Página inicial > Amanda Coomaraswamy > HB: Brâhmana

HB: Brâhmana

sábado 3 de fevereiro de 2024

  

Dans cet éternel commencement, il n’y a que l’Identité Suprême de "Cet Un" (tad êkam) (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 129,1-3; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VI, 4, 8, 3 ; Jaiminîya Brâhmana, III, 359; Shatapatha Brâhmana, X, 5, 3, 1, 2.), sans distinction d’être et de non-être, de lumière et de ténèbres, ou encore sans séparation du ciel et de la terre. Le Tout est alors contenu dans le Principe, que l’on peut désigner par les noms de Personnalité, Ancêtre, Montagne, Dragon, Serpent sans fin. Relié à ce principe comme fils ou comme frère puîné - comme alter ego plutôt que comme principe distinct - apparaît le Tueur de Dragon, né pour supplanter le Père et prendre possession du Royaume, et qui en distribuera les trésors à ses séides (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 124, 4.). Car, s’il doit y avoir un monde, il faut que la prison soit détruite et ses potentialités libérées. Cela peut se faire, soit avec la volonté du Père, soit contre sa volonté. Le Père peut "choisir la mort en faveur de ses enfant (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 13, 4. "Ils ont fait de Brihaspati le Sacrifice, Yama a réparti son propre corps aimé".)", ou bien les Dieux peuvent lui imposer la passion et faire de lui leur victime sacrificielle (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 90, 6-8. "Ils ont fait du Premier-Né leur victime sacrificielle".). Ce ne sont pas là des doctrines contradictoires, mais des façons différentes d’exposer une seule et même histoire. En réalité, le Tueur et le Dragon, le sacrificateur et la victime sont Un en esprit derrière la scène, où il n’y a pas de contraires irréductibles, tandis qu’ils sont ennemis mortels sur le théâtre où se déploie la guerre perpétuelle des Dieux et des Titans (NA: Le mot dêva, comme ses analogues theos, deus, peut être employé au singulier pour "Dieu" ou au pluriel pour "dieux", souvent pour "Anges" ou "Demi-dieux", de même que nous disons "Esprit" en entendant le Saint-Esprit, alors que nous parlons également d’"esprits" et notamment d’"esprits malins". Les "Dieux" de Proclus   sont les "Anges" de Denys. Ceux qu’on peut appeler les "grands Dieux" sont les Personnes de la Trinité, Agni, Indra-Vâyu, Âditya, ou Brahmâ, Shiva, Vishnu, que l’on ne doit distinguer, et encore pas toujours nettement, que par rapport à leurs fonctions et leurs sphères d’opération. Les mixtæ personæ des entités duelles Mitrâvarunau et Agnêndrau sont la forme du Sacerdoce et de la Royauté in divinis ; leurs sujets, les "dieux multiples", sont les Maruts ou les Vents. Leurs équivalents en nous sont respectivement le Souffle immanent et central, désigné souvent comme Vâmadéva, souvent comme l’Homme Intérieur ou le Soi immortel, et les Souffles, ses dérivés et "sujets", autrement dit les facultés de voir, d’entendre, de penser, etc., dont notre "âme" élémentaire est un composé homogène, de même que notre corps est composé de parties fonctionnellement distinctes, mais agissant à l’unisson. Les Maruts et les Souffles peuvent agir par obéissance au principe qui les gouverne, ou se rebeller contre lui. Tout ceci est bien entendu un énoncé très simplifié. Cf. n. 35, p. 50.). 16 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

Dans chaque cas, le Père-Dragon reste un Plérome, pas plus diminué par ce qu’il exhale qu’accru par ce qu’il inhale. Il est la Mort dont dépend notre vie (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 13.); à la question : "La Mort est-elle une ou multiple ?" la réponse est "Un en tant qu’il est là-bas, mais multiple en tant qu’il est ici, dans ses enfants (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 16.)". Le Tueur de Dragon est notre ami ; le Dragon doit être pacifié et rendu ami (NA: Sur l’"amitié à susciter" entre le Varunya Agni et le Soma qui, autrement, pourraient détruire le sacrificateur, voir Aitarêya Brâhmana, III, 4 et Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 1, 5, 6 et VI, 1, 11.). 17 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

La passion est à la fois un épuisement et un démembrement. Le Serpent sans fin, qui demeurait invincible tant qu’il était l’Abondance une (NA: Taittirîya Aranyaka, V, 1, 3 ; Maitri Upanishad  , 11, 6 (a).), est disjoint et démembré comme un arbre que l’on abat et que l’on coupe en rondins (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 32.). Car le Dragon, comme nous allons le voir maintenant, est aussi l’Arbre du Monde, et il y a là une allusion au "bois" dont est fait le monde par le Charpentier (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 31, 7 ; X, 81, 4 ; Taittirîya Brâhmana, 11, 8, 9, 6 ; cf. Rig Vêda Samhitâ, X, 89, 7 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VI, 4, 7, 3.). Le Feu de la Vie et l’Eau de la Vie (Agni et Soma, le Sec et l’Humide), tous les Dieux, tous les êtres, les sciences et les biens, sont dans l’étreinte du Python, qui, en tant que "Constricteur" (namuchi), ne les relâchera pas tant qu’il ne sera pas frappé et réduit à s’entrouvrir et à palpiter (NA: Rig Vêda Samhitâ, 1, 54, 5, chvasanasya... chushnasya ; V, 29, 4, chvasantam dânavam ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 2, 4, janjabhyamânâd agnîshomau nirakrâmatâm ; cf. Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 13-15.). De ce Grand Être, comme d’un feu abattu et fumant, sont exhalés les Écritures, le Sacrifice, les mondes et tous les êtres (NA: Brihadâranyaka Upanishad, IV, 5, 11, mahato bhûtasya... êtânî sarvâni nihshvasitâni ; Maitri Upanishad  , VI, 32, etc. "Car toutes choses sont issues d’un seul être" (B?hme, Sig. Rer., XIV, 74). Également dans Rig Vêda Samhitâ, X, 90.), le laissant épuisé de ce qu’il contenait et semblable à une dépouille vide (NA: Shatapatha Brâhmana, 1, 6, 3, 1.5, 16.). Il en est de même de l’Ancêtre quand il a émané ses enfants, il est vidé de ses possibilités de manifestation, et tombe relaxé (NA: "Il est dépourvu d’attaches, vyasransata, c’est-à-dire non lié, ou disjoint, de telle sorte que, ayant été sans jointures, il est articulé, ayant été un, il est divisé et vaincu, comme Makha (Taittirîya Aranyaka, 1, 3) et Vritra (originellement sans jointures, Rig Vêda Samhitâ, IV, 19, 3, mais désunis, I, 32, 7). Pour la "chute" et la restauration de Prajâpati, voir Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 35 et passim ; Panchavimsha Brâhmana, IV, 10, 1 et passim ; Taittirîya Brâhmana, 1, 2, 6, 1 ; Aitarêya Aranyaka, III, 2, 6, etc. C’est par référence à sa "division" que, dans Katha Upanishad  , V, 4, la déité (dêhin) immanente est dite "dépourvue d’attaches" (visransamâna) ; car il est un en soi-même, mais multiple en tant qu’il est dans ses enfants (Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 16), à partir desquels il ne peut pas facilement se réunir (voir note 21).), vaincu par la Mort (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 4, 4, 1.), bien qu’il doive survivre à cette épreuve (NA: Panchavimsha Brâhmana, VI, 5, 1 (Prajâpati) ; cf. Shatapatha Brâhmana, IV, 4, 3, 4 (Vritra).). Les positions sont alors renversées , car le Dragon igné ne sera pas détruit et ne peut l’être, mais entrera dans le Héros, à la question duquel : "Quoi donc, me consumerais-tu?" il répond : "Je vais plutôt t’attiser (éveiller, raviver), afin que tu puisses manger (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 4, 12, 6. La nourriture est, d’une façon tout à fait littérale, consumée par le Feu digestif. Ainsi, quand on annonce un repas rituel, on dit : "Allume le Feu"... ou "Viens au festin", en manière de benedicite. Chose digne de remarque, tandis que l’on désigne habituellement le Soleil ou l’Indra solaire comme le "Personnage dans l??il droit", on peut tout aussi bien dire que c’est Chushna (le Consumeur) qui est frappé et qui, lorsqu’il tombe, entre dans l??il comme dans sa pupille, ou que Vritra devient l??il droit (Shatapatha Brâhmana, III, 1, 3, 11, 18). C’est une des nombreuses modalités par lesquelles "Indra est maintenant ce que Vritra était".)