Rosenzweig (Cahiers:48-52) – o tempo

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[…] Os eventos não acontecem no tempo, mas o próprio tempo é o evento. A sucessão dos três livros no primeiro volume foi completamente fortuita; qualquer uma das outras quatro possibilidades teria sido igualmente aceitável. A essência não quer ter nada a ver com o tempo. Mas no segundo volume, a sucessão não só é importante, como também é o que há de mais importante nessa parte da obra. Enquanto o pensamento tradicional colocava o problema de saber se Deus é transcendente ou imanente, o novo pensamento se esforça para determinar como e quando Deus deixa de ser distante para ser próximo e, inversamente, como e quando ele deixa de ser próximo para ser distante novamente. Enquanto a filosofia tradicional apresenta a alternativa do determinismo ou do indeterminismo, o novo modo de pensar segue o caminho da ação, partindo das determinações do caráter e da teia emaranhada de motivos, acompanhando o momento luminoso e único da graça quando a escolha é feita, para levar a uma necessidade além de toda liberdade; dessa forma, ele vai além dos limites dessa alternativa, que nos força a abandonar à humanidade ou uma porção distorcida do mundo ou um Deus disfarçado. A nova filosofia não faz nada menos do que transformar o “método” do senso comum em um método de pensamento rigoroso. Qual é a diferença entre o senso comum e o falso espírito que, como a filosofia tradicional, ou seja, a filosofia do “espanto filosófico” — espantar-se significa ficar petrificado -, cravou suas presas em um objeto que não quer largar até tê-lo completamente à sua mercê? O bom senso sabe como esperar, como seguir em frente com a vida; ele não tem “ideias fixas”, sabe que tudo vem para aqueles que esperam. Esse é o segredo da sabedoria da nova filosofia.

Launay

Que signifie donc raconter ? Celui qui raconte ne cherche pas à dire comment les choses se sont « véritablement » passées, mais cherche à rapporter ce qui est réellement arrivé. Même si le grand historien allemand [[Il s’agit de la célèbre définition de la tâche de l’historien donnée par Leopold von Ranke (1795-1886).]] emploie plutôt le premier que le second de ces adverbes dans la célèbre définition qu’il donne de ses intentions scientifiques, c’est le sens du second qu’il avait en tête. Celui qui raconte ne cherche jamais à montrer que les événements étaient en réalité tout autres — ce qui serait précisément l’indice de la méthode employée par le mauvais historien, obnubilé par les concepts ou avide de sensationnel —, il s’efforce au contraire de montrer comment tel ou tel événement, dont tout le monde connaît le nom ou ce qu’il recouvre, la Guerre de Trente ans, par exemple, ou la Réforme, s’est effectivement déroulé. Pour lui aussi, ce qui n’est qu’entité, nom ou notion, se décompose, mais non pas pour se transformer en une autre entité : on voit apparaître au contraire la réalité propre de l’événement, et, plus exactement, sa propre réalisation. Cet historien n’aura qu’à peine besoin d’utiliser des propositions prédicatives, tout au plus y aura-t-il recours au début de sa recherche en les mettant au passé ; son récit emploie bien sûr des substantifs, des termes se référant donc à une substance, or ce n’est pas sur eux que l’intérêt se portera, mais sur le verbe, c’est-à-dire sur le mot qui indique le temps.

En effet, le temps devient pour lui tout à fait réel. Ce n’est pas dans le temps qu’arrivent les événements, mais c’est le temps lui-même qui est l’événement. La succession des trois livres du premier volume était complètement fortuite, chacune des quatre autres possibilités eût été tout aussi acceptable. L’essence ne veut rien savoir du temps. Mais dans le second volume, non seulement la succession est importante, elle est proprement ce que cette partie de l’œuvre délivre de capital ; elle est à elle seule la pensée nouvelle dont je parlais au début de ce texte. Tandis que la pensée traditionnelle se posait le problème de savoir si Dieu est transcendant ou immanent, la pensée nouvelle s’efforce de déterminer de quelle manière et quand, de lointain, Dieu devient proche, et, à l’inverse, quand et comment, proche, il s’éloigne à nouveau. Tandis que la philosophie traditionnelle pose l’alternative déterminisme ou indéterminisme, la pensée nouvelle suit le chemin de l’action, partant des déterminations du caractère et de l’écheveau indémêlable des mobiles, accompagnant le moment de grâce, lumineux et unique, où s’effectue le choix, pour déboucher sur une nécessité située au-delà de toute liberté ; c’est ainsi qu’elle dépasse les limites de cette alternative contrainte d’abandonner aux hommes soit une portion dénaturée du monde, soit un Dieu déguisé. La philosophie nouvelle ne fait ici rien moins qu’ériger la « méthode » du sens commun en méthode de pensée rigoureuse. Où réside la différence entre le bon sens et l’esprit faux qui, tout comme la philosophie traditionnelle, c’est-à-dire la philosophie de l’ « étonnement philosophique » — s’étonner signifie être pétrifié —, plante ses crocs dans un objet qu’il ne veut pas lâcher tant qu’il ne l’a pas tout à fait à sa merci ? Le bon sens sait attendre, continuer à vivre ; il n’a pas d’« idée fixe », il sait que tout vient à point à qui sait attendre. Voilà le secret qui fait toute la sagesse de la philosophie nouvelle. Elle enseigne, pour le dire avec Goethe, à « comprendre au bon moment » :

Pourquoi si lointaine la vérité,
Enfouie et cachée au fond d’un abîme ?

