Pascal (Pensées) – homem

(BPP)

Il se contente de cela, car il voit qu’il ne se trompait pas, et qu’il manquait seulement à voir tous les côtés ; or on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne veut pas [s’]être trompé ; et peut-être que cela vient de ce que naturellement l’homme ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne se peut tromper dans le côté qu’il envisage ; comme les appréhensions des sens sont toujours vraies. I 9

Elle consiste donc dans une correspondance qu’on tâche d’établir entre l’esprit et le cœur de ceux à qui l’on parle d’un côté, et de l’autre les pensées et les expressions dont on se sert ; ce qui suppose qu’on aura bien étudié le cœur de l’homme pour en savoir tous les ressorts, et pour trouver ensuite les justes proportions du discours qu’on veut y assortir. I 16

Symétrie, en ce qu’on voit d’une vue, fondée sur ce qu’il n’y a pas de raison de faire autrement : et fondée aussi sur la figure de l’homme, d’où il arrive qu’on ne veut la symétrie qu’en largeur, non en hauteur ni profondeur. I 28

Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi, car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. I 29

Au lieu que ceux qui ont le goût bon, et qui en voyant un livre croient trouver un homme, sont tout surpris de trouver un auteur : Plus poetice quam humane locutus es. I 29

Poète et non honnête homme. I 30

C’est donc une fausse louange qu’on donne à un homme quand on dit de lui, lorsqu’il entre, qu’il est fort habile en poésie ; et c’est une mauvaise marque, quand on n’a pas recours à un homme quand il s’agit de juger de quelques vers. I 34

Il faut qu’on n’en puisse [dire], ni « il est mathématicien », ni « prédicateur », ni « éloquent », mais « il est honnête homme ». I 35

Quand en voyant un homme on se souvient de son livre, c’est mauvais signe ; je voudrais qu’on ne s’aperçût d’aucune qualité que par la rencontre et l’occasion d’en user (Ne quid nimis ), de peur qu’une qualité ne l’emporte, et ne fasse baptiser ; qu’on ne songe point qu’il parle bien, sinon quand il s’agit de bien parler, mais qu’on y songe alors. I 35

L’homme est plein de besoins ; il n’aime que ceux qui peuvent les remplir tous. « I 36

Il faut donc un honnête homme qui puisse s’accommoder à tous mes besoins généralement. I 36

Poète et non honnête homme. I 38

L’homme aime la malignité ; mais ce n’est pas contre les borgnes ou les malheureux, mais contre les heureux superbes. I 41

Première partie : Misère de l’homme sans Dieu. II 60

Seconde partie : Félicité de l’homme avec Dieu. II 60

Disproportion de l’homme. – [ II 72

Si celles-là ne sont véritables, il n’y a point de vérité dans l’homme ; et si elles le sont, il y trouve un grand sujet d’humiliation, forcé à s’abaisser d’une ou d’autre manière. II 72

Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. II 72

Que l’homme, étant revenu à soi, considère ce qu’il est au prix de ce qui est ; qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix. II 72

Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates. II 72

Car enfin, qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. II 72

Ce milieu qui nous est échu en partage étant toujours distant des extrêmes, qu’importe qu’un homme ait un peu plus d’intelligence des choses ? S’il en a, il les prend un peu de plus haut. II 72

Si l’homme s’étudiait le premier, il verrait combien il est incapable de passer outre. II 72

L’homme, par exemple, a rapport à tout ce qu’il connaît. II 72

Il faut donc, pour connaître l’homme, savoir d’où vient qu’il a besoin d’air pour subsister ; et pour connaître l’air, savoir par où il a ce rapport à la vie de l’homme, etc. II 72

L’homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature ; car il ne peut concevoir ce que c’est que corps, et encore moins ce que c’est qu’esprit, et moins qu’aucune chose comme un corps peut être uni avec un esprit. II 72

C’est cette partie décevante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l’était infaillible du mensonge. II 82

Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l’homme une seconde nature. II 82

Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le Grand Seigneur environné, dans son superbe sérail, de quarante mille janissaires. II 82

Il n’est pas permis au plus équitable homme du monde d’être juge en sa cause ; j’en sais qui, pour ne pas tomber dans cet amour-propre, ont été les plus injustes du monde à contre-biais : le moyen sûr de perdre une affaire toute juste était de la leur faire recommander par leurs proches parents. II 82

[L’homme est donc si heureusement fabriqué qu’il n’a aucun pr[incipe] juste du vrai et plusieurs excellents du faux. II 82

L’homme n’est qu’un sujet plein d’erreur, naturelle et ineffaçable sans la grâce. II 83

La nature de l’homme est tout nature, omne animal. II 94

C’est la coutume qui fait donc cela, car elle contraint la nature ; et quelquefois la nature la surmonte, et retient l’homme dans son instinct, malgré toute coutume, bonne ou mauvaise. II 97

Il n’y a que ce seul homme au monde qu’elle nous ordonne de désabuser, et elle l’oblige à un secret inviolable, qui fait que cette connaissance est dans lui comme si elle n’y était pas. II 100

Peut-on s’imaginer rien de plus charitable et de plus doux ? Et néanmoins la corruption de l’homme est telle, qu’il trouve encore de la dureté dans cette loi ; et c’est une des principales raisons qui a fait révolter contre l’Église une grande partie de l’Europe. II 100

Que le cœur de l’homme est injuste et déraisonnable, pour trouver mauvais qu’on l’oblige de faire à l’égard d’un homme ce qu’il serait juste, en quelque sorte, qu’il fît à l’égard de tous les hommes ! Car est-il juste que nous les trompions ? Il y a différents degrés dans cette aversion pour la vérité ; mais on peut dire qu’elle est dans tous en quelque degré, parce qu’elle est inséparable de l’amour-propre. II 100

L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres. II 100

On croit toucher des orgues ordinaires, en touchant l’homme. II 111

La théologie est une science, mais en même temps combien est-ce de sciences ? Un homme est un suppôt ; mais si on l’anatomise, sera-ce la tête, le cœur, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang ? Une ville, une campagne, de loin est une ville et une campagne ; mais, à mesure qu’on s’approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmis, à l’infini. II 115

Que de natures en celle de l’homme ! que de vacations ! Et par quel hasard chacun prend d’ordinaire ce qu’il a ouï estimer ! Talon bien tourné. II 116

