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HB: principes

sábado 3 de fevereiro de 2024

  

Ceci dit, nous allons tenter d’établir de façon positive les fondements de la doctrine. Non pas toutefois, comme on le fait d’habitude, d’après la "méthode historique", qui obscurcit la réalité plutôt qu’elle ne l’éclaire, mais en partant d’un point de vue strictement orthodoxe, tant en ce qui concerne les principes que leurs applications. Nous nous efforcerons de parler avec la précision la plus "mathématique", mais sans jamais user de termes de notre propre cru, et sans jamais avancer une affirmation pour laquelle l’autorité scripturaire ne pourrait être citée par chapitre et verset. De la sorte, notre façon de procéder sera elle-même typiquement hindoue. 9 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Introduction

Que nous le nommions la Personnalité, le Sacerdoce, la Magna Mater, ou de tout autre nom grammaticalement masculin, féminin ou neutre, "Cela" (tad, tad êkam) dont nos facultés sont des mesures (tanmâtrâ), constitue une sizygie de principes conjoints, sans composition ni dualité. Ces principes conjoints ou "soi" multiples qu’on ne peut distinguer ab intra, mais respectivement nécessaires et contingents en eux-mêmes ab extra, ne deviennent des contraires que lorsqu’on envisage l’acte de manifestation du Soi (swaprakâshatwam) que constitue la descente depuis le silence de la Non-Dualité jusqu’au niveau où l’on parle en termes de sujet et d’objet, et où l’on reconnaît la multiplicité des existences individuelles séparées que le Tout (sarvam = to pan) ou Univers (vishwam) présente à nos organes de perception physique. Et, dès lors que l’on peut, logiquement mais non réellement, séparer la totalité finie de sa source infinie, on peut aussi appeler "Cela" une "Multiplicité intégrale (NA: Rig Vêda Samhitâ, III, 34, 8, vishwam êkam.)", une "Lumière Omniforme (NA: VS., V, 35 ; jyotir asi vishwarûpam.)". La création est exemplaire. Les principes conjoints, tels que Ciel et Terre, Soleil et Lune, homme et femme, étaient un à l’origine. Ontologiquement leur conjonction (mithunam, sambhava, êko bhava) est une opération vitale, productrice d’un troisième à l’image du premier et ayant la nature du second. De même que la conjonction du Mental (manas = nous, logos, aletheia) avec la Voix (vâch = logos, phoen, aisthesis, doxa) donne naissance à un concept, de même la conjonction du Ciel et de la Terre éveille le Bambino, le Feu, dont la naissance sépare ses parents et remplit de lumière l’espace intermédiaire (antariksha, Midgard). Il en est de même pour le microcosme : allumé dans la cavité du coeur, il en est la lumière. Il brille dans le sein de sa mère (NA: Rig Vêda Samhitâ, VI, 16, 35, cf. III, 29, 14. Le Bodhisattwa, également, est visible dans le sein de sa mère, (M. III, 121). De même, en Égypte, le Soleil nouveau est vu dans le sein de la Déesse du Ciel (H. Schfæer, Von ?gyptischen Kunst, 1940, AGG., 71) : le parallèle chrétien, où Jean est dit avoir vu Jésus enfant dans le sein de sa mère, est probablement d’origine égyptienne.), en pleine possession de ses pouvoirs (NA: Rig Vêda Samhitâ, III, 3, 10; X, 115, 1.). Il n’est pas plus tôt né qu’il traverse les Sept Mondes (NA: Rig Vêda Samhitâ, X, 8, 4 ; X, 122, 3.), s’élève pour franchir la Porte du Soleil, comme la fumée de l’autel ou du foyer central, soit extérieur soit intérieur à nous, s’élève pour franchir l’?il du Dôme (NA: Pour la Porte du Soleil, l’"ascension à la suite d’Agni" (Taittirîya Samhitâ (Yajur Vêda Noir), V, 6-8 ; Aitarêya Brâhmana, IV, 20-22), etc., voir mon "Swayâmâtrinnâ ; Janua C?li" dans Zalmoxis, II, 1939 (1941).). Cet Agni est alors le messager de Dieu, l’hôte de toutes les demeures humaines, soit bâties, soit corporelles, le principe lumineux et pneumatique de vie, et le prêtre qui transmet l’odeur de l’offrande consumée d’ici-bas jusqu’au monde au-delà de la voûte du Ciel, à travers laquelle il n’est d’autre voie que cette "Voie des Dieux" (dêvâyana). Cette Voie doit être suivie, d’après les empreintes de l’Avant-Coureur, comme le mot "Voie (NA: Mârga, "Voie", de mrig = ichneuo. La doctrine des vestigia pedis est commune aux enseignements grec, chrétien, hindou, bouddhiste et islamique, et forme la base de l’iconographie des "empreintes de pas". Cf., par exemple, Platon  , Phèdre  , 253 A, 266 B., et Rùmî, Mathnawî, II, 160-1. "Quel est le viatique du Çoufi ? Ce sont les empreintes. Il poursuit le gibier comme un chasseur : il voit la trace du daim musqué et suit ses empreintes" ; Maître Eckhart   parle de "l’âme en chasse ardente de sa proie, le Christ". Les avant-coureurs peuvent être suivis à la trace par leurs empreintes aussi loin que la Porte du Soleil, Janua C?li, le Bout de la Route ; au-delà, on ne peut les pister. Le symbolisme de la poursuite à la trace, comme celui de l’"erreur" (péché) en tant que "manque à toucher la cible", est l’un de ceux qui nous sont venus des plus anciennes civilisations de chasseurs. Cf. note 5.)" lui-même le suggère, par tout être qui veut atteindre l’"autre rive" du fleuve de vie (NA: Lo gran mar d’essere, Paradiso, I, 113. La "traversée" est la diaporeia d’Epinomis  , 986 E.) immense et lumineux qui sépare cette grève terrestre de la grève céleste. Cette notion de la Voie est sous-jacente à tous les symbolismes particuliers du Pont, du Voyage, du Pèlerinage et de la Porte de l’Action. 28 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

