Marejko (TM:147-152) – O mito Galileu

tradução parcial

Na mitologia da modernidade, o processo de Galileu constitui um dos mitos poderosos. Este processo em sua versão mítica, assinalaria um momento de inflexão na história do mundo, um momento em que um espírito independente se levantou face às forças das trevas. Há tão pouca verdade nesta imagem quanto no relato das experiências de Galileu na Torre de Pisa. Um dos melhores historiadores da atualidade (Pietro Redondi) fala da “proteção espetacular que o Papa Urbano VIII aportou a Galileu” (apud Marejko, 1989).

Além do mais, a mais cursiva leitura da mais modesta biografia de Galileu nos mostra ele profundamente ligado à Igreja e ajudado por numerosos eclesiásticos. Embora tenha sido interrogado pela Inquisição, jamais foi torturado e, durante sua confortável estadia em Roma quando deste interrogatório, ele tinha dois servidores, um para a mesa e outro para seu quarto.

Assim, apesar da propaganda contrária, a ciência moderna não é tanto o fruto de uma resistência do espírito de livre exame às pressões obscurantistas da tradição mas o fruto desta tradição mesma. É verdade que este fruto, em certo sentido, está envenenado, na medida que a ciência moderna nos põe em umuniverso desencantado”, não por nos conduzir por um caminho de conhecimento do universo, mas ao contrário, por um caminho de manipulação do universo.

original

Et si l’on a encore de la peine à accepter l’idée que l’empirisme ne joue qu’un rôle mineur dans la science moderne, il faut méditer un exemple que chacun devrait garder gravé dans son esprit pour toute discussion portant sur l’histoire des sciences et la connaissance de la nature (ou de l’univers). Il s’agit d’une anecdote en apparence fort banale, mais dans laquelle on peut sentir, avec un petit effort d’imagination, combien la science moderne est le fruit d’une extraordinaire aventure intellectuelle et non point seulement le bilan d’observations systématiques (empirisme).

La scène se passe au Danemark, patrie de Tycho Brahé, l’un des plus célèbres astronomes du XVIème siècle. Le 11 novembre 1572, Tycho Brahé retourne chez lui après une journée passée à faire des expériences de chimie (et d’alchimie). La nuit est claire et Tycho Brahé regarde machinalement le ciel comme il en a l’habitude. Juste au-dessus de sa tête, dans la constellation de Cassiopée, il note la présence d’une étoile qui brille plus que toutes les autres. Et comme il connaît par cœur la carte du ciel depuis son enfance (connaissance qui, selon lui, est facile à obtenir…) il se rend immédiatement compte qu’à l’emplacement où brille cette étoile il ne devrait, en fait, rien y avoir.

Pourquoi ne devrait-il rien y avoir à cet emplacement ? Parce que, à cette époque, comme nous venons de le voir, il y a, parmi les savants, accord unanime sur le fait que, dans les cieux, rien ne naît et rien ne meurt. Mais écoutons plutôt Tycho Brahé lui-même qui, dans un texte intitulé De nova stella, nous présente cet accord unanime :

Personne ne nie (et les faits eux-mêmes montrent qu’il en va ainsi) que dans les régions éthérées du monde céleste, aucun changement ne se produit au niveau de la génération et de la corruption ; les cieux et les corps célestes n’augmentent jamais de volume ni ne diminuent, et ils ne changent jamais leur nombre, leurs dimensions, leur brillance, ou quelque autre aspect que ce soit, de sorte qu’ils restent toujours les mêmes.1

Retenons cette formulation extraordinaire de la part d’un de ceux qui allait le plus fortement contribuer à faire s’écrouler l’idée d’une division du cosmos en deux zones distinctes : les faits eux-mêmes montrent qu’il en va ainsi. En réalité, les faits montrent rarement quelque chose, car, hors de l’organisation théorique dans laquelle on les inscrit, ils s’empilent dans l’insignifiance d’une accumulation monotone et indéfinie. En tout cas, les faits (nous le savons aujourd’hui) ne montraient rien du tout à l’époque de Tycho Brahé ou plutôt, ce qu’ils montraient allait être justement démenti dans les décennies qui suivirent. On peut être quasiment sûr qu’à chaque fois que quelqu’un s’exclame que… les faits montrent sans aucun doute possible que…. il faut se méfier. Les faits ne montrent presque rien et ne parlent jamais : c’est toujours l’homme qui les envisage d’un certain point de vue et qui les fait parler. Mais continuons plutôt notre histoire. [147]

Tycho Brahé en observant une étoile là où il n’y en avait jamais eu, commence évidemment par douter de ce qu’il voit. Il doute du message de ses sens. Il doute de ce que son corps lui dit qu’il y a là-haut, dans la constellation de Cassiopée.