." L’Ancêtre, dont les enfants sont comme des pierres dormantes et inanimées, se dit : "Entrons en eux pour les éveiller" ; mais, tant qu’il est un, il ne peut le faire, c’est pourquoi il se divise en pouvoirs de perception et de «consommation», et il étend ces pouvoirs depuis sa retraite secrète dans la caverne du coeur jusqu’à leurs objets, à travers les portes des sens, en pensant : "Mangeons ces objets". Ainsi "nos" corps sont mis en possession de la conscience, l’Ancêtre étant leur moteur (NA: Maitri Upanishad, II, 6 ; cf. Shatapatha Brâhmana, III, 9, 1, 2 et Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 46, 1-2. "Celui qui meut", comme dans Paradiso, I, 116. Questi nef   cor mortali è permotore. Cf. Platon  , Lois, 898 C.). Et, du fait que ce sont les Dieux Multiples ou les Mesures Multiples du Feu dans lesquels il s’est ainsi divisé, qui constituent "nos" énergies et "nos" pouvoirs, on peut dire de la même façon que «les Dieux sont entrés dans l’homme, qu’ils ont fait d’un mortel leur demeure (NA: Atharva Vêda Samhitâ, XI, 8, 18 ; cf. Shatapatha Brâhmana, II, 3, 2, 3 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 14, 2, mayy êtâs sarvâ dêvatâh. Cf. Kaushîtaki Brâhmana, VII, 4 imê purushê dêvatâh; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V I, 1, 4, 5, prânâ vai dêvâ... têshu paroksham juhoti ("Les Dieux dans cet homme... Ils sont les Souffles... en eux il sacrifie en mode transcendant").)". Sa nature passible est devenue maintenant la "nôtre", et, à partir de cet état, il ne peut pas aisément se rassembler ou se restituer lui-même, dans sa pleine et entière unité (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 5, 2, 1. Prajâpatih prajâ srishtwâ prênânu pravishat, tâbhyâm punar sambhavitum nâshaknot ; Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 36, sa visrastaih parvabhih na shashâka samhâtum.). 18 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

On a compris que la déité est implicitement ou explicitement une victime volontaire. Ceci est reflété dans le Rite humain, où le consentement de la victime, qui a dû être humaine à l’origine, est toujours assuré suivant les formes. Dans l’un ou l’autre cas, la mort de la victime est aussi sa naissance, en accord avec la règle infaillible qui veut que toute naissance ait été précédée d’une mort. Dans le premier cas il y a naissance multiple de la déité dans les êtres vivants, dans le second ils renaissent en elle. Mais, même ainsi, il est reconnu que le sacrifice et le démembrement de la victime sont des actes de cruauté, voire de perfidie (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 1, 2 ; II, 5, 3, 6 ; cf., VI, 4, 8, 1 ; Shatapatha Brâhmana, I, 2, 3, 3 ; III, 9, 4, 17 ; XII, 6, 1, 39, 40 ; Panchavimsha Brâhmana, XII, 6, 8, 9 ; Kaus. Up., III, 1, etc. ; cf. Bloomfield dans Journal of the American Oriental Society, XV, 161.). C’est là le péché originel (kilbisha) des Dieux, auquel tous les hommes participent du fait même de leur existence distincte et de leur façon de connaître en termes de sujet et d’objet, de bien et de mal, et auquel l’Homme Extérieur doit d’être exclu d’une participation directe (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 4, 12, 1, Aitarêya Brâhmana, VII, 28.) à "ce que les Brâhmanes entendent par Soma". Les formes de notre "connaissance", ou plutôt de notre "opinion" (avidyâ) ou de notre "art" (mâyâ), le démembrent chaque jour. Une expiation pour cette ignorantia divisiva est fournie dans le Sacrifice, où, par le renoncement à lui-même de celui qui l’offre, et par la restitution de la déité démembrée dans son intégrité et sa plénitude premières, la multitude des "soi" est réduite à son Principe unique. Il y a ainsi multiplication incessante de l’Un inépuisable et unification incessante de l’indéfinie Multiplicité. Tels sont les commencements et les fins des mondes et des individus, produits d’un point sans lieu ni dimensions, d’un présent sans date ni durée, accomplissant leur destinée, et, après leur temps achevé, retournant "chez eux", dans la Mer ou le Vent où leur vie prit origine, affranchis par là de toutes les limitations inhérentes à leur individualité temporelle (NA: Pour le retour des "Fleuves" vers la "Mer" où leur individualité se perd, de sorte que l’on parle seulement de la mer : Chândogya Upanishad, VI, 10, 1 ; Prashna UP., VI, 5, Mund. Up.  , IlI, 2, 8 ; Angutara Nikâya, IV, 198 ; Udâna, 55, et de même Lao Tseu, Tao Te King  , XXXII ; Rûmî  , Mathnawî, VI, 4052, Maître Eckhart   (dans Pfeiffer, p. 314), tout à l’effet que "Wenn du das Tröpflein wist im grossen Meere nennen, Den wirst du meine Seel’im grossen Gott erkennen" (Angeles Silesius  , Cherubinische Wandersmann, II, 15) ; "e la sua volontate è nostra pace ; ella è quel mare, al quai tutto se mose" (Dante  , Paradiso III, 85, 86). Pour le "retour" (en Agni), Rig Vêda Samhitâ, I, 66, 5, V, 2, 6) ; (en Brahma), Maitri Upanishad, VI, 22: (dans la "Mer"), Prashna Up., VI, 5 ; (dans le Vent), Rig Vêda Samhitâ, X, 16, 3 ; Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 16 (ainsi que Katha Up., IV, 9 ; BU  , I, 5, 23) ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 1, 1, 2, 3, 12 ; Chândogya Upanishad, IV, 3, 1-3 ; (vers le summum bonum, fin dernière de l’homme), Samyutta Nikâya, IV, 158 ; Sutta Nipâta, 1074-6 ; Mil. 73 ; (vers notre Père), Luc, 15, 11 f.). 20 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Le Mythe

Dieu est une essence sans dualité (adwaita), ou, comme certains le soutiennent, sans dualité mais non sans relations (vishishtâdwaita). Il ne peut être appréhendé qu’en tant qu’Essence (asti) (NA: Katha Upanishad, VI, 13; Maitri Upanishad, IV, 4, etc.), mais cette Essence subsiste dans une nature duelle (dwaitîbhâva) (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 1, 4, 1 ; Brihadâranyaka Upanishad, II, 3 ; Maitri Upanishad, VI, 15, VII, 11. On ne trouve aucune trace de Monophysisme ou de Patripassianisme dans le prétendu "monisme" du Vêdânta, la "non-dualité" étant celle de deux natures unies sans composition.), comme être et comme devenir. Ainsi, ce que l’on appelle la Plénitude (kritsnam, pûrnam, bhûman) est à la fois explicite et non explicite (niruktânirukta), sonore et silencieux (shabdâshabda), caractérisé et non caractérisé (saguna, nirguna), temporel et éternel (kâlâkâlâ), divisé et indivisé (sakalâkala), dans une apparence et hors de toute apparence (mûrtâmûrta), manifesté et non manifesté (vyaktâvyakta), mortel et immortel (martyâmartya) et ainsi de suite. Quiconque le connaît sous son aspect prochain (apara), immanent, le connaît aussi sous son aspect ultime (para), transcendant (NA: Maitri Upanishad, VI, 22 ; Prash. Up  ., V, 2.). Le Personnage qui se tient dans notre coeur, mangeant et buvant, est aussi le Personnage dans le Soleil (NA: Brihadâranyaka Upanishad, IV, 4, 22, 24; Taitt. Up., III, 10, 4 ; Maitri Upanishad, VI, 1, 2.). Ce soleil des hommes, cette Lumière des lumières (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 146, 4 ; cf. Jean, I, 4 ; Rig Vêda Samhitâ, 1, 113, I ; Brihadâranyaka Upanishad, IV, 16 ; Mund. Up., II, 2, 9 ; Bhagavad Gîtâ, XIII, 16.), que "tous voient mais que peu connaissent en esprit (NA: Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 14 ; cf. Platon, Lois, 898 D.)", est le Soi Universel (âtman) de toutes les choses mobiles et immobiles (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 115, 1., 8 ; VII, 101, 6 ; Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 44; Aitarêya Aranyaka, III, 2, 4. L’autologie (âtmâ-jhâna) est le thème fondamental de l’Écriture ; mais il faut comprendre que cette connaissance du Soi diffère de toute connaissance empirique de l’objet en ce que notre Soi est toujours le sujet et ne peut jamais devenir l’objet de la connaissance ; en d’autres termes, toute définition du Soi ultime doit se faire par négation. Âtman (racine an, respirer, cf. atmos, autme) est en premier lieu l’Esprit, principe lumineux et pneumatique, et comme tel, souvent assimilé au Vent (vdyu, vâta, racine vâ, souffler) de l’Esprit qui "souffle où il veut" (yathâ vasham charati, Rig Vêda Samhitâ, X,168, 4 et Jean, III, 8). Etant l’essence ultime de toutes choses, âtman acquiert le sens secondaire de "moi", compte non tenu du plan de référence, qui peut être corporel, psychique ou spirituel, de sorte que, en face de notre Soi réel, l’Esprit en nous-mêmes et dans toutes choses vivantes, il y a le "moi", de qui nous parlons quand nous disons "je" ou "tu", signifiant cet homme ou celui-ci, Un Tel. En d’autres termes, il y a les deux en nous, l’Homme Extérieur et l’Homme Intérieur, l’individualité psychique et physique, et la Personne véritable. C’est donc en accord avec le contexte que nous devons traduire. Du fait que le mot âtman, employé en mode réfléchi, ne peut être rendu que par "soi", nous nous en sommes tenu partout à la version "soi" en distinguant le Soi du soi par une majuscule, comme on le fait communément. Mais il doit être clairement entendu que la distinction est en réalité entre "esprit" (pneuma) et "âme" (psyche) au sens paulinien. Il est vrai que ce "Soi" ultime, "ce Soi immortel du soi", est identique à l’"âme de l’âme" (psyche psyches) de Philon  , et à l’ "âme immortelle" de Platon posée comme distincte de l’"âme mortelle", et que maint traducteur rend âtman par "âme" ; mais, bien qu’il y ait des contextes où "âme" est mis pour "esprit" (cf. Guillaume de Saint-Thierry, Epistola ad Fratres de Monte Dei, ch. XV), il devient dangereusement trompeur, par suite de nos notions courantes de "psychologie", de parler du Soi ultime et universel comme d’une "âme". Ce serait, par exemple, une très grande méprise que de supposer que, quand un "philosophe" tel que Jung   parle de "l’homme à la recherche d’une âme", cela puisse avoir quelque rapport avec la recherche hindoue du Soi, ou avec ce dont il s’agit dans l’exhortation Gnothi seauton. Le "soi" de l’empiriste est, pour le métaphysicien, tout comme le reste de ce qui nous entoure, "non mon Soi". Des deux "soi" dont il s’agit, le premier est né de la femme, le second du Sein Divin, du feu sacrificiel ; et quiconque n’est pas ainsi "né de nouveau" ne possède effectivement que ce moi mortel né de la chair et qui doit finir avec elle (Jaiminîya Brâhmana, I, 17 ; cf. Jean, III, 6 ; Gal., VI, 8 ; I Cor., 15, 50, etc.). De là dans les Upanishads et le Bouddhisme les questions fondamentales : "Qui es-tu ?" et "Par quel soi" l’immortalité peut-elle être atteinte ? La réponse étant : uniquement par ce Soi qui est immortel ; les textes hindous ne tombent jamais dans l’erreur de supposer qu’une âme qui a eu un commencement dans le temps puisse être immortelle ; et, à la vérité, nous ne voyons pas que les Évangiles chrétiens aient mis nulle part en avant une doctrine aussi irrecevable.). Il est à la fois dedans et dehors (bahir   antach cha bhûtânâm) mais sans discontinuité (anantarama) ; il est donc une présence totale, indivise dans les choses divisées (NA: Bhagavad Gîtâ, XIII, 15, 16; XVIII, 20.). Il ne vient de nulle part, il ne devient qui que ce soit (NA: Katha Upanishad, II, 18; cf. Jean, 3, 18.), mais il se prête seulement à toutes les modalités possibles d’existence (NA: Brihadâranyaka Upanishad, IV, 4, 5.). 26 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Que nous le nommions la Personnalité, le Sacerdoce, la Magna Mater, ou de tout autre nom grammaticalement masculin, féminin ou neutre, "Cela" (tad, tad êkam) dont nos facultés sont des mesures (tanmâtrâ), constitue une sizygie de principes conjoints, sans composition ni dualité. Ces principes conjoints ou "soi" multiples qu’on ne peut distinguer ab intra, mais respectivement nécessaires et contingents en eux-mêmes ab extra, ne deviennent des contraires que lorsqu’on envisage l’acte de manifestation du Soi (swaprakâshatwam) que constitue la descente depuis le silence de la Non-Dualité jusqu’au niveau où l’on parle en termes de sujet et d’objet, et où l’on reconnaît la multiplicité des existences individuelles séparées que le Tout (sarvam = to pan) ou Univers (vishwam) présente à nos organes de perception physique. Et, dès lors que l’on peut, logiquement mais non réellement, séparer la totalité finie de sa source infinie, on peut aussi appeler "Cela" une "Multiplicité intégrale (NA: Rig Vêda Samhitâ, III, 34, 8, vishwam êkam.)", une "Lumière Omniforme (NA: VS., V, 35 ; jyotir asi vishwarûpam.)". La création est exemplaire. Les principes conjoints, tels que Ciel et Terre, Soleil et Lune, homme et femme, étaient un à l’origine. Ontologiquement leur conjonction (mithunam, sambhava, êko bhava) est une opération vitale, productrice d’un troisième à l’image du premier et ayant la nature du second. De même que la conjonction du Mental (manas = nous, logos, aletheia) avec la Voix (vâch = logos, phoen, aisthesis, doxa) donne naissance à un concept, de même la conjonction du Ciel et de la Terre éveille le Bambino, le Feu, dont la naissance sépare ses parents et remplit de lumière l’espace intermédiaire (antariksha, Midgard). Il en est de même pour le microcosme : allumé dans la cavité du coeur, il en est la lumière. Il brille dans le sein de sa mère (NA: Rig Vêda Samhitâ, VI, 16, 35, cf. III, 29, 14. Le Bodhisattwa, également, est visible dans le sein de sa mère, (M. III, 121). De même, en Égypte, le Soleil nouveau est vu dans le sein de la Déesse du Ciel (H. Schfæer, Von ?gyptischen Kunst, 1940, AGG., 71) : le parallèle chrétien, où Jean est dit avoir vu Jésus enfant dans le sein de sa mère, est probablement d’origine égyptienne.), en pleine possession de ses pouvoirs (NA: Rig Vêda Samhitâ, III, 3, 10; X, 115, 1.). Il n’est pas plus tôt né qu’il traverse les Sept Mondes (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 8, 4 ; X, 122, 3.), s’élève pour franchir la Porte du Soleil, comme la fumée de l’autel ou du foyer central, soit extérieur soit intérieur à nous, s’élève pour franchir l’?il du Dôme (NA: Pour la Porte du Soleil, l’"ascension à la suite d’Agni" (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 6-8 ; Aitarêya Brâhmana, IV, 20-22), etc., voir mon "Swayâmâtrinnâ ; Janua C?li" dans Zalmoxis, II, 1939 (1941).). Cet Agni est alors le messager de Dieu, l’hôte de toutes les demeures humaines, soit bâties, soit corporelles, le principe lumineux et pneumatique de vie, et le prêtre qui transmet l’odeur de l’offrande consumée d’ici-bas jusqu’au monde au-delà de la voûte du Ciel, à travers laquelle il n’est d’autre voie que cette "Voie des Dieux" (dêvâyana). Cette Voie doit être suivie, d’après les empreintes de l’Avant-Coureur, comme le mot "Voie (NA: Mârga, "Voie", de mrig = ichneuo. La doctrine des vestigia pedis est commune aux enseignements grec, chrétien, hindou, bouddhiste et islamique, et forme la base de l’iconographie des "empreintes de pas". Cf., par exemple, Platon, Phèdre  , 253 A, 266 B., et Rùmî, Mathnawî, II, 160-1. "Quel est le viatique du Çoufi ? Ce sont les empreintes. Il poursuit le gibier comme un chasseur : il voit la trace du daim musqué et suit ses empreintes" ; Maître Eckhart parle de "l’âme en chasse ardente de sa proie, le Christ". Les avant-coureurs peuvent être suivis à la trace par leurs empreintes aussi loin que la Porte du Soleil, Janua C?li, le Bout de la Route ; au-delà, on ne peut les pister. Le symbolisme de la poursuite à la trace, comme celui de l’"erreur" (péché) en tant que "manque à toucher la cible", est l’un de ceux qui nous sont venus des plus anciennes civilisations de chasseurs. Cf. note 5.)" lui-même le suggère, par tout être qui veut atteindre l’"autre rive" du fleuve de vie (NA: Lo gran mar d’essere, Paradiso, I, 113. La "traversée" est la diaporeia d’Epinomis  , 986 E.) immense et lumineux qui sépare cette grève terrestre de la grève céleste. Cette notion de la Voie est sous-jacente à tous les symbolismes particuliers du Pont, du Voyage, du Pèlerinage et de la Porte de l’Action. 