L’homme est naturellement crédule, incrédule, timide, téméraire. II 125

Description de l’homme : dépendance, désir d’indépendance, besoin. II 126

Condition de l’homme : inconstance, ennui, inquiétude. II 127

Un homme vit avec plaisir en son ménage : qu’il voie une femme qui lui plaise, qu’il joue cinq ou six jours avec plaisir ; le voilà misérable s’il retourne à sa première occupation. II 128

Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. II 131

Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. II 139

[Dire à un homme qu’il vive en repos, c’est lui dire qu’il vive heureux ; c’est lui conseiller d’avoir une condition tout heureuse et laquelle il puisse considérer à loisir, sans y trouver sujet d’affliction ; c’est lui conse[iller]… Ce n’est donc pas entendre la nature. II 139

[Ainsi on se prend mal pour les blâmer ; leur faute n’est pas en ce qu’ils cherchent le tumulte, s’ils ne le cherchaient que comme un divertissement ; mais le mal est qu’ils le recherchent comme si la possession des choses qu’ils recherchent les devait rendre véritablement heureux, et c’est en quoi on a raison d’accuser leur recherche de vanité ; de sorte qu’en tout cela et ceux qui blâment et ceux qui sont blâmés n’entendent la véritable nature de l’homme.] II 139

Ainsi l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait même sans aucune cause d’ennui, par l’état propre de sa complexion ; et il est si vain, qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre chose, comme un billard et une balle qu’il pousse, suffisent pour le divertir. II 139

Tel homme passe sa vie sans ennui en jouant tous les jours peu de chose. II 139

D’où vient que cet homme qui a perdu depuis peu de mois son fils unique, et qui, accablé de procès et de querelles, était ce matin si troublé, n’y pense plus maintenant ? Ne vous en étonnez point : il est tout occupé à voir par où passera ce sanglier que les chiens poursuivent avec tant d’ardeur depuis six heures. II 139

L’homme, quelque plein de tristesse qu’il soit, si on peut gagner sur lui de le faire entrer en quelque divertissement, le voilà heureux pendant ce temps-là ; et l’homme, quelque heureux qu’il soit, s’il n’est diverti et occupé par quelque passion ou quelque amusement qui empêche l’ennui de se répandre, sera bientôt chagrin et malheureux. II 139

Cet homme né pour connaître l’univers, pour juger de toutes choses, pour régir tout un État, le voilà occupé et tout rempli du soin de prendre un lièvre ! Et s’il ne s’abaisse à cela et veuille toujours être tendu, il n’en sera que plus sot, parce qu’il voudra s’élever au-dessus de l’humanité, et il n’est qu’un homme, au bout du compte, c’est-à-dire capable de peu et de beaucoup, de tout et de rien : il est ni ange ni bête, mais homme.] II 140

La dignité royale n’est-elle pas assez grande d’elle-même pour celui qui la possède, pour le rendre heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra-t-il le divertir de cette pensée, comme les gens du commun ? Je vois bien que c’est rendre un homme heureux, de le divertir de la vue de ses misères domestiques pour remplir toute sa pensée du soin de bien danser. II 142

Que le cœur de l’homme est creux et plein d’ordure ! J’avais passé longtemps dans l’étude des sciences abstraites ; et le peu de communication qu’on en peut avoir m’en avait dégoûté. II 143

Quand j’ai commencé l’étude de l’homme, j’ai vu que ces sciences abstraites ne sont pas propres à l’homme, et que je m’égarais plus de ma condition en y pénétrant que les autres en les ignorant. II 144

Mais j’ai cru trouver au moins bien des compagnons en l’étude de l’homme et que c’est la vraie étude qui lui est propre. II 144

Ce n’est que manque de savoir étudier cela qu’on cherche le reste ; mais n’est-ce pas que ce n’est pas encore là la science que l’homme doit avoir, et qu’il lui est meilleur de s’ignorer pour être heureux ? Une seule pensée nous occupe, nous ne pouvons penser à deux choses à la fois : dont bien nous prend selon le monde, non selon Dieu. II 144

L’homme est visiblement fait pour penser ; c’est toute sa dignité et tout son métier ; et tout son devoir est de penser comme il faut. II 146

à se battre, à se faire roi, sans penser à ce que c’est qu’être roi, et qu’être homme. II 146

La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme, qu’un soldat, un goujat, un cuisinier, un crocheteur se vante et peut avoir ses admirateurs ; et les philosophes mêmes en veulent ; et ceux qui écrivent contre veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit ; et ceux qui le lisent veulent avoir la gloire de l’avoir lu ; et moi qui écris ceci, ai peut-être cette envie ; et peut-être que ceux qui le liront… La gloire. – II 150

L’éternuement absorbe toutes les fonctions de l’âme, aussi bien que la besogne ; mais on n’en tire pas les mêmes conséquences contre la grandeur de l’homme, parce que c’est contre son gré. II 160

Et quoiqu’on se le procure, néanmoins c’est contre son gré qu’on se le procure ; ce n’est pas en vue de la chose même, c’est pour une autre fin : et ainsi ce n’est pas une marque de la faiblesse de l’homme, et de sa servitude sous cette action. II 160

Il n’est pas honteux à l’homme de succomber sous la douleur, et il lui est honteux de succomber sous le plaisir. II 160

D’où vient donc qu’il est glorieux à la raison de succomber sous l’effort de la douleur, et qu’il lui est honteux de succomber sous l’effort du plaisir ? C’est que ce n’est pas la douleur qui nous tente et nous attire ; c’est nous-mêmes qui volontairement la choisissons et voulons la faire dominer sur nous ; de sorte que nous sommes maîtres de la chose ; et en cela c’est l’homme qui succombe à soi-même ; mais, dans le plaisir, c’est l’homme qui succombe au plaisir. II 160

Qui voudra connaître à plein la vanité de l’homme n’a qu’à considérer les causes et les effets de l’amour. II 162

Si l’homme était heureux, il le serait d’autant plus qu’il serait moins diverti, comme les saints et Dieu. – II 170

Salomon et Job ont le mieux connu et le mieux parlé de la misère de l’homme : l’un le plus heureux, et l’autre le plus malheureux ; l’un connaissant la vanité des plaisirs par expérience, l’autre la réalité des maux. II 174

