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Javary: Trindade e Shekinah

sexta-feira 3 de maio de 2024, por Cardoso de Castro

  

Georges de Venise affirme tout bonnement l’équivalence : « Ne crois pas que cette quaternité soit quelque chose de différent de l’éminente Trinité. » Son disciple A. de Burgonovo pense que la Trinité c’est l’Être, et la Quaternité la création, prenant ainsi le contre-pied de l’opinion défendue par Reuchlin :

Mais quand cet être divin a commencé à se communiquer aux autres Sefirot inférieures, alors il s’est divisé en quatre parties, qui, comme les quatre lettres du Nom Tétragramme par lequel tout a été fait, entrent dans la fabrication du monde et de tout ce qu’il contient.

D’autres notent que si le Tétragramme a bien quatre lettres, l’une est répétée deux fois et ils discutent sur le sens de ce redoublement. Mais E. de Viterbe n’hésite pas à parler d’une quatrième Personne de la Trinité:

Bien qu’il n’y ait pas de quatrième personne, si tu comprends les choses correctement, il faut (...) penser que d’une certaine façon il y en a une quatrième... (Scech. 328 v).

Il s’agit moins en fait d’une quatrième Personne que d’une « nature bienheureuse » qui « a retenu pour elle quelque chose de particulier qui n’a pas été donné aux trois, mais qui leur est commun, qui n’a pas engendré et qui n’a pas été engendrée ». Le problème est ici du même ordre que celui posé par l’En-Sof.

Nommer le Père, la première Personne de la Trinité chrétienne ne pose pas a priori de problème : le terme existe chez les juifs et le Christ a appris à ses disciples à prier en disant « Notre Père... », et en ajoutant aussitôt « que ton Nom soit sanctifié ! », liant ainsi le Père et son Nom. Parfois les kabbalistes chrétiens ont voulu voir dans la Sekina le Père : il s’agit souvent dans ce cas moins de la première Personne de la Trinité chrétienne que de la Divinité indifférenciée, la traduction latine étant généralement dans ce cas Deitas ou Divinitas. Pourtant la très fameuse visite de trois hommes à Abraham est interprétée kabbalistiquement comme l’apparition de la Sekina, accompagnée de deux anges : dans ce contexte la Sekina serait alors le Père. Mais cette identification du Père et de la Sekina est rare. Si les kabbalistes chrétiens renoncent à voir dans la Sekina la Divinité indifférenciée, ils choisissent plutôt de l’assimiler au Verbe ou à l’Esprit-Saint.

Quand il s’agit de nommer la deuxième Personne de la Trinité chrétienne, aucun terme n’est adéquat. Faut-il dire Logos et emprunter un mot grec, Verbe et avoir recours au latin ? Faut-il se servir du mot Fils ? Mais la génération en Dieu ne peut-être mise en parallèle avec la génération humaine. Faut-il employer des mots plus abstraits, ou du moins plus imprécis comme Pouvoirs, Lumière, Gloire ? Le mot Sekina a du moins l’avantage de n’avoir jamais été employé que pour nommer Dieu, celui qu’aucune langue humaine ne peut nommer.

C. Streso, et d’autres avant lui, considèrent que parfois les juifs ont pris le nom de Sekina d’une façon absolue :

(...) quand ils en font l’équivalent du mot gloire et de l’expression gloire de la divine Majesté, et cela de manière que l’on puisse comprendre qu’ils n’entendent pas à proprement parler d’habitation de Dieu dans le Temple, mais quelqu’un qu’ils appellent Sekina, gloire, gloire de la divine Majesté, qu’ils nomment Sekina parce qu’ils considèrent que la gloire, la gloire de la divine Majesté habite en lui...

Mais quand les kabbalistes chrétiens ont assimilé la Sekina et le Verbe, ils ont surtout voulu prouver la divinité du Christ :

C’est pourquoi quand l’Apôtre dit : En lui habite la plénitude de la Déité, on doit penser qu’il admet que le Christ est la Sekina et qu’il doit être considéré comme le Fils dans lequel habite la gloire de la divine Majesté.

Mais cette assimilation n’est pas acceptée par tous. Ainsi, quand E. de Viterbe parle du Verbe, il s’agit essentiellement de l’époux de la Sekina, c’est-à-dire de la sixième Sefira, Tipheret :

Dans le Nouveau Testament, où j’ai dissipé les ténèbres et les ombres, chassé l’obscurité, introduit la lumière et où mon soleil m’a dit : La nuit s’en est allée, je suis la lumière du monde (Scech., fol. 335v).

Quant à Reuchlin, c’est Hokma, la Sagesse, la deuxième des Sefirot, qui est pour lui le Verbe.

L’identification la plus communément admise est celle qui voit en la Sekina la troisième personne de la Trinité chrétienne, le Saint-Esprit.

Les juifs eux aussi parlent de Saint-Esprit ou Esprit de sainteté. Mais précisément cette identité de nom a paru gênante aux rabbins, car, si le nom est le même, la théologie est tout à fait différente, comme nous l’explique le théologien chrétien J. a Lent :

Ils nient catégoriquement que l’Esprit-Saint soit la troisième personne de la divinité ; l’Esprit-Saint n’est pas Dieu lui-même, mais un don de Dieu, une vertu de Dieu, une operatio divina ; ainsi ils ne nient pas l’Esprit-Saint, car ils discutent beaucoup à son sujet (...) mais ils n’admettent en aucune façon que l’Esprit-Saint soit une personne divine, qui ait une seule et même essence divine, qui ait une seule et même essence infinie et très parfaite avec le Créateur du ciel trois fois très bon très grand (optimus maximus).

Ainsi toutes les allusions à l’Esprit de Dieu dans l’Ecriture n’ont pas le même sens pour les juifs et pour les chrétiens. Et le jugement de J. a Lent est sévère :

Tout ce que les juifs de notre siècle imaginent sur l’Esprit-Saint est bien mince, puisqu’ils ne célèbrent plus avec les meilleurs parmi leurs ancêtres l’Esprit du Messie, qui doit reposer sur les fidèles, (...) ni l’inhabitation (s. e. de Dieu parmi les hommes), n’entendant plus par Sekina l’Esprit de sainteté, n’affirmant plus que l’Esprit-Saint c’est la divinité elle-même, ou le Nom de Dieu (Ibid.).

Ce jugement d’un théologien protestant est particulièrement clair sur le sujet qui nous occupe, puisqu’il établit une équivalence entre la Sekina et le Nom de Dieu, et entre la Sekina et l’Esprit-Saint. Ce que les chrétiens entendent par Esprit-Saint serait donc dans ce contexte ce que les juifs entendent par le Nom de Dieu.