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Bréhier-Plotin: instant

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Quant au bonheur, il a une limite fixe et toujours la mêmes. S’il s’accroît aussi avec le temps, de manière que nos progrès dans la vertu nous rendent plus heureux, ce n’est pas le compte de nos années de bonheur qui nous rend dignes d’éloge, c’est le degré supérieur de notre vertu, à l’instant même où nous y arrivons. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 6

  •  Pourquoi, s’il faut considérer le présent seul et ne pas faire entrer en compte le passé, ne faisons-nous pas la même chose dans le cas du temps ? En additionnant le passé au présent, le temps, disons-nous, en devient plus grand. Pourquoi donc ne dirions-nous pas que le bonheur grandit comme le temps ? - L’on diviserait ainsi le bonheur selon les mêmes divisions que le temps ; et, inversement, en le mesurant par l’instant présent, on montrera qu’il est indivisible. Quant au temps, il n’est pas absurde de compter celui qui n’est plus ; on peut évaluer le nombre des êtres passés et qui n’existent plus, par exemple, le nombre des morts : mais il est absurde de dire que le bonheur qui n’existe plus est encore, et qu’il est plus grand que le bonheur présent. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 7

    [L’auteur] juge que le bonheur est une réalité effective ; or le temps qui est au-delà de l’instant présent, c’est ce qui n’existe plus. D’une manière générale, il veut que ce surplus de durée ne fasse que disperser une unité qui existe tout entière dans l’instant présent. C’est pourquoi le temps mérite d’être appelé image de l’éternité ; l’âme, dans la partie d’elle-même qui se disperse dans le temps, s’efforce de faire disparaître la permanence de son modèle intelligible ; déchue de l’éternité, retranchant la partie d’elle-même qui reste dans le monde intelligible, ne dépendant plus que d’elle seule, elle perd toute permanence ; jusque-là, cette permanence était conservée grâce à son modèle intelligible ; elle est perdue, si tout, dans l’âme, est en devenir. Puisque le bonheur est dans la vie qui est bonne, il faut évidemment le placer dans la vie de l’Être, qui est la meilleure des vies. Il ne faut pas mesurer cette vie par le temps mais par l’éternité : il n’y a pas là de plus ni de moins ; l’éternité n’a pas de longueur ; elle est l’être tel quel, inétendu et intemporel. Il ne faut pas joindre l’être au non-être, le temps à l’éternité, les choses éternelles aux choses temporelles ; il ne faut pas étendre l’inétendu : il faut le prendre dans son ensemble ; le prendre ainsi, c’est prendre non pas un instant indivisible dans le temps, mais la vie éternelle, non pas la vie composée de nombreuses périodes de temps, mais celle qui les contient toutes à la fois. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 7

  •  Mais s’il s’agit du souvenir des actions honnêtes, n’est-ce pas dire quelque chose ? - Voici un homme à qui l’honnêteté fait défaut pour l’instant ; ne la possédant pas actuellement, il cherche à se rappeler son honnêteté passée. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 9
  •  Mais le temps met au jour bien de belles actions, qu’ignore celui qui est heureux peu de temps (si l’on doit même appeler tout à fait heureux celui dont le bonheur ne se traduit pas par un grand nombre de belles actions). - Dire que le bonheur résulte de beaucoup d’années et de beaucoup d’actions, c’est le composer d’êtres qui ne sont plus, d’événements passés et de l’instant présent qui est unique. C’est pourquoi nous avions posé ainsi la question ; le bonheur étant dans chaque instant présent, est-ce être plus heureux qu’être heureux plus longtemps ? La question est maintenant de savoir si la plus longue durée du bonheur, en permettant des actions plus nombreuses, ne rend pas aussi le bonheur plus grand. D’abord, on peut être heureux sans agir, et non pas moins heureux mais plus heureux qu’en agissant8. Ensuite, l’action ne produit aucun bien par ellemême ; ce sont nos dispositions intérieures qui rendent nos actions honnêtes ; le sage, quand il agit, recueille le fruit non pas de ses actions elles-mêmes ni des événements, mais de ce qu’il possède en propre. Le salut de la patrie peut venir d’un méchant ; et, si un autre en est l’auteur, le résultat est tout aussi agréable pour qui en profite. Cet événement ne produit donc pas le plaisir particulier à l’homme heureux ; c’est la disposition de l’âme qui crée et le bonheur et le plaisir qui en dérive. Mettre le bonheur dans l’action, c’est le mettre en une chose étrangère à la vertu et à l’âme ; l’acte propre de l’âme consiste à être sage ; c’est un acte intérieur à ellemême, et c’est là le bonheur. ENNÉADES - Bréhier: I, 5 [36] - Le bonheur s’accroît-il avec le temps ? 10