Qu’il en soit ainsi, ou seulement qu’"Il soit", ne peut se démontrer à l’école, où l’on ne s’occupe que des choses tangibles et quantitatives. En même temps, il ne serait pas scientifique de rejeter a priori une hypothèse dont la preuve par expérience est possible. Dans le cas présent, une Voie est proposée à ceux qui consentiront à la suivre. C’est précisément en ce point que nous devons passer des principes à l’opération à travers laquelle, plutôt que par laquelle, ils peuvent être vérifiés ; autrement dit, de la considération de la vie contemplative à celle de la vie active et sacrificielle. 39 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme Théologie et Autologie

L’éthique, en tant que "prudence" ou en tant qu’art, n’est pas autre chose que l’application scientifique des normes doctrinales aux problèmes contingents. Bien agir ou bien faire n’est pas une question de volonté, mais de conscience ou de lucidité, le choix n’étant possible qu’entre l’obéissance et la rébellion. Autrement dit, les actions sont dans l’ordre ou contre l’ordre, exactement de la même façon que l’iconographie est correcte ou incorrecte, en forme ou informe (NA: En fait, de même que la forme des images est prescrite dans les Shilpa-Shâstras, celle des actes est prescrite dans les Dharma-Shâstras. Art et "prudence" sont l’un et l’autre des sciences, qui ne se distinguent de la métaphysique pure que par le fait de leur application aux factibilia et aux agibilia. Le fait qu’il s’agit d’une application à des problèmes contingents introduit un élément de contingence dans les lois elles-mêmes, qui ne sont pas les mêmes pour toutes les castes, ni tous les âges. En ce sens, la tradition est susceptible d’adaptation aux conditions changeantes, pourvu que les solutions soient toujours directement obtenues à partir des premiers principes, qui jamais ne changent. Autrement dit, alors même que la modification des lois est possible, celles-là seules pourront être dites authentiques qui restent réductibles à la Loi Éternelle. De même la variété des religions est une application nécessaire et régulière des purs principes métaphysiques correspondant à la variété des besoins humains, chacune d’entre elles pouvant être dite "la vraie religion" dans la mesure où elle réfléchit les principes éternels. En disant cela nous faisons une distinction entre la métaphysique et la "philosophie", et nous n’entendons pas suggérer que quelque philosophie systématique ou naturaliste puisse prétendre à la validité de la théologie, qu’Aristote   place au-dessus de toutes les autres sciences (Métaphysique, 1, 2, 12 f. ; VI, 1, 10 f.).). L’erreur, c’est de manquer la cible ; on doit l’attendre de tous ceux qui agissent selon leurs instincts, pour se plaire en eux-mêmes. L’habileté (kaushalyâ = sophia) est vertu, dans l’agir comme dans le faire ; il est nécessaire d’insister là-dessus parce qu’on est arrivé à perdre de vue que le péché existe aussi bien en art qu’en morale. "Le yoga est habileté dans les ?uvres (NA: Bhagavad Gîtâ, II, 