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Borella : L’intellect et la raison, selon Thomas d’Aquin

segunda-feira 4 de agosto de 2014, por Cardoso de Castro

  

La doctrine de saint Thomas d’Aquin   ne diffère guère de celle de saint Augustin  . Du moins les distinctions terminologiques sont-elles identiques de part et d’autre. « La raison diffère de l’intellect comme la multiplicité de l’unité ; d’où vient que Boèce  , au livre IV du De consolatione dit que la raison se trouve dans le même rapport à l’intellect que le temps à l’éternité, et le cercle au centre. C’est en effet le propre de la raison de se répandre en tous sens sur une foule de choses, et d’en tirer, en les rassemblant, une connaissance une et simple... Mais à l’inverse l’intellect commence d’abord par la considération de la vérité une et simple, puis saisit en elle la connaissance de tout le multiple, de même que Dieu, par l’intellection de Son Essence connaît toute chose. »

Cet intellect, non seulement reçoit en lui les connaissances qui viennent de l’extérieur, en tant qu’intellect passif, mais encore, en tant qu’intellect actif, il illumine la connaissance reçue pour en révéler à lui-même la dimension intelligible, comme un œil qui éclairerait ce qu’il voit. Or cette lumière par laquelle l’intellect actualise la nature intelligible du connu, est d’origine divine ; c’est une « lumière dérivée de Dieu » qui est ainsi cause (par excellence) de notre science.

Allons plus loin : la suprême béatitude pour l’homme, est de nature intellective : « sous le rapport de son essence même, la béatitude consiste dans un acte de l’intellect ». L’intellect est en effet ce que l’homme a de commun avec Dieu et avec les anges, non pas l’intelligence pratique, ou agissante, mais l’intelligence spéculative, ou contemplative ou toute connaissante : « La ressemblance établie entre l’intellect pratique et l’être divin, n’existe que par une certaine proportion, en ce sens que l’intellect pratique est dans le même rapport à son objet que Dieu au sien. Mais la ressemblance de l’intellect spéculatif avec Dieu existe par union ou communication (per informationem) ; c’est-à-dire : dans la connaissance que l’intellect spéculatif a de Dieu, c’est Dieu lui-même qui informe l’intellect (l’intellect, c’est Dieu en tant qu’il accepte d’être connu), ce qui constitue une ressemblance bien plus grande. Et l’on peut dire qu’à l’égard du principal objet de connaissance, qui est sa propre Essence, Dieu ne possède pas une connaissance pratique, mais seulement spéculative. »

Même si l’on peut ramener la raison à l’intellect dans son principe cognitif, il reste que « le nom d’intellect désigne la pénétration intime de la vérité, alors que celui de raison désigne la recherche et la discussion ». Et cette pénétration intime et non seulement connaissance objective, mais aussi assimilation « subjective » et vie divine : « La perfection de la vision intellective est dans une sorte de participation à l’éternité. Et donc cette vision est en quelque manière vie, car on doit considérer comme une espèce de vie l’action de l’intellect. » Il s’ensuit que l’état béatifique ainsi obtenu par la vision de l’intellect ne peut être perdu et qu’il participe de l’immutabilité de son objet : « L’intellect créé voit Dieu, parce qu’il lui est uni en quelque manière. Si donc la vision divine cesse, il faut que ce soit par un changement de la substance divine ou de l’intellect contemplatif. Or l’un n’est pas plus possible que l’autre, car la substance divine est immuable et d’autre part, la vision de la substance divine élève la substance intellectuelle au-dessus de tout changement (...). Aucune créature ne peut s’approcher plus près de Dieu que celle qui voit sa substance. Ainsi la créature intellectuelle qui voit la substance de Dieu est établie dans une parfaite immutabilité. »