Et il ne faudrait surtout pas s’exclamer, à ce point : “Vous voyez, Tycho Brahé aurait dû faire confiance à ses sens ! Il aurait dû être un empiriste ! Comme ça, il aurait immédiatement modifié sa carte du ciel sans se poser tant de questions !”

Pourquoi ne faut-il pas dire cela ? Parce que, si Tycho Brahé avait agi ainsi, il se serait comporté comme un parfait imbécile. Quand on a, comme Tycho Brahé, un minimum de culture scientifique, on n’observe pas un phénomène inhabituel impassiblement, comme une vache qui regarde passer un train. Surtout si ce phénomène vient contredire les fondements de notre représentation de la nature ! Et, bien entendu, pour se rendre compte qu’un phénomène nouveau contredit notre représentation de la nature, il faut d’abord être conscient de cette représentation, c’est-à-dire l’avoir ruminée longtemps pour en apprécier la cohérence et voir exactement ce qu’elle implique. Alors, seulement, nous pouvons comprendre que tel ou tel phénomène ne peut pas être rattaché à notre représentation du monde par quelque déduction que ce soit.

Il ne faut donc surtout pas croire que c’est en se vidant de toute théorie pour mieux observer les faits tels qu’ils sont que l’homme parvient à mieux voir la nature (à développer sa connaissance de la nature). D’abord parce qu’en se vidant de toute théorie, il se mettrait à ressembler à la vache évoquée plus haut, et, ensuite, parce qu’il ne pourrait plus percevoir de contradiction entre ce qu’il pense du monde et ce qu’il voit du monde. Or, c’est très exactement la prise de conscience de ce genre de contradiction qui fait avancer la science. Et c’est aussi très exactement l’aveuglement à ce genre de contradiction qui signale un profond abrutissement intellectuel. Réfléchissons un instant. Que serait, à nos yeux, un individu qui s’exclamerait (imaginons-le un peu pompeux et professoral) : Mesdames et Messieurs, il est bien connu que le cosmos est divisé en deux zones distinctes : dans l’une, rien ne naît ni ne meurt (les cieux) ; dans l’autre, au contraire, on trouve de la génération et de la corruption (sur la terre). Imaginez ensuite que cet individu rentre chez lui, comme Tycho Brahé, et qu’il voie une nova…, qu’il note peu après dans son journal : ce soir, vu une étoile nouvelle… et que la semaine suivante il répète sans hésitation devant ses étudiants : Mesdames et Messieurs, il est bien connu que… Un tel professeur manifesterait une incapacité profonde à comparer ce qu’il pense (ou plutôt ce qu’on lui a dit qu’il fallait penser de l’univers) à ce qu’il voit ou à ce qui arrive autour de lui. Une telle incapacité est bien évidemment un signe d’abrutissement intellectuel.

En revanche, il y a déjà beaucoup plus d’intelligence chez celui qui se dit, devant un fait qui bouleverse ce qu’il pense de l’univers, qu’il s’agit d’une illusion. Car au moins il se rend vaguement compte que s’il prenait ce fait au sérieux, il devrait reconsidérer tout ce qu’il a pensé jusqu’à ce jour.

Gaston Bachelard appelait un tel fait un fait polémique (polemos = guerre). Ce qui ne peut pas être inscrit dans les chaînes de déductions logiques issues d’une représentation du monde (ou d’une hypothèse sur la [148] nature du monde) semble être effectivement une véritable violation du territoire psychique où s’est constituée notre représentation du monde. Mais dire que ce fait est perçu, c’est déjà trop dire, car un fait polémique tel que la nova de Tycho Brahé, est le plus souvent rejeté avant même d’avoir pu être pris en considération. A moins…

1) que celui qui perçoit un fait polémique ne se dise qu’il est victime d’une illusion. Nous avons vu qu’il y a là un signe d’intelligence puisque vouloir qu’un fait n’existe pas c’est avouer que s’il existait vraiment il serait très gênant. Un tel aveu signale la conscience naissante d’une contradiction entre ce qui est perçu et ce qui est pensé du monde.