50 ; le Yoga est aussi le "renoncement (sannyâsa) aux oeuvres" (Bhagavad Gîtâ, VI, 2). En d’autres termes, yoga ne signifie pas faire moins ou plus qu’il ne faut, ni ne rien faire du tout, mais agir sans attachement au fruit des actes, sans penser au lendemain ; celui-là voit la vérité, qui voit l’inaction dans l’action et l’action dans l’inaction (Bhagavad Gîtâ, IV, 18 et passim). C’est la doctrine chinoise du wu wei. Le yoga, c’est littéralement et étymologiquement le "joug", tel celui des chevaux ; et, sous ce rapport, on ne doit pas perdre de vue qu’aux Indes, comme dans la psychologie grecque, les "chevaux" du véhicule corporel sont les facultés sensibles par quoi il est traîné ici ou là, pour le bien ou pour le mal, ou vers le but ultime si les chevaux sont sous le contrôle du conducteur, auquel ils sont joints par les rênes. L’individualité est l’attelage, le Conducteur Intérieur ou Homme Intérieur est le cavalier. L’homme, alors "s’attelle lui-même comme un cheval qui comprend" (Rig Vêda Samhitâ, V, 46, 1). En tant que discipline physique et mentale, le Yoga est Contemplation, dharana, dhyâna, et samâdhi, correspondant aux consideratio, contemplatio et excessus ou raptus chrétiens. Dans sa consommation et sa signification totale, le yoga implique la réduction des choses séparées à leur principe d’unité, et par là ce que l’on appelle parfois l’"union mystique" ; mais il doit être clairement entendu que le yoga diffère de l’"expérience mystique" en ce qu’il n’est pas une méthode passive, mais bien active et contrôlée. Le yogî parfait peut passer à volonté d’un état à un autre ; c’est le cas par exemple du Bouddha, Majjhima Nikâya, I, 249. On trouvera quelques-unes des correspondances chrétiennes les plus étroites dans The Clowde of Unknowyng et The Book of Prive Counseling ; cf. V. Elwin, Christian Dhyâna, a study of "The Cloud of Unknowing  ", Londres, 1930. Tout Hindou est dans quelque mesure un praticien du Yoga, et ce que cela signifie au juste est admirablement exposé dans Platon, République  , 671 D f., eis sunnoian autos auto aphikomenos. Toutefois, quand il est question d’exercices plus poussés de contemplation, et que l’intention est d’escalader les sommets les plus hauts, le disciple doit se préparer par des exercices physiques appropriés ; il doit en particulier avoir acquis un contrôle et une science parfaitement au point du processus entier de la respiration avant de se livrer à n’importe quel exercice mental. Aucun de ces exercices ne peut d’ailleurs être tenté avec sécurité sans la direction d’un maître. On aura quelque idée des premiers degrés à franchir, lesquels consistent à arrêter le cours vagabond de la pensée et à le faire passer sous son contrôle, si on essaie de penser à une chose donnée, n’importe laquelle, pendant un laps de temps de dix secondes ; on découvrira, non sans surprise, et embarras peut-être, que l’on ne peut même pas faire cela sans beaucoup de pratique.)." 61 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme L’Ordre social

