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quinta-feira 25 de janeiro de 2024

  

SIMBOLISMO
Jean-Claude Schmitt: La Raison des gestes dans l’occident médiéval
De l’Antiquité, la culture chrétienne a hérité d’un vocabulaire abstrait du geste. En latin, le mot central est gestus (-us), qui désigne, sans les distinguer, au sens large un mouvement ou une attitude du corps, et en un sens plus particulier le mouvement singulier d’un membre, avant tout de la main.

Gestus est construit sur la racine de gero, gerere, qui signifie faire et porter, d’où se porter, se comporter, faire des gestes. Au plan de l’étymologie, il n’y a pas de solution de continuité entre l’idée de geste (gestus) et l’idée d’action, de fait, et même d’histoire (gestum, pluriel gesta). De gestus dérive le verbe gestire, faire un geste, dont l’acception la plus fréquente est limitée aux gestes qui expriment une émotion, notamment un sentiment de joie : dès l’époque romaine, il est donné pour synonyme de « exulter », « se réjouir » et il garde ce sens dans le latin médiéval.

À partir du diminutif gesticulus, un petit geste, on trouve gesticularius, celui qui fait des gestes, le mime, et surtout gesticulatio, le geste abondant, jugé excessif et désordonné, pris en mauvaise part. Il est associé aux mimes et aux histrions.

Un autre mot important est motus (-us). Il peut être le synonyme de gestus, notamment dans l’expression très fréquente motus corporis, le mouvement du corps. Mais il peut aussi désigner plus largement toute espèce de mouvement (de la terre, des étoiles, d’un animal, de l’âme, etc.). Gestus et motus, dans l’une et l’autre acception, ont en grec, pour unique équivalent, le mot kinesis.

Dès l’étude du vocabulaire, nous rencontrons ainsi un problème majeur, qui résulte de la contradiction entre deux tendances opposées : d’un côté, le geste humain se distingue mal d’une conception plus vaste du mouvement, qui englobe tout l’ordre de la nature et fait dépendre le corps des forces qui gouvernent l’univers. Cette tendance, tout en se transformant au Moyen Âge, y restera très forte. D’un autre côté, la singularité du geste humain tend aussi à être reconnue ; le vocabulaire latin apporte dans ce sens une contribution essentielle, que la culture médiévale, en définissant beaucoup mieux encore ce qu’est un gestus, va amplifier de manière décisive. Il est remarquable, en effet, qu’en dépit de la fréquence du mot gestus dans la littérature latine antique aucun auteur classique, aucun grammairien familier d’étymologies (pas même Varron dans le De lingua latina) ne donne une véritable définition de ce mot. Les rhéteurs de la Basse Antiquité ne proposent qu’en termes extrêmement généraux l’équivalence gestus = motus corporis. Il faudra attendre l’époque carolingienne pour trouver une vraie définition de gestus.

D’autres mots se rencontrent encore : habitus, qui peut se traduire parfois par attitude (quand il ne désigne pas l’habit, le vêtement) et dont le grec skhema est tenu pour l’équivalent : nutus, signum, un signe, notamment gestuel ; vultus, l’expression du visage et surtout du regard ; incessus, la démarche. Le grec a aussi des mots particuliers, techniques, tels que neûma, qui a donné « neume » dans le système médiéval de notation musicale.

Enfin, l’importance des gestes de la main par rapport à tous les autres gestes attire l’attention sur les mots et les expressions qui leur sont propres. Ainsi le droit romain abonde-t-il en formules qui ont pour racine le mot manus et qui, par extension, désignent le pouvoir symbolisé par l’imposition de la main ou la prise en main (la plupart de ces expressions associent manus et le verbe capere, prendre).