2) que celui qui perçoit un fait polémique ne se dise que sa représentation du monde est fausse. Cela se produit rarement. La plupart des hommes (y compris les hommes de science) ont en effet tendance à se dire, devant un fait qui contredit leur représentation du monde, qu’il s’agit d’une illusion. Car remettre en question sa représentation du monde n’est pas une mince affaire. C’est même une affaire très pénible ! Il y a déjà quarante ans que vous enseignez la physique à l’Université de Padoue ; des générations d’étudiants ont pieusement écouté vos admirables conférences sur la chute des corps ; une élégante duchesse vous a même fait l’honneur de vous inviter dans son salon pour que vous lui exposiez la philosophie aristotélicienne de la nature ; votre réputation va grandissant ; on chuchote même que le Roi de France veut vous offrir un poste grassement rémunéré à la Sorbonne. Et voilà qu’un petit ahuri du nom de Galileo Galilei, risque de tout flanquer par terre avec ses théories bizarres sur la chute des corps et un nouveau système du monde. Non mais…

Et il y a bien d’autres raisons (plus inhibitrices encore que des questions de prestige ou de revenu) qui rendent extrêmement difficile une remise en question des principes scientifiques qui nous ont été enseignés et qui nous ont permis d’élaborer une certaine image du monde. […] […]

Pour l’instant, revenons à cette nuit du 11 novembre, au moment où l’astronome danois se dit qu’il ne devrait rien y avoir là où il a vu quelque chose, au moment où il se dit qu’il est victime d’une illusion. Il se tourne alors vers les serviteurs qui l’accompagnent et leur demande s’ils voient eux aussi une étoile à la place qu’il leur indique. Et, bien qu’ils répondent par l’affirmative, Tycho ne peut pas encore admettre la présence d’une étoile nouvelle. Il demande alors à des paysans qui passent par là s’ils voient eux aussi une étoile à cet emplacement. Comme leur réponse est elle aussi affirmative, il commence enfin à se dire que peut-être ses sens ne le trompent pas.

Le plus intéressant est qu’en rendant compte de cette expérience, Tycho Brahé ne pourra s’empêcher de comparer l’apparition d’une étoile nouvelle à un miracle à mettre dans la même catégorie que les miracles racontés par la Bible : l’arrêt du soleil en réponse à la prière de Josué ou l’obscurcissement du soleil le jour de la crucifixion. Pourquoi est-ce un miracle ? La réponse est simple : parce que l’apparition d’une étoile nouvelle transcende les lois de la nature.

Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette expression : telle ou telle chose ne peut se produire parce que les lois de la nature l’interdisent ! Il vaut toujours la peine de se souvenir de Tycho Brahé lorsqu’on entend cette expression. Non pas pour rejeter ce que nous dit la science de la nature, mais pour garder bien présent à l’esprit qu’en dernière analyse notre science n’est probablement pas plus absolue que la science officielle au XVIIème siècle. C’est seulement avec de nouvelles générations capables d’une distance critique envers le discours scientifique que le progrès scientifique continuera. En revanche, avec des élèves qui croient que les manuels scientifiques énoncent des propos vrais pour les siècles des siècles, le progrès s’arrêtera… Bien entendu, pour douter de la validité d’un discours scientifique, il faut l’avoir d’abord bien compris, afin de saisir ce qu’il implique et de pouvoir ainsi comparer le système hypothético-déductif qu’il constitue, à la réalité [150] perçue. Peu d’hommes sont capables de telles comparaisons. Elles exigent en effet un effort intellectuel considérable, beaucoup de temps, de passion, et un courage hors du commun pour persévérer dans les moments de découragement.