Vénérable, parce qu’elle a bien connu l’homme ; aimable, parce qu’elle promet le vrai bien. III 187

Où peut-on prendre ces sentiments ? Quel sujet de joie trouve-t-on à n’attendre plus que des misères sans ressource ? Quel sujet de vanité de se voir dans des obscurités impénétrables, et comment se peut-il faire que ce raisonnement se passe dans un homme raisonnable ? « Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même ; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses ; je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste. III 1941

Qui souhaiterait d’avoir pour ami un homme qui discourt de cette manière ? Qui le choisirait entre les autres pour lui communiquer ses affaires ? Qui aurait recours à lui dans ses afflictions ? Et enfin à quel usage de la vie on le pourrait destiner ? En vérité, il est glorieux à la religion d’avoir pour ennemis des hommes si déraisonnables ; et leur opposition lui est si peu dangereuse, qu’elle sert au contraire à l’établissement de ses vérités. III 1941

Rien n’est si important à l’homme que son état ; rien ne lui est si redoutable que l’éternité. III 1941

Ils sont tout autres à l’égard de toutes les autres choses : ils craignent jusqu’aux plus légères, ils les prévoient, ils les sentent ; et ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui-là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. III 1941

Il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature de l’homme pour faire gloire d’être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu’une seule personne puisse être. III 1941

Rien n’accuse davantage une extrême faiblesse d’esprit que de ne pas connaître quel est le malheur d’un homme sans Dieu ; rien ne marque davantage une mauvaise disposition du cœur que de ne pas souhaiter la vérité des promesses éternelles ; rien n’est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. III 1941

La sensibilité de l’homme aux petites choses et l’insensibilité pour les grandes choses, marque d’un étrange renversement. III 198

Un homme dans un cachot, ne sachant si son arrêt est donné, n’ayant plus qu’une heure pour l’apprendre, cette heure suffisant, s’il sait qu’il est donné, pour le faire révoquer, il est contre nature qu’il emploie cette heure-là, non à s’informer si l’arrêt est donné, mais à jouer au piquet. III 200

Ainsi, il est surnaturel que l’homme, etc. III 200

Craindre la mort hors du péril, et non dans le péril ; car il faut être homme. III 215

– Si ce discours vous plaît et vous semble fort, sachez qu’il est fait par un homme qui s’est mis à genoux auparavant et après, pour prier cet Être infini et sans parties, auquel il soumet tout le sien, de se soumettre aussi le vôtre pour votre propre bien et pour sa gloire ; et qu’ainsi la force s’accorde avec cette bassesse. III 233

N’y aura-t-il point une règle pour juger des hommes ? Nier, croire, et douter bien, sont à l’homme ce que le courir est au cheval. IV 260

Et ils entendent dire dans notre religion qu’il ne faut aimer que Dieu, et ne haïr que soi-même ; mais qu’étant tous corrompus, et incapables de Dieu, Dieu s’est fait homme pour s’unir à nous. IV 286

Se peut-il rien de plus plaisant, qu’un homme ait droit de me tuer parce qu’il demeure au-delà de l’eau, et que son prince a querelle contre le mien, quoique je n’en aie aucune avec lui ? Il y a sans doute des lois naturelles ; mais cette belle raison corrompue a tout corrompu : Nihil amplius nostrum est ; quod nostrum dicimus, artis est. V 294

Quand il est question de juger si on doit faire la guerre et tuer tant d’hommes, condamner tant d’Espagnols à la mort, c’est un homme seul qui en juge et encore intéressé : ce devrait être un tiers indifférent. V 296

Cela est admirable : on ne veut pas que j’honore un homme vêtu de brocatelle et suivi de sept ou huit laquais ! Eh quoi ! il me fera donner les étrivières si je ne le salue. V 315

Que la noblesse est un grand avantage, qui, dès dix-huit ans, met un homme en passe, connu et respecté, comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans. V 322

Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. V 323

Mais cela est très souhaitable, à cause des autres biens essentiels qui y sont joints ; et un homme qui a reçu un soufflet sans s’en ressentir est accablé d’injures et de nécessités ; 4° Travailler pour l’incertain ; aller sur la mer ; passer sur une planche. V 324

La coutume, sans cela, passerait pour tyrannie ; mais l’empire de la raison et de la justice n’est non plus tyrannique que celui de la délectation ; ce sont les principes naturels à l’homme. V 325

Le monde juge bien des choses, car il est dans l’ignorance naturelle, qui est le vrai siège de l’homme. V 327

Nous avons donc montré que l’homme est vain, par l’estime qu’il fait des choses qui ne sont point essentielles ; et toutes ces opinions sont détruites. V 328

La faiblesse de l’homme est la cause de tant de beautés qu’on établit, comme de savoir bien jouer du luth. V 329

Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). VI 339

Mais je ne puis concevoir l’homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. VI 339

Pensée fait la grandeur de l’homme. VI 346

L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. VI 347

Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui ; l’univers n’en sait rien. VI 347

Ce que peut la vertu d’un homme ne se doit pas mesurer par ses efforts, mais par son ordinaire. VI 352

La nature de l’homme n’est pas d’aller toujours, elle a ses allées et venues. VI 354

L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. VI 358

Toute la dignité de l’homme consiste en la pensée. VI 365

Mais il est bon qu’il y ait tant de ces gens-là au monde, qui ne soient pas pyrrhoniens, pour la gloire du pyrrhonisme, afin de montrer que l’homme est bien capable des plus extravagantes opinions, puisqu’il est capable de croire qu’il n’est pas dans cette faiblesse naturelle et inévitable, et de croire qu’il est, au contraire, dans la sagesse naturelle. VI 374

Cette secte se fortifie par ses ennemis plus que par ses amis ; car la faiblesse de l’homme paraît bien davantage en ceux qui ne la connaissent pas qu’en ceux qui la connaissent. VI 376

Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante ! Car ce n’est pas là le langage d’un homme à qui on dispute son droit, et qui le défend les armes et la force à la main. VI 388

L’Ecclésiaste montre que l’homme sans Dieu est dans l’ignorance de tout, et dans un malheur inévitable. VI 389

Deux choses instruisent l’homme de toute sa nature : l’instinct et l’expérience. VI 396

