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Barbaras (1991:273-276) – o invisível
terça-feira 19 de dezembro de 2023
destaque
O propósito de Merleau-Ponty é pôr em evidência uma articulação original e, em última análise, uma quase-identidade do visível e do invisível. O invisível não é o outro de um visível concebido como inerentemente positivo, mas aquilo que, para preservar a sua distância, o seu poder significante, se torna visível; o visível, por sua vez, não é a negação do invisível, mas o elemento da sua manifestação e, neste sentido, um modo primitivo de idealidade. O visível é, de fato, a "apresentação [274] de um não apresentável": na medida em que manifesta uma unidade tácita, uma "coesão sem conceito", é já "exploração de um invisível" e, como a própria ciência, "desvelamento de um universo de ideias" [V. I. p. 196]. E, como salienta Merleau-Ponty, "uma vez entrado neste estranho domínio, não se vê como se possa pensar em sair dele" [V.I. p. 199]. O dom sensível da ideia, que só aparece "velada na escuridão", parece ser a própria lei de todas as ideias e, em última análise, a própria lei da mente: "aquilo a que chamamos mente é inseparável daquilo que (os homens) têm de precário, e a luz nada iluminaria se não houvesse nada que não lhe servisse de tela" [C. F. p. 27]. Devemos, portanto, reconhecer a universalidade do sensível, a universalidade da carne: como diz Merleau-Ponty, "não há um mundo inteligível, há um mundo sensível" [V. I. p. 267]. Mas não devemos interpretar mal o sentido deste "há", e devemos compreender que o sensível não repousa em si mesmo, que é sinônimo de fenomenalização, isto é, exposição na obscuridade de um universo de ideias, apresentação do invisível: o sensível é o que há por todos os lados, o que suporta toda a experiência e toda a produção de sentido.
original
La pensée de Merleau-Ponty est tout entière animée par le souci d’élaborer une critique conséquente de la conception intuitionniste et positive de l’idéalité. Cette critique n’est pas motivée par la revendication empiriste de la facticité, revendication qui procède du même présupposé ontologique que la philosophie de l’eidos, mais bien par le souci de restituer l’expérience propre de l’idéalité. La signification ne peut être close sur elle-même en un univers autonome, et c’est parce qu’elle n’est pas douée de positivité qu’elle ne se scinde pas de ce qu’elle signifie : elle est par principe ouverte, inachevée, c’est-à-dire enracinée dans un Etre qu’elle ne signifie que parce qu’elle paraît en lui, ne l’enveloppe pas complètement. Ainsi, à travers une analyse de l’expression comme phénomène de l’idéalité, Merleau-Ponty avait été conduit à récuser les dualités de la philosophie réflexive, encore à l’œuvre dans la Phénoménologie de la perception, et à ouvrir la voie d’un questionnement ontologique : l’opacité, l’enracinement irréductibles de la signification, l’enveloppement du sujet par le monde qu’il signifie, appelaient le dévoilement d’un monde originaire, pré-significatif, pré-objectif. Toutefois, cet univers sauvage ne représente pas la négation de toute signification. En effet, dès lors que la conception positive de l’idéalité a pour envers une approche du perçu comme pure facticité, la découverte d’une «facticité» de l’idéalité, de son incapacité à se clore sur elle-même, a pour corrélât la reconnaissance d’une idéalité au cœur du perçu. Le propos de Merleau-Ponty est de mettre en évidence une articulation originaire et, finalement, une quasi-identité du visible et de l’invisible. L’invisible n’est pas l’autre d’un visible conçu comme en soi positif, mais ce qui, afin de préserver sa distance, sa puissance signifiante, se fait visible ; le visible, à son tour, n’est donc pas la négation de l’invisible mais l’élément de sa manifestation et, en cela, un mode primitif de l’idéalité. Le visible est bien la «présentation [274] d’un imprésentable»: en tant qu’il manifeste une unité tacite, une «cohésion sans concept», il est déjà «exploration d’un invisible» et, comme la science elle-même, «dévoilement d’un univers d’idées» [V. I. p. 196]. Or, remarque Merleau-Ponty, «une fois entré dans cet étrange domaine, on ne voit pas comment il pourrait être question d’en sortir» [V.I. p. 199]. La donation sensible de l’idée, qui ne paraît que «voilée de ténèbres», apparaît comme la loi même de toute idée et, finalement, comme la loi même de l’esprit : «ce qu’on appelle esprit est inséparable de ce que (les hommes) ont de précaire et la lumière n’éclairerait rien si rien ne lui faisait écran» [C. F. p. 27]. Il faut donc reconnaître une universalité du sensible, une universalité de la chair : comme le dit Merleau-Ponty, «il n’y a pas de monde intelligible, il y a monde sensible» [V. I. p. 267]. Encore ne faut-il pas se méprendre sur le sens de cet «il y a» et comprendre que le sensible ne repose pas en lui-même, qu’il est synonyme de phénoménalisation, c’est-à-dire exhibition dans les ténèbres d’un univers d’idées, présentation d’un invisible : le sensible, c’est ce qu’il y a de toutes parts, ce qui porte toute expérience et toute production de sens.
