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HB: maîtres

sábado 3 de fevereiro de 2024

  

Dans cet homme, quand sa vie sacramentelle est complète, il y a une hiérarchie des pouvoirs sacerdotal, royal et administratif, ainsi qu’une quatrième classe formée des organes physiques de sensation et d’action, qui traitent la mati  ère première ou "nourriture" à préparer pour tous. Il est clair que, si cet organisme doit s’épanouir - chose impossible s’il se divise contre lui-même - les pouvoirs sacerdotal, royal et administratif doivent être les maîtres selon leur rang, et les agents, qui travaillent sur les matières premières, leurs serviteurs. C’est exactement de la même façon que les exigences du Sacrifice, dont dépend la prospérité d’un royaume, déterminent la hiérarchie de ses fonctions. A la lettre, les castes sont "nées du Sacrifice (NA: On trouvera la meilleure discussion de ce point dans A. M. Hocart, Les Castes, Paris, 1939.)". Dans l’ordre sacramentel, il y a nécessité et place pour le travail de tous les hommes. Et dans ces conditions il n’y a pas de conséquence plus significative du principe selon lequel le travail est sacrifice, que le fait, si éloigné que cela puisse être de nos modes de pensée profanes, que chaque fonction, depuis celle du prêtre et du roi jusqu’à celle du potier et du balayeur, est littéralement un sacerdoce et toute action un rite. De plus, chacune de ces sphères a son "éthique professionnelle". L’institution des castes diffère de la "division du travail" industriel, avec son fractionnement de la capacité humaine, en ce qu’elle présuppose une distinction dans les modalités, mais non dans les degrés, de la responsabilité. Et c’est précisément parce qu’une telle organisation de fonctions, avec son loyalisme et ses devoirs mutuels, est absolument incompatible avec le caractère de compétition de notre industrialisme, qu’une telle institution, fondée sur la monarchie, la féodalité et les castes, est toujours peinte en couleurs si sombres par les sociologues, dont l’opinion est déterminée beaucoup plus par les préjugés de leur milieu que par le recours aux vrais principes. 63 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme L’Ordre social

Le Bouddhisme semble différer d’autant plus du Brahmanisme, dont il est issu, qu’on l’étudie plus superficiellement ; mais plus on approfondit cette étude, plus il devient difficile de les distinguer l’un de l’autre, ou de dire sous quels rapports, s’il en est aucun, le Bouddhisme n’est pas réellement orthodoxe. La distinction la plus saillante est le fait que la doctrine bouddhique a été exposée par un fondateur d’apparence historique, qui aurait vécu et enseigné au VIe siècle avant Jésus-Christ. Hors cela, il y a seulement dans le Bouddhisme de larges différences d’accent. Ainsi, l’on tient généralement pour évident qu’il faut quitter le monde si l’on veut suivre la Voie et comprendre la doctrine. L’enseignement s’adresse, soit à des Brâhmanes sur le point de se convertir, soit à la congrégation des Moines Errants (pravrâjaka) déjà entrés dans le Sentier ; certains d’entre eux sont déjà des Arhats parfaits, devenus à leur tour les maîtres d’autres disciples. Il y a également un enseignement éthique pour les laïques, avec commandements et défenses sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire (NA: Vinaya, 1, 235 et passim ; D. I, 52, 68 f. ; Samyutta Nikâya, III, 208 ; A. 1, 62 (Gradual Sayings, p. 57, où la note 2 de Woodward est complètement erronée). Le Bouddha enseigne qu’il y a "ce qui est à faire" (kiriya) et "ce qui est à ne pas faire" (akiriya) ; ces deux termes ne se réfèrent jamais à "la doctrine du Karma (rétribution) et à son