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Bréhier-Plotin: liberté

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Reste à considérer la thèse d’un principe unique qui relie et enchaîne toutes choses les unes avec les autres, qui confère à chacune sa manière d’être, et par qui tout s’accomplit suivant des raisons séminales. Cette opinion est voisine de celle qui fait venir toutes les dispositions et tous les mouvements (les nôtres et ceux de l’univers), de l’âme de l’univers, bien que cette seconde opinion ait l’intention de nous faire à chacun une concession, en admettant des choses qui dépendent de nous. Elle comporte la nécessité de toutes choses : si l’on prend toutes les causes de chaque événement, il est impossible que cet événement n’ait pas lieu ; car il n’y a plus rien pour l’empêcher ou pour faire qu’il ait lieu autrement, si toutes les causes sont bien prises dans le destin. Mais, telles qu’elles sont, issues d’un principe unique, elles ne nous laisseront rien à faire, qu’à être portés où elles nous pousseront. Les représentations seront l’effet de leurs antécédents, et les tendances seront conformes aux représentations ; la liberté ne sera donc qu’un mot ; car. que c’est nous qui avons la tendance, cela ne fait rien de plus, puisqu’elle est le résultat de ces causes ; elle n’est pas plus en notre pouvoir que celles des animaux, des nouveau-nés dirigés par des instincts aveugles, ou même des fous ; car les fous aussi ont des tendances ; et par Zeus, le feu aussi a ses tendances, comme toutes les choses qui sont assujetties à leur propre constitution et s’y conforment dans leurs mouvements. Tout le monde le voit, personne ne le conteste ; mais on cherche pour cette tendance d’autres causes ; et on ne s’en tient pas à elle comme à un principe. ENNÉADES - Bréhier  : III, 1 [3] - Du destin 7

Si l’homme était un être simple, si, une fois créé, il restait ce qu’il était, si ses actions et ses passions étaient toujours les mêmes, il n’y aurait pas plus lieu de l’accuser et de le blâmer qu’on ne blâme les bêtes. Mais en réalité il y a lieu de blâmer l’homme seulement quand il est méchant, et ce blâme est raisonnable. Car l’homme n’est pas resté tel qu’il a été créé, parce qu’il possède, à la différence des animaux, un principe libre. (Ce principe n’est certes pas en dehors de la providence et de la raison universelle ; mais, c’est que les choses supérieures ne dépendent pas des inférieures, au contraire elles les illuminent ; et cette lumière est la providence complète : à la raison qui produit les êtres, s’ajoute la raison qui relie les êtres supérieurs à leurs produits ; l’une est la providence d’en haut ; l’autre dérive de cette providence supérieure ; c’est la seconde raison qui est liée à la première ; de l’une et de l’autre dérive la trame de l’univers et, ensemble, elles constituent la providence complète.) Les hommes possèdent donc un autre principe ; mais ils n’usent pas tous de tout ce qu’ils possèdent ; les uns usent d’une faculté, les autres d’une ou de plusieurs autres, et souvent de facultés inférieures. Pourtant les facultés supérieures leur restent, et, bien qu’elles n’agissent pas sur eux, elles ne sont pas inactives ; chacune fait ce qu’elle a à faire. - Mais, dira-t-on, si elles n’agissent pas sur eux, bien que présentes, c’est la faute de qui ? - Serait-ce parce qu’elles ne sont pas présentes ? Pourtant, nous affirmons bien qu’elles sont partout et que personne n’en est privé. Ce serait donc parce qu’elles ne sont pas présentes aux êtres dans lesquelles elles ne sont pas en acte. - Mais pourquoi donc ne sont-elles pas en acte dans tous les hommes, puisqu’elles sont des parties de leur âme ? (Je veux parler de ce principe de liberté dont il était question ; car pour les bêtes, ce principe n’est pas une partie de leur nature ; mais il est une partie de la nature humaine, et pourtant il n’est pas chez tous les hommes.) - S’il n’est pas chez tous, n’est-ce pas parce qu’il n’est pas le seul principe ? Mais pourquoi ne serait-il pas seul chez l’homme ? Il en est chez qui il est seul, qui ne vivent que par lui, et en qui les autres parties ne persistent qu’autant qu’il est nécessaire. - S’il n’est pas chez tous, c’est donc par l’effet soit de leur organisation corporelle qui les jette dans l’impureté, soit de la domination des désirs ; en tout cas, la cause en est nécessairement dans le substrat corporel. Et alors il semble que cette cause n’est plus dans la raison séminale, mais dans la mati  ère ; ce qui domine en ce cas, c’est non plus la raison, mais d’abord la matière, puis le substrat corporel tel qu’il en a été façonné. - Non, car ce substrat corporel c’est la raison même, ou, du moins, un produit de cette raison qui lui est conforme ; il n’est donc pas vrai de dire : c’est d’abord la matière qui domine, puis le substrat qui en est façonné. De plus, si tu es tel que tu es, on peut l’expliquer par ta conduite dans une vie antérieure ; par suite de tes antécédents, ta raison s’est obscurcie, si on la compare à ce qu’elle était avant ; ton âme s’est affaiblie ; et plus tard, elle redeviendra brillante. Enfin, répétons encore une fois que la raison séminale contient en elle-même la raison de la matière de l’animal ; elle élabore cette matière, soit qu’elle lui donne des qualités convenables, soit qu’elle la trouve conforme à sa propre nature ; car la raison séminale d’un boeuf ne peut être ailleurs que dans la matière d’un boeuf ; et si Platon   dit que l’âme est entrée en des animaux différents, c’est que l’âme et la raison qui étaient précédemment celles d’un homme, se sont altérées au point de devenir celles d’un boeuf ; il est donc conforme à la justice qu’il y ait un être inférieur. - Mais, à l’origine, pourquoi l’inférieur ? Pourquoi la faute ? - Je l’ai dit souvent ; tous les êtres ne sont pas de premier rang ; or les êtres de second et de troisième rang sont de nature inférieure à ceux qui les précèdent, et la plus faible impulsion suffit à les faire dévier de la ligne droite. De plus, il y a la liaison d’une partie de l’homme (l’âme) avec une autre (le corps) ; c’est une sorte de mélange ; et des deux parties vient une chose différente qui devient mais n’est pas ; une partie amoindrit l’autre. (Pourtant, si dès le principe, cette chose naît amoindrie, c’est qu’elle est un être inférieur ; si elle est moins que sa cause, c’est en conformité avec sa propre nature ; et si elle en subit les conséquences, elle n’a que ce qu’elle mérite.) Enfin il faut remonter par la pensée aux vies antérieures, parce que les vies suivantes en dépendent. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [48] - De la Providence, livre deuxième 4

