CATON. Vous paraissez, Scipion et Lélius, vous étonner d’une affaire qui n’a rien de compliqué : les gens qui n’ont en eux-mèmes aucune ressource pour vivre bien et avec bonheur [ad bene beateque vivendum] trouvent tout âge pénible ; mais ceux qui recherchent tous les biens en eux-mèmes ne peuvent considérer comme mauvais ce que la nécessité naturelle [naturae necessitas] leur apporte. Dans ce domaine on trouve avant tout la vieillesse, que tout le monde souhaite atteindre mais qu’on rejette quand on y est : beau résultat de l’inconséquence et de l’extravagance de notre faiblesse d’esprit ! Les gens disent qu’elle s’insinue plus vite qu’ils ne l’auraient estimé : mais qui les a forcés à se tromper dans leur estimation ? Comment en effet la vieillesse a-t-elle sournoisement remplacé la jeunesse, plus vite que la jeunesse n’avait remplacé l’enfance ? Et en quoi la vieillesse leur serait-elle moins pénible s’ils vivaient huit cents ans plutôt que quatre-vingts ? Si lentement que se soit écoulé le temps passé, aucune consolation ne pourrait adoucir une vieillesse privée de raison [stultam senectutem].
5. Si donc vous admirez souvent ma sagesse [sapientiam] (que je souhaite digne de votre opinion et de mon surnom !), voici en quoi nous sommes sages : nous suivons comme un dieu la direction indiquée par l’excellente nature et nous lui obéissons. De sa part, il n’est pas logique, alors que toutes les périodes de l’âge ont été si bien définies, que son dernier acte ait été négligé, comme par un poète sans art. Il a pourtant bien fallu qu’il y ait un dernier stade, flétri et périssable, comme pour les baies des arbres et les fruits de la terre, une fois leur maturité révolue, et le sage doit le supporter paisiblement. Refuser la nature, qu’est-ce d’autre que le combat des Géants contre les dieux ?