Henry (1963) – imanência

Si la réalité humaine est soumise en tout cas au pouvoir de la transcendance, il faut encore préciser la manière dont celle-ci agit : fonde-t-elle l’être de la réalité humaine en l’ordonnant à soi selon un rapport transcendantal, ou bien la réalité humaine est-elle simplement immergée dans le milieu ouvert par la transcendance, au même titre que l’être d’un étant quelconque ? Le sens ultime de la doctrine est sans doute le recouvrement et, finalement, l’identification du rapport transcendantal avec le simple rapport d’immanence qui confère chaque fois l’être à l’étant. 6

La transcendance repose sur l’immanence. 7

L’être phénoménologique de l’ego est un avec la révélation originaire qui s’accomplit dans une sphère d’immanence radicale. 7

Une expérience interne entendue au sens d’une révélation originaire qui s’accomplit dans une sphère d’immanence radicale, existe par elle-même, sans aucun contexte, sans le support d’aucun être extérieur et « réel », elle est elle-même précisément une « existence » ou, pour mieux dire, l’existence même, celle qu’il convient de penser sous le titre de « réalité humaine ». 7

L’ego n’a point à se manifester dans le milieu de l’être transcendant, un jour ou l’autre, tôt ou tard, au cours d’une histoire, individuelle ou universelle, ou au sein du progrès de la philosophie, s’il est vrai qu’il est d’ores et déjà présent à lui-même, au sein d’une révélation qui ne doit rien au temps ni à la transcendance, mais s’accomplit dans la sphère d’immanence radicale de la subjectivité absolue. 7

Le problème de la connaissance de soi se pose sur une base complètement nouvelle lorsque, à la lumière de la problématique de l’immanence, cette connaissance cesse d’être envisagée comme un« rapport ». 7

Le concept d’aliénation perd toute signification ontologique lorsque la problématique a mis en lumière l’immanence transcendantale de l’ego et que les rapports de la subjectivité absolue et du temps ont été définis conformément à l’eidos de cette immanence. 7

L’immanence du savoir absolu au sein du savoir non vrai est ce qui nous permet de répondre à la question de Hegel : comment le savoir vrai peut-il faire la preuve de sa vérité contre le savoir non vrai ? Affirmera-t-il simplement qu’il est le vrai savoir ? « Par une telle assurance, remarque Hegel, il déclarerait en effet que sa force réside dans son être, mais le savoir non vrai fait également appel à ce même fait qu’il est. » 8

Mais il n’est pas dit par là que cette structure soit, sur le fond de l’immanence en elle de l’existence, une structure unitaire. 10

L’immanence de l’être à l’étant ne signifie sans doute pas la suppression de leur opposition, ou plutôt, de l’opposition comme telle. 13

Mais l’opposition qui fait que l’étant surgit toujours comme l’opposé, résulte justement de l’immanence en lui de l’être, c’est-à-dire du néant. 13

L’immanence de la détermination au devenir effectif de la manifestation s’exprime aussi dans l’opposition à l’idée de la lumière de celle du feu qui implique en lui la présence d’une « matière » car, à bien y regarder, il apparaît que cette opposition, n’en est pas une, s’il est vrai que la lumière se réalise seulement dans le feu et ne devient ainsi effective que dans son union indissoluble avec l’être opaque et radicalement autre auquel elle s’oppose. 14

La manifestation de l’horizon dans l’œuvre pure de l’essence signifie l’immanence du devenir phénoménal à l’essence de la phénoménalité. 16

Dans cette immanence réside la Selbständigkeit de l’essence. 16

L’immanence du devenir phénoménal à l’essence de la phénoménalité comprise selon les présuppositions ontologiques fondamentales du monisme s’exprime dans l’affirmation que l’horizon ouvert par cette essence se manifeste comme tel et dans sa pureté. 16

L’immanence du devenir phénoménal à l’essence originaire et pure de la phénoménalité a un fondement. 16

L’élucidation du fondement de l’immanence du devenir phénoménal à l’essence de la phénoménalité permet seule de dire si ce devenir se recouvre totalement avec l’essence qui le fonde, si l’essence originaire et pure est la vérité ou si elle est aussi la non-vérité. 16

Ce qui est défini, toutefois, dans cette immanence de l’essence à l’existence, c’est l’existence elle-même, dans sa structure éidétique universelle, non la représentation variable dans laquelle cette existence se comprend. 19

Cette immanence à la conscience du principe du mouvement de son expérience, Hegel l’interprète toutefois comme une présentation explicite à la conscience des éléments qu’elle examine, comme une présentation dans la représentation. 20

L’imagination apparaît ainsi comme l’essence suprême dont l’immanence au sein de la pensée et de l’intuition confère à chacune de celles-ci leur pouvoir de représentation en même temps qu’elle fonde leur affinité et rend ainsi possible le schématisme. 23

L’immanence du devenir phénoménal à l’essence de la phénoménalité désigne cette essence elle-même comme ce qui se phénoménalise à l’intérieur de ce devenir. 29

La détermination ontologique de l’essence originaire de la révélation fait apparaître celle-ci comme l’immanence. 29

Ce qui ne se dépasse pas, ce qui ne s’élance pas hors de soi mais demeure en soi-même sans se quitter ni sortir de soi est, dans son essence, immanence. 30

L’immanence est le mode originaire selon lequel s’accomplit la révélation de la transcendance elle-même et, comme telle, l’essence originaire de la révélation. 30

L’essence de la réceptivité originaire qui assure la réception de la transcendance elle-même est l’immanence. 30

En tant qu’il est constitué par l’immanence, le mode originaire de la réceptivité est l’acte d’atteindre son contenu sans se mouvoir ni se dépasser vers lui, de telle manière que la réalité ontologique constituée par ce contenu pur ne lui est en aucune façon transcendante et ne se trouve point posée devant lui à la façon d’un horizon. 30

Ce qui demeure totalement indéterminé dans le concept d’immanence lorsque celui-ci, appliqué à un contenu quelconque, désigne le caractère en vertu duquel un tel contenu se trouve être effectivement reçu par la conscience, ce n’est rien de moins, toutefois, que le mode même selon lequel s’opère cette réception, c’est-à-dire la « conscience » elle-même. 30

L’immanence reçoit paradoxalement le sens de l’objectivité. 30

De quels contenus est-il question, toutefois, quand l’immanence et la transcendance sont pour eux des déterminations contingentes ? Il s’agit manifestement dans ce cas de contenus susceptibles d’apparaître « à l’intérieur de l’horizon de la transcendance », c’est-à-dire de contenus ontiques. 30

Être immanent, de la même manière, pour un contenu ontologique pur, c’est se trouver radicalement déterminé dans son être par un mode spécifique d’apparition et de révélation, par l’essence originaire de la révélation en tant que celle-ci réside dans l’immanence. 30

Sur le fond de sa détermination ontologique radicale par l’essence de l’immanence, c’est-à-dire par un mode originaire de réceptivité qui se trouve en possession de son contenu sans se mouvoir ni se dépasser vers lui, un tel contenu a été compris dans sa structure ontologique comme ce qui s’offre sans se pro-poser à la façon d’un horizon, comme ce qui se révèle autrement que sous la forme d’un dehors et sans devenir tel. 30

Pareille compréhension suffit à écarter comme radicalement impropre la subsomption sous le concept de l’immanence de tout contenu réellement donné à la conscience lorsqu’être donné signifie s’offrir à titre de contenu transcendant, c’est-à-dire dans et par la médiation d’un horizon. 30

Donner une signification ontologique rigoureuse au concept de l’immanence, c’est comprendre au contraire la structure interne de l’essence qu’il vise comme définie par cette exclusion hors d’elle de toute transcendance. 30

Faute de donner une telle signification au concept de l’immanence, la problématique s’égare complètement et s’interdit définitivement de saisir dans sa nature propre ce qui constitue la possibilité la plus ultime de l’essence qu’elle vise. 30

Mais la définition de la structure interne de l’immanence par l’exclusion hors d’elle de toute transcendance n’a pas seulement pour effet de rendre décidément impossible la désignation comme « immanent » de tout contenu ontologiquement transcendant, qu’il s’agisse d’un contenu ontique ou du contenu ontologique pur constitué par l’horizon lui-même, en elle se trouve la détermination positive de l’essence d’un contenu immanent entendu dans un sens ontologique strict. 30