La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable. VI 397

Il n’y a que l’homme de misérable. VI 399

Grandeur de l’homme. – VI 400

Nous avons une si grande idée de l’âme de l’homme, que nous ne pouvons souffrir d’en être méprisés, et de n’être pas dans l’estime d’une âme ; et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime. VI 400

Grandeur de l’homme dans sa concupiscence même, d’en avoir su tirer un règlement admirable, et d’en avoir fait un tableau de la charité. VI 402

Les raisons des effets marquent la grandeur de l’homme, d’avoir tiré de la concupiscence un si bel ordre. VI 403

La plus grande bassesse de l’homme est la recherche de la gloire, mais c’est cela même qui est la plus grande marque de son excellence ; car, quelque possession qu’il ait sur la terre, quelque santé et commodité essentielle qu’il ait, il n’est pas satisfait, s’il n’est dans l’estime des hommes. VI 404

Il estime si grande la raison de l’homme, que, quelque avantage qu’il ait sur la terre, s’il n’est placé avantageusement aussi dans la raison de l’homme, il n’est pas content. VI 404

C’est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme. VI 404

Et ceux qui méprisent le plus les hommes, et les égalent aux bêtes, encore veulent-ils en être admirés et crus, et se contredisent à eux-mêmes par leur propre sentiment ; leur nature, qui est plus forte que tout, les convainquant de la grandeur de l’homme plus fortement que la raison ne les convainc de leur bassesse. VI 404

La grandeur de l’homme. – VI 409

La grandeur de l’homme est si visible, qu’elle se tire même de sa misère. VI 409

Car ce qui est nature aux animaux, nous l’appelons misère en l’homme ; par où nous reconnaissons que sa nature étant aujourd’hui pareille à celle des animaux, il est déchu d’une meilleure nature, qui lui était propre autrefois. VI 409

Guerre intestine de l’homme entre la raison et les passions. VI 412

La nature de l’homme se considère en deux manières : l’une selon sa fin, et alors il est grand et incomparable ; l’autre selon la multitude, comme on juge de la nature du cheval et du chien, par la multitude, d’y voir la course, et animum arcendi ; et alors l’homme est abject et vil. VI 415

Ils se sont portés les uns sur les autres par un cercle sans fin : étant certain qu’à mesure que les hommes ont de lumières, ils trouvent et grandeur et misère en l’homme. VI 416

En un mot, l’homme connaît qu’il est misérable : il est donc misérable, puisqu’il l’est ; mais il est bien grand, puisqu’il le connaît. VI 416

Cette duplicité de l’homme est si visible, qu’il y en a qui ont pensé que nous avions deux âmes. VI 417

Il est dangereux de trop faire voir à l’homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. VI 418

Il ne faut pas que l’homme croie qu’il est égal aux bêtes, ni aux anges, ni qu’il ignore l’un et l’autre, mais qu’il sache l’un et l’autre. VI 418

Je blâme également, et ceux qui prennent parti de louer l’homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir ; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant. VI 421

Après avoir montré la bassesse et la grandeur de l’homme. – VI 423

Que l’homme maintenant s’estime son prix. VI 423

Je voudrais donc porter l’homme à désirer d’en trouver, à être prêt, et dégagé des passions, pour la suivre où il la trouvera, sachant combien sa connaissance s’est obscurcie par les passions ; je voudrais bien qu’il haït en soi la concupiscence qui le détermine d’elle-même, afin qu’elle ne l’aveuglât point pour faire son choix, et qu’elle ne l’arrêtât point quand il aura choisi. VI 423

Que l’homme sans la foi ne peut connaître le vrai bien, ni la justice. – VII 4251

Et leur raison est que ce désir étant naturel à l’homme puisqu’il est nécessairement dans tous, et qu’il ne peut pas ne le pas avoir, ils en concluent… La vraie nature étant perdue, tout devient sa nature ; comme, le véritable bien étant perdu, tout devient son véritable bien. VII 4251

L’homme ne sait à quel rang se mettre. VII 427

Bassesse de l’homme, jusqu’à se soumettre aux bêtes, jusqu’à les adorer. VII 429

Les grandeurs et les misères de l’homme sont tellement visibles, qu’il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu’il y a quelque grand principe de grandeur en l’homme, et qu’il y a un grand principe de misère. VII 430

Il faut que, pour rendre l’homme heureux, elle lui montre qu’il y a un Dieu ; qu’on est obligé de l’aimer ; que notre vraie félicité est d’être en lui, et notre unique mal d’être séparé de lui ; qu’elle reconnaisse que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connaître et de l’aimer ; et qu’ainsi nos devoirs nous obligeant d’aimer Dieu, et nos concupiscences nous en détournant, nous sommes pleins d’injustice. VII 430

Sera-ce les philosophes, qui nous proposent pour tout bien les biens qui sont en nous ? Est-ce là le vrai bien ? Ont-ils trouvé le remède à nos maux ? Est-ce avoir guéri la présomption de l’homme que de l’avoir mis à l’égal de Dieu ? Ceux qui nous ont égalés aux bêtes, et les mahométans qui nous ont donné les plaisirs de la terre pour tout bien, même dans l’éternité, ont-ils apporté le remède à nos concupiscences ? Quelle religion nous enseignera donc à guérir l’orgueil et la concupiscence ? Quelle religion enfin nous enseignera notre bien, nos devoirs, les faiblesses qui nous en détournent, la cause de ces faiblesses, les remèdes qui les peuvent guérir, et le moyen d’obtenir ces remèdes ? Toutes les autres religions ne l’ont pu. VII 430

J’ai créé l’homme saint, innocent, parfait, je l’ai rempli de lumière et d’intelligence ; je lui ai communiqué ma gloire et mes merveilles. VII 430

L’œil de l’homme voyait alors la majesté de Dieu. VII 430

Il s’est soustrait de ma domination ; et, s’égalant à moi par le désir de trouver sa félicité en lui-même, je l’ai abandonné à lui ; et, révoltant les créatures, qui lui étaient soumises, je les lui ai rendues ennemies : en sorte qu’aujourd’hui l’homme est devenu semblable aux bêtes, et dans un tel éloignement de moi, qu’à peine lui reste-t-il une lumière confuse de son auteur ; tant toutes ses connaissances ont été éteintes ou troublées ! Les sens, indépendants de la raison, et souvent maîtres de la raison, l’ont emporté à la recherche des plaisirs. VII 430