Dans cet homme, quand sa vie sacramentelle est complète, il y a une hiérarchie des pouvoirs sacerdotal, royal et administratif, ainsi qu’une quatrième classe formée des organes physiques de sensation et d’action, qui traitent la mati  ère première ou "nourriture" à préparer pour tous. Il est clair que, si cet organisme doit s’épanouir - chose impossible s’il se divise contre lui-même - les pouvoirs sacerdotal, royal et administratif doivent être les maîtres selon leur rang, et les agents, qui travaillent sur les matières premières, leurs serviteurs. C’est exactement de la même façon que les exigences du Sacrifice, dont dépend la prospérité d’un royaume, déterminent la hiérarchie de ses fonctions. A la lettre, les castes sont "nées du Sacrifice (NA: On trouvera la meilleure discussion de ce point dans A. M. Hocart, Les Castes, Paris, 1939.)". Dans l’ordre sacramentel, il y a nécessité et place pour le travail de tous les hommes. Et dans ces conditions il n’y a pas de conséquence plus significative du principe selon lequel le travail est sacrifice, que le fait, si éloigné que cela puisse être de nos modes de pensée profanes, que chaque fonction, depuis celle du prêtre et du roi jusqu’à celle du potier et du balayeur, est littéralement un sacerdoce et toute action un rite. De plus, chacune de ces sphères a son "éthique professionnelle". L’institution des castes diffère de la "division du travail" industriel, avec son fractionnement de la capacité humaine, en ce qu’elle présuppose une distinction dans les modalités, mais non dans les degrés, de la responsabilité. Et c’est précisément parce qu’une telle organisation de fonctions, avec son loyalisme et ses devoirs mutuels, est absolument incompatible avec le caractère de compétition de notre industrialisme, qu’une telle institution, fondée sur la monarchie, la féodalité et les castes, est toujours peinte en couleurs si sombres par les sociologues, dont l’opinion est déterminée beaucoup plus par les préjugés de leur milieu que par le recours aux vrais principes. 63 Hindouisme et Bouddhisme I L?Hindouisme L’Ordre social

En premier lieu, nous observons que, dans les textes brahmaniques parallèles, l’omniscience, et particulièrement celle des naissances, est considérée comme un attribut d’Agni (jâtavêdas), l’"?il dans le Monde", et du Soleil "qui voit tout", l’"?il des Dieux" ; cela pour l’excellente raison que ces principes consubstantiels sont les pouvoirs catalyseurs sans lesquels il ne pourrait y avoir de naissance. Nous observons en outre que le pouvoir de libre motion, ou, ce qui est la même chose, de motion sans locomotion, est attribué, dans les livres brahmaniques, à l’Esprit ou Soi Universel (âtman) d’une part, et aux délivrés, aux connaissants du Soi et assimilés au Soi, d’autre part. Dès lors que l’on a compris que l’Esprit, le Soi solaire universel, la Personnalité, est une omniprésence intemporelle, on reconnaîtra que l’Esprit, par hypothèse, est naturellement doué de tous les pouvoirs qui ont été décrits ; l’Esprit est "connaisseur de toutes les naissances" in s?cula s?culorum, précisément parce qu’il est "en tout temps et en tout lieu de leur manifestation", et qu’il est indivisiblement présent aussi bien dans les devenirs passés que dans les devenirs futurs (NA: Atharva Vêda Samhitâ, X, 8, 1, 12 ; Katha Upanishad  , IV, 13 ; Prash. Up  ., IV, 5, etc.). Dans les mêmes textes on le trouve désigné sous le nom de "Prosidence" (prajnâ) ou de "Compendieuse Prosidence" (prajnânaghana) pour l’excellente raison que sa connaissance des événements ne procède pas des événements eux-mêmes, les événements procédant au contraire de sa connaissance de soi. Dans tous les livres brahmaniques les pouvoirs décrits sont ceux du Seigneur : si Celui qui comprend peut changer de forme et se mouvoir à son gré, c’est "comme Brahma change de forme et se meut à son gré (NA: ShA., VII, 22.); c’est l’Esprit, le Soi, Soleil ultime (âtman) qui, bien qu’immuable en soi-même, promeut pourtant les autres (NA: Brihadâranyaka Upanishad, IV, 3, 12 ; Ishâ. Up., 4 ; Maitri Upanishad  , II, 2.)". Toutes ces choses sont des pouvoirs de l’Esprit et de ceux qui sont "dans l’Esprit". Et si, de tous ces miracles, de loin le plus grand est celui de l’enseignement, c’est simplement parce que, comme le dit saint Ambroise, "toute parole vraie, quel qu’en soit l’auteur, est dite par le Saint-Esprit (NA: Saint Ambroise, glose sur I Cor., 12, 3.)". Si les "signes et prodiges" sont rejetés avec légèreté, ce n’est pas parce qu’ils sont irréels ; c’est parce que c’est une génération méchante et adultère qui demande un signe. 152 Hindouisme et Bouddhisme II Le Bouddhisme: La Doctrine