28 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Le mariage sacré, consommé dans le coeur, adombre le plus profond de tous les mystères (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 11, 12 ; Brihadâranyaka Upanishad, IV, 3, 21.), car il signifie à la fois notre mort et notre résurrection béatifique. Le mot "prendre en mariage" (êko bhû, devenir un) signifie aussi "mourir", tout comme le grec teleon veut dire être parfait, être marié et mourir. Quand "chacun est les deux", aucune relation ne subsiste : et n’était-ce en vertu de cette béatitude (ânanda), il n’y aurait nulle part de vie ni de bonheur (NA: Taittirîya Upanishad, 11, 7.). Tout cela sous-entend que ce que nous appelons le processus du monde, la création, n’est rien qu’un jeu (krîdâ, lîlâ, paidia, dolce gioco) que l’Esprit joue avec lui-même, comme la lumière du soleil "joue" sur tout ce qu’elle éclaire et vivifie, toutefois sans être affectée par ses contacts apparents. Nous qui jouons le jeu de la vie si désespérément pour les enjeux de ce monde, nous pourrions jouer le jeu d’amour avec Dieu pour des enjeux qui les surpassent, à savoir notre soi et le Sien. Nous jouons l’un contre l’autre pour la possession des biens, quand nous pourrions jouer avec le Roi qui joue son trône et Ce qu’Il est contre notre vie et tout ce que nous sommes : un jeu où, plus on perd, plus on gagne ( Pour tout ce paragraphe, voir ma "Lîlâ" dans Journal of the American Oriental Society, 61, 1940. "Tu as inventé ce "Je" et "Nous" afin de pouvoir jouer le jeu d’adoration avec Toi-même, Afin que tous les "Je" et les "Tu" deviennent une seule vie". Rûmî, Mathnawî, I, 1787. Per sua diffalta in pianta ed in affamo - Cambio onesto riso e dolce gioco. Dante, Purgatorio, XXVIII, 95, 96.). 31 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Par la séparation du Ciel et de la Terre, on distingue les "Trois Mondes" ; le Monde Intermédiaire (antariksha) produit l’espace, dans lequel les possibilités latentes de manifestation formelle pourront naître selon la multiplicité de leurs natures. De la première substance, l’éther (âkâsha), dérivent successivement l’air, le feu, l’eau et la terre ; et de ces cinq éléments (bhûtâni), combinés en proportions variées, sont formés les corps inanimés des créatures (NA: Chândogya Upanishad, 1, 9, 1 ; VII, 12, 1 ; Taittirîya Upanishad, II, 1, 1. L’Éther est l’origine et la fin du "nom et de la forme", i. e. de l’existence ; les quatre autres éléments sont issus de lui et retournent à lui comme à leur principe. Quand il est tenu compte de quatre éléments seulement, comme cela arrive fréquemment dans le Bouddhisme, on a en vue les bases concrètes des choses matérielles ; cf. Saint Bonaventure  , De red. artium ad theol., 3, Quinque sunt corpora mundi simplicia, scilicet quatuor elementa et quinta essentia. Tout comme, dans l’ancienne philosophie grecque, les "quatre racines" ou "éléments" (feu, air, terre et eau d’Empédocle  , etc.) ne comprennent pas l’éther spatial, tandis que Platon mentionne les cinq (Epinomis, 981 C) et qu’Hermès fait remarquer que "l’existence de toutes les choses qui sont eût été impossible si l’espace n’avait existé comme une condition préalable de leur être". (Ascl. II, 15). Il serait absurde de supposer que ceux qui parlaient seulement de quatre éléments n’avaient pas à l’esprit cette notion passablement évidente.), dans lesquels la Divinité entre pour les éveiller, se divisant elle-même pour remplir ces mondes et devenir la "Multitude des Dieux" (vishwê dêvâh), Ses enfants (NA: Maitri Upanishad, II, 6 ; VI, 26 ; c’est-à-dire apparemment (iva) divisé dans les choses divisées, mais en réalité non divisé (Bhagavad Gîtâ, XIII, 16 ; XVIII, 20), cf. Hermès Lib., X, 7, où "les âmes prosiennent pour ainsi dire (wsper) du morcellement et du partage de la seule Ame Totale".). Ces Intelligences (jn  ânâni, ou spirations, prânâh) (NA: Jnânâni, prajnâ-mâtrâ etc. Katha Upanishad, VI, 10 ; Maitri Upanishad, VI, 30 ; Kaush. UP., III, 8.), sont les hôtes des "êtres" (bhûtagana) ; elles opèrent en nous, unanimement, à titre d’"âme élémentaire" (bhûtâtman), ou de soi conscient (NA: Maitri Upanishad, III, 2 f.). C’est là en effet notre "soi", mais un soi pour le moment mortel, sans essence spirituelle (anâtmya, anâtmâna), ignorant du Soi immortel (âtmânam ananuvidya, anâtmajna) (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 2, 2, 3, 6. Cf. Notes 199, 204.), et qu’il ne faut pas confondre avec les Déités immortelles qui sont déjà devenues ce qu’elles sont par leur "valeur" (arhana), et que l’on désigne sous le nom d’"Arhats" (Dignités) (NA: Rig Vêda Samhitâ, V., 86, 5 ; X, 63, 4.). Par le moyen des déités perfectibles et terrestres, tout comme un Roi reçoit le tribut (balim âhri) de ses sujets (NA: Atharva Vêda Samhitâ, X, 7, 39, XI, 4, 19 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, 23, 7 ; Brihadâranyaka Upanishad, IV, 3, 37, 38.), le Personnage dans le coeur, l’Homme Intérieur, qui est aussi le Personnage dans le Soleil, obtient la nourriture (anna, ahara), tant physique que mentale, qui lui est nécessaire pour subsister durant sa procession de l’être vers le devenir. En raison de la simultanéité de sa présence dynamique dans tous les devenirs passés et futurs (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 90, 2 ; Atharva Vêda Samhitâ, X, VIII, 1 ; Katha Upanishad, IV, 13 ; Shwêt. Up., III, 15.), on peut regarder les pouvoirs créés, à l??uvre dans notre conscience, comme le support temporel de la prosidence (prajnâna) et de l’omniscience (sarvajnâna) éternelles de l’Esprit solaire. Non que le monde sensible, avec ses événements successifs, déterminés par des causes médiates (karma, adrishta apûrva), soit pour lui source de connaissance ; mais bien plutôt parce que ce monde est lui-même la conséquence de la science qu’a l’Esprit de "cette image diverse peinte par lui-même sur le vaste canevas de lui-même (NA: Shankarâchârya, Swâtmanirûpana, 95. L’"image du monde" (jagacchitra = kosmos noetos) peut être appelée la forme de l’omniscience divine, et elle est le paradigme hors du temps de toute existence, la «création" étant exemplaire, cf. mon "Vedic Exemplarism" dans Harvard Journal of Asiatic Studies, I, 1936. "Un précurseur de l’Indo-Iranien arta et même de l’Idée platonicienne se trouve dans le sumérien gish-ghar, le contour, plan ou modèle des choses-qui-doivent-être, établi par les Dieux à la création du monde et fixé dans le ciel en vue de déterminer l’immutabilité de leur création" (Albright, dans JAOS, 54, 1934, p. 130, cf. p. 121, note 48). L’"image du monde" est la paradeigma aiona de Platon (Timée  , 29 A, 37 C), to archetypou eidas d’Hermès, et l’éternel miroir qui conduit les esprits qui regardent en lui vers la connaissance de toutes les créatures, et "mieux qu’en regardant ailleurs" de saint Augustin   (voir Bissen, L’exemplarisme divin selon saint Bonaventure, 1929, p. 39, note 5) ; cf. saint Thomas d’Aquin  , Sum. Theol., I, 12, 9 et 10, Sed omnia sic videntur in Deo sicut in quodam speculo intelligibili... non successive, sed simul. "Quand l’habitant du corps, contrôlant les facultés de l’âme qui saisissent ce qui leur appartient dans les sons, etc., s’illumine, il voit l’Esprit (âtman) dans le monde, et le monde dans l’Esprit" (Mahâbhârata, III, 210) ; "Je vois le monde comme une image, l’Esprit" (Siddhântamuktâvalî, p. 181).)". Ce n’est pas par le moyen de la Totalité qu’il se connaît lui-même : c’est par sa connaissance de lui-même qu’il devient la Totalité (NA: Brihadâranyaka Upanishad, I, 4, 10 ; Prashna Upanishad, IV, 10. L’omniscience présuppose l’omniprésence et inversement. Cf. ma "Recollection, Indian and Platonic", Journal of the American Oriental Society, Supplement, 3, 1945.). C’est le propre de notre façon inductive de connaître, que de le connaître par la Totalité. 