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Bréhier-Plotin: engendrer

quinta-feira 1º de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

  

Disons maintenant pourquoi nous avons commencé par ces considérations. C’est pour savoir en quel sens on parle d’être en acte dans les intelligibles ; s’ils sont seulement en acte, ou bien si chacun d’eux est un acte ; si tous à la fois forment un acte, et s’il y a aussi en eux des êtres en puissance. Or là-bas il n’y a pas de mati  ère ; et c’est en la matière qu’est l’être en puissance ; rien n’est à venir qui ne soit déjà ; rien ne se transforme soit pour engendrer un autre être en subsistant lui-même, soit pour céder la place à un autre en sortant de l’existence. Il n’y a donc là-bas rien en quoi il y ait un être en puissance, puisque, d’ailleurs, les êtres vrais sont éternels et non soumis au temps. - Mais on pourrait demander à ceux qui admettent de la matière dans les intelligibles, s’il n’y a pas aussi en eux de l’être en puissance, puisqu’il y a de la matière. (Si même, en effet, le mot matière est pris en un autre sens, il n’y en a pas moins en chaque intelligible quelque chose qui est comme sa matière, quelque chose qui est comme sa forme, et le composé des deux.) Que diront-ils donc ? - Ce qu’on appelle là-bas la matière est une forme ; l’âme aussi, qui est une forme, est matière par rapport à un autre objet. - Est-elle donc en puissance par rapport à cet objet ? - Non pas ; car la forme lui appartient et ne survient pas en elle après coup ; elle n’a avec la matière qu’une distinction de raison ; on dit : la forme y occupe une matière et l’on perçoit ainsi par la pensée deux choses qui dans la réalité n’en font qu’une. En ce sens Aristote   nous dit que son « cinquième corps » est sans matière. ENNÉADES - Bréhier  : II, 5 [25] - Que veut dire en puissance et en acte ? 3

La blancheur qui est en toi n’est donc pas une qualité ; elle est évidemment un acte dérivé d’une puissance qui est celle de produire la blancheur. Dans le monde intelligible, les prétendues qualités sont aussi des actes ; nous les prenons faussement pour des qualités parce que chacune d’elles est le propre d’une substance, parce qu’elles possèdent, quant à elles, un caractère propre. - En quoi la qualité dans le monde intelligible diffère-t-elle donc de la qualité dans le monde sensible, puisque l’une et l’autre sont des actes ? - C’est que la qualité, dans le monde sensible, n’indique pas la quiddité d’une substance ; elle ne fait pas la différence des substances entre elles ni leur caractère propre ; elle révèle seulement ce que nous appelons qualité et ce qui, dans le monde intelligible, est un acte. Donc lorsqu’une qualité constitue le propre d’une substance, il est évident par là qu’elle n’est pas véritablement une qualité ; mais lorsque, par la pensée, nous isolons cette propriété qui est en la substance (sans d’ailleurs rien enlever à la substance, et en nous bornant à concevoir et à engendrer une notion), nous engendrons cette autre chose qui est la qualité, en prenant dans la substance la partie la plus superficielle. S’il en est ainsi, rien n’empêche que la chaleur, quand elle est inhérente au feu, soit une forme ou un acte et non une qualité du feu, et que, d’autre part, elle soit une qualité, prise dans un autre sujet et isolée ; elle n’est plus désormais la forme d’une substance, mais une trace, une ombre ou une image qui a abandonné sa substance ; alors elle est qualité. Donc tous les accidents qui ne sont point des actes et des formes essentielles aux substances sont des qualités ; telles sont les habitudes acquises et autres dispositions des sujets qu’il faut appeler des qualités ; mais leurs modèles intelligibles, où elles existent primitivement, sont des actes5. Il n’est pas vrai aussi qu’une même chose soit une qualité et ne soit pas une qualité ; la qualité, c’est ce qui est isolé de la substance ; ce qui lui est lié est une forme ou un acte ; une chose n’est pas la même, quand elle reste en ellemême et quand, placée en un sujet autre qu’elle, elle déchoit de son rang de forme et d’acte. Ce qui n’est jamais la forme, mais seulement l’accident d’un sujet est une pure qualité et n’est que cela. ENNÉADES - Bréhier: II, 6 [17] - De la qualité et de la forme 3