Mais même cela ne suffit peut-être pas. D’après plusieurs historiens des sciences, en effet, il faut encore quelque chose de plus. Aussi surprenant que cela paraisse, il faut, semble-t-il, une religion de type judéo-chrétien pour qu’une science moderne de la nature se constitue. Le plus intéressant est que cette thèse est maintenant soutenue aussi bien par des auteurs athées, marxistes ou chrétiens. Toutefois cette thèse est encore peu connue car, ici aussi, la propagande du siècle des Lumières en faveur d’une raison indépendante de toute parole révélée a fait son travail. Elle a accrédité la thèse exactement inverse à celle que nous allons développer, à savoir que l’obscurantisme de l’Eglise aurait étouffé les audacieux élans de l’esprit vers une connaissance objective de la nature. A cet égard, le procès de Galilée constitue un mythe aussi puissant que celui de l’état de nature. Dans la mythologie de la modernité, ce procès signalerait un moment charnière dans l’histoire du monde, un moment où un esprit indépendant se serait dressé face aux forces des ténèbres. Il y a aussi peu de vérité dans cette image que dans l’histoire de la Tour de Pise. L’un des meilleurs historiens d’aujourd’hui parle de la… protection spectaculaire que le Pape Urbain VIII avait apporté à Galilée. 2

En outre, la plus cursive lecture de la plus modeste biographie de Galilée nous le montre profondément attaché à l’Eglise et aidé par de nombreux ecclésiastiques. Bien qu’il ait été interrogé par l’Inquisition, il n’a jamais été torturé et, durant son confortable séjour à Rome lors de cet interrogatoire, il avait deux serviteurs, l’un pour la table et l’autre pour sa chambre.3

Au-delà de la pure propagande et des mensonges, ce qu’il faut d’abord voir dans le rejet de la révélation au profit du libre-examen pour l’étude de la nature, c’est une farouche et fort légitime volonté d’indépendance. Nous avons déjà souligné la justesse des protestations contre le psittacisme aristotélicien de la fin du XVIème siècle. Mais il faut craindre que cette volonté d’indépendance n’ait conduit à jeter le bébé avec l’eau du bain. Car, dans l’image qu’on se fait encore aujourd’hui du rejet de l’aristotélisme, ce n’est pas qu’une volonté d’indépendance envers l’esprit d’Aristote ou de saint Thomas qui se manifeste, mais une volonté d’indépendance envers tout esprit, quel qu’il soit. Dans la mythologie moderne, la perfection de l’idéal scientifique est un savoir qui ne devrait rien à l’échange de paroles entre deux esprits, et qui devrait tout à une observation méticuleuse (empirique) de la nature. Or, d’un savoir qui ne devrait rien à un échange verbal ou spirituel et qui, en outre, n’encouragerait pas non plus un tel échange, on peut se demander s’il mérite encore le nom de savoir. Un homme livré à ses seuls [151] sens n’est plus, comme nous l’avons souvent souligné, que l’équivalent d’un animal ou d’une machine automatique dans un champ de forces qu’il décode avec plus ou moins d’habileté. Un tel décodage n’a rien de commun avec une connaissance.

Cela dit, voyons maintenant pourquoi la tradition judéo-chrétienne semble indispensable à une science post-galiléenne de la nature.

Il suffit de songer à Tycho Brahé pour le deviner. Rappelons qu’il n’est parvenu à remettre profondément en question sa vision du cosmos qu’en postulant tout d’abord un miracle en présence d’une nova. Postuler un miracle, c’est très exactement supposer que l’esprit divin suspend pour un instant les lois de sa création. Un tel postulat est strictement impossible dans un climat religieux où l’esprit qui habite la nature est immergé dans cette nature et ne l’a pas créée. Un tel esprit peut éventuellement provoquer des perturbations dans le grand système du cosmos, mais il ne peut pas perturber ce système lui-même. Tandis qu’avec un esprit créateur, nous avons affaire à un esprit qui est extérieur au cosmos et donc indépendant de lui.

  1. Tychonis Brahe Dani opera omnia. Edidit J.L.E. Dreyer. Auxilio Joannis Raeder ; Copenhagen, 1913-1929,vol.l,p. 16.[]
  2. Pietro Redondi, Galilée hérétique, Paris : Gallimard, 1985, p. 276.[]
  3. Rapporté par Giorgio de Santillana, The Crime of Galileo, London : Heinemann, 1958.[]

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