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Duhem: L’Esprit-Saint selon Jean Scot

quinta-feira 13 de novembro de 2008, por Cardoso de Castro

  

Entre la théorie que nous venons d’exposer et l’enseignement d’Ibn Gabirol  , il n’y a lieu de faire aucun rapprochement. De la doctrine de l’Érigène qui va maintenant nous occuper, il n’en sera pas de même.

En considérant Dieu connue étant, à la fois, créateur et créé, Jean Scot a été conduit à distinguer le Père et le Verbe; il va découvrir l’Esprit-Saint en sondant ce mystère : Dieu est à la fois un et infiniment multiple.

C’est par l’intermédiaire du Saint-Esprit, en effet, qu’en l’intime multiplicité des choses, le Verbe propage les effets des causes primordiales que le Père a créées en lui.

« Les causes primordiales, dit Jean Scot, sont ce que les Grecs ont nommé des idées ; ce sont des espèces ou formes éternelles dans lesquelles le Monde visible et invisible est formé, des raisons immuables selon lesquelles il est gouverné. Les philosophes grecs les ont donc nommées à juste titre prototypa, c’est-à-dire modèles principaux. Ces causes primordiales, le Père les a créées dans le Fils, et c’est, par le Saint-Esprit qu’il les subdivise en leurs effets et qu’il les propage. »

» Tu vois donc comment, à chacune des substances ou personnes de la divine Bonté, la Théologie attribue une sorte de rôle particulier. Au Père, elle attribue la propriété de tout créer. Au Verbe, elle concède que toutes les causes primordiales des choses soient éternellement créées en lui, d’une manière universelle, essentielle et simple. A l’Esprit-Saint, le rôle qu’elle attribue est celui-ci : Ces causes primordiales créées au sein du Verbe, il les distribue, devenues fécondes, en leurs effets ; c’est-à-dire qu’il les subdivise de manière à produire les genres et les espèces, les individus multiples et différents soit des essences célestes et spirituelles entièrement dénuées de corps, soit des essences associées aux corps très purs et très spirituels que constitue la simplicité des éléments catholiques, soit des essences universelles de ce Monde sensible, soit enfin des essences particulières qui s’y trouvent, séparées les unes des autres par les lieux qu’elles occupent, mobiles dans le temps, distinctes en grandeur et en qualité. »

C’est ainsi le Saint-Esprit qui assure, en toute créature, la participation à l’action créatrice de Dieu ; c’est cette participation que la Théologie désigne sous le nom de dons du Saint-Esprit. « Il n’y a aucune nature créée qui possède quoi que ce soit hors ce qu’elle a reçu du Créateur ». Si elle existe, c’est de lui, nous l’avons dit, qu’elle a reçu l’existence ; si elle vit, c’est de lui qu’elle tient la vie ; si elle sent, de lui la sensibilité ; si elle est raisonnable, de lui la raison ; si elle est intelligente, de lui l’intelligence ; c’est de lui qu’elle tient mille autres choses de ce genre. Si donc, dans la nature des choses créées, on ne peut rien concevoir, hors ce qui a été donné par le Créateur, il en résulte que, ni dans son essence ni dans ses accidents, la créature n’est rien que dons et largesses du Créateur ; or, la’ distribution des dons de Dieu, la Théologie l’attribue au Saint-Esprit comme une sorte de propriété. »

Ces dons que le Saint-Esprit répand dans le Monde créé, on les peut comparer à la lumière qui émane d’un flambeau. « Tous ces dons sont fort bien nommés des lumières, car ils descendent de la Lumière inengendrée par l’intermédiaire de la Lumière engendrée et de la Lumière qui procède de toutes deux ; ils vont se répartissant entre les diverses substances individuelles de chaque essence universelle ou spéciale, dans la mesuré où la nature de ces substances est apte à recevoir ces dons et où elle a part aux largesses de la grâce. »

Jean Scot trouve ainsi en Dieu la trinité qu’à l’exemple de Denys, il a rencontrée en toutes choses ; cette trinité qu’expriment les trois mots : ousia, dynamis, energeia, c’est-à-dire : essentia, virtus, operatio.

« Le Père, en effet, c’est la Substance qui, d’elle-même, a engendré la Substance du Fils et qui a émis la Substance qui procède d’elles ; c’est donc à juste titre qu’on le peut nommer la Substance principale...

» Il est également fort convenable d’attribuer la Virtus à Dieu le Fils, car la Théologie le nomme souvent la Vertu du Père. »

Ailleurs, Jean Scot a fait du Verbe la Forme universelle : « Toute forme, qu’elle soit forme substantielle ou qu’elle soit une de ces formes qui dépendent de la qualité et qui engendrent le corps en s’unissant à la matière, est créée par la Forme de toutes choses, parle Verbe fils unique du Père. »

« Que dirai-je de l’Operatio... ? » reprend-il. « N’est-il pas fort juste de la relier au Saint-Esprit, puisqu’on attribue à cet Esprit, comme une sorte de rôle particulier, l’opération des puissances (virtutum) et des dons divins, la répartition universelle de ces dons aussi bien que la distribution particulière qui en est faite à chaque être ? »