besoin qui fait que l’on désire ; Pénia est la matière parce que la matière est besogneuse en tout, et parce que ce qu’il y a d’indéterminé dans le désir du bien (qui désire le bien n’a en effet en lui ni forme ni raison) rapproche de la matière l’être qui désire en tant qu’il désire. La forme ne visant qu’à ellemême a sa propre permanence en soi. Dès qu’un être désire recevoir, il s’offre comme matière à ce bien qui survient en lui. Éros est donc un être matériel, un démon né de l’âme, en tant que l’âme manque du bien et aspire à lui. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 9

    Là-bas, la vie est facile ; la vérité est leur mère et leur nourrice, leur substance et leur aliment ; ils voient tout, non pas les choses sujettes à génération, mais les choses qui possèdent l’être, et eux-mêmes parmi elles ; tout est transparent ; rien d’obscur ni de résistant ; tous sont clairs pour tous, jusque dans leur intimité ; c’est la lumière pour la lumière. Chacun a tout en lui, et voit tout en chaque autre : tout est partout, tout est tout, chacun est tout ; la splendeur est sans borne ; chacun est grand, puisque le petit même y est grand ; le soleil y est tous les astres, et chaque astre y est le soleil et tous les astres. Chacun a un caractère saillant, bieh que tout apparaisse en lui. Le mouvement y est mouvement pur ; car il a un moteur qui ne le trouble pas en son progrès, puisque ce moteur n’est pas distinct de lui ; le repos n’y est lias dérangé par le mouvement, parce qu’il ne se mélange à rien d’instable ; le beau y est purement beau, parce qu’il n’est pas contenu en ce qui n’est pas beau. Ce n’est pas sur un sol étranger que chacun avance : l’endroit où il est, c’est cela même qu’il est ; l’endroit d’où il vient ne le quitte pas quand il progresse vers les hauteurs; et il n’est pas vrai que autre il est lui-même, autre la région qu’il habite : car son sujet, c’est l’Intelligence et il est lui-même intelligence. Imaginez que notre ciel visible, qui est lumineux, fasse naitre toute cette lumière qui vient de lui : seulement, ici, de chaque partie différente vient une lumière dilï’érente, et chacune est seulement une partie : là-bas, c’est du tout que vient éternellement chaque chose, et en même temps chaque chose est aussi le iout ; on l’imagine bien comme une partie, mais un regard perçant y voit le tout; comme si l’on avait une vue pareille à celle de Lyncée qui, dit-on, voyait même ce qu’il y a à l’intérieur de la terre ; car cette fable nous suggère l’idée des yeux tels qu’ils sont là bas. Il n’y a là-bas, dans la contemplation, ni fatigue ni satiété, qui forceraient au repos ; car il n’y avait point de vide à combler, de manière qu’on fût satisfait d’être arrivé à bonne fin, en le remplissant ; l’on n’y voit pas un être distinct d’un autre, et le premier, mal satisfait de ce qui appartient au second ; de plus il n’y a là-bas que des êtres sans usure. L’insatiabilité y vient de ce que la satisfaction ne fait pas mépriser celui à qui on la doit : contemplant, on contemple toujours davantage ; se voyant soi-même infini, ainsi que ses objets, on suit ainsi sa propre nature. D’ailleurs la vie n’est une fatigue pour personne, lorsqu’elle est vie pure ; pourquoi celui qui vit de la meilleure des vies se fatiguerait-il ? Cette vie, c’est la sagesse, une sagesse qui ne s’acquiert pas par la réflexion, parce que toujours elle est là tout entière, sans une défaillance, qui seule exigerait la recherche réfléchie : elle est la sagesse première, qui ne vient pas d’une autre; c’est l’ctre même qui est la sagesse ; il n’y a pas d’abord l’être tout seul, et ensuite l’être sage. Aussi nulle sagesse n’est supérieure : la science en soi siège ici à côté de l’Intelligence, avec qui elle se révèle ; comme on dit symboliquement, Diké est parèdre de Zeus. Toutes les choses que l’on voit là-bas sont comme des statues qui peuvent se voir elles-mêmes, spectacles pour des êtres bienheureux. Cette sagesse, l’on en voit la grandeur et la puissance, puisqu’elle a avec elle et qu’elle a produit tous les êtres, que tous la suivent, qu’elle est elle-même les êtres et qu’ils sont nés avec elle, que les deux ne font qu’un, que, là-bas, l’être c’est la sagesse. Nous n’arrivons pas à le comprendre, parce que nous croyons que les sciences sont faites de théorèmes et d’un amas de propositions : ce qui n’est pas vrai, même dans les sciences d’ici-bas. Si quelqu’un de vous en doute, laissons ces sciences pour le moment : mais la science de là-bas, c’est celle dont Platon dit : « Elle n’est pas autre en un autre objet. » Comment est-ce possible, c’est ce qu’il nous a laissé à chercher et à trouver, si nous voulons mériter notre nom de platoniciens. Peut-être donc est-il mieux de commencer ainsi : ENNÉADES - Bréhier: V, 8 [31] - De la beauté intelligible 4