En tant que la transcendance est exclue de la structure interne de l’essence de l’immanence, le contenu ontologique propre de celle-ci ne lui est point extérieur, l’essence de l’immanence n’est pas séparée de son contenu. 30

Ne pas être séparée de son contenu, cela signifie, pour l’essence de l’immanence, ne pas tenir ce contenu devant elle, ne pas le recevoir comme quelque chose d’autre dans le milieu de l’altérité, comme quelque chose de différent. 30

Où réside la réalité d’un contenu ontologique pur qui n’est pas extérieur à l’essence à laquelle il appartient, en quoi consiste la réalité ontologique de ce contenu si elle n’est ni séparée ni différente de la réalité ontologique de l’essence elle-même ? Le contenu ontologique pur de l’essence de l’immanence est constitué par elle. 30

Le concept d’immanence intervient dans la problématique qui vise à saisir l’essence originaire de la réceptivité, il désigne le mode selon lequel s’accomplit la réception d’un contenu, plus précisément, la structure interne de la possibilité d’une réception originaire en général. 30

En tant que l’essence originaire de la réceptivité se trouve définie dans sa structure interne par l’immanence, il apparaît qu’elle constitue elle-même le contenu pur qu’elle reçoit. 30

La première est une réceptivité dans la représentation, la seconde, une réceptivité dans l’immanence. 31

Conformément au second de ces modes, à celui qui s’accomplit dans l’immanence, la réceptivité est le pouvoir de se recevoir elle-même. 31

Celle-ci est maintenant déterminée : la possibilité de l’auto-affection réside dans l’essence originaire de la réceptivité, c’est-à-dire dans l’immanence. 31

L’essence originaire de l’affection réside dans l’immanence. 31

Parce que cette affection originaire trouve sa possibilité dans l’essence de l’immanence, le concept de l’auto-affection est à la fois clairement défini et univoque. 31

La compréhension du rapport qui existe entre l’affection par soi de la transcendance, plus précisément entre l’affection dont le mode d’accomplissement réside dans la transcendance et celle qui, comme auto-affection, a cette transcendance comme contenu, est identiquement la compréhension du rapport qui existe entre la transcendance et l’immanence. 31

Car l’exclusion de la transcendance hors de l’essence originaire de la réceptivité s’est révélée aux yeux de la problématique avoir une signification positive qui s’exprime dans la détermination d’un mode spécifique de réceptivité dont la structure interne est constituée par l’immanence. 32

L’immanence est l’essence de la transcendance. 32

Ce que la problématique est en mesure d’affirmer à priori, sur le fond de cette similitude, c’est la pure possibilité pour la transcendance de constituer le contenu ontologique de l’essence originaire de la réceptivité et de trouver ainsi dans l’immanence la condition ultime de sa réalité. 32

Que cette pure possibilité, au contraire, soit effective, que la réalité de la transcendance constitue précisément le contenu ontologique pur de l’essence originaire de la réceptivité et trouve ainsi sa condition dans cette essence, c’est-à-dire dans l’immanence, n’est-ce pas là ce qui doit être montré ? Ou bien faut-il rappeler ici à nouveau le sens de la problématique de la réceptivité ? Recevoir signifie rendre manifeste, révéler. 32

C’est justement pour cela que l’immanence qui constitue la structure interne de ce mode originaire de réceptivité se révèle être l’essence de la transcendance, parce qu’elle la révèle et la rend ainsi possible dans son être même. 32

Voilà pourquoi l’immanence est l’essence de la transcendance. 32

L’immanence est l’essence de la transcendance parce qu’elle la révèle, mais, plus précisément et plus profondément, parce qu’elle la révèle de cette manière déterminée qui la rend possible dans son essence. 32

L’immanence de la transcendance est sa révélation. 32

Pour cette raison, le caractère immanent de l’essence est un caractère phénoménologique, et cela en un sens radical conformément auquel cette immanence constitue le milieu phénoménologique originaire de révélation de la transcendance elle-même. 32

Que le comment de l’accomplissement de cette révélation se révèle en elle comme ce qui la détermine en son essence, c’est là justement ce qui détermine phénoménologiquement et d’une manière ultime l’essence originaire de la transcendance comme immanence. 32

L’interprétation ontologique de l’essence de la transcendance comme immanence rend claire la possibilité interne du rapport transcendantal de l’être-au-monde et la détermine. 33

L’auto-révélation originaire qui détermine dans sa possibilité intrinsèque le mouvement de « s’apporter soi-même auprès de », c’est-à-dire encore la possibilité ultime de la transcendance qui la constitue en son essence comme acte de « se rapporter à », est l’immanence. 33

Se dépasser vers, au sens de la transcendance, se rapporter à, c’est être soi-même le dépassement, un dépassement qui ne se dépasse pas lui-même et qui est précisément possible comme tel, comme cela même qui ne se dépasse pas mais demeure au contraire en soi, comme immanence. 33

Comme l’interprétation de la transcendance à partir du dépassement de l’étant manque son but et aboutit à un faux concept, elle donne aussi au concept antithétique de l’immanence une signification fallacieuse et vide. 33

Quand la transcendance désigne l’être-hors-de-soi de l’étant, où réside au contraire l’immanence, sinon dans l’étant lui-même, plus précisément, dans l’être-à-l’intérieur-de-soi de l’étant ? Dans la mesure cependant où l’étant se trouve par lui-même incapable de sortir de soi et d’être ainsi « hors de soi auprès de », l’être-à-l’intérieur-de-soi n’est pas une propriété qui lui serait surajoutée ni même une simple détermination parmi d’autres. 33

L’immanence reçoit la signification d’être une catégorie ontique. 33

C’est précisément lorsqu’elle reçoit cette signification que l’immanence vaut comme le concept antithétique de la transcendance. 33

Cette privation de la liberté qui le contraint au contraire à rester en lui-même est l’immanence. 33

Pas plus que le concept de la transcendance ne trouve son contenu dans l’être-à-l’extérieur-de-soi-de-l’étant, pas davantage celui de l’immanence dans l’étant lui-même comme privé en sa nature de cette possibilité de se dépasser ainsi soi-même. 33

Quand ils sont débarrassés des significations aberrantes que leur confère dans une pseudo-genèse philosophique une origine ontique qu’ils n’ont pas, les concepts de la transcendance et de l’immanence cessent de s’opposer. 33

C’est parce que l’immanence n’est pas une catégorie de l’étant qu’à celui-ci la transcendance non plus n’appartient pas. 33

L’immanence est une catégorie ontologique pure, elle est la catégorie ontologique fondamentale qui rend possible le dépassement lui-même comme tel. 33

Une fois écartées les significations fausses qu’ils reçoivent lorsqu’ils sont interprétés à partir de l’étant comme exprimant la possibilité ou l’impossibilité d’un dépassement de celui-ci, les concepts de la transcendance et de l’immanence se laissent saisir dans leur rapport vrai qui n’est pas un rapport d’opposition mais de fondation. 33

La compréhension de l’essence de la transcendance comme immanence montre la vanité des critiques qui reposent au contraire sur la simple opposition de leurs concepts. 33

Vaine en effet est la prétention de mettre en cause la valeur philosophique du concept d’immanence, de lui refuser plus précisément toute signification ontologique possible, quand le fondement qu’elle se donne n’est autre que l’extension de la transcendance à la totalité du champ phénoménologique de l’être. 33

Ce qui se trouve mis en lumière en même temps que cette extension, ce n’est point le rejet de l’immanence hors de la structure interne du pouvoir ontologique de l’essence mais seulement son appartenance à celle-ci. 33

Si la compréhension des concepts ontologiques purs de l’immanence et de la transcendance est différente, leur extension, en effet, est identique. 33

L’extension de la transcendance à la totalité du champ phénoménologique de l’être signifie l’universalité de l’immanence comme structure ontologique fondamentale de toute manifestation possible. 33

Parce que l’extension des concepts d’immanence et de transcendance compris comme concepts ontologiques est identique, la tentative de dissocier les réalités qui forment leur contenu pur en rejetant celles-ci chacune hors du champ d’action de l’autre, se révèle absurde. 33

Ce lien n’est pas extérieur mais réside au contraire dans la transcendance elle-même si l’essence de celle-ci est l’immanence. 33

La compréhension ontologique de la transcendance dans son essence est identiquement celle de l’immanence en elle. 33