opposée". Cf. Harvard Journal of Asiatic Studies, IV, 1939, p. 119. Que le But (comme dans la doctrine brahmanique) soit d’être délivré du bien comme du mal (voir notes 54 et 55) est une tout autre question ; faire le bien et éviter le mal est indispensable au Voyageur. L’idée qu’il n’y a pas de devoir (a-kiriya), bien que parfois soutenue, est hérétique : on ne peut échapper à la responsabilité ni par l’argument d’un déterminisme fatal fondé sur l’efficacité causale des actes passés, ni par l’imputation de cette responsabilité à Dieu (issaro), ni par la négation de la causalité ou le postulat du hasard. L’ignorance est la racine de tout mal, et c’est de ce que nous faisons maintenant que dépend le "bonheur" de notre voyage (Angutara Nikâya, I, 173 f). L’homme n’est impuissant que pour autant qu’il voit le Soi dans ce qui n’est pas le Soi ; dans la mesure où il s?affranchit de l’idée "c’est moi", ses actions deviennent bonnes et non mauvaises ; aussi longtemps qu’il s’identifie lui-même avec l’âme-corps (savinnânakâya) ses actions demeurent "ego"-istes.), mais rien qui puisse être décrit comme une "réforme sociale" ou une protestation contre le système des castes. La distinction qui est faite à maintes reprises entre le "vrai Brâhmane" et le simple Brâhmane de naissance est celle qu’affirmaient déjà sans cesse les livres brahmaniques. 93 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Introduction

Parmi les textes du Grand Véhicule, composés en sanscrit, il en est peu - si même il y en a - qui soient antérieurs au commencement de l?ère chrétienne. Parmi les plus importants de ces textes sont le Manâvastu, le Lalita Vistara, le Divyâvadâna et le Saddnarma Pundarîka. Les deux grandes formes du Bouddhisme auxquelles nous avons fait allusion sont dites souvent, et d’une manière assez vague, respectivement du Sud et du Nord. C’est l’école du Sud qui survit à l’heure actuelle à Ceylan, en Birmanie et au Siam. Originellement les deux écoles florissaient ensemble en Birmanie, au Siam, au Cambodge, à Java et à Bali, côte à côte avec un Hindouisme auquel, souvent, elles s’unissaient. Le Bouddhisme de l’école du Nord gagna le Thibet, la Chine et le Japon, par le moyen de maîtres hindous et de disciples autochtones qui traduisirent les textes sanscrits. A cette époque on ne considérait pas que la simple connaissance des langues pût suffire à faire de quelqu’un un "traducteur" dans un sens quelque peu valable du mot ; personne n’eût entrepris de traduire un texte sans l’avoir étudié pendant de longues années aux pieds d’un interprète traditionnel et autorisé de ces enseignements. Encore moins se serait cru qualifié, pour traduire un ouvrage, quiconque n’eût pas ajouté foi à ses enseignements. Rares en vérité sont les traductions de livres hindous en langues européennes qui peuvent encore prétendre au degré de perfection que les bouddhistes thibétains et chinois exigeaient d’eux-mêmes (NA: Voir Marco Pallis  , Peaks and Lamas, 1939, p. 79-81.). 100 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Introduction

Dès lors, le Bodhisattwa étudie avec des maîtres brâhmanes et se livre aux plus dures mortifications. Il trouve cinq disciples, mais tous le quittent lorsqu’il abandonne ces jeûnes comme inefficaces. Là-dessus Sujâtâ, la fille d’un fermier, qui avait coutume de porter des offrandes à l’esprit d’un banyan, apporte ce jour-là une offrande de riz au lait où les Dieux ont mêlé de l’ambroisie. Elle trouve le Bodhisattwa assis au pied de l’arbre, et lui donne le riz dans une écuelle d’or et de l’eau dans une aiguière d’or. Elle reçoit ses bénédictions. Alors il descend se baigner à la rivière, après quoi il mange ces aliments, qui