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Hani: L’interprétation allégorique

terça-feira 17 de fevereiro de 2015, por Cardoso de Castro

  

C’est l’exégèse mystique — qu’il défend pied à pied contre les exégèses matérialistes, l’historicisme d’Évhémère et le physicisme des Stoïciens — qui caractérise en profondeur Plutarque et qui commanda, on va le voir par la suite, la démarche et le plan de tout l’exposé du traité.

Cette option décisive et permanente pour l’exégèse mystique se révèle jusque dans l’emploi des mots techniques qui désignent la méthode allégorique. Le terme le plus ancien était celui d’hyponoia « sous-entendu », « signification cachée » ; à la fin du Ier siècle avant J.-C., son emploi recule et il cède la place à hyponoia. C’est Plutarque le premier qui s’en est servi : dans le de and. poet., 19 F, il oppose les deux mots : « Au moyen de ce que les Anciens appelaient des « significations cachées » et que l’on nomme aujourd’hui des « allégories [1]. » Plutarque emploie le mot hyponoia (de Daed. Plat., I) et le verbe allegorein (de Is., 363 D) ; mais les termes qu’il préfère sont ainigma « énigme » (de Daed. Plat., I ; de Is., 368 D), ainigmatodes « énigmatique » (de Is., 9, 354 C) et ainittesthai (de Is., 355 C, 373 B, 373 E) ; ces mots insistent sur le caractère secret, mystérique, en quelque sorte, du contenu non exprimé du mythe. Et l’on voit combien l’usage d’un tel mot est comme une signature : celle de l’initié. Le fragment du Daedalis Plataeensibus est, à cet égard, tout à fait instructif : « Chez les Anciens, dit-il, Grecs aussi bien que Barbares, la science de la nature se présentait sous la forme d’un exposé physique caché dans des mythes, le plus souvent comme une théologie d’allure mystérieuse, dissimulée par des énigmes et des sous-entendus, dans laquelle les choses exprimées sont pour la foule plus claires que les choses tues, mais les choses tues plus significatives que les choses exprimées. Voilà qui apparaît avec évidence dans les poèmes orphiques, dans les légendes égyptiennes et phrygiennes. » La même doctrine, concernant l’Egypte, est largement exprimée dans le de Iside : les prêtres égyptiens détiennent « une philosophie enveloppée » (epikekrymmenes), en sa plus grande partie, dans des « mythes et des formules qui entourent d’une apparence obscure la vérité et la manifestent par transparence (...). La sagesse (sophia) contenue dans leur théologie est de caractère énigmatique (ainigmatode) » (de Is., 9, 354 C). D’ailleurs, les deux chapitres 9 et 10 du traité sont entièrement consacrés à développer cette idée.

Extrait de Jean Hani  , « La Religion egyptienne dans la pensée de Plutarque »


[1L’allégorie, au sens strict, désigne le procédé de style consistant à exprimer une chose en semblant en dire une autre ; au sens large, c’est le mode d’interprétation consistant à découvrir dans un texte une allégorie au sens strict. On a, en somme, deux démarches inverses de la pensée : l’expression allégorique convertit l’idée en image, l’interprétation allégorique, à partir de l’image, reconstitue l’idée (Pépin, op. cit., 91).