Seul l’oubli de ce qui, dans la transcendance, constitue sa possibilité la plus ultime, peut conduire la problématique à nier purement et simplement la signification ontologique du concept de l’immanence. 33

Avec l’omission de l’essence de la transcendance la philosophie de l’être s’en tient, malgré l’apparence, au niveau de la philosophie de la conscience, lorsque celle-ci déclare simplement : « La conscience (n’est) précisément que rapport, renvoi, signification vers ou pour… » Avec la détermination de l’essence de la transcendance comme immanence, le rapport transcendantal de l’être-au-monde n’est plus affirmé simplement mais saisi au contraire dans sa possibilité intrinsèque. 34

L’exclusion du monde hors de la conscience de l’imagination résulte de la détermination du mode originaire de révélation de l’imagination comme immanence. 34

La détermination de l’essence de la transcendance comme immanence est identiquement la mise en lumière de ce qui rend possible la cohérence de la structure interne de l’essence de la manifestation. 34

L’unité originairement cohérente du mouvement de la transcendance considéré dans sa structure propre réside dans l’immanence. 35

L’unité propre de cette structure et ce qui la rend possible, l’immanence comme telle, c’est-à-dire encore l’« essence » de la transcendance, sombrent à la faveur de cette confusion dans l’oubli. 35

La structure ontologique où s’accomplit la réunion de l’essence avec soi est celle de la réceptivité originaire par laquelle l’essence se reçoit elle-même dans l’immanence. 36

Que l’immanence se réfère à la structure ontologique interne de l’essence elle-même comme ce qui la rend possible et constitue ainsi son essence, l’essence de l’essence, c’est ce qui confère à son concept sa signification essentielle. 36

Cette signification est perdue au contraire quand à la possibilité interne de l’essence et à la question de sa détermination se trouve substituée, sous le concept de l’immanence et comme son contenu propre, la simple appartenance de l’essence à ses déterminations. 36

La présence du fondement dans ce qu’il rend possible, l’immanence de l’essence à ses déterminations, c’est là ce qui se trouve pensé désormais sous le concept de l’immanence, ce qui se donne pour le « caractère immanent de l’essence. » 36

La signification traditionnellement reconnue au concept de l’immanence de l’essence comme déterminant dans sa nature le rapport de l’essence et de ses modes recouvre l’impuissance de la pensée à saisir la signification essentielle conformément à laquelle un tel concept se réfère par nécessité à la structure ontologique interne de l’essence et au problème de la détermination de cette structure. 36

Que peut valoir, en l’absence d’une telle détermination, l’interprétation philosophique du rapport qui unit l’essence à ses modes, quel sens donner à l’immanence en eux de celle-ci, en quoi une telle immanence est-elle susceptible de les rendre possibles et de les fonder ? Car l’essence ne peut rendre possibles ses propres modes que pour autant qu’elle est elle-même possible. 36

Avec l’immanence de l’essence dans la conscience naturelle – quand ce n’est pas celle, beaucoup plus vague et totalement indéterminée, de l’« Esprit » ou de la « Raison » dans les différents « individus » – la philosophie classique se satisfait à bon compte. 36

De quel résultat, en effet, peut-elle se prévaloir, qu’est-ce qui se trouve pensé par elle à titre de contenu effectif quand la possibilité de la connaissance n’est pas cherchée ailleurs que dans l’immanence de l’essence aux différents modes où cette connaissance s’accomplit, sinon la tautologie où la possibilité de la connaissance est simplement nommée ? Ou bien avec le concept du rapport d’immanence de l’essence à ses modes, la pensée ne va-t-elle pas au-delà de la simple tautologie, l’idée qui l’anime secrètement dans l’élaboration de ce rapport et qui se dissimule en fait derrière celui-ci, n’est-elle pas celle qui sert de thème directeur et de fondement à l’ontologie, l’idée de la possibilité du fondement lui-même, de la possibilité interne de l’essence. 36

Ce qui est visé, au moins confusément, sous le concept de la présence de l’essence dans ses modes et saisi par lui comme rendant possible l’action de ces derniers, n’est-ce point en réalité ce qui rend possible l’action de l’essence elle-même, la présence de celle-ci, l’unité de l’essence avec soi dans cette forte réunion où il lui est donné d’être ce qu’elle est et d’agir ? La signification ontologique essentielle du concept de l’immanence est le contenu inaperçu de la pensée qui s’en tient au rapport d’immanence. 36

Celui-ci pour cette raison n’est pas absent des philosophies qui prétendent refuser toute signification ontologique à l’idée de l’immanence et se constituer indépendamment d’elle. 36

L’immanence de l’essence au contenu effectif de l’expérience et, par exemple, du savoir réel au savoir naturel, atteste l’impossibilité pour la pensée d’oublier totalement ce qu’elle se cache sous un tel rapport, la révélation immanente où l’essence se donne originellement à elle-même dans l’action par laquelle elle se rend présente, par laquelle elle se rend susceptible d’agir. 36

L’obscurité qui est celle, chez Hegel aussi bien que chez Heidegger, du statut du savoir naturel et de l’immanence en lui du savoir réel, appartient en réalité au concept inélaboré de cette immanence en tant que celui-ci ne désigne pas seulement, d’une manière explicite et dans l’évidence de son contenu, le rapport de l’essence à ses modes, mais encore, quoique de façon cachée, la structure propre de celle-ci, la structure interne du savoir réel et son fondement. 36

L’essence immanente est celle de l’immanence. 36

Que l’essence parvienne elle-même en soi, que son pouvoir, celui de parvenir dans la lumière de l’extériorité, soit d’abord celui de parvenir dans ce parvenir, de s’unir à lui, de se réunir ainsi avec soi dans la force de son unité interne, cela ne veut-il pas dire simplement qu’un tel pouvoir existe, que l’essence doit être présente pour agir ? Ou plutôt qu’elle est effectivement présente et qu’ainsi elle agit ? Le contenu ontologique du concept de l’immanence compris « dans sa signification essentielle » n’est-il pas constitué, au même titre que celui qui se trouve visé par la pensée dans le « rapport d’immanence » de l’essence à ses modes, par la simple présupposition de celle-ci dans la tautologie où l’essence est reconnue et nommée sans plus, où on dit qu’elle « est ». 36

C’est seulement, en effet, sur le fond en lui de cette structure où l’essence se reçoit originairement elle-même dans l’immanence que l’être est susceptible de s’unir à lui-même et d’être ainsi ce qu’il est, que l’être est susceptible d’être. 36

L’immédiat est l’être lui-même comme originairement donné à lui-même dans l’immanence. 36

Parce que cette donation originaire de l’être à soi qui le constitue proprement ne s’accomplit ni par hasard ni par miracle, mais dans l’immanence et comme cette immanence même, le concept de l’immédiat ne demeure pas indéterminé, l’immédiat n’est pas un simple nom pour dire, en l’absence de tout contexte philosophique valable et comme une simple tautologie, que l’être est, mais désigne au contraire sa possibilité interne et se réfère par suite à une essence, à l’essence fondamentale où cette possibilité trouve sa réalité. 36

La mise en évidence de l’immédiat comme constituant, non une simple exigence logique, mais la structure même de la réalité et son essence, est identiquement celle de la structure interne de l’immanence. 36

C’est par référence à la transcendance et par l’exclusion de celle-ci hors de sa structure interne que l’immanence a été définie. 37

Que la structure la plus intérieure de l’être, c’est-à-dire l’être lui-même comme originairement donné à lui-même dans la passivité fondamentale de la non-liberté, c’est-à-dire encore la structure interne de l’immanence, constitue précisément la structure de la révélation elle-même et, comme telle, l’essence du Logos, c’est là du moins ce qu’il faut comprendre. 37

C’est une question d’abord de savoir si dans l’histoire de la pensée philosophique ce qui constitue à proprement parler la structure interne de l’immanence a jamais été véritablement compris, Dans la mesure toutefois où une telle structure a été pressentie ou, du moins, a semblé l’être, il est remarquable qu’elle a été interprétée le plus souvent, pour ne pas dire presque toujours, non pas comme constitutive précisément de l’essence et de la possibilité d’une révélation, mais comme excluant celle-ci pour désigner au contraire ce qui se trouve par principe étranger à l’élément de la phénoménalité, à savoir l’étant. 38

