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Borella: DISCIPLINA ARCANI

terça-feira 17 de fevereiro de 2015, por Cardoso de Castro

  

Cette expression, discipline de l’arcane, est la traduction d’une formule latine (disciplina arcani) inventée au XVIIe siècle. Arcanum signifie « secret », « mystère », et se rencontre fréquemment dans la littérature chrétienne comme équivalent de mysterion (au pluriel : arcana = mysteria) : ainsi la Vulgate traduit par arcana verba les « paroles secrètes » que S. Paul entendit dans son ravissement (2 Co., XII, 4). Disciplina est le terme consacré, en latin ecclésiastique, pour désigner les règles que s’impose l’Église en tant que société instituée (le « droit canonique »), par exemple concernant les circonstances et les conditions d’administration des sacrements. La discipline peut varier avec le temps : Tertullien   oppose déjà la mutabilité de la disciplina à la stabilité de la regula fidei. « Discipline de l’arcane » désigne donc une « loi qui, dans les premiers siècles, aurait obligé les fidèles et le clergé à ne jamais parler ouvertement de la foi et du culte devant les catéchumènes ou les infidèles ». Tous les historiens sont d’accord pour constater que cette loi n’a jamais fait l’objet d’une déclaration expresse de l’Autorité ecclésiastique : on ne la trouve, semble-t-il, dans les canons d’aucun concile. Cependant il est impossible de mettre en doute son existence, bien qu’il s’agisse moins d’une loi proprement dite que d’une pratique extrêmement répandue encore que non toujours observée : dans l’expression disciplina arcani, « arcane » est plus important que « discipline ».

Au début du XVIIe siècle, la notion d’une discipline de l’arcane a été l’enjeu d’un débat entre catholiques et protestants sur l’origine du septénaire sacramentel. Les protestants rejetaient la doctrine du septénaire, enseignée par le Concile de Trente, mais, selon eux, sans appui dans l’Écriture. Les controversistes catholiques répondaient assez souvent en imputant le silence de l’Écriture sur les sacrements à la nécessité de cacher certains points doctrinaux aux non-initiés, et, bien sûr, aux infidèles. Melchior Cano en 1563, S. Robert Bellarmin en 1599, et bien d’autres, affirment, à propos de l’eucharistie, par exemple, que sa vraie nature ne pouvait être exposée publiquement. Aux protestants qui s’appuyaient sur quelques textes de S. Augustin   pour nier la transsubstantation, le Cardinal Duperron répondait qu’il s’agissait « de sermons populaires où assistaient toutes sortes de personnes, tant initiés que non initiés, tant baptisés que catéchumènes, païens ou infidèles, dont l’Afrique était fort pleine de son temps au moyen de quoi il ne lui était pas permis de découvrir le secret des sacrements ». Les érudits protestants ne rejetaient pas tous l’existence, chez les Pères, d’une obligation de silence, mais ils niaient qu’elle fût d’origine apostolique, y voyant au contraire une contamination de la pure doctrine évangélique par les cultes à mystères du paganisme. Le premier à avoir formulé cette opinion, qui devait avoir un succès considérable auprès des historiens non catholiques et persister jusqu’au milieu du XXe siècle, est Isaac Casaubon, dans un ouvrage publié à Londres en 1614. Il faut attendre cependant les années 1675-1680 et les travaux du protestant Jean Daillé, pour voir apparaître l’expression de disciplina arcani qui s’imposera aux deux camps comme la meilleure formulation possible ; en même temps, il en présente une conception plus satisfaisante puisqu’il voit dans cet arcane un moyen de « susciter dans l’esprit des catéchumènes le respect et l’intense désir des sacrements » ; il nie toutefois que cette discipline remonte au Christ.

Extrait de Jean Borella  , « Esotérisme guénonien et mystère chrétien »