devront lui suffire pour sept semaines. Il jette l’écuelle dans la rivière, et elle flotte en remontant le courant ; par ce fait significatif, il apprend que son but sera atteint ce même jour. Il retourne à l’arbre de l’Éveil. Au même moment, Indra (le Tueur de Dragon, avec Agni, de notre précédente étude, et le type du sacrificateur in divinis) prend la forme d’un ramasseur d’herbes et offre au Bodhisattwa les huit bottes d’herbe que l’on utilise dans le sacrifice rituel. Le Bodhisattwa fait des circumambulations autour de l’arbre, et, à la fin, debout, face à l’Orient, il découvre que les cercles du monde sont immobiles autour de lui. Il répand l’herbe en jonchée, et il prend place au pied de l’arbre où se dresse un trône ou autel, résolu à ne pas se lever avant d’être parvenu à connaître la cause du mal de la mort avec son remède. C’est là, au nombril de la terre, et au pied de l’arbre de vie, que tous les Bouddhas précédents se sont éveillés. 115 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Il n’est pas utile de rapporter en détail les événements ultérieurs de la vie du Bouddha. Il édifie peu à peu une grande communauté de moines errants comme lui ; un peu contre son gré, les femmes furent également autorisées à être ordonnées nonnes ; et, vers la fin de sa vie, il avait formé un corps organisé de moines et de nonnes, dont beaucoup vivaient dans des monastères et des couvents offerts en donation par de pieux laïques. Le Bouddha partageait son temps entre les soins de la communauté monacale et les prédications devant des assemblées de moines, des réunions de Brahmanes, sortant invariablement vainqueur des controserses qui le mettaient aux prises avec eux. Il accomplit également de nombreux miracles. En fin il annonce sa mort imminente. Comme Ânanda se récrie, il lui dit qu’à côté de ceux qui pensent encore selon le monde et qui pleureront et se rouleront dans l’angoisse en criant : "Il est trop tôt pour que disparaisse l’?il du Monde", il en est d’autres, calmes et maîtres d’eux-mêmes, qui considéreront l?impermanence de tout ce qui entre en composition, et la nécessité intime de dissolution que porte en soi toute chose née : "Ceux-là honoreront véritablement ma mémoire, qui vivront selon la Voie que j’ai enseignée". Quand un fidèle vient le visiter avant sa mort, il lui dit : "Quel bien cela peut-il vous faire, de voir ce corps impur ? Celui qui voit la Loi me voit, celui qui me voit, voit la Loi (dharma) (NA: Samyutta Nikâya, IlI, 120.)". En annonçant sa mort toute proche, le Bouddha laisse ce message : "Soyez avec le Soi (âtman) pour lampe, le Soi pour unique refuge, la Loi pour lampe et unique refuge (NA: D., II, 101 : atta-dîpâ viharatha atta-saranâ... dhammadîpâ dhammasaranâ. Cf. Samyutta Nikâya, 501, yê atta-dîpâ vicharanti lokê akimchanâ sabbadhi vippamuttâ ; Dhammapada, T 146, 232, andhakârêna onaddhâ padîpam na gavêssatha... so karohi dîpam attano. L’admonition "Fais du Soi ton refuge" karêyya saranattano, Samyutta Nikâya, III, 143) commande ce que le Bouddha lui-même a fait : "J’ai fait du Soi mon refuge", dit-il (katam mê saranam attano, D., II, 120); car, en vérité, "ce qu’il enseigne, il le fait" (yathâ vâdî, tathâ kârî, Angutara Nikâya, II, 23 ; III, 135 ; Sutta Nipâta, 357). Ce tathâ revient souvent dans l’épithète "Tathâgata". Les textes bouddhiques sur la "lampe" correspondent à Shwêt. Up., II, 15 : "Quand l’homme qui se maîtrise perçoit, grâce à la quiddité de son propre Soi, comme à la lumière d’une lampe (âtma-tattwêna... dîpopamêna) la Quiddité de Brahma sans naissance, immuable et pure de toutes autres quiddités, alors, connaissant Dieu, il est délivré de tous les maux". L’Esprit (âtman) est notre lumière quand toutes les autres lumières nous ont quittés (Brihadâranyaka Upanishad  , VI, 3, 6))". 125 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: Le Mythe