Et c’est ainsi que, au moment même où son idée se fait jour, l’immanence se trouve rejetée hors du domaine propre de l’ontologie pour recevoir au contraire, comme on l’a vu, la signification d’être une catégorie ontique. 38

La pensée de l’immanence intervient en réalité sur un plan ontologique, elle prend forme et se détermine initialement dans son opposition au concept de la transcendance. 38

Celle-ci étant comprise cependant comme le pouvoir où la phénoménalité, identifiée avec l’extériorité, acquiert un fondement, l’immanence d’où un tel pouvoir se trouve radicalement exclu se trouve exclue à son tour de ce dernier, c’est-à-dire de l’essence de la phénoménalité, et interprétée dès lors comme radicalement étrangère à celle-ci, – comme étrangère non pas seulement à la phénoménalité elle-même dans son effectivité mais à son essence, à ce qu’il pourrait y avoir de non-phénoménal dans l’élément ontologique lui-même. 38

Et c’est ainsi que le concept de l’immanence se laisse paradoxalement appliquer à l’étant. 38

Ainsi l’immanence signifie-t-elle premièrement la non-phénoménalité, secondairement ce qui se révèle caractérisé par celle-ci, et cela de telle manière que la genèse des concepts ontologiques purs telle qu’elle s’accomplit paradoxalement à partir de l’étant vient corroborer cette double signification. 38

Ce qui est impliqué dans le contenu du concept de l’immanence tel qu’il se trouve déterminé sur un plan ontologique pur et d’une manière négative, dans son opposition à celui de la transcendance, l’idée d’une subsistance et d’une permanence en soi-même, et cela en ce qui concerne l’être, ne se laisse pas si facilement oublier, si le fait de demeurer ainsi en soi-même dans l’identité primitive avec soi se donne inévitablement, au moment même où l’immanence est saisie dans son opposition radicale au concept traditionnel de la phénoménalité, comme un caractère proprement ontologique et en même temps fondamental, comme constitutif par conséquent de l’être lui-même. 38

C’est pourquoi, dès qu’il est question de saisir celui-ci dans sa structure la plus intime et la plus essentielle, l’idée de l’immanence se présente à la problématique, et cela en dépit de son incompatibilité phénoménologique avec le concept régnant de la phénoménalité. 38

Que le maintien de soi par l’être absolu signifie précisément la permanence et la persistance de celui-ci en lui-même, au sens de l’immanence, cela se voit dans le fait qu’immédiatement après avoir posé l’amour comme ce maintien en soi constitutif de l’être absolu, Fichte lui oppose la réflexion, non comme une modalité psychologique opposée à une autre, mais comme une structure universelle identifiée par lui au processus de la division et de la différence. « 38

Et c’est parce que l’amour est compris comme trouvant sa structure dans l’immanence, comme ce qui n’est pas séparé de soi, que la recherche par les hommes de la béatitude doit être dite vaine si elle se poursuit « en quelque chose d’autre que dans ce qui ici déjà les entoure de si près qu’il ne peut être rapproché davantage durant toute l’éternité ». 38

Et l’identité ici posée de l’être et de l’existence doit être comprise rigoureusement comme caractérisant en fait d’une façon positive la structure interne de l’existence elle-même, de telle manière qu’elle ne signifie plus, sur le fond de la compréhension de cette structure au contraire comme opposition et comme différence et de la simple affirmation de son immanence à l’être, l’extériorité de celui-ci, l’être hors de soi. 38

En d’autres termes, la manifestation de l’existence immanente est contingente par rapport à celle-ci, elle s’ajoute à elle d’une manière synthétique, comme la représentation, et cela précisément parce que la structure interne de l’immanence n’a pas été reconnue et comprise comme la structure même de la révélation. 38

Parce qu’elle n’a pas été reconnue et comprise comme celle de la révélation, la structure interne de l’immanence se trouve en elle-même et comme telle livrée à la nuit. 38

L’intervention de l’homme dont le sens est ainsi de réserver la possibilité d’une manifestation de l’être absolu lui-même, plus exactement, de laisser ouverte, à l’intérieur de la problématique, la place pour une interprétation ontologique ultime de la structure interne de l’immanence comme révélation, peut-elle cependant recevoir et garder un tel sens ? N’est-elle pas plutôt philosophiquement suspecte ? Car l’homme n’a par lui-même aucun pouvoir, pas même celui de rendre une connaissance inadéquate et « finie » : toute manifestation en général, quels que soient ses caractères et précisément avec tous ses caractères, se fonde chaque fois sur me structure ontologique déterminée. 38

Si la transcendance repose dans l’immanence, celle-ci est présente, de par son œuvre propre, partout où il existe un rapport, en l’homme, par conséquent, pour autant que celui-ci a la possibilité de se rapporter à quelque chose en général. 38

Que l’absolu, tel que le comprend justement Fichte comme une existence primitive dans l’immanence, ne se manifeste pas, cela tient à l’absolu lui-même et à sa nature, plus précisément au fait que la structure interne de l’immanence n’est pas saisie par Fichte comme originairement révélatrice de soi, comme celle de la révélation. 38

Celle-ci, la réalité de l’absolu, c’est là précisément ce qu’il fallait comprendre, non pas seulement, et cela d’une manière déterminante sans doute, comme constituée dans sa structure interne par l’immanence, mais encore comme une réalité phénoménologique, comme la réalité phénoménologique d’un absolu qui cesse d’être dès lors ce dont on peut dire tout ce qu’on veut, en sorte que tout ce qu’on en dit, et par exemple le caractère immanent qu’on lui attribue, devient pure hypothèse sur un être lui-même purement hypothétique. 38

La réalité phénoménologique de l’absolu n’est rien d’autre toutefois que son appartenance originaire à soi dans l’immanence, que le mode selon lequel il se maintient et demeure en lui-même. 38

C’est pourquoi, à y regarder de près, la compréhension de la structure interne de l’immanence comme révélation ne saurait s’ajouter à la simple compréhension de cette structure, elle lui est identique. 38

Une telle compréhension qui est identiquement celle de la structure interne de l’immanence et de l’essence originaire de la révélation, est précisément celle qui manqua à Fichte pour lui permettre de donner un contenu effectif aux intuitions fondamentales de sa pensée religieuse, comme elle devait manquer plus tard, avec, toutefois, des conséquences infiniment plus graves, à toute l’ontologie moderne. 38

Parce que, dans l’accomplissement de l’œuvre intérieure par laquelle il se réalise, et conformément à la structure interne qui le détermine en son essence comme l’unité, l’absolu « demeure en lui-même », il se laisse comprendre sans équivoque comme immanence. 39

La compréhension de la structure interne de l’immanence comme celle de la révélation, comme constituant, d’une manière plus précise, l’essence originaire de celle-ci, est chez Eckhart une présupposition constante de sa pensée et en même temps l’objet de ses affirmations les plus explicites. 40

Mais cette manifestation dans l’âme de l’essence est le fait de celle-ci : l’est l’essence en réalité qui se manifeste à elle-même, de telle manière que l’union de l’âme avec Dieu n’exprime rien d’autre que l’unité interne de l’essence elle-même et ne devient effective dans la manifestation que pour autant que cette unité se trouve être comme telle constitutive d’une manifestation, pour autant que la structure interne de l’immanence est celle de la révélation. 40

L’élaboration de l’immanence dans sa structure interne a rendu manifeste en elle la fin d’un pouvoir. 41

A la lumière de l’idée de cette fin, l’immanence se laisse comprendre comme essentiellement affectée par quelque chose comme une impuissance, par une impossibilité. 41

La détermination ontologique structurelle de l’immanence fournit son fondement transcendantal au concept de situation qui, comme tel, comme essentiellement déterminé par ce qui dans l’être constitue sa structure interne et son fondement, est, en ce sens ultime et « fondamental », un concept ontologique. 41

La prétention d’assigner une origine transcendantale au concept de situation dans sa détermination à partir de la structure interne de l’élément ontologique pur présuppose la constitution de cette structure comme immanence et sa mise à découvert par la problématique. 41

Le travail de celle-ci permet seul en fin de compte que soient reliés dans l’unité originaire et fondamentale de l’essence, au lieu d’être laissés à leur liberté, les caractères sous lesquels se trouve habituellement pensé l’être-en-situation, et la poursuite de ce travail dans la direction prescrite par un tel résultat se donne nécessairement, dès lors, comme déterminant conjointement immanence et situation et comme l’approfondissement de leurs concepts corrélatifs : parce qu’elle enferme en elle, comme étant précisément les siennes, les déterminations ontologiques structurelles qui déterminent l’essence de la situation, l’immanence ne fonde pas seulement celle-ci, elle reçoit d’elle en retour, et de l’élucidation thématique de son concept, une lumière accrue sur ce qui constitue en elle sa nature la plus intime et la plus essentielle. 41