Nul autre n’a connu que l’homme est la plus excellente créature. VII 431

Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d’eux-mêmes ; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective, ont traité d’une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l’homme. VII 431

Que deviendra donc l’homme ? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes ? Quelle effroyable distance ! Que serons-nous donc ? Qui ne voit par tout cela que l’homme est égaré, qu’il est tombé de sa place, qu’il la cherche avec inquiétude, qu’il ne la peut plus retrouver ? Et qui l’y adressera donc ? Les plus grands hommes ne l’ont pu. VII 431

Après avoir entendu toute la nature de l’homme. – VII 433

Or ce sentiment naturel n’est pas une preuve convaincante de leur vérité, puisque n’y ayant point de certitude, hors la foi, si l’homme est créé par un Dieu bon, par un démon méchant, ou à l’aventure, il est en doute si ces principes nous sont donnés ou véritables, ou faux, ou incertains, selon notre origine. VII 434

Que fera donc l’homme en cet état ? Doutera-t-il de tout ? Doutera-t-il s’il veille, si on le pince, si on le brûle ? doutera-t-il s’il doute ? Doutera-t-il s’il est ? On n’en peut venir là ; et je mets en fait qu’il n’y a jamais eu de pyrrhonien effectif parfait. VII 434

Dira-t-il donc, au contraire, qu’il possède certainement la vérité, lui qui, si peu qu’on le pousse, ne peut en montrer aucun titre, et est forcé de lâcher prise ? Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’univers. VII 434

L’homme passe l’homme. VII 434

Humiliez-vous, raison impuissante ; taisez-vous, nature imbécile ; apprenez que l’homme passe infiniment l’homme, et entendez de votre maître votre condition véritable que vous ignorez. VII 434

Car enfin, si l’homme n’avait jamais été corrompu, il jouirait dans son innocence et de la vérité et de la félicité avec assurance ; et si l’homme n’avait jamais été que corrompu, il n’aurait aucune idée ni de la vérité ni de la béatitude. VII 434

Mais, malheureux que nous sommes, et plus que s’il n’y avait point de grandeur dans notre condition, nous avons une idée du bonheur, et ne pouvons y arriver ; nous sentons une image de la vérité, et ne possédons que le mensonge ; incapables d’ignorer absolument et de savoir certainement, tant il est manifeste que nous avons été dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement déchus ! Concevons donc que l’homme passe infiniment l’homme, et qu’il était inconcevable à soi-même sans le secours de la foi. VII 434

Car qui ne voit que sans la connaissance de cette double condition de la nature on était dans une ignorance invincible de la vérité de sa nature ?] Chose étonnante, cependant, que le mystère le plus éloigné de notre connaissance, qui est celui de la transmission du péché, soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-mêmes ! Car il est sans doute qu’il n’y a rien qui choque plus notre raison que de dire que le péché du premier homme ait rendu coupables ceux qui, étant si éloignés de cette source, semblent incapables d’y participer. VII 434

Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans cet abîme, de sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n’est inconcevable à l’homme. [ VII 434

[Ces fondements, solidement établis sur l’autorité inviolable de la religion, nous font connaître qu’il y a deux vérités de foi également constantes : l’une, que l’homme, dans l’état de la création ou dans celui de la grâce, est élevé au-dessus de toute la nature, rendu comme semblable à Dieu, et participant de sa divinité ; l’autre, qu’en l’état de la corruption et de péché, il est déchu de cet état et rendu semblable aux bêtes. VII 434

Par où il paraît clairement que l’homme, par la grâce, est rendu comme semblable à Dieu, et participant de sa divinité, et que, sans la grâce, il est comme semblable aux bêtes brutes.] VII 434

Car, s’ils connaissaient l’excellence de l’homme, ils en ignoraient la corruption ; de sorte qu’ils évitaient bien la paresse, mais ils se perdaient dans la superbe ; et s’ils reconnaissaient l’infirmité de la nature, ils en ignoraient la dignité : de sorte qu’ils pouvaient bien éviter la vanité, mais c’était en se précipitant dans le désespoir. VII 435

Si l’homme n’est fait pour Dieu, pourquoi n’est-il heureux qu’en Dieu ? Si l’homme est fait pour Dieu, pourquoi est-il si contraire à Dieu ? Nature corrompue. – VII 438

L’homme n’agit point par la raison, qui fait son être. VII 439

Il a fallu que la vérité soit venue, afin que l’homme ne véquît plus en soi-même. VII 440

Pour moi, j’avoue qu’aussitôt que la religion chrétienne découvre ce principe, que la nature des hommes est corrompue et déchue de Dieu, cela ouvre les yeux à voir partout le caractère de cette vérité ; car la nature est telle, qu’elle marque partout un Dieu perdu, et dans l’homme, et hors de l’homme, et une nature corrompue. VII 441

La vraie nature de l’homme, son vrai bien, et la vraie vertu, et la vraie religion, sont choses dont la connaissance est inséparable. VII 442

À mesure qu’on a plus de lumière, on découvre plus de grandeur et plus de bassesse dans l’homme. VII 443

Car, sans cela, que dira-t-on qu’est l’homme ? Tout son état dépend de ce point imperceptible. VII 445

La composition du cœur de l’homme est mauvaise dès son enfance. VII 446

Moïse Haddarschan : Ce mauvais levain est mis dans l’homme dès l’heure où il est formé. VII 446

Massechet Succa : Ce mauvais levain a sept noms dans l’Écriture ; il est appelé mal, prépuce, immonde, ennemi, scandale, cœur de pierre, aquilon ; tout cela signifie la malignité qui est cachée et empreinte dans le cœur de l’homme. VII 446

Misdrach Tillim dit la même chose, et que Dieu délivrera la bonne nature de l’homme de la mauvaise. VII 446

Cette malignité se renouvelle tous les jours contre l’homme, comme il est écrit Ps. VII 446

Cette malignité tente le cœur de l’homme en cette vie et l’accusera en l’autre. VII 446