32 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Ce n’est pas seulement notre nature passible qui est engagée, mais aussi la Sienne. Dans cette compatibilité de nature, Il sympathise avec nos misères et nos délices, et Il est soumis aux conséquences des choses autant que "nous". Il ne choisit pas le sein où il va naître ; Il accède à des naissances qui peuvent être élevées ou médiocres (sadasat) (NA: Maitri Upanishad, III, 2 ; Bhagavad Gîtâ, XIII, 21. Paradiso, VIII, 127, non distingue l’un dall’ altro ostello.), où sa nature mortelle goûte le fruit (bhoktri) du bien comme du mal, de la vérité comme de l’erreur (NA: Maitri Upanishad, II, 6, VI, 11, 8.). Dire qu’"Il est seul voyant, oyant, pensant, connaissant et fructifiant (NA: Aitarêya Aranyaka, III, 2, 4 ; Brihadâranyaka Upanishad, III, 8, 11, IV, 5, 15.)" en nous, dire que "quiconque voit, voit par Sa lumière (NA: Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 28, 8 et semblablement pour les autres facultés de l’âme.)", car Il est dans tous les êtres Celui qui regarde, c’est dire que "le Seigneur est le seul qui transmigre (NA: Shankarâchârya, Sur les Brahma-Sûtras   I, 1, 5, Satyam, nêshwarâd anyah samsârî : cette affirmation très importante est largement appuyée par les textes primitifs e. g. Rig Vêda Samhitâ, VIII, 43, 9, X, 72, 9 ; Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 13; Brihadâranyaka Upanishad, III, 7, 23, III, 8 11, IV, 3, 37, 38 ; Shwêt. Up., II, 16, IV, 11 ; Maitri Upanishad, V, 2. Il n’y a pas d’essence individuelle qui transmigre. Cf. Jean, III, 13. "Personne n’est monté au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’Homme qui est dans le ciel". Le symbole de la chenille dans Brihadâranyaka Upanishad, IV, 4, 3, n’implique pas le passage d’un corps à un autre, d’une vie individuelle distincte de l’Esprit Universel, mais d’une "part pour ainsi dire" de cet Esprit enveloppée dans les activités qui occasionnent la prolongation du devenir (Shankarâchârya, Br. Sûtra, II, 3, 43; III, 1, 1). En d’autres termes, la vie est renouvelée par l’Esprit vivant dont la semence est le véhicule, alors que la nature de cette vie est déterminée par les propriétés de la semence elle-même (Brihadâranyaka Upanishad, III, 9, 28; Kaush. Up., III, 3, et également saint Thomas d’Aquin. Sum. Theol., III, 32, 11). Blake dit de même : "L’homme naît comme un jardin tout planté et semé". Le caractère est tout ce que nous héritons de nos ancêtres ; le Soleil est notre Père réel. De même dans Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 14, 10, M. I., 265/6, et Aristote  , Phys., II, 2. anqrwpos gar anqrwpon genna hlios comme l’ont bien compris saint Thomas d’Aquin, Sum. Theol., I, 115, 3 ad 2 et Dante, De monarchia, IX. Cf. Saint Bonaventure, De red. artium ad theologiam, 20. (Les remarques de Wicksteed et Cornford dans la Physique de la L?b Library, p. 126, montrent qu’ils n’ont pas saisi la doctrine).)". Il s’ensuit inévitablement que, par l’acte même où Il nous doue de conscience, "Il s’emprisonne Lui-même comme un oiseau dans le filet", et s’assujettit au mal, à la Mort (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 4, 4, 1.), ou semble du moins s’emprisonner et s’assujettir ainsi. 35 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Par là Il est soumis à notre ignorance, et souffre pour nos péchés. Mais alors, qui peut être délivré ? et par qui ? et de quoi ? Il vaudrait mieux demander, eu égard à cette liberté absolument inconditionnelle, Qui est libre maintenant et à jamais des limitations que la notion même d’individualité implique ? (aham cha marna cha, "Moi et le mien" ; kartâ’ham iti, "Je suis un être agissant (NA: Bhagavad Gîtâ, III, 27; XVIII, 17 ; cf. Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 5, 2 ; Brihadâranyaka Upanishad, III, 7, 23; MU;, VI, 30, etc. Également Samyutta Nikâya, II, 252 ; Udâna, 70, etc. A l’idée du "Je suis" (asmimâna) et du "Je fais" (kartâ’ham iti) correspond le grec oiesis = doxa (Phèdre, 92 A, 244 C). Pour Philon oiesis est à l’ignorance (I, 93) ; la pensée qui dit "Je plante" est impie (I, 53) ; "je ne trouve rien d’aussi honteux que de supposer que j’exerce mon esprit ou mes sens" (I, 78). Plutarque accouple oihma et tujos. C’est de ce même point de vue que saint Thomas dit que, "pour autant que les hommes sont pécheurs, ils n’existent pas du tout" (Sum. Theol., I, 20, 2, ad 4) ; et, en accord avec l’axiome Ens et bonum convertuntur, sat et asat ne sont pas seulement "l’être" et le "non-être", mais aussi le "bien" et le "mal" (Par ex. dans Maitri Upanishad, III, 1 et Bhagavad Gîtâ, XIII, 21). Tout ce que "nous" faisons en plus ou en moins de ce qui est juste est une faute, et doit être regardé simplement comme n’ayant pas été fait du tout. Par exemple, "Dans la louange, omettre c’est ne pas louer, en dire trop, c’est mal louer, louer exactement, c’est louer effectivement" (Jaiminîya Brâhmana, I, 356). Ce qui n’a pas été fait "en règle" pourrait aussi bien n’avoir pas été fait du tout et n’est, à strictement parler, "pas un acte" (akritam, "unthat"), c’est la raison de l’accent redoutable mis sur la notion d’un accomplissement "correct" des rites et des autres actes. Il en résulte finalement que "nous" sommes les auteurs de tout ce qui est mal fait, et qui par là même n’est pas fait du tout en réalité, tandis que, de tout ce qui est effectivement fait, l’auteur est Dieu. De même que, selon notre propre expérience, si je fais une table qui ne tient pas debout, je ne suis pas menuisier et la table n’est pas réellement une table ; tandis que, si je fais une vraie table, ce n’est pas par moi en tant qu’homme, mais par l’"art" qu’en réalité la table est faite, "Je" étant seulement une cause efficiente. De la même façon le Soi Intérieur se distingue du soi élémentaire comme le moteur (kârayitri) se distingue de l’agent (kartri, Maitri Upanishad, III, 3, etc. ). L’opération est mécanique et serve ; l’agent est libre seulement dans la mesure où sa propre volonté est à ce point identifiée à celle de son maître qu’il devient son propre "patron" (kârayitri) "Ma servitude est liberté parfaite".)"). La liberté est par rapport à soi-même, au "Je" et à ses affections. Celui-là seulement est libre des vertus et des vices et de toutes leurs fatales conséquences, qui n’est jamais devenu qui que ce soit ; celui-là seulement peut l’être qui n’est plus désormais qui que ce soit ; on ne peut être libéré de soi-même tout en demeurant soi-même. La délivrance du bien et du mal, qui semblait impossible et qui l’est en effet pour l’homme défini comme agissant et pensant, celui qui, à la question : "Qui est-ce ? répond : "C’est moi", cette délivrance n’est possible qu’à celui-là seul qui, à la Porte du Soleil, à la question : "Qui es-tu ?" peut répondre : "Toi-même (NA: Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 14, etc. Cf. mon "The ’E’ at Delphi", Review of Religion, nos. 1941.)". Celui qui s’est emprisonné lui-même doit se libérer lui-même, et cela ne peut se faire qu’en réalisant l’affirmation : «Tu es Cela". C’est aussi bien à nous de le libérer en connaissant Qui nous sommes, qu’à Lui de Se libérer lui-même en sachant Qui Il est. C’est pourquoi, dans le Sacrifice, celui qui l’offre s’identifie à la victime. 36 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

De là aussi la prière : "Ce que Tu es, puissé-je l’être (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 5, 7, 6.)", et le sens éternel de la question critique : "De qui sera-ce le départ lorsque je partirai d’ici (NA: Prash. Up., VI, 3 ; cf. réponses dans Chândogya Upanishad, III, 14, 4 et Kaush. Up., II, 14.) ?" de moi-même ou du «Soi immortel", du "Conducteur (NA: Chândogya Upanishad, VIII, 12, 1 ; Maitri Upanishad, III, 2 ; VI, 7. Pour le hgemwn Aitarêya Aranyaka, II, 6 et Rig Vêda Samhitâ, V, 50, 1.)". Si l’on a réalisé effectivement les véritables réponses, si l’on a trouvé le Soi et fait tout ce qu’il y avait à faire (kritakritya), sans aucun résidu de potentialité (krityâ), la fin dernière de notre vie est actuellement atteinte (NA: Aitarêya Aranyaka, II, 5 ; Shankhâyana Aranyaka, II, 4 ; Maitri Upanishad, VI, 30 ; cf. Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 8, 3, 1. Kritakritya, "tout en acte" correspond au pali katamkaranîyam dans la "formule Arhat" bien connue.). On ne saurait trop insister sur le fait que la liberté et l’immortalité (NA: Amritattwa, littéralement "immortalité" ; dans toute la mesure où il s’agit d’êtres nés, soit dieux, soit hommes, ce mot n’implique pas une durée sans fin, mais la "totalité de la vie" ; on doit entendre : ne mourant pas prématurément (Shatapatha Brâhmana, V, 4 ; I, 1 ; IX, 5, 1, 10; Panchavimsha Brâhmana, XXII, 12, 2, etc.). Ainsi la totalité de la vie de l’homme (âyus = aeon) est de cent ans (Rig Vêda Samhitâ, I, 89, 9 ; II, 27, 10, etc.) ; celle des Dieux est de "mille ans" (XI, 1, 6, 6, 15) ou de la durée que représente ce chiffre rond (Shatapatha Brâhmana, VIII, 7, 4, 9; X, 2, 1-11, etc.). Dès lors, quand les Dieux, qui, à l’origine, étaient "mortels", obtiennent leur "immortalité" (Rig Vêda Samhitâ, V, 3, 4, et X, 63, 4, ; Shatapatha Brâhmana, XI, 2, 3, 6, etc.), cela ne doit être compris que dans un sens relatif et ne signifie pas autre chose que leur vie, comparée à celle des hommes, est plus longue (Shatapatha Brâhmana, VII, 3, 1, 10, Shankara  . Sur les Br. Sûtra, I, 2, 17 et II, 3, 7, etc.). Dieu seul, comme "non-né" ou "né seulement en apparence" est absolument immortel ; Agni, vishwâyus = pyr aionos, seul "immortel parmi les mortels, Dieu parmi les Dieux" (Rig Vêda Samhitâ, IV, 2, 1 ; Shatapatha Brâhmana, II, 2, 2, 8, etc.). Sa nature intemporelle (akâla) est celle du "maintenant" sans durée, dont nous, qui ne pouvons penser qu’en termes de passé et de futur (bhûtam bhavyam) n’avons et ne pouvons avoir l’expérience. De Lui toutes choses procèdent, et en Lui elles s’unifient (êko bhavanti) à la fin (Aitarêya Aranyaka, II, 3, 8, etc.). En d’autres termes, l’"immortalité" est de trois ordres : la longévité humaine, l’æviternité des Dieux, et l’immortalité sans durée de Dieu (sur l’æviternité, voir saint Thomas d’Aquin., Sum. Theol., I, 10, 5). Les textes hindous eux-mêmes ne permettent aucune confusion : toutes les choses sous le Soleil sont au pouvoir de la Mort (Shatapatha Brâhmana, II, 3, 37, X, 5, 1, 4). Pour autant qu’elle descend dans le monde, la Divinité elle-même est un "Dieu qui meurt" ; il n’y a dans la chair aucune possibilité de ne jamais mourir (Shatapatha Brâhmana, II, 2, 2, 14; X, 4, 3, 9 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 38, 10, etc.) ; la naissance et la mort sont indissolublement liées (Bhagavad Gîtâ, II, 27; Angutara Nikâya, IV, 137 ; Sutta Nipâta, 742). On peut observer que le grec athanasia a des significations analogues ; pour l’"immortalité mortelle", cf. Platon, Banquet  , 207, D-208 B, et Hermès, Lib., XI, I, 4a et Ascl., III, 40 b.) peuvent être, non seulement atteintes, mais encore réalisées ici-même et maintenant aussi bien que dans un quelconque au-delà. Celui qui "est délivré en cette vie" (jîvan mukta) ne "meurt plus" (napunar mriyatê) (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 3, 3, 9 ; Brihadâranyaka Upanishad, I, 5, 2, etc. Cf. Luc, 20, 36; Jean, II, 26.). "Celui qui a compris le Soi contemplatif sans âge et sans mort, qui n’a en lui aucun manque et qui ne manque de rien, celui-là ne redoute pas la mort (NA: Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 44; cf. Aitarêya Aranyaka, III, 2, 4.).". Étant déjà mort, il est, comme le çoufi, "un mort qui marche (NA: Mathnawî, VI, 723 f. La parole "Mourez avant que vous ne mouriez" est attribuée à Mohammed  . Cf. Angelus Silesius, "Stirb ehe du stirbst".)". Un tel homme n’aime plus ni lui-même ni les autres : il est le Soi de lui-même et des autres. La mort à soi-même est la mort aux autres ; et, si le "mort" semble ne pas être égoïste, ce n’est pas pour quelque motif altruiste, mais à titre accidentel, et parce qu’il est littéralement sans ego. Délivré de lui-même et de toutes conditions, de tous devoirs et de tous droits, il est devenu Celui qui se meut à son gré (kâmachârî) (NA: Rig Vêda Samhitâ, IX, 113, 9 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 28, 3 ; Shankhâyana Aranyaka, VII, 22; Brihadâranyaka Upanishad, II, 1, 17, 18, Chândogya Upanishad, VIII, 5, 4 ; VIII, I, 6 (cf. D, I, 72) ; Taitt. Up., III, 10, 5 (de même dans Jean, X, 9).) comme l’Esprit (Vâyu, âtmâ dêvânâm) qui "va où il veut" (yathâ vasham charati) (NA: Rig Vêda Samhitâ, IX, 88, 3 ; X, 168, 4 ; cf. Jean, III, 8 ; Gylfiginning, 18.), n’étant plus, comme le dit saint Paul  , "sous la loi". 37 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Le Sacrifice reflète le Mythe mais, comme tout reflet, en sens inverse. Ce qui était un processus de génération et de division devient ici un processus de régénération et d’unification. Des deux "soi" qui habitent ensemble dans le corps et qui y ont leur départ, le premier est né de la femme, et le second du Feu sacrificiel, matrice divine où la semence de l’homme doit naître de nouveau, autre qu’il n’était. Jusqu’à ce qu’il soit né de nouveau, l’homme n’a que le premier soi, le soi mortel (NA: Jaiminîya Brâhmana, I, 17 ; Shatapatha Brâhmana, VII, 2, 1, 6 avec VII, 3, 1, 12; Brihadâranyaka Upanishad, II, 1, 11 ; Sutta Nipâta, 160, et d’innombrables textes distinguant les deux soi. La doctrine selon laquelle duo sunt in homine est universelle, et notamment hindoue, islamique, platonicienne, chinoise et chrétienne. Cf. "On being in one’s right mind". Rev. ot Religion, VII, 32 f.). Offrir un sacrifice, c’est naître, et l’on peut dire qu’"en vérité, il est encore non-né celui qui n’offre pas de sacrifice (NA: Shatapatha Brâhmana, I, 6, 4, 21 ; III, 9, 4, 23 ; Kaushîtaki Brâhmana, XV, 3 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 14, 8. Cf. Jean. 3, 3-7.)". Et encore, quand l’Ancêtre notre Père "a émis ses enfants et tendrement (prêma, snêhavachêna) demeure en eux, il ne peut plus, à partir d’eux, se réunir à Lui-même" (punar sambhû) (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 5, 2, 1 ; cf. Shatapatha Brâhmana, I, 6, 3, 35, 36 ; Shankarâchârya, Br. Sûtra, II, 3, 46.). Aussi s’écrie-t-il : "Ceux-là s’épanouiront qui, d’ici-bas, me réédifieront" (punar chi) : Les Dieux L’ont édifié, et ils se sont épanouis; ainsi celui qui offre le Sacrifice s’épanouit aujourd’hui même dans ce monde-ci et dans l’autre (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 5, 2, 1. Non seulement les desservants eux-mêmes, mais la création tout entière participent aux bienfaits du Sacrifice (Shatapatha Brâhmana, I, 5, 2, 4 ; Chândogya Upanishad, V, 24, 3).). Celui qui offre le Sacrifice, en édifiant l’(autel du) Feu "de tout son esprit et de tout son moi (NA: Shatapatha Brâhmana, III, 8, 1, 2.)" ("ce Feu sait qu’il est venu pour se donner à moi (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 4, 1, 11 ; IX, 5, 1, 53.)"), "réunit» (samdhâ, samskri) du même coup la déité démembrée et sa propre nature séparée. Car il serait dans une grande illusion, il serait simplement une bête, s’il disait : "Il est quelqu’un, et moi un autre (NA: Brihadâranyaka Upanishad, I, 4, 10 ; IV, 5, 7 ; Cf. Maître Eckhart, "Wer got minnet für sinen got unde got an betet für sinen got und im dâ mite lâzet genüegen daz ist nur als, ein angeloubic mensche" (Pfeiffer, p. 469).)". 44 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Le Sacrifice est d’obligation : "Nous devons faire ce que les Dieux firent autrefois (NA: Shatapatha Brâhmana, VII, 2, 1, 4.)". En fait, on en parle souvent comme d’un "travail" (karma). Ainsi, de même qu’en latin operare = sacra facere = hieropoiein, de même dans l’Inde, où l’accent est mis si fortement sur l’action, bien faire signifie faire des actes sacrés. Seul le fait de ne rien faire - et mal faire revient à ne rien faire - est vain et profane. A quel point l’acte sacré est analogue à tout autre travail professionnel, on s’en rendra compte si l’on se souvient que les prêtres ne sont rémunérés que lorsqu’ils opèrent pour autrui, et que recevoir des cadeaux n’est pas licite lorsque plusieurs hommes sacrifient ensemble pour leur propre compte (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 2, 10, 2. A une telle "session rituelle" (sattra) le Soi (Âtman, l’Esprit) est la rétribution (dakshina) et c’est dans la mesure où les sacrificateurs obtiennent le Soi en récompense qu’ils gagnent le ciel (âtmâ-dakshinam vai sattram, dtmânam êva nîtwâ swargam lokam yanti, Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 4, 9, 1 ; cf. Panchavimsha Brâhmana, IV, 9, 19). "Dans une session, le Soi est le salaire... Que je saisisse ici mon Soi comme rétribution, pour ma gloire, pour le monde du ciel, pour l’immortalité" (Kaushîtaki Brâhmana, XV, 1). Par contre, dans le cas des sacrifices accomplis pour autrui, comme dans le cas d’une Messe dite pour d’autres, un salaire est dû aux prêtres, qui, en tant que pères spirituels, permettent à celui qui offre le Sacrifice de naître de nouveau du Feu sacrificiel, du sein de Dieu (Shatapatha Brâhmana, IV, 3, 4, 5 ; Aitarêya Brâhmana, III, 19, etc.). Mais, dans l’interprétation sacrificielle de la "totalité de la vie", l’ardeur, la générosité, l’innocence et la véracité sont les "salaires des prêtres" (Chândogya Upanishad, III, 17, 4).). Le Roi, comme suprême Patron du Sacrifice pour son Royaume, représente le sacrificateur in divinis, et constitue lui-même le type de tous les autres sacrificateurs. 