Les mythes, s’ils sont vraiment des mythes, doivent séparer dans le temps les circonstances du récit, et distinguer bien souvent les uns des autres des êtres qui sont confondus et ne se distinguent que par leur rang ou par leurs puissances ; (d’ailleurs, même où [Platon] raisonne, il fait naître des êtres qui n’ont pas été engendrés, et il sépare des êtres qui n’existent qu’ensemble). Mais, après nous avoir instruits comme des mythes peuvent instruire, ils nous laissent la liberté, si nous les avons compris, de réunir leurs données éparses -. Voici comment nous en faisons la réunion : l’âme unie à l’intelligence, tirant d’elle son existence, comblée par elle de raisons, belle de toutes les parures qu’elle en reçoit, comblée de richesse, laissant voir en elle l’éclat et l’image de toutes les beautés intelligibles, voilà Aphrodité dans son ensemble. Poros ou la richesse, ce sont toutes les raisons qui sont en elle, quand le nectar a coulé d’en haut. L’éclat dont l’âme resplendit, cette splendeur de vie, c’est le jardin de Zeus, où dort Poros, appesanti par le nectar dont il s’est gorgé. Le festin des dieux, c’est la vie qui se montre et persiste éternellement chez les êtres réels, la félicité dont ils jouissent. Quant à Éros, il a toujours été ce qu’il est, puisqu’il résulte de l’aspiration de l’âme au meilleur et au bien ; il existe toujours, dès le moment où l’âme existe. C’est un être mixte ; il y a en lui de l’ indigence, puisqu’il aspire à se rassasier ; mais il n’est pas sans ressources, puisqu’il cherche le complément de ce qu’il possède ; il ne chercherait pas le bien, s’il n’avait absolument aucune part au bien. Il est né de Poros et de Pénia, ce qui veut dire : le besoin et le désir, en se rencontrant dans l’âme avec le souvenir des raisons, produit en elle une activité, orientée vers le bien, qui est Éros. Sa mère est Pénia, parce que c’est toujours le besoin qui fait que l’on désire ; Pénia est la matière parce que la matière est besogneuse en tout, et parce que ce qu’il y a d’indéterminé dans le désir du bien (qui désire le bien n’a en effet en lui ni forme ni raison) rapproche de la matière l’être qui désire en tant qu’il désire. La forme ne visant qu’à ellemême a sa propre permanence en soi. Dès qu’un être désire recevoir, il s’offre comme matière à ce bien qui survient en lui. Éros est donc un être matériel, un démon né de l’âme, en tant que l’âme manque du bien et aspire à lui. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 9