Attribuer toutes choses à des corps, que ce soit des atomes ou ce qu’on appelle des éléments, engendrer avec le mouvement irrégulier qui en résulte la règle, la raison et l’âme dominatrice, c’est à la fois absurde et impossible, et il est plus impossible encore, si l’on peut dire, de partir des atomes. On a présenté sur ce point beaucoup d’arguments très justes. Si l’on pose de tels principes, il ne s’ensuit pas même d’une façon nécessaire qu’il y ait, pour toutes choses, une nécessité ou, pour parler autrement, un destin. À supposer d’abord que ces principes soient les atomes, ils sont animés d’un mouvement vers le bas (admettons qu’il y ait un bas) ou d’un mouvement oblique quelconque, chacun dans une direction différente. Aucun de ces mouvements n’est régulier, puisqu’il n’y a pas de règle, et leur résultat, une fois produit, serait régulier ! Il n’y a donc absolument ni prédiction ni divination, qu’il s’agisse de la divination par l’art (comment l’art aurait-il pour objet des choses sans règle ?) ou de la divination enthousiaste et inspirée ; car il faut, en ce cas aussi, que l’avenir soit déterminé. Il y aura bien nécessité, pour les corps qui reçoivent le choc des atomes, de subir le mouvement que ces atomes leur impriment ; mais à quels mouvements d’atomes attribuera-t-on les actions et les passions de l’âme ? Quel est le choc qui, en portant l’âme vers le bas, ou en la heurtant d’une manière quelconque, la fera raisonner ou vouloir de telle ou telle manière, donnera au raisonnement, à la volonté ou à la pensée une existence nécessaire et, plus généralement, l’existence ? Et lorsque l’âme s’oppose aux passions du corps ? Quels mouvements d’atomes effectueront nécessairement la pensée du géomètre, celle de l’arithméticien et de l’astronome, et enfin la sagesse ? Car enfin, ce qui est nôtre dans nos actions, ce qui fait de nous des êtres vivants, tout cela disparaîtra, si nous sommes emportés où nous mènent les corps et au gré de leur impulsion, comme des choses inanimées. Les mêmes arguments s’adressent à ceux qui posent comme principes des corps autres que les atomes ; on peut dire en outre que ces corps peuvent nous réchauffer, nous refroidir et faire périr ceux qui sont plus faibles ; mais il n’en résulte aucune des actions propres de l’âme, et il faut faire dériver ces actions d’un principe différent. ENNÉADES - Bréhier: III, 1 [3] - Du destin 3

Les principes les plus élevés restent immobiles, en engendrant des hypostases ; mais l’âme, elle, nous l’avons dit, se meut pour engendrer la sensation qui est une hypostase, et la puissance végétative ; elle descend jusqu’aux plantes. L’âme qui est en nous possède aussi la puissance végétative ; mais cette puissance ne domine pas parce qu’elle n’est qu’une partie de l’âme ; venue dans une plante, elle y domine parce qu’elle est seule. - La puissance végétative n’engendre donc rien ? - Elle engendre, mais c’est une chose totalement différente d’elle ; car, après elle, il n’y a plus de vie : ce qu’elle engendre est sans vie. - Comment donc ? - Toutes les choses engendrées avant ce dernier terme étaient, il est vrai, privées de toute forme au moment de leur génération ; mais elles se retournaient vers leur générateur et en recevaient la forme et comme la nourriture : ici, au contraire, la chose engendrée ne doit plus être une espèce d’âme, puisqu’elle ne vit plus, et elle reste dans une complète indétermination. Et sans doute, l’indétermination se trouve aussi dans les termes antérieurs, mais elle est dans des êtres qui ont une forme ; elle n’est pas complète, mais relative à la forme achevée : ici elle est complète. ENNÉADES - Bréhier: III, 4 [15] - Du démon qui nous a reçus en partage 1

Or, quand on aime un être, et qu’on a de l’affinité avec lui, on a aussi de la sympathie pour ses images. Si on niait cette cause de la passion, on ne pourrait expliquer comment et pourquoi elle naît, pas même dans le cas de l’amour sexuel. Car ceux qui éprouvent ce genre d’amour veulent engendrer dans la beauté ; il serait absurde que la nature, qui aspire à produire de belles choses, voulût en-endrer dans la laideur. Ceux qui sont portés à engendrer ici-bas, se contentent de la beauté d’ici-bas, c’est-à-dire de celle qui se trouve dans les images et dans les corps ; ils ne possèdent pas cette beauté archétype qui est pourtant la cause de leur amour pour les choses d’ici-bas. Quand, partant de cette beauté d’ici-bas, ils ont souvenir de celle d’en haut, ils ne se plaisent plus à l’une que parce qu’elle est l’image de l’autre. Mais quand ils n’ont pas ce souvenir, faute de comprendre leur passion, ils s’imaginent que la beauté d’ici-bas est la véritable beauté. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 1