Iddhi (Scr. riddhi, de riddh, prospérer emporwachsen) est la vertu, la force (au sens de Marc, V, 30, dunamiV), l’art (par ex. l’adresse du chasseur, Majjhima Nikâya, 1, 152), le talent ou le don. Les iddhis de Iddhi-pâda, "Pas de Puissance", sont supranormales et non anormales. Nous ne pouvons résoudre ici en détail l’apparente difficulté présentée par le fait que les iddhis sont aussi attribuées à l’Adversaire du Bouddha (Mâra, Namuchi, Ahi-Nâga), et nous indiquerons seulement que la Mort est aussi un être spirituel (dans le sens même où Satan reste un "ange"), et que les "pouvoirs" ne sont pas moraux en eux-mêmes, mais représentent bien plutôt des vertus intellectuelles. Les pouvoirs du Bouddha sont plus grands que ceux de l’Adversaire parce que son rang est plus haut ; il connaît le Brahmaloka aussi bien que les mondes jusqu’au Brahmaloka (i. e. sous le Soleil), tandis que le pouvoir de la "Mort" s’étend seulement jusqu’au Brahmaloka, et non au-delà du Soleil.). Quand le disciple s’est rendu maître de toutes ces stations de contemplation au point de pouvoir passer à volonté de l’une à l’autre et de commander de la même manière à cette paix ou synthèse (samâdhi) vers laquelle elles mènent, alors dans cet état d’unification (êko’ vadhibhâva), l’Arhat délivré est rendu aussitôt omniscient et omnipotent ; le Bouddha, décrivant sa propre conquête, peut évoquer ses "précédentes habitations" (pûrva-nivâsa), ou, comme nous serions enclins à dire, ses "naissances passées", dans leur détail. Décrivant ses pouvoirs, il dit : "Frères, je peux manifester (pratyanubhû) des pouvoirs sans nombre ; étant plusieurs je deviens un, comme, de plusieurs que j’étais, je suis devenu un ; visible ou invisible, je peux passer à travers un mur ou une montagne comme s’ils étaient l’air ; je peux plonger dans la terre ou en émerger comme si c’était l’eau ; je peux marcher sur les eaux comme si elles étaient une terre solide (NA: Consulter sur l’histoire primitive de ce pouvoir, W. N. Brown, Walking on the Water, Chicago, 1928. C’est avant tout le pouvoir de l’Esprit (Genèse, 1, 2). C’est typiquement du Vent (Vâyu) invisible de l’Esprit que la motion à volonté est proclamée (Rig Vêda Samhitâ, X, 168, 4, âtmâ dêvânâm yathâ vasham charati... na rûpam tasmai). Dans Atharva Vêda Samhitâ, X, 7, 38, le Yaksha primordial (Brahma) "arpente" le faîte de la mer ; ainsi fait, par conséquent, le brahmachârî, ibid, XI, 5, 26, car "de même que Brahma peut changer de forme et se mouvoir à son gré, de même, parmi tous les êtres, Celui qui comprend peut changer de forme et se mouvoir à son gré" (ShA., VII, 22) ; "Le Seul Dieu (Indra) se tient à son gré sur le courant des eaux" (Atharva Vêda Samhitâ, III, 3, 4 ; Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 6, 1, 3). "Le mouvement spontané désigne l’essence même de l’Ame" (Phèdre  , 241 Cf.). Il y a là, comme dans toutes les autres formes de lévitation, une question de légèreté et de luminosité (selon les deux acceptions du terme anglais light-ness). Ainsi, dans Samyutta Nikâya, I, 1, le Bouddha dit : "Je ne traversais les flots que lorsque je ne me soutenais pas moi-même et ne faisais aucun effort" (appatittham anâyûham ogham atari) ; c’est-à-dire lorsque j’étais sans poids à la surface de l’eau. Cf. saint Augustin  , Conf., XIII, 4, superferebatur super aquas, non ferebatur ab eis, tanquam in eis requiesceret. Milinda Panho, 84, 85, décrit le pouvoir de voyager dans l’air, "même jusqu’au ciel de Brahma", comme celui de quelqu’un qui