Ou plus exactement, si l’insurmontabilité est comme telle l’impossibilité de prendre un point de vue, elle n’advient à celui-ci comme son caractère le plus propre que pour autant qu’il se montre lui-même capable de manifester en lui une telle impossibilité, c’est-à-dire sa propre négation, pour autant que la transcendance se laisse déterminer dans son essence comme immanence. 41

Les structures ontologiques ultimes qui donnent sa forme et son sens à la représentation habituelle des caractères de l’être-en-situation se découvrent alors avec évidence à la problématique : comme représentation dans l’extériorité de l’espace de ce qui la nie, elle est celle, par la conscience naïve, de l’immanence. 41

La détermination ontologique originaire de l’essence de la situation comme immanence renvoie inévitablement l’analyse à une considération d’ordre historique. 41

Pour cette raison la « Nichtigkeit »se révèle identique à la « Geworfenheit » et la fonde, parce quel’immanence porte en elle comme sa structure même l’essence de la situation. 42

Parce que la positivité ontologique de la Nichtigkeit réside dans l’immanence, ce qui fait cette positivité et, identiquement, l’essence de la situation, ne se laisse pas reconnaître à l’aide des présuppositions qui sont celles de la philosophie de Heidegger. 42

L’indépendance de ce qui se découvre dans l’ekstase du passé relativement à cette découverte telle qu’elle s’accomplit dans la temporalisation originelle de la temporalité, c’est-à-dire aussi bien dans la transcendance elle-même, est celle de l’immanence. 43

Pour cette raison le contenu d’une telle découverte se révèle originellement située indépendamment de cette découverte elle-même, parce que sa structure est comme immanence celle de la situation. 43

Qu’un tel lien soit inessentiel et que la signification explicite des propositions qui l’énoncent doive en fait être renversée, résulte de ce que l’ekstase du passé crée seulement l’horizon de celui-ci et, par suite, le mode, pour autant qu’il s’accomplit temporellement, de la découverte de la Befindlichkeit, non la structure interne de celle-ci en tant qu’elle réside originairement dans l’immanence. 43

Que la structure interne de la situation réside originairement dans l’immanence, la philosophie de la transcendance le laisse paraître en elle quand, ainsi qu’on l’a vu, elle se trouve contrainte de déterminer le fondement de l’être-situé à partir de l’idée d’un fondement qui, comme transcendance précisément, n’est pas le fondement de lui-même, à partir de l’idée de la Nichtigkeit. 43

Une telle proposition, toutefois, ne saurait être affirmée simplement et, parce que la philosophie de l’existence se montre incapable de lui donner un fondement dans la structure interne de la subjectivité comme structure constitutive de celle-ci, comme immanence, elle n’a pas d’autre moyen que de lier, en dépit de leur hétérogénéité, en dépit du pouvoir ontologique négateur qui définit la liberté comme ce qui précisément n’est pas l’étant, celui-ci et celle-là, de telle manière que chaque terme, se trouvant lié à l’autre, reçoit, dans ce lien et par lui, quelque chose comme l’ersatz d’une situation. 44

On trouve, à vrai dire, dans la Phénoménologie de la Perception quelque chose comme le pressentiment d’une philosophie de l’immanence, lequel se fait jour justement à propos du problème qui nous occupe, celui de la situation. 44

L’essence de la transcendance réside dans l’immanence. 45

Comment la dissimulation trouve-t-elle sa raison dans la positivité de l’essence et lui est-elle identique ? Qu’est-ce qui fait, dans la structure interne de l’immanence, qu’elle se dérobe ? Ou bien n’appartient-il pas à celle-ci, conformément aux résultats éidétiques les plus importants obtenus par la problématique, de ne pas s’en aller hors de soi dans l’extériorité mais de se retenir au contraire en elle ? Dans cet acte de se retenir en soi, c’est-à-dire aussi bien dans son essence originelle, est incluse la raison pour laquelle l’immanence précisément ne s’avance pas dans l’extériorité et ne se montre pas en elle comme cette extériorité même ni comme la phénoménalité qui la constitue. 45

Que cette conscience devienne plus aiguë et s’exaspère lorsqu’elle assiste impuissante, dans le sentiment de la mort par exemple, ou dans le désir, aux déterminations de son être objectif et à leur mouvement propre, ou qu’elle demeure au contraire latente comme ce tremblement secret qui ne cesse d’affecter l’existence, elle repose en tout cas sur l’essence, sa possibilité est la négation, qui ne cesse de s’accomplir dans l’immanence, de l’extériorité, le refus de celle-ci. 45

L’être-caché caractérise l’essence et lui appartient en vertu de sa structure interne, affecte essentiellement celle-ci, à savoir précisément l’immanence comme telle. 45

Mais l’immanence constitue la nature la plus intérieure de l’absolu, l’absolu lui-même, son essence. 45

Car cet être-caché est un nom de l’immanence et son concept concerne, par suite, l’ensemble des caractères qui constituent celle-ci et lui appartiennent. 45

Si, par exemple, « la Geworfenheit… demeure cachée », si « cet état caché n’est pas… un simple non-savoir mais constitue la facticité du Dasein », c’est que l’être de celui-ci réside positivement dans l’immanence et se trouve comme tel situé et, en même temps, dans cet état où il se dissimule, lui et ce qui constitue le caractère insurmontable de sa situation originelle. 45

Mais l’immanence ne fonde pas seulement, chaque fois, une situation, elle est l’essence de la vie. 45

Voilà pourquoi et comment l’oubli est le fait de la pensée, pourquoi et comment il est l’oubli de l’essence : parce que la pensée se dirige vers l’extériorité hors de laquelle se retient, en raison de sa structure même, l’essence originelle de la présence pure, l’immanence. 45

Parce que la pensée se dirige vers l’extériorité hors de laquelle se retient, en raison de sa structure même, l’immanence, l’oubli de l’essence dans lequel elle vit n’est pas susceptible, pour cette raison, de se transformer dans la détermination contraire. 45

Parce que le Re-mémorial de l’être s’accomplit dans la pensée et vise à travers elle son objet, il répète en réalité, à l’égard de l’immanence originelle, l’oubli de la conscience naïve et le porte à l’absolu. 45

Mais, — abstraction faite des difficultés relatives à la question de savoir comment le sujet connaissant peut sortir de sa sphère intérieure et, « en risquant le saut », parvenir jusqu’à une sphère « autre et extérieure », jusqu’à l’objet — « sur ce que signifie positivement l’intérieur de l’immanence dans laquelle la connaissance est tout d’abord enfermée et sur la manière dont le caractère d’être de cet « être-à-l’intérieur » de la connaissance se fonde dans le mode d’être du sujet, règne le silence ». 45

Ainsi se trouve rejeté par la pensée, conformément au telos qui l’anime et détermine structurellement la direction de sa visée, le concept même de l’immanence, toute possibilité pour l’essence de se retenir originellement en elle et de composer ainsi, dans cet acte de se retenir originellement en soi, quelque chose comme une intériorité. « 45

Il n’y a pas de sphère de l’immanence, pas de domaine où ma conscience soit chez elle… pas d’intimité de la conscience », et cela parce que celle-ci, dans la vision par exemple, « ne se possède pas et au contraire s’échappe dans la chose vue ». 45

Au moment de la négation de l’immanence par la conscience philosophique préexiste celui de son affirmation immédiate dans la vie. 45

De quelque façon que celle-ci se figure cette immanence, que les représentations qu’elle s’en donne trouvent inévitablement leur contenu dans la pensée de l’étant et lui appartiennent, qu’elle se comprenne par exemple comme une « boîte », c’est elle-même qu’elle exprime ainsi spontanément et l’intériorité absolue de l’immanence originelle qui constitue proprement son essence est ce qu’elle formule confusément. 45

L’immanence n’est rien, de telle manière cependant que ce rien devient insensiblement quelque chose et, en fin de compte, le nom d’une essence. 45