Tant qu’ils restent tempérants, leur attachement à la beauté d’ici-bas n’est pas une faute ; mais dès qu’ils se dégradent dans le plaisir sexuel, il y a faute. Quiconque aime cette beauté d’une âme pure, a assez d’elle seule, qu’il ait bu   non le souvenir de la beauté d’en haut ; mais quiconque a mêlé à cet amour le désir de l’immortalité compatible avec la nature mortelle, cherche le beau dans la perpétuité de la génération ; selon la loi naturelle, il féconde et il engendre dans le beau ; il féconde pour assurer la perpétuité ; il engendre dans le beau à cause de son affinité pour le beau. L’éternité est en effet parente de la beauté ; la nature éternelle est le beau primitif ; et tout ce qui dérive de cette nature est beau. Ainsi celui qui n’aspire pas à engendrer est plus complètement satisfait par la beauté ; si l’on désire produire la beauté, c’est par indigence, c’est parce qu’on n’est pas satisfait et parce que l’on pense l’être en produisant la beauté et en engendrant dans la beauté. Mais quiconque veut satisfaire son désir malgré les lois et contre la nature a bien suivi sans doute, au début, les voies de la nature ; mais il s’en écarte ; il dévie du droit chemin, et fait une chute profonde, sans avoir vu vers qui l’amour le menait et sans avoir connu ni le désir d’engendrer, ni le bon usage des images de la beauté, ni la nature de la beauté elle-même. Donc les uns aiment les beaux corps, non pour s’unir à eux, mais parce qu’ils sont beaux ; les autres éprouvent un amour auquel se mélange le désir de la femme, afin d’assurer la perpétuité de l’espèce. S’ils ne s’écartent pas de ce but, ils sont tempérants tout comme les premiers ; mais les premiers leur sont supérieurs. Les uns vénèrent la beauté d’icibas et s’en contentent ; les autres ont le souvenir de la beauté d’en haut sans dédaigner pourtant celle d’ici-bas, puisqu’elle est l’effet de l’autre et l’image où elle se joue. Et tous ceux-là approchent du beau sans honte ; mais il en est d’autres que la beauté fait tomber dans la laideur ; ainsi le désir du bien fait souvent tomber dans le mal. Telle est l’amour comme passion de l’âme. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 1

Mais d’abord pourquoi les démons ne sont-ils pas tous des Éros ? De plus, pourquoi ne sont-ils pas, eux non plus, purs de toute matière ? - C’est que l’âme engendre un Éros quand elle désire le bien et le beau (et il n’y a point d’âmes dans le monde sensible qui n’engendrent ce démon), tandis que l’âme de l’univers est seule à engendrer les autres démons, et elle les engendre par des puissances très différentes ; ils amènent chaque être à sa fin et le gouvernent dans l’intérêt de l’univers. Si l’âme de l’univers suffit à cet univers, c’est qu’elle engendre des puissances démoniaques, qui correspondent à son action d’ensemble. - Mais pourquoi ces démons participent-ils à la matière ? Et à quelle matière ? - Ce n’est pas à la matière des corps ; car, alors, ils seraient des êtres vivants perceptibles aux sens. Si même ils revêtent des corps d’air ou de feu, leur nature doit être d’abord différente de ces corps, pour avoir part au corps ; un être pur ne s’unit pas immédiatement et complètement à un corps, bien que le démon comme tel soit, selon une opinion répandue, inséparable d’un corps d’air ou de feu. - En réalité les uns sont unis à un corps, les autres ne le sont pas. Pourquoi en serait-il ainsi, s’il n’y avait une cause à cette union ? Quelle est donc cette cause ? - Il nous faut supposer que c’est une matière intelligible ; un être uni à la matière intelligible arrive, par son intermédiaire, à s’unir à la matière des corps. ENNÉADES - Bréhier: III, 3 [50] - De l’Amour 6

Mais l’Ame, elle, ne reste pas immobile en produisant ; elle se meut pour engendrer une image d’elle-même ; en se tournant vers l’être d’où elle vient, elle est fécondée ; et, en avançant d’un mouvement différent et de sens inverse, elle engendre cette image d’elle-même qui est la sensation, et dans les plantes, la nature. Pourtant rien n’est séparé par une coupure de ce qui le précède ; c’est ainsi que l’âme semble s’avancer jusqu’aux plantes ; elle s’y avance en un sens, puisque le principe végétatif appartient à l’âme ; mais elle ne s’y avance pas tout entière ; elle vient dans les plantes, parce qu’en descendant jusque là dans la région inférieure, elle produit une autre existence dans cette procession même, et par bienveillance envers les êtres inférieurs ; mais pour cette partie supérieure d’elle-même qui se rattache à l’Intelligence et constitue sa propre intelligence, elle la laisse demeurer immobile en elle-même. ENNÉADES - Bréhier: V, 2 [11] - De la génération et de l’ordre des choses qui viennent après le Premier 1