sauterait (langhayati) en décidant (chittam uppâdêti) : "C’est là que j’atteindrai", et c’est par celte intention que "son corps devient léger" (kâyo mê lahuko hoti) ;c’est, d’une semblable manière, "par le pouvoir de la pensée" (chitta-vasêna) que l’on se meut dans l’air. La légèreté (laghutwa) se développe par la contemplation (Shwêt. Up., II, 13) ; tous les pouvoirs (iddhi) sont des résultats de la contemplation (jn  âna, cf. note 78) et en dépendent, de sorte que l’on peut demander : "Quel est celui qui ne coule pas au fond du golfe, bien qu’il n’ait ni support ni soutien ?", et, répondre : "Celui qui a la prescience, qui est pleinement intégré (susamâhito), celui-là peut traverser les flots dont le passage est si difficile" (ogham tarati dultaram, Samyutta Nikâya, I, 53, où l’application est d’ordre éthique). Le notion de légèreté est impliquée dans le symbolisme universel des "oiseaux" et des "ailes" (Rig Vêda Samhitâ, VI, 9, 5 ; Panchavimsha Brâhmana, V, 3, 5 ; XIV, 1, 13, XXV, 3, 4, etc.). Réciproquement, pour atteindre le monde informel, on doit avoir rejeté "la charge pesante du corps" (rûpagaru-bhâram, Sdhp., 494), cf. Phèdre, 246 B, 248 D, où c’est "le poids de l’oubli et du mal" qui arrête "le vol de l’âme" ; Saint. Augustin, Conf., XIII, 7, quomodo dicam de pondere cupiditatis in abruptam abyssum et de sublevatione caritatis per spriritum tuum qui superferebatur super aquas ; Dante  , Paradiso, XXVII, 64, mortal pondo, et X, 74, chi non s’impenna si che lassu voli. Autrement dit, le pouvoir de lévitation est exercé "par le moyen d’un enveloppement du corps dans le manteau de la contemplation" (jhâna-vêthanêna sarîram, vêthêtwâ, J., V, 126), où ce pouvoir est en même temps un pouvoir d’invisibilité.); je peux me mouvoir dans l’air comme un oiseau ; je peux toucher de mes mains le soleil et la lune : j’ai sur mon corps un pouvoir qui s’étend jusqu’au monde de Brahma (NA: Samyutta Nikâya, V, 25 f., Angutara Nikâya, I, 254, Samyutta Nikâya, Il, 212, NI., 1, 34 et passim : explications, Vis. 393 f.)". Les mêmes pouvoirs sont exercés par les autres adeptes selon leur degré de perfection dans ces mêmes disciplines et selon la mesure où ils sont maîtres du samâdhi. C’est seulement quand la contemplation (dhyâna) vient à faire défaut que le pouvoir de la libre motion se perd (NA: L’échec prosient du manque de "foi", ou de toute distraction dans la contemplation, selon J., 125-127.). C’est une vieille formule brahmanique (NA: Rig Vêda Samhitâ, IX, 86, 44 ; Jaiminîya Brâhmana, II, 34 : Shatapatha Brâhmana, IV, 3, 4, 5 ; Aitarêya Brâhmana, II, 39-41 ; VI, 27-31 ; Katha Upanishad  , VI, 17, etc.) qu’emploie le Bouddha quand il dit qu’il a appris à ses disciples à extraire de ce corps matériel un autre corps, de substance intellectuelle, comme on tire une flèche de son carquois, une épée de son fourreau, un serpent de sa dépouille ; c’est à l’aide de ce corps intellectuel que l’on goûte l’omniscience et que l’on se meut à son gré jusqu’au Brahmaloka (NA: Comme Shankara   l’explique en connection avec Prash. Up  ., IV, 5, c’est le mano-maya âtman qui goûte l’omniscience et il peut être où et tel qu’il veut. Ce "soi ou corps intellectuel" (ânno attâ dibbo rûpî manomayo, D., I, 34, cf. I, 77 ; Majjhima Nikâya, II, 17), le Bouddha a enseigné à ses disciples comment l’extraire du corps physique, et c’est manifestement dans cet autre corps, dans ce "corps intellectuel et divin", et non dans sa détermination humaine, non à quelque moment ou dans quelque condition, "soit de mouvement ou de repos, soit de sommeil ou de veille" (charato chu mê litthato cha suttassa cha jagarassa cha), mais "quand il lui plaît" (yâvadê akankhâmi, comme