Il s’ensuit que le domaine du sensible possède une extension qui excède les limites que nous lui avons reconnues jusqu’ici, que le lieu que nous lui avons assigné demeure abstrait, bref, que le monde sensible ne peut être confondu avec le visible en tant que tel, avec l’univers de la perception comme épreuve d’une extériorité effective. S’il est vrai qu’il n’y a que le monde, celui-ci ne saurait être restreint au pur visible ; s’il est vrai que la chair est universelle, elle ne doit pas être réduite à la chair strictement corporelle. La fidélité à l’expérience, dont la dialectique du visible et de l’invisible est le témoignage, impose de reconnaître l’intelligible comme une expérience spécifique, c’est-à-dire de distinguer l’idéalité proprement dite des «idées» inscrites au cœur du sensible. Que tout intelligible ne se donne que dans un retrait, c’est-à-dire comme sensible au sens large, ne signifie pas que le sensible proprement dit, à savoir le visible, représente la seule modalité possible de ce retrait. La décision fondamentale de Merleau-Ponty consiste certes à aborder l’intelligible à partir de son phénomène, au lieu [275] de subordonner la phénoménalité à l’intelligible, mais cette décision n’est conséquente qu’à la condition de s’accompagner d’une extension radicale du domaine de la phénoménalité. Que le visible et l’invisible ne puissent être distingués comme des entités positives interdit tout autant qu’ils puissent se confondre, l’invisible se dissoudre au profit d’un visible, qui refluerait alors inévitablement vers la pleine positivité. La tentation de réduire le phénomène de l’intelligible au phénomène visible serait non seulement inadéquate à l’expérience, mais véritablement ruineuse, car elle déboucherait sur un empirisme déguisé et sur la nécessité de procéder à une genèse de l’intelligible au sein du sensible. Si l’idée ne paraît que celée dans le sensible, il n’en reste pas moins qu’elle ne saurait être pleinement exhibée par tel mode de présence sensible, et donc que la visibilité, en tant précisément qu’elle porte des idées en son sein, doit se dépasser vers un autre mode de donation. Autrement dit, l’affirmation selon laquelle le sens est sensible ne peut être maintenue que si le sensible proprement dit, c’est-à-dire le visible, n’est plus conçu comme le seul mode de donation du sens. Tout comme le visible, en tant qu’il est exhibition d’un intelligible, se dépasse comme pur fait, il faut qu’il se dépasse comme strictement visible. Si le visible n’est que le miroir encore mat de l’intelligible, il est voué à donner naissance à d’autres reflets. Le champ du visible ne peut donc être rigoureusement circonscrit : dès lors que le visible atteste un invisible, il ne saurait être définitivement fixé comme le seul mode de donation de l’intelligible, il* glisse au-delà de lui-même comme pur visible et s’articule à une autre «visibilité» de l’invisible, qui est dicibilité. Parce qu’il est toujours déjà «du côté» de l’invisible, le sensible est voué en quelque sorte à répondre à cet appel qu’il porte en son sein et à se dépasser comme visible strict. La reconnaissance du phénomène de l’intelligible conduit donc à récuser, non seulement la positivité du sensible, mais la possibilité de lui assigner une extension définie. Ou plutôt, parce que le sensible n’est pas une être positif, il n’est pas seulement visible, il donne lieu à d’autres modes de présentation de l’invisible, il se fait parole. L’invisible, que le visible manifeste et dissimule à la fois, absorbe à son tour l’élément de sa présentation et se donne un mode de manifestation qui lui est propre : il détermine une «sublimation» du sensible.
Toute la difficulté est ici de rendre compte de la différence phénoménale entre la sensation et l’idéalité tout en préservant leur absolue continuité. La parole ne dit rien d’autre que ce que [276] «dit» la perception, mais elle le dit autrement ; le sensible porte déjà en lui tout le destin des significations mais, en lui, la signification demeure opaque et allusive. C’est pourquoi la notion d’invisible, comme celle de sensible, a une signification à la fois une et multiple. Multiple, car il faut bien distinguer l’invisible, comme invisible du visible, de ce qui transparaît dans ce sensible singulier qu’est la parole. Une, car c’est bien l’envers imprésentable du visible qui se trouve signifié dans la parole, car c’est le visible qui lui-même se dépasse afin de revenir à lui-même, de signifier sa propre profondeur. Il n’y a donc pas deux couches distinctes mais un seul mouvement qui est indistinctement croissance du visible vers une parole et croissance de son invisible vers l’idéalité, c’est-à-dire finalement transformation du mode de coappartenance du «visible» et de l’invisible. C’est pourquoi, en toute rigueur, on ne passe pas, avec la parole, du visible à l’invisible, mais d’un sensible à un autre sensible, linguistique, et, corrélativement, d’un invisible à un autre invisible, intelligible. Dans la parole, l’invisible demeure le même, puisque celle-là appartient encore à la chair et procède bien du monde sensible, puisque le sensible dévoile déjà l’univers du sens ; et cependant il devient autre, car l’invisible ne subsiste pas ailleurs que dans les sensibles à travers lesquels il se donne, ne se distingue pas de ses modes de manifestation. Bref, la difficulté est de penser le mode d’articulation, ultime cette fois, entre idéalité et perception, entre le phénomène propre de l’intelligible et le visible strict ; elle est de comprendre comment Merleau-Ponty parvient à préserver la spécificité phénoménale des domaines d’expérience sans remettre en cause ce que l’on pourrait appeler un monisme ontologique du sensible. Cependant, avant de nous confronter à la difficulté, il nous faut d’abord tenter de frayer le chemin qui, de la chair sensible «solipsiste», conduit au domaine partagé de l’idéalité, et mettre en évidence l’appartenance de l’idéalité à la chair, tout en en préservant la spécificité. Ce qui suppose d’introduire, au sein de la chair, une distinction entre sa vie proprement corporelle et «un corps moins lourd, plus transparent», au sein duquel la visibilité se trouve «affranchie, mais non délivrée de toute condition» [V. I. p. 200].
V. I. = MERLEAU-PONTY, M. Le visible et l’invisible. Paris: Gallimard, 1964.
C. F. = Résumés de cours, Collège de France 1952-1960, Paris, Gallimard, 1968
BARBARAS, Renaud. De l’être du phénomène. Grenoble: Jérôme Millon, 1991.