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Bréhier-Plotin: Cronos

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Donc première question : qui est Aphrodité ? Ensuite, l’amour est-il né d’elle ou seulement en même temps qu’elle, ou alors comment peut-il être à la fois né d’elle et en même temps qu’elle ? Il y a une double Aphrodité, l’Aphrodité céleste qui est, dit-on, fille d’Ouranos, et une autre qui est fille de Zeus et de Dioné, et qui préside aux marialges humains’. La première n’a pas de mère, et ne préside pas aux mariages, parce qu’il n’y a pas de mariage dans le ciel. L’Aphrodité céleste est la fille de Cronos, qui est l’intelligence ; elle est donc l’âme divine par excellence ; née sans intermédiaire d’un être pur, elle est pure et elle reste là-haut ; elle ne peut ni ne veut descendre ici-bas ; sa nature l’empêche de fouler notre sol terrestre ; elle est une hypostase séparée de la mati  ère, une essence qui ne participe pas à la matière ; c’est ce qu’on a voulu laisser entendre, en disant qu’elle n’a pas de mère. Il est juste de dire qu’elle est un être divin et non un démon, puisqu’elle est un être pur, sans mélange de matière et qui reste en lui-même. L’être qui naît immédiatement de l’intelligence est lui-même un être pur, qui tire la force qu’il a en lui de ce qu’il est près d’elle, et qui éprouve le désir de se fixer à son générateur, seul capable de le maintenir là-haut. Donc l’âme ne tombe pas, parce qu’elle est suspendue à l’intelligence, bien moins encore que ne tombe du soleil la lumière qui resplendit autour de lui, qui rayonne de lui et se suspend à lui. Guidée par Cronos ou si l’on veut par le père de Cronos, Ouranos, elle dirige son activité vers lui et s’incline à lui ; elle l’aime ; ainsi, elle engendre Éros, et avec lui, elle contemple Cronos ; cet acte de contemplation a produit une hypostase et une essence, et ils regardent Cronos l’un et l’autre, la mère et Éros, son bel enfant. Éros est l’hypostase éternellement dirigée vers une autre beauté ; il n’est que l’intermédiaire entre celui qui désire et l’objet désiré ; il est pour l’amant l’oeil qui lui permet de voir son aimé ; de lui-même il court au devant de l’aimé et il se remplit de cette vision, avant même d’avoir donné à l’amant la faculté de voir par son organe. Il est le premier à voir: mais il ne voit pas comme l’amant; car l’objet de la vision se fixe dans l’amant, lui, il jouit du spectacle du beau qui le touche en passant. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 2

Donc le dieu (Cronos) est enchaîné, de manière à subsister toujours identique : il abandonne à son fils (Zeus) le gouvernement de cet univers ; c’est qu’il n’est pas conforme à son caractère de laisser là la souveraineté intelligible pour en rechercher une autre de date plus récente et au-dessous de lui, lui qui a la plénitude de beauté; quittant donc ce souci, il fixe son propre père [Ouranos] en ses limites, en s’étendant jusqu’à lui vers le haut ; et, dans l’autre sens, il fixe aussi ce qui commence après lui, à partir de son fils : si bien qu’il est entre les deux, se distinguant de l’un grâce à la « mutilation » qui sectionne sa réalité du côté supérieur, retenu de descendre parce qu’il est enchaîné par celui qui vient après lui vers le bas, entre son père, qui lui est supérieur, et son fils, qui lui est inférieur. Et comme son père est encore supérieur à la beauté, il est la beauté première qui subsiste. L’âme aussi, sans doute, est belle ; mais il est bien plus beau qu’elle ; l’âme est son vestige ; par ce vestige, elle est naturellement belle, mais plus belle encore, quand elle porte là-bas ses regards. Si, pour parler plus clairement, l’âme de l’univers, qui est Aphrodité même, est belle, quelle beauté a-t-il donc ? Si elle tient sa beauté d’elle-même, combien sera-t-il beau ? Si elle la tient d’un autre, de qui donc a-t-elle acquis cette beauté et l’a-t-elle incorporée à son être ? Pour nous aussi être beau, c’est être à nous-mcme ; être laid, c’est se changer en une nature qui n’est plus la nôtre ; se connaître soi-même, c’est être beau ; être laid, c’est ignorer. Ce qu’on a dit suffit-il pour amener à comprendre clairement ce qu’est le lieu intelligible, ou faut-il revenir sur ce sujet en suivant une autre méthode ? ENNÉADES - Bréhier: V, 8 [31] - De la beauté intelligible 13