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Luc Benoist (TC:8-13) – L’Âme et l’esprit. Les Passions.

sábado 2 de setembro de 2023, por Cardoso de Castro

  

Michel de Socoa (pseudonyme de Luc Benoist  )

Si les docteurs ont spiritualisé l’âme, c’est pour échapper au danger de lui prêter une partie corporelle, ainsi que l’avait fait Platon   et les Gnostiques. Et pourtant, si l’âme est une médiatrice entre les parties inférieure et supérieure de l’être, il est nécessaire qu’elle participe à la nature de chacune d’elles. Les scolastiques eux—mêmes disent que l’âme « est la forme du corps ». Comment cela serait-il possible s’il n’existait entre elle et lui aucune communauté de nature ? C’est pourquoi saint Augustin   et même saint Bonaventure   supposaient à l’âme un corps subtil et spiritualise. Cette doctrine authentiquement traditionnelle a cependant été écartée par l’Église, par crainte d’une matérialisation de l’âme.

Pratiquement quelles ont été les conséquences de cette transformation ? Au lieu d’avoir spiritualise l’âme, les scolastiques ont fait descendre l’esprit dans la zone psychique de l’homme, conséquence naturelle et analogue à l’importance prise par le Christ qui a remplacé en fait la première personne divine. C’est donc sur l’âme que la tradition chrétienne met l’accent et c’est en elle qu’est placée la division tripartite.

Déjà les Grecs avaient reconnu dans leur « psyche » une âme irrationnelle (alogon), une âme raisonnable (logos) et une âme spirituelle (noûs). De même les scolastiques reconnaissent une âme sensitive, qui a rapport avec les facultés, végétatives du corps, une âme active-passive qui se rapporte à la volonté et une âme rationnelle, puisque l’âme dans ses opérations intérieures et immanentes sent, veut et connaît.

Quant à l’esprit, il exerce deux fonctions, celle d’intellect spéculatif, qui le fait participer à l’essence de la vérité par la contemplation et celle d’intellect pratique qui détermine les règles des actions bonnes, c’est-à-dire celles de morale.

Comme on le voit, les scolastiques n’abandonnent jamais le fil conducteur de la continuité et de l’unité du moi dans leur analyse difficile. Pour sentir, il faut ou pâtir ou agir, c’est-à-dire subir une passion ou exécuter un acte volontaire. Pour agir, il faut connaître. L’homme tout entier collabore à chaque instant à toute sa vie, à ses sensations et à ses actions, aussi bien qu’à son jugement ou à sa connaissance.

C’est parce que l’âme, dans sa partie inférieure, est liée au corps qu’elle subit les passions, qui manifestent chacune une faculté, un appétit, un désir, nés d’une perception sensible. Ce désir se traduit par un mouvement qui porte à saisir ce qui lui plaît ou à fuir ce qui lui répugne. C’est ce que les scolastiques ont appelé l’appétit du concupiscible. Ou bien l’homme affronte ce qui le menace ou lui résiste et il exerce la faculté de l’appétit irascible. Ou bien encore il met en œuvre l’appétit raisonnable de ce qui est bien et manifeste ainsi la faculté de son âme rationnelle, sa volonté.

Les différentes passions se rattachent, suivant les scolastiques, à cette division ternaire des appétits de l’âme et elles s’engendrent elles-mêmes suivant un ordre déterminé. L’irascible suppose l’existence antérieure du concupiscible. La première passion sera donc l’amour. La seconde naît du refus de l’amour et c’est la haine. Si, au contraire l’amour peut se développer, alors naîtra l’une des deux autres passions, le désir de l’objet aimé ou l’aversion de l’objet haï. Le plaisir et la douleur sont les passions durables qui terminent le cycle du concupiscible. L’espoir du bien désiré amorce l’irascible, avec son contraire le désespoir. L’espoir engendre l’audace, tandis que du désespoir naît la crainte. La colère suit l’audace qui veut vaincre l’obstacle et se termine dans la joie ou la tristesse, suivant l’issue de la lutte.

Les passions ne sont en elles-mêmes ni entièrement bonnes ni entièrement mauvaises. Elles sont de puissants moteurs dont la raison peut. se servir à son usage. Mais si elles échappent à ce contrôle, elles peuvent dégénérer en véritables folies, telles que les a définies la psychiatrie moderne.

Entre les facultés de l’âme et les actes de l’homme s’introduisent les principes intérieurs d’action, les vertus pour les actes bons, les vices pour les actes mauvais. Les vertus et les vices sont ce qu’on appelle des habitus, c’est-à-dire des caractères permanents et efficaces, dont la nature seconde et durable recouvre la première nature. Étant des principes d’action, les vertus et les vices dépendent éminemment de la volonté.

On distingue d’abord les vertus morales, dont Aristote   nous a laissé la liste des dix principales : la force, la tempérance, la libéralité, la munificence, l’honneur, la magnanimité, la mansuétude, l’affabilité, la sincérité et l’enjouement. La tradition chrétienne en a retenu les sept vertus principales où elle distingue les quatre cardinales : prudence, tempérance, force et justice ; puis trois théologales : charité, espérance et foi.

Les vices sont aussi des habitus, des dispositions permanentes contraires à la nature et à la raison, et dont la qualité mauvaise qui les génère a reçu le nom de malice. Il y a sept vices principaux, dont trois intéressent le corps : la gourmandise, la luxure et la paresse et quatre l’âme : l’envie, la colère, l’avarice et l’orgueil. Les actes désordonnés qui en résultent, et qui ne correspondent pas à leur fin surnaturelle, ont reçu le nom de péchés.

Dans la partie purement intellectuelle de l’âme, on reconnaît l’intellect possible, qui est en puissance à l’égard de toutes les choses intelligibles et dont la connaissance- constitue la vertu intellectuelle. Puis l’intellect agent (ou actif) qui lui-même se manifeste spéculativement dans les vertus d’intelligence, de science et de sagesse et pratiquement dans les vertus de bon conseil, de jugement et de prudence.

TERNAIRE DE LA PERSONNE HUMAINE

EN HÉBREU EN GREC EN LATIN EN FRANÇAIS FACULTÉS OPÉRATIONS
Bâsâr Soma Corpus Corps Mémoire Sensation Souvenir
Néfès Psyché Anima Âme Volonté Passion Action
Rûah Nous Spiritus Esprit Intelligence Intuition Jugement

TERNAIRE DE L’AME

ÂME APPÉTITS PASSIONS FOLIES
Sensitive Concupiscible Amour-Haine; Désir-Aversion; Plaisir-Douleur Délire d’auto-accusation
Raisonnable (Raison) Joie-Tristesse Mythomanie
Active Irascible Espoir-Désespoir; Audace-Crainte; Colère Délire de revendication; Hyperémotivité; Folie érotique; Folie perverse

LA PSYCHOLOGIE SCOLASTIQUE

Toute cette architecture de l’âme est couronnée par ce que les traditions appellent l’esprit et ce que le dogme catholique nomme la grâce et les dons surnaturels du Saint-Esprit. Car pour atteindre la béatitude, il faut l’aide surnaturelle de l’acte pur qui se substitue alors à l’intellect agent.