Personne ne comprend au bon moment !
Et si l’on comprenait au bon moment :
Proche serait alors la vérité,
Deviendrait alors douce et agréable.

La pensée nouvelle, comme le plus archaïque sens commun, sait fort bien qu’elle ne peut rien connaître si elle s’émancipe de la tutelle du temps — ce que néanmoins la philosophie avait jusqu’ici considéré comme son plus haut titre de gloire. De même qu’on ne peut entreprendre une conversation en tournant le dos à son interlocuteur, ou une guerre en signant un traité de paix (ce que d’ailleurs regrettent les pacifistes), de même qu’on ne peut commencer à vivre en mourant — on ne peut, pour le meilleur et pour le pire, qu’apprendre, activement ou passivement, à attendre que la mort vienne, sans avoir le droit de sauter une seule seconde —, de même la connaissance est à chaque instant liée précisément à cet instant et ne peut faire que son passé ne soit pas révolu ou que son avenir ne soit pas à venir. Cela vaut pour les activités les plus quotidiennes et tout le monde sera alors d’accord avec ce que nous venons de dire. Chacun sait que, pour un médecin traitant par exemple, le traitement est présent, la maladie passée et le constat de décès à venir ; et on accordera qu’il serait absurde de vouloir, pour obéir aux manies de la connaissance intemporelle, exclure du diagnostic le savoir et l’expérience, de la thérapeutique l’audace et l’obstination, du pronostic la crainte et l’espoir. Personne ne s’imagine sérieusement non plus, lorsqu’on fait un achat, qu’on pourra regarder la marchandise avant l’achat, au moment où l’on a seulement envie de l’acquérir, du même œil qu’après, c’est-à-dire au moment où l’on regrettera de l’avoir achetée. C’est pourtant très exactement ce qui se passe au niveau des choses ultimes et suprêmes qu’on croit très généralement pouvoir connaître de manière internporelle. Ce que Dieu a fait, ce qu’il fait, ce qu’il fera ; ce qui est arrivé au monde et ce qui lui arrivera ; ce qui arrive à l’homme, ce qu’il fera — rien de tout cela ne peut être libéré de sa temporalité de sorte qu’on pût connaître, par exemple, le royaume à venir de Dieu comme l’on connaît la création, ou bien qu’on fût autorisé à porter le même regard sur la création et le Royaume futur ; de même, l’homme n’a pas davantage le droit de laisser carboniser en passé l’éclair de l’expérience qui n’est jamais que présent, pas davantage n’a-t-il le droit d’attendre que cet éclair jaillisse du futur — il n’est jamais que présent et l’attendre est le plus sûr moyen d’empêcher qu’il jaillisse ; de même encore, l’action humaine n’est acte que pour le temps pendant lequel elle s’effectue ; une fois accomplie, elle n’est plus qu’un simple événement, indistinct, parmi tous les autres.

Les moments de la réalité ne peuvent pas, eux, être confondus. Comme la réalité dans son ensemble, chaque événement singulier a son présent, son passé et son avenir sans lesquels il ne pourrait être connu ou ne le serait que défiguré. La réalité elle aussi a un passé, un avenir — un passé perpétuel et un avenir éternel. Connaître Dieu, le monde et l’homme, signifie connaître leurs actions au cours de ces moments de la réalité ou connaître ce qui leur arrive, leurs actions l’un sur l’autre, ce qui arrive à l’un à cause de l’autre. On présuppose ici que leur « être » est distinct, sans quoi ils ne pourraient nullement agir l’un sur l’autre ; si l’autre était « fondamentalement » identique à moi, comme le veut Schopenhauer, je ne pourrais précisément pas l’aimer, je n’aimerais que moi ; si Dieu était « en moi » ou s’il n’était que « mon moi supérieur » — ce genre d’expédient dogmatique pour garçon coiffeur, comme l’idée que Dieu serait le « grand Tout », on doit y souscrire lorsqu’on entre dans maints mouvements de jeunesse —, ce ne serait pas seulement une formulation inutilement obscure d’un rapport par ailleurs fort clair, mais cela impliquerait que ce Dieu eût difficilement quelque chose à me dire puisque je sais déjà ce que mon moi supérieur veut me communiquer ; et si un homme était « divin » — ce qu’a déclaré un professeur allemand saisi d’enthousiasme en voyant le manteau de Rabindranath Tagore —, la voie qui mène à Dieu, ouverte à tout homme, lui serait alors fermée. Voilà pourquoi il est important de présupposer une séparation de Γ « être » ; il n’en sera d’ailleurs plus question par la suite, car, au sein de la réalité, la seule dont nous ayons l’expérience, cette séparation est comblée, et tout ce dont nous faisons l’expérience n’est expérience que de semblables jonctions. Dieu lui-même se dissimule lorsque nous voulons le comprendre, l’homme, notre moi se ferment, le monde devient visible énigme. Dieu, l’homme, le monde ne s’ouvrent que dans leurs relations : dans la Création, la Révélation, la Rédemption.

Ce grand poème du monde sera raconté en utilisant trois temps. Il ne sera d’ailleurs relaté au sens propre que dans le premier livre, le livre du passé. Au présent, le récit cède le pas à une alternance immédiate dans le discours, car on ne peut parler à la troisième personne de gens présents, qu’il s’agisse des hommes ou de Dieu ; on ne peut que les écouter ou leur adresser la parole. Dans le livre de l’avenir, c’est la voix du chœur qui domine, car l’avenir embrasse aussi l’individu mais seulement lorsqu’il peut dire nous.

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