Ainsi voit-on, après qu’elle a été niée comme une fiction d’ailleurs inexpliquée, après qu’il a été dit qu’il n’y a pas de sphère de l’immanence, pas de possession de la conscience par elle-même, pas d’intimité de cette conscience ni de domaine où elle soit chez elle, l’intériorité de celle-ci s’introduire à nouveau dans la problématique et être implicitement admise par elle. « 45

Cette saisie de soi de la vision dans la conscience comme saisie par soi de celle-ci, ce quelque chose d’ « essentiel » qui donne au pseudo-concept de l’immanence un contenu singulièrement positif, ne demeure pas toutefois, contrairement à ce que la problématique avait tout d’abord affirmé dans un premier temps de son analyse, totalement indéterminé, son élaboration ontologique se poursuit au contraire, et cela conformément aux prescriptions qui sont celles de l’essence. 45

Qu’il en soit ainsi cependant, c’est là maintenant l’affirmation de la pensée de l’objet, l’autonégation de la négation de l’immanence. « 45

La définition de l’existence comme échappement à soi implique ce qu’elle nie, l’immanence est sa présupposition consciente. 45

Parce que cette possibilité réside ultimement dans l’immanence originelle de la vie transcendantale, la pensée qui la cherche dans le monde ne la trouve pas. 45

La détermination phénoménologique positive de l’immanence explique le statut de l’existence à l’intérieur de la philosophie qui prend celle-ci pour thème et son « obscurité », l’obscurité de l’existence elle-même. 45

C’est l’immanence du corps originel qui fait de lui ce « savoir latent » et le détermine phénoménologiquement, dans son opposition radicale à la conscience qui signifie l’extériorité, comme quelque chose d’obscur, d’« insaisissable », comme ce qui est « négligé », « passé sous silence ». 45

Le pressentiment de l’immanence, au sein même de sa négation et de son oubli, ne se laisse pas seulement reconnaître à l’intérieur des thèses contemporaines sur l’existence, la philosophie classique le porte en elle à travers l’ensemble de son développement. 45

Le concept traditionnel de l’esprit ne peut se comprendre qu’à partir de celui de l’immanence, comme sa formulation à la fois aveugle et inévitable. 45

Ainsi s’expliquent, parce que ce qui n’est pas devant, dans la lumière, se trouve, et cela comme la condition de celle-ci, en deçà d’elle, dans la nuit, c’est-à-dire finalement à partir de l’interprétation ontologique de l’essence de la transcendance comme immanence, les thèses fondamentales de Schelling, l’idée que l’intuition en elle-même, « le non-objectif… échappe à la conscience ». 45

Par un tel caractère, en effet, la réflexion traditionnelle ou contemporaine se rattache à l’essence et, si elle ne parvient pas à la détermination ontologique positive de sa structure interne comme immanence, elle peut apparaître du moins en maints de ses développements comme le pressentiment de celle-ci. 45

Pareille étrangeté détermine ce qu’il y a « d’historique » en Jésus et cette historicité du fait primitif du christianisme ne signifie rien d’autre à son tour que la définition de son essence comme immanence. 46

L’immanence de la transcendance, et par là il faut entendre sa représentation dans le monde comme être donné à la pensée et comme objet, est selon Jaspers sa seule manifestation possible. 47

Aucun horizon de lumière, pas même la possibilité ou l’esquisse de celui-ci ne se lève en ce qui cohère avec soi dans l’unité absolue de son immanence radicale. 50

Conformément à celle-ci, l’invisible n’est rien d’« obscur » au sens de ce qui demeure en soi-même étranger à l’élément de la révélation, l’immanence dont il caractérise la réalité n’est pas « ténébreuse » au sens des alchimistes. 50

L’invisible ne rend pas seulement possible l’immanence de l’essence, il détermine l’essence de l’immanence et la constitue. 50

Déterminant l’essence de l’immanence et la constituant, rendant possible l’immanence de l’essence, l’invisible rend l’essence agissante et lui permet d’agir partout où elle agit. 50

C’est par là que la nuit accomplit l’œuvre de la révélation, en tant qu’elle est en elle-même révélation, en tant qu’elle détermine l’essence de celle-ci, en tant que, la déterminant comme l’essence de la nuit et comme l’invisible, elle la rend effective dans l’immanence où elle agit. 50

Car l’invisible n’est rien qui soit au-delà du visible, rien de « transcendant », il est l’essence originelle de la vie telle que, s’accomplissant dans une sphère d’immanence radicale, elle ne se lève jamais dans la transcendance et ne peut non plus se montrer en elle. 51

Parce que, s’accomplissant dans une sphère d’immanence radicale, l’essence originelle de la vie ne se lève jamais dans la transcendance et ne peut non plus se montrer en elle, rien de transcendant précisément, aucune entité, aucune détermination objective, ne la contient ni ne l’exhibe. 51

La structure de l’auto-affection a été expliquée et comprise comme immanence. 52

L’affectivité est l’essence de l’auto-affection, sa possibilité non théorique ou spéculative mais concrète, l’immanence elle-même saisie non plus dans l’idéalité de sa structure mais dans son effectuation phénoménologique indubitable et certaine, elle est la façon dont l’essence se reçoit, se sent elle-même, de telle manière que ce « se sentir » comme « se sentir soi-même », présupposé par l’essence et la constituant, se découvre en elle, dans l’affectivité, comme se sentir soi-même effectif à savoir précisément comme sentiment. 52

L’identité de l’affectant et de l’affecté est l’affectivité et, comme telle seulement, comme auto-affection de l’essence dans son immanence radicale, son Soi, le Soi de l’essence, l’ipséité. 52

La structure interne de l’immanence a été comprise finalement et décrite comme la passivité de l’être à l’égard de soi, comme passivité ontologique originaire. 53

Pas plus que l’immanence toutefois, la structure ultime qui l’explicite et où elle trouve la concrétion de son être-possible, ne saurait être posée simplement, comme une structure idéale, comme une condition prescrite par l’analyse. 53

Ainsi s’opère, dans l’immanence du sentiment, son dépassement, le dépassement du sentir vers ce qu’il sent, de telle manière que, se dépassant ainsi, le sentir ne se dépasse vers rien, ne se dépasse pas lui-même, est l’être-saisi du sentiment par sa propre réalité. 53

Avec la passivité originelle de l’être à l’égard de soi telle qu’elle se réalise dans le souffrir s’accomplit, comme dépassement de l’immanence, identique à celle-ci, le dépassement du Soi vers ce qu’il est, l’obtention par lui de son être propre et, identiquement, le dépassement dans l’identité du sentiment vers son propre contenu, son surgissement en lui-même dans la profusion de sa richesse intérieure, le devenir de son être effectif et sa consistance. 53

L’affectivité où l’immanence est saisie non plus dans l’idéalité de sa structure mais dans son effectuation phénoménologique concrète, où l’invisible se révèle dans l’effectivité de sa phénoménalité, a été comprise comme telle, comme immanence, dans son hétérogénéité ontologique irréductible à la forme du sens où se réalise l’affection de l’essence par l’être étranger. 54

L’immanence cependant est la condition de la transcendance, la réalité de l’acte qui s’oppose l’horizon. 54

Comment cependant l’affectivité est-elle comprenante, apte à saisir des significations transcendantes et à les vivre, c’est là ce qui doit être précisé si rien ne répugne davantage à son essence que la transcendance, si le déploiement d’un horizon de compréhension est ce qui lui est le plus étranger ? Considérée en elle-même, à vrai dire, l’affectivité ne comprend rien, elle est, bien plutôt, l’impossibilité de toute compréhension, le non-développement de l’ekstase et, dans cette impossibilité seulement, dans ce non-développement, ce qu’elle est, l’immanence absolue de la vie dans sa passivité originelle à l’égard de soi, le souffrir et, comme telle précisément, l’affectivité. 54

Une telle prescription d’ordre éidétique a, en ce qui concerne la sensation, la signification de définir le lieu où elle se donne à sentir et est éprouvée comme constituant précisément sa réalité, comme le s’éprouver soi-même de la vie dans l’immanence absolue de son affectivité. 56

Encore celle-ci ne concerne-t-elle pas l’auto-affection elle-même et ne vise-t-elle même plus à la fonder, elle « fournit la matière de la conscience mais ne suffit pas à la constituer elle-même » : la sensation au lieu de porter en elle, comme sensation vivante et dans son immanence originelle, la possibilité de l’être-donné, n’est plus précisément que la « matière de la connaissance », quelque chose de transcendant qui présuppose hors de soi au contraire une telle possibilité, la possibilité de la connaissance et de l’expérience en général. 57