XXXVI : « L’impie a dit en son cœur : Que la crainte de Dieu ne soit point devant moi » ; c’est-à-dire, que la malignité naturelle à l’homme a dit cela à l’impie. VII 446

L’enfant est la vertu, et le roi est la malignité de l’homme. VII 446

Elle est appelée roi, parce que tous les membres lui obéissent, et vieux, parce qu’il est dans le cœur de l’homme depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse ; et fol, parce qu’il conduit l’homme dans la voie de [perdition] qu’il ne prévoit point. VII 446

Ce grand roi est le mauvais levain, les grandes machines dont il l’environne sont les tentations, et il a été trouvé un homme sage et pauvre qui l’a délivrée, c’est-à-dire la vertu. VII 446

Et sur le Psaume LXXVIII : « L’esprit s’en va et ne revient plus » ; d’où quelques-uns ont pris sujet d’errer contre l’immortalité de l’âme ; mais le sens est que cet esprit est le mauvais levain, qui s’en va avec l’homme jusqu’à la mort, et ne reviendra point en la résurrection. VII 446

Et si, en le connaissant, on ne désire d’en être délivré, que peut-on dire d’un homme… ? Que peut-on donc avoir que de l’estime pour une religion qui connaît si bien les défauts de l’homme, et que du désir pour la vérité d’une religion qui y promet des remèdes si souhaitables ? Tous les hommes se haïssent naturellement l’un l’autre. VII 450

On a fondé et tiré de la concupiscence des règles admirables de police, de morale, et de justice ; mais dans le fond, ce vilain fond de l’homme, ce figmentum malum, n’est que couvert : il n’est pas ôté. VII 453

Ce n’est pas qu’on ne puisse être glorieux pour les biens ou pour les connaissances, mais ce n’est pas le lieu de l’orgueil ; car en accordant à un homme qu’il est savant, on ne laissera pas de le convaincre qu’il a tort d’être superbe. VII 460

Le lieu propre à la superbe est la sagesse : car on ne peut accorder à un homme qu’il s’est rendu sage, et qu’il a tort d’être glorieux ; car cela est de justice. VII 460

Cela est contre tout ordre ; il faut tendre au général ; et la pente vers soi est le commencement de tout désordre, en police, en économie, dans le corps particulier de l’homme. VII 477

La dignité de l’homme consistait, dans son innocence, à user et dominer sur les créatures, mais aujourd’hui à s’en séparer et s’y assujettir. VII 486

Elle nous apprend que, par un homme, tout a été perdu, et la liaison rompue entre Dieu et nous, et que, par un homme, la liaison est réparée. VII 489

Pour faire d’un homme un saint, il faut bien que ce soit la grâce, et qui en doute ne sait ce que c’est que saint et qu’homme. VII 508

La belle chose de crier à un homme qui ne se connaît pas, qu’il aille de lui-même à Dieu ! Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît ! L’homme n’est pas digne de Dieu, mais il n’est pas incapable d’en être rendu digne. VII 509

La belle chose de crier à un homme qui ne se connaît pas, qu’il aille de lui-même à Dieu ! Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît ! L’homme n’est pas digne de Dieu, mais il n’est pas incapable d’en être rendu digne. VII 510

Il est indigne de Dieu de se joindre à l’homme misérable ; mais il n’est pas indigne de Dieu de le tirer de sa misère. VII 510

Si l’on veut dire que l’homme est trop peu pour mériter la communication avec Dieu, il faut être bien grand pour en juger. VII 511

Mais il faut changement qui fasse que la forme de l’une devienne la forme de l’autre, ainsi l’union du Verbe à l’homme. VII 5121

Parce que mon corps sans mon âme ne ferait pas le corps d’un homme, donc mon âme, unie à quelque matière que ce soit, fera mon corps. VII 5121

Concluons donc que, puisque l’homme est iniquité maintenant depuis le premier péché, et que Dieu ne veut pas que ce soit par là qu’il ne s’éloigne pas de lui, ce n’est que par un premier effet qu’il ne s’éloigne pas. VII 514

Il n’y a point de doctrine plus propre à l’homme que celle-là, qui l’instruit de sa double capacité de recevoir et de perdre la grâce, à cause du double péril où il est toujours exposé, de désespoir ou d’orgueil. VII 524

Ils inspiraient des mouvements de grandeur pure, et ce n’est pas l’état de l’homme. VII 525

Ils inspiraient des mouvements de bassesse pure, et ce n’est pas l’état de l’homme. VII 525

L’incarnation montre à l’homme la grandeur de sa misère, par la grandeur du remède qu’il a fallu. VII 526

L’homme est ainsi fait, qu’à force de lui dire qu’il est un sot, il le croit ; et, à force de se le dire à soi-même, on se le fait croire. VII 536

Car l’homme fait lui seul une conversation intérieure, qu’il importe de bien régler : Corrumpunt mores bonos colloquia prava. VII 536

Il ordonne à l’homme de reconnaître qu’il est vil, et même abominable, et lui ordonne de vouloir être semblable à Dieu. VII 537

Il n’y a que la religion chrétienne qui rende l’homme aimable et heureux tout ensemble. VII 542

Sans Jésus-Christ, il faut que l’homme soit dans le vice et dans la misère ; avec Jésus-Christ, l’homme est exempt de vice et de misère. VII 546

Voilà quels sont mes sentiments, et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, et qui, d’un homme plein de faiblesses, de misères, de concupiscence, d’orgueil et d’ambition, a fait un homme exempt de tous ces maux par la force de sa grâce, à laquelle toute la gloire en est due, n’ayant de moi que la misère et l’erreur. VII 550

Toute la conduite des choses doit avoir pour objet l’établissement et la grandeur de la religion ; les hommes doivent avoir en eux-mêmes des sentiments conformes à ce qu’elle nous enseigne ; et enfin elle doit être tellement l’objet et le centre où toutes choses tendent, que qui en saura les principes puisse rendre raison et de toute la nature de l’homme en particulier, et de toute la conduite du monde en général. VIII 556

Il importe également aux hommes de connaître l’un et l’autre de ces points ; et il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître le Rédempteur qui l’en peut guérir. VIII 556

Et ainsi, comme il est également de la nécessité de l’homme de connaître ces deux points, il est aussi également de la miséricorde de Dieu de nous les avoir fait connaître. VIII 556