45 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Le Sacrifice, de même que les paroles liturgiques qui le rendent valable, doit être compris (Erlebt), si l’on veut qu’il soit pleinement effectif. Les actes physiques peuvent, par eux-mêmes, comme tout autre travail, assurer des avantages temporels. Sa célébration ininterrompue maintient en fait le "courant de prospérité" (vasor dhâra) sans fin qui descend du ciel comme la pluie fertilisante, laquelle, passant dans les plantes et les animaux, devient notre nourriture et retourne au ciel dans la fumée de l’offrande consumée. Cette pluie et cette fumée sont les cadeaux de noces au mariage sacré du Ciel et de la Terre, du Sacerdoce et du Règne, mariage qui est impliqué dans l’opération tout entière (NA: Vasor dhârâ, Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 4, 8, 1, V, 7, 3, 2 ; Shatapatha Brâhmana, IX, 3, 2-3 ; Aitarêya Aranyaka, II, 1, 2 ; III, 1, 2 ; Maitri Upanishad, VI, 37 ; Bhagavad Gîtâ, III, 10 f. etc. Cadeaux de noces, Panchavimsha Brâhmana, VII, 10 ; Aitarêya Brâhmana, IV, 27 ; Jaiminîya Brâhmana, I, 145 ; Shatapatha Brâhmana, I, 8, 3, 12, etc.). Mais il est demandé plus que les actes purs et simples, si l’on veut réaliser le dessein ultime dont les actes ne sont que les symboles. Il est dit expressément que "ce n’est ni par l’action ni par les sacrifices que l’on peut L’atteindre" (na ishtam karmanâ nachad... na yajnaih) (NA: Rig Vêda Samhitâ, VIII, 70, 3.), Celui dont la connaissance est notre bien suprême (NA: Aitarêya Aranyaka, II, 2, 3 ; Kaush. Up., III, 1.). Il est en même temps affirmé sans cesse que le Sacrifice ne s’accomplit pas seulement en mode parlé et visible, mais aussi en mode "intellectuel" (manasât) (NA: Rig Vêda Samhitâ, passim, cf. Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 11, 4, 5 ; Brihadâranyaka Upanishad, IV, 4, 19.), silencieusement et invisiblement, à l’intérieur de nous. Autrement dit, la pratique n’est que le support extérieur et la démonstration de la théorie. La distinction s’impose donc entre le véritable sacrificateur de soi-même (sadyâjî, satishad, âtmayâjî) et celui qui se contente simplement d’être présent au sacrifice (sattrasad) et d’attendre que la déité fasse tout le travail réel (dêvayâjî) (NA: Shatapatha Brâhmana, XI, 2, 6, 13, 14, cf. VIII, 6, 1, 10; Maitri Upanishad, VI, 9. Voir aussi mon "Atmayajna" dans HJAS, 6, 1942. Le soi est sacrifié au Soi. Le âtmayajna peut être comparé à la euch megalh telle que l’interprète Philon, Spec., I, 248 f., Fug., 115, LA., II, 56.). Il est même dit bien souvent que "quiconque comprend ces choses et accomplit le bon travail, ou même s’il comprend simplement (sans accomplir effectivement le rite), restitue la déité démembrée dans sa totalité et son intégrité (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 4, 3, 24.)" ; c’est par la gnose, et non par les ?uvres, que l’on peut atteindre cette réalité (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 5, 4, 16. Cf. Rig Vêda Samhitâ, VIII, 70, 3 ; et Aitarêya Aranyaka, III, 2, 6 avec la note de Keith.). Il ne faut pas non plus perdre de vue que le rite, dans lequel est préfigurée la fin dernière du sacrificateur, est un exercice de mort, et par là une entreprise dangereuse, où il pourrait perdre prématurément la vie. Mais "Celui qui comprend passe d’un devoir à un autre, comme d’un courant dans un autre ou d’un refuge à un autre, pour obtenir son bien, le monde céleste (NA: Shatapatha Brâhmana, XII, 2, 3, 12.)". 49 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Nous ne pouvons décrire en détail les "déserts et les royaumes" du Sacrifice, et nous considérerons seulement le moment le plus significatif de l’Offrande (Agnihotra), celui où le Soma offert en oblation est répandu dans le Feu comme dans la bouche de Dieu. Qu’est-ce que le Soma ? Exotériquement, une liqueur enivrante extraite des parties juteuses de plantes variées, mêlée avec du miel et du lait, filtrée, et correspondant à l’hydromel, au vin ou au sang des autres traditions. Ce jus, toutefois, n’est pas le Soma même jusqu’à ce que, "moyennant l’action du prêtre, l’initiation et les formules», et "moyennant la foi", il ait été fait Soma trans-substantiellement (NA: Aitarêya Brâhmana, VII, 31 ; Shatapatha Brâhmana, III, 4, 3, 13; XII, 73, 11.); et, "bien que les hommes, pressant la plante, s’imaginent boire le Soma véritable, aucun des habitants de la terre ne goûte ce que les Brâhmanes entendent par Soma (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 8, 34.)". Les plantes utilisées ne sont pas la véritable plante du Soma, qui pousse dans les rochers et les montagnes (giri, achman, adri), et auxquels il est incorporé (NA: Rig Vêda Samhitâ, V, 43, 4 ; Shatapatha Brâhmana, III, 4, 3, 13. "Dans le rocher", et non "sur le rocher", comme on le traduit souvent de façon erronée.). C’est seulement dans le royaume de Yama, dans l’autre monde, le troisième ciel, que l’on peut avoir part au Soma proprement dit ; néanmoins, rituéliquement et analogiquement, le sacrificateur "boit le Soma dans le banquet des Dieux" (sadhamâdam devaih somam pibati) et peut dire : "Nous avons bu le Soma, nous sommes devenus immortels, nous avons vu la Lumière, nous avons trouvé les Dieux ; que pourrait contre nous l’inimitié ou la traîtrise d’un mortel, ô Immortel (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 113, VIII, 48, 3 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 5, 5; III, 2, 5, etc. Le caractère eucharistique du rite est évident. Cf. Aitarêya Brâhmana, 1, 22 : "Puissions-nous manger de toi, ô Dieu Dharma", et Math., 26, 26 : "Prenez et mangez ; ceci est mon corps".) ?". 50 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

La "pacification" ou le meurtre du Roi Soma, le Dieu, est appelée à juste titre l’Oblation Suprême. Encore n’est-ce pas Soma lui-même qui est tué, "mais seulement son mal (NA: Shatapatha Brâhmana, III, 9, 4, 17, 18.)" ; c’est effectivement pour le préparer à son intronisation et à sa souveraineté que le Soma est purifié (NA: Shatapatha Brâhmana, III, 3, 2, 6.). C’est là un exemplaire suivi dans les rites de couronnement (râjasûya), et un modèle descriptif de la préparation de l’âme à sa propre autonomie (swarâj). Car l’on ne doit jamais oublier que "le Soma était le Dragon", et qu’il est sacrificiellement extrait du Dragon comme la sève vivante (rasa) est extraite d’un arbre décortiqué. Ce développement du Soma est décrit en accord avec la règle selon laquelle "les Soleils sont des Serpents" et qui ont abandonné leurs peaux mortes de reptiles : "Comme le serpent de sa peau tenace, le jet d’or du Soma jaillit des pousses (NA: Panchavimsha Brâhmana, XXV, 15, 4.) meurtries à la façon d’un coursier qui s’élance (NA: Rig Vêda Samhitâ, IX, 86, 44.)". Pareillement le processus de libération de notre Soi immortel hors de ses enveloppes psycho-physiques (kosha) est un dépouillement des corps (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 4, 9 ; Panchavimsha Brâhmana, IV, 9, 19-22 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, I, 15, 3 f. ; III, 30, 2 ; Chândogya Upanishad, VIII, 13 ; cf. Brihadâranyaka Upanishad, III, 7, 3 f. ; Chândogya Upanishad, VIII, 12, 1. La conquête de l’immortalité dans le corps est impossible (Shatapatha Brâhmana, X, 4, 3, 9 ; Jaiminîya Upanishad Brâhmana, III, 38, 10, etc.) Cf. Phédon  , 67 C : "La catharsis (= shuddha karana) est la séparation de l’âme et du corps dans toute la mesure où cela est possible".), comme l’on tire un roseau de sa gaine, ou une flèche de son carquois pour qu’elle rejoigne sa cible, ou comme un serpent se dépouille de sa peau "comme le serpent se dépouille, ainsi se dépouille-t-on de tout son propre mal (NA: Shatapatha Brâhmana, II, 5, 2, 47., Brihadâranyaka Upanishad, IV, 4, 7.)". 51 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

