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Barbaras (1991:25-26) – corpo próprio
segunda-feira 18 de dezembro de 2023
destaque
Assim, antes de mais, a experiência do corpo próprio, que revela uma abertura irredutível do sujeito ao mundo, um enraizamento da consciência que não poderia ser enraizamento para a consciência, dá lugar a dois tipos de formulação. Por um lado, o corpo é colocado em primeiro plano e a sua descrição permite sublinhar a irredutibilidade da experiência à dualidade sujeito e objeto, fato e sentido: o corpo "tem o seu mundo ou compreende o seu mundo sem ter de passar por representações", ele "é a potência de um certo mundo", de modo que, finalmente, "o corpo é um eu natural e como o sujeito da percepção" [Ph.P. p. 164,124, 239]. Aqui, sob o nome de corpo, parece anunciar-se um novo conceito de experiência, que dispensa o recurso à noção de consciência, ou melhor, que fornece uma outra definição do sujeito. Mas, por outro lado, este "poder", este "ter" do mundo, não é pensado até ao fim, pelo que Merleau-Ponty regressa a uma concepção realista, concepção essa implicada pelo seu recurso à psicologia, que apreende o corpo sempre num movimento de objetivação. O corpo é então implicitamente abordado de acordo com a dualidade do orgânico e do psíquico. Ele torna-se "o mediador do mundo", mediador de uma consciência que não é mais do que "o ser da coisa por intermédio do corpo" [Ph.P. p. 169,161].
original
Ainsi, tout d’abord, l’expérience du corps propre, qui révèle une ouverture irréductible du sujet au monde, un enracinement de la conscience qui ne saurait être enracinement pour la conscience, donne lieu à deux types de formulations. D’une part, le corps est mis au premier plan et sa description permet de mettre en évidence l’irréductibilité de l’expérience à la dualité du sujet et de l’objet, du fait et du sens : il «a son monde ou comprend son monde sans avoir à passer par des représentations», il «est la puissance d’un certain monde» de sorte que finalement «le corps est un moi naturel et comme le sujet de la perception» [Ph.P. p. 164,124, 239]. Ici semble s’annoncer, sous le nom de corps, un concept neuf de l’expérience, qui dispense de recourir à la notion de conscience ou, plutôt, qui délivre une autre définition du sujet. Mais d’autre part, cette «puissance», cet «avoir» du monde ne sont pas pensés jusqu’au bout, si bien que Merleau-Ponty reflue vers une conception réaliste, conception qui est impliquée par son recours à la psychologie, qui saisit toujours le corps dans un mouvement d’objectivation. Le corps est alors implicitement abordé selon la dualité de l’organique et du psychique. Il devient «le médiateur du monde», médiateur pour une conscience qui n’est elle-même que «l’être à la chose par l’intermédiaire du corps» [Ph.P. p. 169,161]. Le corps vient médiatiser l’opposition du sujet et de l’objet, interdisant par là de concevoir de manière intellectualiste l’appartenance de l’objet au sujet; il permet de dévoiler une couche originaire du perçu, où le sens [26] ne peut être séparé de son incarnation factuelle. Cependant les termes mêmes de l’opposition ne sont pas mis en question. Alors qu’en un premier temps, le corps semblait désigner un mode d’existence original, par-delà la facticité et l’idéalité, il apparaît en réalité comme divisé par l’opposition du sujet et de l’objet, comme le lieu encore mystérieux où se noue leur relation. C’est pourquoi le corps ne peut être finalement décrit qu’à travers l’exclusion symétrique des deux termes de l’opposition : il n’est pas sujet, il n’est pas objet, mais la médiation du sujet et de l’objet. Et cette médiation n’est pas pensée jusqu’au bout, précisément parce qu’elle est pensée comme médiation. Merleau-Ponty oscille donc entre une conception unitaire du corps et une vision dualiste, qui fait du corps le «moyen» de la conscience ; il ne parvient pas à penser ensemble l’identité et la différence de la conscience et de son corps, c’est-à-dire à décrire positivement la non-appartenance du corps au domaine de l’objet comme à celui du sujet. L’analyse de Merleau-Ponty revient finalement ici à assumer cette ambiguïté cartésienne sur laquelle il ne cesse de revenir. De même que Descartes faisait valoir, par-delà la distinction réelle des substances, un ordre de l’union qui ne peut être connu que par l’union, c’est-à-dire par l’usage de la vie, Merleau-Ponty pose, à côté de la dualité réelle du corps et de l’esprit, une union substantielle [Ph.P. p. 232] qui ne se révèle qu’au sein de l’expérience perceptive. Il est vrai qu’il conteste, chez Descartes, la possibilité d’adopter cette double attitude, qu’il affirme la nécessité de trancher : «Si nous prenons au sérieux les démarches de la 1ère Méditation, ne sommes-nous pas entraînés à considérer la 6ème comme une simple apparence ? Et inversement, si l’on prend au sérieux la 6ème Méditation, comment les démarches de la 1ère ont-elles été possibles ?(...) Si l’union de l’âme et du corps est une pensée confuse, comment ai-je pu découvrir le Cogito ? Et si j’ai découvert le Cogito, comment puis-je être le sujet naturé de la 6ème Méditation ?» [U.A.C. p. 15]. Il reste que dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty ne tranche pas. Cela ne signifie pas qu’il renvoie l’union, comme Descartes le fait finalement, au plan de l’irrationnel, ou tout au moins de ce qui est inaccessible à la connaissance d’entendement : puisque nous la vivons, il doit bien y avoir moyen de la penser. Mais il n’opère pas pour autant le renversement consistant à penser cet «irrationnel» [27] comme le lieu même de la rationalité et à réduire la distinction réelle au rang de simple apparence.
[BARBARAS, Renaud. De l’être du phénomène. Grenoble: Jérôme Millon, 1991]
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