Telle est l’absurdité qui domine pourtant l’histoire de la philosophie de l’affectivité, car l’essence de celle-ci, le s’éprouver soi-même constitutif comme tel d’une sphère d’immanence radicale et de la vie elle-même dans son intériorité vivante, ne peut, bien entendu, se trouver réellement comme être-donné-à-soi effectif, comme sentiment de soi, dans le contenu insensible et aveugle de l’entité transcendante ni lui appartenir. 57

Ainsi se trouvent écartées non seulement la conception classique d’un contenu par principe hétérogène à la forme et comme tel non ontologique, la conception heideggerienne d’un contenu pur, ontologique, mais irréel, étranger encore, par suite, à la réalité de la forme, mais encore celle de Malebranche, dont le trait le plus remarquable est la reconnaissance du contenu de l’affectivité, c’est-à-dire de la forme, comme identique, dans son immanence radicale, à cette forme elle-même et à sa réalité. 57

En cela consiste précisément l’affectivité, dans l’immanence radicale du contenu comme identique à sa forme, à l’affectivité elle-même. 57

L’amour signifie une détermination de l’action à partir de la structure interne de l’essence comprise dans son immanence radicale et dans ce qu’elle est originellement pour elle-même, comme auto-affection et comme affectivité. 58

Il est remarquable à cet égard que, pour opposer la vérité telle qu’il la comprend à ce qui fait le caractère douloureux de la douleur, à son affectivité, Lachelier ait choisi, non un sentiment précisément, mais une sensation dont l’être-constitué se substitue devant le regard de la pensée à son être-originel, dont l’affectivité se trouve ainsi déchue, transportée de la dimension originaire de l’immanence où elle est la vie et trouve sa réalité, dans celle de l’idéalité où elle ne peut plus être précisément que représentée. 60

Le comment de la révélation de l’affectivité désigne en premier lieu la structure interne du pouvoir qui accomplit cette révélation, à savoir l’affectivité elle-même comprise comme cette structure, désigne l’immanence. 60

Une telle modification est la suivante : à la joie se substitue, là où elle déployait son être toutefois, dans la sphère d’immanence radicale de l’invisible, une autre tonalité. 61

L’interprétation ontologique fondamentale de l’affectivité comme immanence a été donnée par la problématique. 66

Conformément à cette interprétation, il apparaît que les déterminations ontologiques structurelles de l’immanence sont identiquement celles de l’affectivité et, par suite, de tout sentiment comme tel. 66

Que l’ensemble des déterminations qui se réfèrent à la transcendance se trouvent exclues de l’être réel et propre du sentiment, c’est là ce qui fait de celui-ci un contenu immanent au sens radical défini par la problématique, comme contenu de l’essence dont la structure interne est justement l’immanence, c’est-à-dire aussi bien l’affectivité elle-même comme telle. 66

La détermination ontologique fondamentale du sentiment comme contenu immanent et, réciproquement, de tout contenu immanent comme affectif, la détermination ontologique fondamentale de l’affectivité comme constituant l’essence de l’immanence et comme identique à celle-ci, se heurte au contraire à une objection décisive susceptible de mettre en cause tous les résultats de la problématique si, dans un seul cas, une seule fois, le sentiment déploie son être dans le milieu ontologique de l’extériorité et se présente ainsi en lui comme un contenu transcendant. 66

Ici encore la confusion faite par Scheler entre l’être originel, entre l’être affectif du sentiment vital et le milieu ontologique qui sert de substrat à sa constitution, enferme la problématique dans une contradiction qui vaut comme une réfutation décisive de la thèse de la transcendance du sentiment, comme la mise en évidence de son immanence radicale. 66

Bien entendu, la différence qui existe entre nos divers sentiments ne trouve en aucune façon son principe dans celui de leur constitution possible, c’est, avant d’être représentée, une différence réelle qui apparaît sur le plan de leur affectivité même, dans la sphère d’immanence radicale définie par celle-ci. 66

Parce qu’elle apparaît et se réalise dans la sphère d’immanence radicale de l’affectivité, la différence qui s’institue entre nos divers sentiments n’a principiellement rien à voir avec l’extériorité mutuelle conformément à laquelle ils se trouvent juxtaposés dans le milieu transcendant de leur constitution. 66

Comment une telle détermination des sentiments superficiels par les sentiments « profonds », détermination qui présuppose non l’extériorité réelle des niveaux affectifs mais la co-appartenance de tous les sentiments à une même dimension de l’existence, à la sphère d’immanence radicale de l’affectivité, s’accomplit-elle, de telle manière qu’elle s’accomplit précisément comme une détermination de ce qui est superficiel par ce qui est profond, comme une détermination « à partir de l’intérieur », c’est ce que la problématique aura encore à montrer. 66

Ainsi est confirmée, avec la prise en considération du caractère spécifique et chaque fois différent de la relation que les différents sentiments entretiennent avec le Je, la théorie de la pluralité des niveaux affectifs, de telle manière que ceux-ci désignent des degrés divers d’éloignement par rapport au moi véritable de l’expérience intérieure, des degrés divers de transcendance, de telle manière que la thèse de la co-appartenance ontologique de toutes nos tonalités à une même sphère d’immanence radicale se trouve à nouveau et explicitement niée. 66

Mais la douleur, aussi longtemps qu’elle est là, n’est pas là devant nous, ce qui la détermine existentiellement est ce qui la détermine ontologiquement, l’incapacité principielle de l’ego absolu de prendre un recul quelconque par rapport à elle et de lui échapper, c’est-à-dire aussi bien l’appartenance principielle de la douleur considérée dans son affectivité à la sphère d’immanence radicale qui est celle de l’ego lui-même. 66

Que signifie cependant une telle loi, que veut dire pour un sentiment visé et atteint dans la perception ou l’intuition affective, « n’être pas réellement éprouvé » par la conscience ? Quand donc un sentiment est-il réel et qu’est-ce qu’un sentiment qui ne l’est pas ? Ici doit être rappelée la distinction fondamentale instituée par la problématique, à l’intérieur même de l’élément pur de la phénoménalité qui définit, au point de vue ontologique, la réalité, entre le concept strict de celle-ci et ce qu’il désigne, l’auto-affection originelle de l’essence dans son immanence radicale, à savoir précisément l’affectivité elle-même et, d’autre part, ce qui trouve seulement dans cette dernière, dans la réalité de l’acte qui le projette et le reçoit, la condition de sa possibilité, l’horizon du néant et sa manifestation effective, c’est-à-dire encore le milieu de l’idéalité ou de l’irréalité pure comme telle. 67

Cela veut dire : le sentiment est immanence radicale, est affectivité. 67

La réalité de la souffrance est, dans l’autre, son affectivité, son autorévélation à elle-même dans la sphère d’immanence radicale qui constitue précisément comme telle l’ipséité de l’autre. 67

Mais la douleur réellement vécue par moi ou la honte réelle n’est donnée qu’en elle-même, dans son affectivité, dans une sphère d’immanence radicale, et demeure comme telle foncièrement étrangère au milieu vers lequel se transcende la perception, aussi étrangère à ce milieu qu’une douleur ou une honte éprouvée par un ego autre que le mien. 67

Ici encore la distinction ontologique rigoureuse de l’affectivité réelle et de l’affectivité irréelle permet seule à l’analyse de nos sentiments de ne pas se perdre dans des oppositions qui n’en sont pas, de ne pas prendre l’accidentel pour l’essentiel et de saisir précisément la nature de celui-ci, la réalité du sentiment constitutive de son affectivité, dans son hétérogénéité foncière au domaine de la perception et ultimement de la transcendance, dans son immanence radicale. 67

La détermination ontologique de l’immanence radicale du sentiment rend possible une élaboration systématique du problème de l’action considérée dans son fondement, c’est-à-dire précisément dans sa relation à l’affectivité elle-même comme telle. 68

Ici parvient à nouveau dans l’évidence la nature de la relation originelle qui unit l’affectivité et l’action, comme relation s’accomplissant, non par la médiation d’un contenu transcendant, mais dans l’immanence, immédiatement, comme la détermination immédiate de l’action par une tonalité affective donnée. 68