Quand un homme serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, éternelles et dépendantes d’une première vérité en qui elles subsistent, et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé pour son salut. VIII 556

Si le monde subsistait pour instruire l’homme de Dieu, sa divinité y reluirait de toutes parts d’une manière incontestable ; mais comme il ne subsiste que par Jésus-Christ et pour Jésus-Christ et pour instruire les hommes et de leur corruption et de leur rédemption, tout y éclate des preuves de ces deux vérités. VIII 556

Quelque parti qu’il prenne, je ne l’y laisserai point en repos… Il est donc vrai que tout instruit l’homme de sa condition, mais il le faut bien entendre : car il n’est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n’est pas vrai que tout cache Dieu. VIII 557

Il n’y a rien sur la terre qui ne montre, ou la misère de l’homme, ou la miséricorde de Dieu ; ou l’impuissance de l’homme sans Dieu, ou la puissance de l’homme avec Dieu. VIII 562

Principe : Moïse était habile homme. VIII 578

S’il n’y avait point d’obscurité, l’homme ne sentirait point sa corruption ; s’il n’y avait point de lumière, l’homme n’espérerait point de remède. VIII 586

Ainsi, il est non seulement juste, mais utile pour nous que Dieu soit caché en partie, et découvert en partie, puisqu’il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître Dieu. VIII 586

L’Alcoran dit que saint Matthieu était homme de bien. IX 597

Tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet ; car il n’a point fait de miracles, il n’a point été prédit ; nul ne peut faire ce qu’a fait Jésus-Christ. IX 600

Mais ce prophète, qui devait être la dernière attente du monde, a-t-il été prédit ? Quelle marque a-t-il que n’ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits ? Quels mystères a-t-il enseignés, selon sa tradition même ? Quelle morale et quelle félicité ? La religion juive doit être regardée différemment dans la tradition des Livres saints et dans la tradition du peuple. IX 601

Nulle religion que la nôtre n’a enseigné que l’homme naît en péché, nulle secte de philosophes ne l’a dit : nulle n’a donc dit vrai. IX 606

Cette religion, qui consiste à croire que l’homme est déchu d’un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse, de pénitence et d’éloignement de Dieu, mais qu’après cette vie nous serons rétablis par un Messie qui devait venir, a toujours été sur la terre. IX 613

Ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu, dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter ; que cette doctrine serait toujours sur la terre ; que leur loi a double sens ; que, durant mille six cents ans, ils ont eu des gens qu’ils ont crus prophètes, qui ont prédit le temps et la manière ; que quatre cents ans après ils ont été épars partout, puisque Jésus-Christ devait être annoncé partout, que Jésus-Christ est venu en la manière et au temps prédits ; que, depuis, les Juifs sont épars, partout en malédiction et subsistant néanmoins. IX 618

Je trouve donc ce peuple grand et nombreux, sorti d’un seul homme, qui adore un seul Dieu, et qui se conduit par une loi qu’ils disent tenir de sa main. IX 619

Je vois d’abord que c’est un peuple tout composé de frères, et, au lieu que tous les autres sont formés de l’assemblage d’une infinité de familles, celui-ci, quoique si étrangement abondant, est tout sorti d’un seul homme, et étant ainsi tous une même chair, et membres les uns des autres, [ils] composent un puissant État d’une seule famille. IX 620

Car, dans la création de l’homme, Adam en était le témoin, et le dépositaire de la promesse du Sauveur qui devait naître de la femme, lorsque les hommes étaient encore si proches de la création, qu’ils ne pouvaient avoir oublié leur création et leur chute. X 644

Je ne sais pas » comme homme, ou comme légat. X 654

La pénitence, seule de tous les mystères, a été déclarée manifestement aux Juifs, et par saint Jean, précurseur ; et puis les autres mystères, – pour marquer qu’en chaque homme comme au monde entier cet ordre doit être observé. X 661

Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme sont ses passions ; que le Rédempteur serait spirituel et son règne spirituel ; qu’il y aurait deux avènements : l’un de misère pour abaisser l’homme superbe, l’autre de gloire, pour élever l’homme humilié ; que Jésus-Christ serait Dieu et homme. X 678

Ainsi quand il dit : « Dieu a reçu l’odeur de vos parfums et vous donnera en récompense une terre grasse » ; c’est-à-dire la même intention qu’aurait un homme qui, agréant vos parfums, vous donnerait en récompense une terre grasse, Dieu aura la même intention pour vous, parce que vous avez eu pour [lui] la même intention qu’un homme a pour celui à qui il donne des parfums. X 687

Il y en a qui voient bien qu’il n’y a pas d’autre ennemi de l’homme que la concupiscence, qui le détourne de Dieu, et non pas Dieu ; ni d’autre bien que Dieu, et non pas une terre grasse. X 692

Ceux qui croient que le bien de l’homme est en la chair, et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens, qu’il[s] s’en soûle[nt], et qu’il[s] y meure[nt]. X 692

En voyant l’aveuglement et la misère de l’homme, en regardant tout l’univers muet, et l’homme sans lumière, abandonné à lui-même et comme égaré dans ce recoin de l’univers, sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j’entre en effroi, comme un homme qu’on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable et qui s’éveillerait sans connaître où il est, et sans moyen d’en sortir. XI 693

Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de Jésus-Christ, pour le temps et pour la manière, et que Jésus-Christ serait venu conformément à ces prophéties, ce serait une force infinie. XI 710

Et les visions de tous les prophètes seront à votre égard comme un livre scellé, lequel si on le donne à un homme savant, et qui le puisse lire, il répondra : Je ne puis le lire, car il est scellé ; et quand on le donnera à ceux qui ne savent pas lire, ils diront : Je ne connais pas les lettres. XI 713

Dès le commencement de vos prières je suis venu pour vous découvrir ce que vous désirez, parce que vous êtes l’homme de désirs. XI 722

Et il succédera à sa place un homme méprisable et indigne des honneurs de la royauté, qui s’y introduira adroitement et par caresses. XI 722

Et jamais il n’est venu, ni devant, ni après lui, aucun homme qui ait enseigné rien de divin approchant de cela. XI 733

Dès là, cette religion m’est aimable, et je la trouve déjà assez autorisée par une si divine morale ; mais j’y trouve de plus : Je trouve d’effectif que, depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple ; il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur : un peuple entier le prédit avant sa venue, un peuple entier l’adore après sa venue ; que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes et un peuple entier prophétisant et fait exprès durant quatre mille ans… Leurs livres dispersés durent 400 ans. XII 737

Que peut-on avoir, sinon de la vénération, d’un homme qui prédit clairement des choses qui arrivent, et qui déclare son dessein et d’aveugler et d’éclairer, et qui mêle des obscurités parmi les choses claires qui arrivent ? Le temps du premier avènement est prédit ; le temps du second ne l’est point, parce que le premier devait être caché ; le second devait être éclatant et tellement manifeste que ses ennemis mêmes le devaient reconnaître. XII 756

Les Juifs, en éprouvant s’il était Dieu, ont montré qu’il était homme. XII 763

L’Église a eu autant de peine à montrer que Jésus-Christ était homme, contre ceux qui le niaient, qu’à montrer qu’il était Dieu ; et les apparences étaient aussi grandes. XII 764

Deux natures en Jésus-Christ, deux avènements, deux états de la nature de l’homme. XII 765

Il devait lui seul produire un grand peuple, élu, saint et choisi ; le conduire, le nourrir, l’introduire dans le lieu de repos et de sainteté ; le rendre saint à Dieu ; en faire le temple de Dieu, le réconcilier à Dieu, le sauver de la colère de Dieu, le délivrer de la servitude du péché, qui règne visiblement dans l’homme ; donner des lois à ce peuple, graver ces lois dans leur cœur, s’offrir à Dieu pour eux, se sacrifier pour eux, être une hostie sans tache, et lui-même sacrificateur : devant s’offrir lui-même, son corps et son sang, et néanmoins offrir pain et vin à Dieu… Ingrediens mundum. XII 766

Oui, car il a offert, comme un homme qui a racheté tous ceux qui voudront venir à lui. XII 781

Que sert à l’homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme ? Qui veut garder son âme, la perdra. XII 782

Quel homme eut jamais plus d’éclat ? Le peuple juif tout entier le prédit avant sa venue. XII 792

Et cependant quel homme jouit jamais moins de cet éclat ? De trente-trois ans, il en vit trente sans paraître. XII 792

Quelle part a-t-il donc à cet éclat ? Jamais homme n’a eu tant d’éclat, jamais homme n’a eu plus d’ignominie. XII 792

Les apôtres ont été trompés, ou trompeurs ; l’un ou l’autre est difficile, car il n’est pas possible de prendre un homme pour être ressuscité… Tandis que Jésus-Christ était avec eux, il les pouvait soutenir ; mais après cela, s’il ne leur est apparu, qui les a fait agir ? Commencement. – XII 802

Les miracles et la vérité sont nécessaires, à cause qu’il faut convaincre l’homme entier, en corps et en âme. XIII 806

TITRE : D’où vient qu’on croit tant de menteurs qui disent qu’ils ont vu des miracles et qu’on ne croit aucun de ceux qui disent qu’ils ont des secrets pour rendre l’homme immortel ou pour rajeunir. – XIII 817

Si jamais il n’y eût eu remède à aucun mal, et que tous les maux eussent été incurables, il est impossible que les hommes se fussent imaginé qu’ils en pourraient donner ; et encore plus que tant d’autres eussent donné croyance à ceux qui se fussent vantés d’en avoir : de même que, si un homme se vantait d’empêcher de mourir, personne ne le croirait, parce qu’il n’y a aucun exemple de cela. XIII 817

Cela vient de ce que l’esprit de l’homme, se trouvant plié de ce côté-là par la vérité, devient susceptible par là de toutes les faussetés de cette… Jérémie, XXIII, 32, les miracles des faux prophètes. XIII 8181

Induire en erreur est mettre l’homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté. XIII 821

Nicodème répondit : « Notre loi juge-t-elle un homme devant que de l’avoir ouï [et encore, un tel homme qui fait de tels miracles]. » XIII 829

Car, comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n’est pas digne d’être cru sur son autorité privée, et que c’est pour cela que les impies en doutent, aussi un homme qui, pour marque de la communication qu’il a avec Dieu, ressuscite les morts, prédit l’avenir, transporte les mers, guérit les malades, il n’y a point d’impie qui ne s’y rende, et l’incrédulité de Pharaon et des Pharisiens est l’effet d’un endurcissement surnaturel. XIII 843

Il est impossible, par le devoir de Dieu, qu’un homme cachant sa mauvaise doctrine, et n’en faisant apparaître qu’une bonne, et se disant conforme à Dieu et à l’Église, fasse des miracles pour couler insensiblement une doctrine fausse et subtile : cela ne se peut. XIII 843

1er exemple : Jésus-Christ est Dieu et homme. XIV 862

Les Ariens, ne pouvant allier ces choses qu’ils croient incompatibles, disent qu’il est homme : en cela ils sont catholiques. XIV 862

Mais au temps où on le persécutait, ce grand saint était un homme qui s’appelait Athanase ; et sainte Thérèse, une fille. « XIV 868

Élie était un homme comme nous, et sujet aux mêmes passions que nous », dit saint [Jacques], pour désabuser les Chrétiens de cette fausse idée qui nous fait rejeter l’exemple des saints, comme disproportionné à notre état. « XIV 868

Que se passait-il donc alors ? Saint Athanase était un homme appelé Athanase, accusé de plusieurs crimes, condamné en tel et tel concile, pour tel et tel crime ; tous les évêques y consentaient, et le pape enfin. XIV 868

Il l’associe à ce pouvoir comme les rois les parlements ; mais si elle absout ou si elle lie sans Dieu, ce n’est plus l’Église : comme au parlement ; car encore que le roi ait donné grâce à un homme, si faut-il qu’elle soit entérinée ; mais si le parlement entérine sans le roi ou s’il refuse d’entériner sur l’ordre du roi, ce n’est plus le parlement du roi, mais un corps révolté. XIV 870

Les casuistes soumettent la décision à la raison corrompue et le choix des décisions à la volonté corrompue, afin que tout ce qu’il y a de corrompu dans la nature de l’homme ait part à sa conduite. XIV 907

Jamais homme n’a eu si bonne cause que moi ; et jamais d’autres n’ont donné si belle prise que vous. XIV 9211