dans le texte relatif aux iddhis) que le Bouddha lui-même peut se rappeler (anussarâmi) ses précédentes naissances, qu’il peut, sans limites, avec "l’?il divin, transcendant à la vision humaine", considérer les naissances et les morts des autres êtres dans ce monde-ci et dans les autres, dans lesquels et au-delà desquels il a vérifié dès ici et dès maintenant la double délivrance (Majjhima Nikâya, I, 482). L’expression "de sommeil ou de veille" prêterait en elle-même à une longue exégèse. On notera que l’ordre des mots relie le mouvement au sommeil et l’immobilité à la veille. Cela signifie que, comme dans tant de textes des Upanishads, le sommeil dont il s’agit, sommeil dans lequel on "rentre en soi-même" (swapiti = svam apîta, Chândogya Upanishad, VI, 8, 1, Shatapatha Brâhmana, X, 5, 2, 14), n’est pas le sommeil d’épuisement, mais le "sommeil de contemplation" (dhyâna) ; c’est précisément dans cet état de sommeil, où les sens sont résorbés, que se situe la possibilité de se mouvoir à son gré (supto... prânân grihîtwâ swê sharîrê yathâ-kâmam parivartatê, Brihadâranyaka Upanishad, II, 1, 17) ; c’est dans ce sommeil de contemplation que, "terrassant ce qui est physique, l’Oiseau-Soleil, l’Immortel, va où il veut" (dhyâyatîva... svapno bhütwâ... sharîram abhiprahatya... îyatê’mrito yatra kâmam, Brihadâranyaka Upanishad, IV, 3, 7, 11, 12).). 150 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine

Avant de nous demander ce que tout cela signifie, remarquons que surnaturel ne veut pas plus dire non-naturel que suressentiel ne veut dire non-essentiel, et qu’il ne serait pas "scientifique" de dire que de telles conquêtes sont impossibles, à moins d’en avoir fait l’expérience en appliquant les disciplines prescrites et parfaitement intelligibles. Dire de ces choses qu’elles sont miraculeuses n’est pas dire qu’elles sont impossibles, mais seulement qu’elles sont merveilleuses, et, comme nous l’avons dit auparavant, suivant Platon  , "la sagesse commence par l’émerveillement". En outre, il doit être clairement entendu que le Bouddha, comme les autres maîtres orthodoxes, n’attache pas grande importance à ces pouvoirs, et s’oppose avec la plus grande force à ce qu’ils soient cultivés pour eux-mêmes ; et, de toute façon, il interdit aux moines qui les possèdent d’en faire l’exhibition publique. "En vérité, dit-il, je possède les trois pouvoirs (riddhi) de la libre motion, de la lecture de pensée et de l’enseignement ; mais il ne peut y avoir de comparaison entre les deux premières de ces merveilles (pratihârya) et la merveille autrement difficile d’accès et autrement féconde de mon enseignement (NA: Angutara Nikâya, I, 171, 172 : des trois pouvoirs, le rappel des naissances, la lecture des pensées et l’enseignement (adêsa-pâtihâriyam), le dernier est le plus important et le plus fécond (abhikkankataram cha panitataram cha).)". Il nous est beaucoup plus profitable de nous demander ce que ces prodiges, ou ceux du Christ, impliquent, que de nous demander s’ils se sont "réellement" produits en telle ou telle occasion ; tout comme, dans l’exégèse des contes, il est beaucoup plus utile de se demander ce que signifient les "bottes de sept lieues" et les "tricornes magiques" que de faire remarquer qu’ils ne sont pas en vente dans les magasins. 151 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine

Toutefois, le texte ne dit positivement rien pour ou contre l’imperceptible présence, dans le véhicule composite, d’une substance éternelle distincte de lui et identique dans tous les véhicules. Nâgasêna, qui refuse d’être regardé comme "quelqu’un" et qui maintient que "Nâgasêna" n’est qu’un nom donné à l’agrégat changeant du phénomène psycho-physique, eût certainement pu dire : "Je vis, toutefois non pas "moi", mais la Loi en moi". Et si nous prenons en considération d’autres textes palis, nous voyons qu’ils tiennent pour admise la réalité du maître de char et de ce qu’il représente, à savoir celui qui "n’est jamais devenu qui que ce soit". C’est la Loi Éternelle (dharma) qui est, en fait, le maître de char (NA: Samyutta Nikâya, I, 33, dhammâham sârathim brûmi ; cf. Jataka., n° 457, dhammo na jaram upêti ; Sutta Nipâta, 1139, dhammam... sanditthikam akâlikam.); et, tandis que "les chars du roi vieillissent, et que le corps de même vieillit, la Loi Éternelle des existences ne vieillit pas (NA: D., II, 120, katam mê saranam attano.)". Le Bouddha s’identifie Soi-même - ce Soi qu’il appelle son refuge (NA: D., II, 101 attâ-dîpâ viharatha atta-saranâ... dhamma-dîpâ dhammasaranâ. D., II, 120 et S. III, 143, kareyya saranattano.) - avec cette Loi (NA: Samyutta Nikâya, 111, 120, Yo kho dhammam passati so mam passati, yo mana passati so dhammam passati. Semblablement D., III, 84, Bhagavato’mhi... dhammajo... Dhammakâyo iti pi brahmakâyo iti pi, dhammabhûto iti pi ; Samyutta Nikâya, II, 221, Bhagavato’mhi putto... dhammajo ; Samyutta Nikâya, IV, 94, dhammabhûto brahmabhûto... dhammasâmi tathâgato : Angutara Nikâya, II, 211, brahmabhûtêna attanâ ; Samyutta Nikâya, III, 83, brahmabhûtâ... buddhâ. Il ne peut y avoir aucun doute au sujet des équations : dhamma = brahma = buddha = attâ : comme dans Brihadâranyaka Upanishad, II, 5, 11, ayam dharmah... ayam âtmâ idam amritam idam brahma idam sarvam. Dans Dhammapada, 169, 364 (II, 25, 2) dhamma est manifestement l’équivalent de brahma, âtman. Un Bouddha est. ce que tous ces termes ou chacun d’eux désignent, et, de ce lait même, il n’est "aucun ce" (akimeano, Mi., 421, Sutta Nipâta, 1063), et il est "sans analogie" (yassa n’atthi upamâ ksvachi, Sutta Nipâta, 1139). "Ce que le Bouddha prêchait, le Dhamma kat? exochen, était l’ordre de la loi de l’univers, immanente, éternelle, incréée, non pas seulement comme interprétée par lui, et encore moins comme inventée, ou décrétée par lui" (PTaittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), Pali Dict., art. Dhamma).), et se nomme lui-même "le meilleur des maîtres de char (NA: Sutta Nipâta, 83. buddham dhammasâminam vîtatanham dîpaduttamam sârathinam pavaram. Dhammasâmi = Rig Vêda Samhitâ, X .129, 3, satyadharmêndra, Rig Vêda Samhitâ, X, 129, 3, 8, 9. "Le Roi unique du monde, Dieu des Dieux, Satyadharma" cf., I, 12, 7 ; X, 34, 8 ; et le dharmas-têjomayo’ mritah purushah... âtmâ... brahma de Brihadâranyaka Upanishad, II, 5, 11. Le Dhamma bouddhique (nomos, logos, ratio) est le Dharma éternel de Bu  .. I, 5, 23 ("de Lui, Vâyu, Prâna, les Dieux ont fait leur Loi") ; Brihadâranyaka Upanishad, I, 4, 14 : "Il n’y a rien au-delà de cette Loi, de cette Vérité ; Brihadâranyaka Upanishad, V, 4, 1, satyam hyêva brahma ; La Vérité est une, en vérité, il n’y en a pas d’autre".), celui qui dompte les hommes comme s’ils étaient des chevaux (NA: Vinaya Pitaka, I, 35, etc.). Pour finir, nous trouvons une analyse détaillée du "char", dont la conclusion est que le passager est le Soi (âtman), exposée dans des termes presque identiques, à ceux des Upanishads (NA: J., VI, 252, kâyo tê ratha... attâ vâ sârathi, comme Katha Upanishad, III, 3, âtmânam rathinam viddhi, sharîram ratham. Voir Platon, Lois, 898 C.). Dès lors, l’énoncé d’un commentateur bouddhiste, à savoir que le Bouddha est le Soi spirituel, est assurément correct (NA: Udâna, 67, Commentaire.). Ce "Grand Personnage" (mahâ-purusha) est le maître de char dans tous les êtres. 155 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine