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Bréhier-Plotin: états

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Mais au sujet de l’âme, d’abord, il faut chercher si l’âme est différente de l’être de l’âme. S’il en est ainsi, l’âme est un composé ; et il n’est pas absurde qu’elle reçoive des formes, qu’elle éprouve les passions dont j’ai parlé, au cas où la raison le lui permettra, et en général qu’elle admette des habitudes et des dispositions bonnes ou mauvaises. Mais si l’âme est identique à l’être de l’âme, elle est une forme ; elle n’admet donc en elle aucun des actes qu’elle est capable de produire en un sujet différent d’elle ; elle a un acte immanent et intérieur à elle-même ; quel qu’il soit, la raison nous le découvre. En ce cas, il est vrai de dire aussi qu’elle est immortelle ; car un être immortel et incorruptible ne doit pas pâtir ; il fait part de lui-même aux autres êtres ; mais il ne reçoit rien d’eux, sinon des êtres qui lui sont antérieurs, dont il n’est point séparé comme par une coupure et qui lui sont supérieurs. Qu’aurait à craindre un tel être, puisqu’il n’admet en lui rien d’étranger ? Réservons la crainte à l’être capable de pâtir. La confiance, non plus, n’existe pas en lui ; elle est propre aux êtres qui peuvent avoir à craindre. Les désirs non plus ; il en est qui se satisfont en remplissant ou en vidant le corps ; ce n’est point l’âme qui subit ces états de plénitude et ces évacuations. Comment éprouverait-elle le désir de se mêler à autre chose ? Une essence reste sans mélange. Pourquoi désirerait-elle introduire en elle ce qui n’y est pas ? Autant chercher à n’être pas ce qu’elle est. La souffrance est aussi bien loin d’elle. Comment et de quoi s’affligerait-elle ? Un être simple se suffit à lui-même, et il reste tel qu’il est en sa propre essence. Elle n’a pas non plus de plaisir, puisque le bien ne s’ajoute point à elle et ne survient pas en elle ; car elle est toujours ce qu’elle est. Pas de sensation non plus, ni de réflexion, ni d’opinion en elle ; car la sensation consiste à recevoir la forme ou les manières d’être d’un corps ; la réflexion et l’opinion reviennent à la sensation. ENNÉADES - Bréhier: I, 1 [53] - Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ? 2

Non ! L’être humain, et, en particulier, le sage, n’est pas double ; la preuve, c’est que l’âme se sépare du corps et méprise les prétendus biens corporels. Il est ridicule d’estimer le bonheur du sage à la mesure de celui d’un animal ; le bonheur consiste à bien vivre ; et, puisque bien vivre c’est agir, il n’existe que dans l’âme, et non pas même dans l’âme toute entière ; il n’existe pas dans l’âme végétative, de manière que, par elle, il atteignît le corps ; être heureux, ce n’est pas avoir un corps grand et robuste ; et il n’est pas non plus dans le bon état des sens, puisque les excès des sens alourdissent l’âme et risquent d’entraîner l’homme de leur côté. Il faut que, par une sorte de contrepoids qui le tire en sens inverse vers le bien, il diminue et affaiblisse son corps, afin de montrer que l’homme véritable est bien différent des choses extérieures. Que l’homme qui reste ici-bas soit beau et grand ; qu’il soit riche et commande à tous les hommes ; il est d’une région inférieure, et il ne faut pas lui envier les séductions trompeuses qu’il y trouve. Mais le sage, qui peut-être ne possède pas du tout ces avantages, les amoindrira s’ils viennent à lui, puisqu’il ne prend soin que de lui-même. Il amoindrira et laissera se flétrir, par sa négligence, les avantages du corps ; il déposera le pouvoir. Tout en veillant à sa santé, il ne voudra pas ignorer complètement la maladie ; il voudra même faire l’expérience des souffrances ; jeune, il ne les a pas subies ; il voudra les connaître. Mais, arrivé à la vieillesse, il ne voudra plus être troublé par les douleurs ou par les plaisirs, ni par aucun de ces états agréables ou pénibles que l’on sent ici-bas, pour ne pas diriger son attention vers le corps. A la souffrance il opposera le pouvoir qu’il a acquis pour lutter contre elle ; le plaisir, la santé et l’absence de peine n’ajouteront rien à son bonheur, et les états contraires ne lui retireront rien et ne l’amoindriront pas ; car, puisque les premiers de ces états ne lui ajoutent rien, comment les états contraires lui retireraient-ils quelque chose ? ENNÉADES - Bréhier: I, 4 [46] - Du bonheur 14