On saisit mieux maintenant l’identification du Soma avec l’Eau de la Vie, et celle de notre âme élémentaire et composite (bhûtâtman) avec les plantes à Soma d’où l’élixir royal doit être extrait (NA: Maitri Upanishad, III, 3 f.); et l’on comprend comment et par qui "ce que les Brâhmanes entendent par Soma" est consommé dans nos coeurs (hritsu) (NA: Rig Vêda Samhitâ, I, 168, 3 ; I, 179, 5 ; cf. X, 107, 9 (antahpêyam).). C’est le sang de vie de l’âme draconnienne qui offre maintenant ses pouvoirs tout équipés à leur souverain (NA: Cf. Philon, LA., II, 56, "répandre en libation le sang de l’âme et offrir en encens l’esprit tout entier à Dieu, notre Sauveur et Bienfaiteur".). Le sacrificateur livre aux flammes l’offrande de ce qui est à lui et de ce qu’il est ; vidé ainsi de lui-même (NA: Shatapatha Brâhmana, III, 8, 1, 2 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 17, 5, 2. Comme c’était au commencement, Rig Vêda Samhitâ, X, 90, 5 ; Shatapatha Brâhmana, III, 9, 1, 2.), il devient un Dieu (NA: Les Dieux sont véritables, ou réels (satyam), les hommes faux et irréels (anritam), Aitarêya Brâhmana, I, 6 ; Shatapatha Brâhmana, I, 1, 1, 4 ; III, 9, 4, 1, etc. (les universaux sont réels, les particuliers irréels). Le sacrificateur initié est sorti de ce monde et est temporairement un Dieu. Agni ou Indra (Shatapatha Brâhmana, III, 3, 10, etc. Cf. Philon, Heres, 84, "ce n’est pas un homme quand il est dans le Saint des Saints") ; et, s’il ne se munissait pas pour le retour au monde des hommes, il serait en danger de mourir prématurément (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), I, 7, 6, 6, etc.), C’est pourquoi il est pourvu à la redescente (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), VII, 3, 10, 4; Panchavimsha Brâhmana, XVIII, 10, 10 ; Aitarêya Brâhmana, IV, 21) ; et c’est en revenant au monde humain, au monde d’irréalité et de mensonge, en redevenant cet homme-ci, Un Tel, une fois encore, qu’il dit : "Maintenant je suis celui que je suis" (aham ya êvâsmi so’smi, Shatapatha Brâhmana, I, 9, 3, 23 ; Aitarêya Brâhmana, VII, 24) ; aveu tragique d’être "conscient une fois encore d’une vie toujours limitée, toujours corporelle et terrestre" (Macdonald, Phantastes, 1858, p. 317). Car il ne peut y avoir de plus grande douleur que de percevoir que nous sommes encore ce que nous sommes (Cloud of unknowing  , ch. XLIV). "Il n’y a pas de plus grand crime que ton être" (Shams-i-Talviz).). Quand il abandonne le rite il revient à lui-même, il revient du réel à l’irréel. Mais, bien qu’il dise alors : "Maintenant je suis ce que je suis", ces mots mêmes montrent bien qu’il s’agit là d’une apparence n’ayant qu’une réalité temporaire. Il est né de nouveau du Sacrifice, et il n’est pas vraiment abusé. "Ayant tué son propre Dragon (NA: Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), II, 5, 4, 4.)", il n’est plus réellement quelqu’un. L??uvre a été accomplie une fois pour toutes. Il est parvenu au bout de la route et au bout du monde, "là où le Ciel et la Terre se tiennent embrassés", et peut dès lors "travailler" ou "jouer" à son gré. C’est à lui que les paroles suivantes s’adressent : Lo tuo piacere omai prende per duce... per ch’io te sopra te corono e mitrio : Prends désormais ton plaisir pour guide... je te couronne roi et pape de toi-même (NA: Purgatorio, XXVII, 131, 142.). Nous qui étions en guerre avec nous-mêmes, nous sommes maintenant réintégrés et en paix ; le rebelle a été dompté (dânta) et pacifié (shânta), et, là où les volontés étaient en conflit règne désormais l’unanimité (NA: Bhagavad Gîtâ, VI, 7, Jitâtmanah prashântasya paramâtmà samdhitah : Le Suprême Soi du soi individuel est "apaisé" (samâhitah = "en samâdhi") quand ce dernier a été conquis et pacifié. Cf. Dhammapada, 103-105 êkam cha jêyya attânam sa vê sangâma-juttamo... attâ havê jitam... n’êvadêvo... apajitam kayira... bhâvit’attânam. Celui qui gagne cette bataille (psychomachie, jihad) est le véritable Conquérant (jina). Observer que "pacifier" est littéralement procurer le repos. Shânti, "la paix", n’est pas pour un soi qui ne veut pas mourir. La racine sham se trouve aussi dans shamayitri, le "boucher" qui "apaise" la victime dans le rituel extérieur (Rig Vêda Samhitâ, V, 43, 3 ; Shatapatha Brâhmana, III, 8, 3, 4, etc.) ; le sacrificateur "apaise" (shamayati) le feu de la colère de Varuna (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 1, 6 ; Shatapatha Brâhmana, IX, 1, 2, 1) ; en nous, c’est le plus haut soi qui "pacifie" le soi individuel, qui apaise son feu. Quiconque désire être "en paix avec lui-même" doit être mort à lui-même. Cf. République  , 556 E ; Gorgias, 482 C ; Timée, 47 D ; et Harvard Journal of Asiatic Studies, VI, 389, 1942 ("On Peace").). 52 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Nous ne pouvons faire qu’une très rapide allusion à un autre aspect très significatif du Sacrifice ; la réconciliation que le Sacrifice établit constamment entre les pouvoirs en conflit est aussi leur mariage. Il y a plus d’une manière de "tuer" le Dragon ; la flèche du Tueur de Dragon (vajra) étant en fait un trait de lumière, et "le pouvoir génésique étant lumière", sa signification n’est pas seulement guerrière mais aussi phallique (NA: Cf. Rig Vêda Samhitâ, I, 32, 5 vajrêna = II, 11, 5, vîryena comme dans Manu, vîryam avasrijat, et dans le sens de Rig Vêda Samhitâ, X, 95, 4, snathitâ vaitasêna. Sur le fier baiser, le Désenchantement par un Baiser, voir W. H. Schofield, Studies on the Libeaus Desconus, 1895, 199 ff., et mon "The Hoathly Bride", Speculum, 20, 1945.). C’est la bataille d’amour, qui est gagnée quand le Dragon "expire". En tant que Dragon, le Soma est identifié à la Lune ; en tant qu’Élixir, la Lune devient la nourriture du Soleil, qui l’avale durant les nuits de leur cohabitation (amâvâsya) : "Ce qui est mangé est nommé du nom du mangeur, et non par son propre nom (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 6, 2, 1.)" ; en d’autres termes, qui dit ingestion dit assimilation. Selon les paroles de Maître Eckhart "là l’âme s’unit à Dieu comme l’aliment à l’homme, devenant ?il dans l??il, oreille dans l’oreille ; ainsi en Dieu l’âme devient Dieu" ; car "je suis ce qui m’absorbe, plutôt que moi-même (NA: Maître Eckhart, Evans, I, 287, 380. Ainsi notre bien le plus grand est d’être dévoré par "Noster Deus ignis consumans". Cf. Speculum, XI, 1936, p. 332, 333, et d’autre part Dante, Paradiso, XXVI, 51, Con quanti denti questo amor ti morde ? Son baiser, qui est à la fois Amour et Mort, nous éveille au devenir ici-bas, et sa morsure d’amour nous éveille à l’être là-haut. Cf. mon "Sun-kiss" dans Journal of the American Oriental Society, 60, 1940.)". Comme le Soleil engloutit l’Aube ou dévore la Lune dans le Monde extérieur et visible, chaque jour et chaque mois, en nous se consomme le mariage divin quand les entités solaire et lunaire de l??il droit et de l??il gauche, Eros et Psyché, la Mort et la Dame, entrent dans la caverne du coeur, s’y unissent comme l’homme et la femme sont unis dans le mariage humain ; c’est là leur "suprême béatitude (NA: Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 11, 12.)". Dans cette synthèse extatique (samâdhi), le Soi a retrouvé sa condition primordiale, "celle d’un homme et d’une femme étroitement embrassés (NA: Brihadâranyaka Upanishad, 1, 4, 3.)", au-delà de toute conscience d’une distinction entre un dedans et un dehors (NA: Brihadâranyaka Upanishad, IV, 3, 21.). "Tu es Cela". 53 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme La Voie des ?uvres

Il n’est pas étonnant alors de lire que "si quelqu’un sacrifie sans connaître cette offrande intérieure, c’est comme s’il jetait les brandons de côté et faisait l’o