  •  Et l’homme malheureux ? Son malheur ne s’accroît-il pas avec le temps ? Tous les états pénibles, en durant plus longtemps, n’augmentent-ils pas notre malheur, par exemple, les longues souffrances, les douleurs et tous les états de ce genre ? Et, si leur durée suffit à augmenter notre mal, pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’état contraire, le bonheur ? - Dans le cas des peines et des souffrances, l’on peut dire que leur durée les fait croître ; voici, par exemple, une maladie chronique ; elle devient une manière d’être permanente, et l’état du corps empire avec le temps. Supposons en effet qu’il reste le même et que le dommage n’augmente pas ; la peine qui est toujours un état présent sera aussi la même, dès que l’on ne fait pas entrer en compte l’état passé et que l’on n’y a pas égard. Mais le mal, en devenant un état chronique, s’accroît avec le temps ; il augmente, en devenant permanent ; et c’est à cause de cet accroissement de mal et non à cause de la plus grande durée d’un mal qui resterait égal à lui-même que nous devenons plus malheureux. Car, si le mal reste égal à luimême, comme les instants qui composent le surplus de durée n’existent pas simultanément, il ne faut pas dire que le mal en est plus grand ; ce serait compter ce qui n’est plus avec ce qui est. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 6

    Se reposer quand on est arrivé là et ne pas vouloir aller plus haut, c’est être paresseux ou ne pas écouter ceux qui remontent aux causes premières, situées au delà. Pourquoi, de deux individus nés dans les mêmes circonstances, par exemple au lever de la lune, l’un commetil un vol et non pas l’autre ? Pourquoi, sous des influences semblables du milieu, l’un tombe-t-il malade et non pas l’autre ? Pourquoi le même travail conduit-il l’un à la fortune et l’autre à la pauvreté ? Pour les différences entre les moeurs, les caractères et les sorts, on croit devoir remonter à des causes lointaines. Jamais l’on ne s’arrête aux faits ; mais les uns posent des principes corporels, comme des atomes ; pour eux, les rapports des choses, leurs états et leur naissance sont l’effet du mouvement des atomes, de leurs chocs et de leur entrelacement comme en sont l’effet, la constitution, les actions et les passions des choses ; nos tendances et nos dispositions dépendent aussi de l’action de ces principes. Il y a là une nécessité qui résulte des atomes, et que l’on introduit dans les êtres. Admettrait-on, comme principes, des corps autres que les atomes, si l’on en fait provenir toute chose, l’on rend aussi les êtres esclaves d’une nécessité dérivée de ces corps. D’autres, remontant au principe de l’univers, déduisent tout de ce principe, et font de lui une cause qui pénètre toutes choses, cause non seulement motrice, mais productrice des êtres ; pour eux, le principe est le destin et la cause souveraine ; des modes de son mouvement dépendent non séulement les autres événements de l’univers, mais encore nos propres pensées ; comme dans un animal chaque partie a un mouvement qui vient non d’ellemême, mais de la partie principale de l’âme qui est en lui. D’autres parlent du mouvement de translation de l’univers, qui contient toute chose et produit tout par son action, par les rapports mutuels de position des planètes et des astres, et les figures qui en résultent ; et ils invoquent les prédictions fondées sur ces rapports ; de là proviennent, selon eux, tous les événements. D’autre part, parler de l’implication des causes les unes dans les autres et du lien qui leur vient d’un principe supérieur, dire que les conséquents suivent toujours des antécédents, qu’ils se ramènent à eux, que sans eux ils ne seraient pas et que l’état postérieur est soumis à l’état antérieur, c’est manifestement une autre manière d’introduire le destin. En divisant en deux cette doctrine, on ne s’écartera donc pas de la vérité. Car les uns rattachent tout à une réalité unique, et non les autres, comme nous le dirons plus tard’. Maintenant notre argumentation doit aller aux premiers ; il faudra ensuite examiner les idées des autres. ENNÉADES - Bréhier: III, 1 [3] - Du destin 2