La reconnaissance de la détermination immédiate de l’action par l’affectivité demeure cependant équivoque chez Scheler, et cela parce qu’elle ne peut recevoir sa pleine signification qu’à la lumière de l’interprétation ontologique fondamentale de l’affectivité comme immanence, interprétation qui rend seule possible une saisie adéquate du caractère affectif de la motivation, l’identification de l’état-source de l’action avec la réalité affective de la perception et non avec la perception elle-même considérée dans sa transcendance. 68

La relation extrinsèque de l’affectivité à ces valeurs, sa prétendue transcendance, ce que Scheler appelle la perception affective, se substitue à nouveau, comme source de l’action, à l’affectivité elle-même considérée dans son immanence, à l’ « état affectif », la détermination immédiate de la première par la seconde s’efface derrière la simple détermination médiate de l’action à partir des contenus axiologiques visés dans la perception. 68

Bien plus, l’« idéal » vers lequel ce projet est orienté, le contenu dont il poursuit la réalisation et qui sert d’étalon à celle-ci trouve lui aussi, de l’aveu même de Scheler, son origine dans l’immanence absolue de la vie affective. 68

L’impuissance de l’action à l’égard de l’affectivité ne résulte pas seulement de l’immanence en elle de celle-ci, de l’immanence du sentiment, elle confirme encore la problématique dans ses thèses fondamentales. 69

C’est là, en effet, ce que signifie l’immanence du sentiment, l’impossibilité principielle où il se trouve de se présenter comme un contenu transcendant. 69

Ainsi se trouve incluse a priori dans la détermination ontologique de l’essence de l’affectivité comme immanence et dans l’interprétation de celle-ci comme constitutive de la réalité, l’impossibilité principielle d’agir sur le sentiment, et cela en un double sens, comme impossibilité de le produire et, de la même manière, de le modifier ou de le détruire. 69

Que l’impossibilité d’agir sur le sentiment résulte de son appartenance intérieure au moi et de sa profondeur, que, bien plus, elle soit proportionnelle à celle-ci, cela veut dire, de toute évidence, elle résulte de son immanence, de l’immanence de l’affectivité et lui est identique. 69

La structure interne de l’immanence, c’est-à-dire aussi bien de l’affectivité elle-même, a été comprise comme l’essence de la non-liberté. 70

Car, dans l’unité de son immanence radicale, en l’absence de tout dépassement, la souffrance ne se dépasse pas seulement vers elle-même, vers son propre contenu, pour être ce qu’elle est, cette tonalité déterminée. 70

L’histoire originelle est le devenir immanent des tonalités subjectives de l’existence, comme telle, comme immanente et s’accomplissant dans une sphère d’immanence radicale, elle ignore le temps de l’opposition, toute forme de compréhension possible par conséquent, et n’est pas dialectique. 70

Avec le devenir de la souffrance et sa transformation intérieure dans la joie se révèle à nous un concept nouveau et, à vrai dire, essentiel de la dialectique, celui d’une dialectique immanente, d’un mouvement s’accomplissant dans l’immanence et qui est le mouvement de nos tonalités, le passage des déterminations qualitatives les unes dans les autres. 70

Que le mouvement de nos tonalités s’accomplisse dans l’immanence ne détermine pas seulement, en effet, son milieu dans son hétérogénéité ontologique à celui de l’opposition par exemple, détermine et désigne la structure de ce milieu, la structure interne de l’immanence, comme la source du mouvement, le souffrir de l’être, sa souffrance et sa joie, comme le fondement des déterminations qualitatives et de leur devenir, comme le fondement de la dialectique. 70

L’antinomie est une loi du monde spirituel invisible et se produit en lui, se produit où se produisent les déterminations qualitatives de l’existence affective et ses tonalités, comme leur rapport précisément, comme leur transformation intérieure et dialectique, elle est leur mouvement immanent, s’accomplissant dans l’immanence, possible à partir d’elle et de sa structure. 70

Parce qu’elle s’accomplit à l’intérieur de la sphère d’immanence radicale de la subjectivité absolue et n’est possible qu’à partir d’elle et de sa structure, la relation des tonalités ne peut être comprise au contraire, saisie dans son intériorité dialectique, là où la compréhension de cette structure fait elle-même défaut. 70

C’est dans la structure de l’être lui-même au contraire, dans la structure interne de l’immanence, comme des possibilités pures voulues et prescrites par celle-ci, que les tonalités affectives fondamentales de l’existence se trouvent aperçues par Kierkegaard et définies par lui dans le Traité du Désespoir. 70

Derrière lui », « à son insu », cela veut dire, dans cette sphère d’immanence radicale qu’on ne se représente jamais, en lui, dans son moi. 70

C’est de cette façon que le désespoir se rapporte au moi, ontologiquement d’abord, en tant qu’il prend naissance en lui, dans la souffrance de son souffrir, dans la structure interne de l’ipséité comme telle, c’est-à-dire aussi bien de l’immanence, comme un mode de réalisation de cette structure et comme son actualisation phénoménologique. 70

Se débarrasser de son moi, rompre le lien qui l’attache à lui-même, c’est justement là, toutefois, ce dont le moi est incapable si l’irrémissibilité de ce lien, le caractère insurmontable de la relation à soi du moi dans sa passivité absolue à l’égard de soi, si l’impossibilité pour lui de se dépasser de quelque façon que ce soit, de se séparer de soi, d’échapper à soi, bref si la structure interne de l’immanence constitue, comme la problématique l’a montré, son essence même. 70

Le désespoir est une expérience parce que son effort pour se séparer de soi reste près de soi et le demeure par principe, parce qu’il se produit dans une sphère d’immanence radicale où le moi du désespoir ne peut précisément ni se séparer de soi ni se détruire. « 70

Mais ce lien ne peut être délié, la relation à soi du moi dans sa passivité ontologique originelle à l’égard de soi, son unité avec soi comme unité absolue dans une sphère d’immanence radicale, comme unité avec soi de la vie, ne se laisse ni surmonter ni briser. 70

La structure interne de l’immanence, l’unité absolue qu’elle enferme et constitue, c’est là ce que Kierkegaard appelle l’éternité, et cela à bon droit si une telle structure se détermine par l’exclusion hors d’elle du temps de la transcendance, si, positivement, l’unité qu’elle enferme et constitue, l’unité intérieure et vivante de la vie, ne peut être brisée. 70

Pour qu’on meure de désespoir, dit-il encore, il faudrait que ce qu’il y a d’éternel en nous puisse mourir, que la structure interne de l’immanence, son unité absolue, l’unité absolue du moi, soit brisée. 70

Quelque chose, toutefois, n’entre pas dans le jeu et c’est là proprement ce que Kierkegaard appelle le sérieux : l’être du vouloir ne pas être soi, du vouloir se défaire de soi, en tant que cet être, donné à lui-même dans l’unité absolue de son immanence radicale, éternellement donné à lui-même dans l’ipséité de son être-soi, ne peut précisément se défaire de soi, ni cesser d’être ce Soi qu’il est. 70

En tant que le désespoir trouve sa condition dans la structure interne de l’immanence et prend naissance en elle, dans la souffrance du souffrir, dans la souffrance et dans la jouissance de soi de l’être absolu, il se dialectise, entre dans l’histoire et devient son contraire. 70

Totalité, réalité, c’étaient là les déterminations ontologiques structurelles comprises par la problématique comme celles de la révélation qui trouve sa structure interne dans l’immanence, c’est-à-dire dans l’essence dont l’effectivité phénoménologique, dont la réalité est justement l’affectivité comme telle. 70

L’affectivité révèle l’absolu dans sa totalité parce qu’elle n’est rien d’autre que son adhérence parfaite à soi, que sa coïncidence avec soi, parce qu’elle est l’auto-affection de l’être dans l’unité absolue de son immanence radicale. 70

Dans l’unité absolue de son immanence radicale l’être s’affecte lui-même et s’éprouve de telle manière qu’il n’y a rien en lui qui ne l’affecte et ne soit éprouvé par lui, aucun contenu transcendant à l’expérience intérieure de soi qui le constitue. 70

La détermination ontologique structurelle et fondamentale de l’essence originaire de la révélation comme immanence et comme affectivité rend seule possible le développement cohérent et assuré de lui-même d’une problématique visant l’être de la subjectivité absolue ainsi que les questions essentielles qui lui sont liées, le développement d’une phénoménologie et d’une philosophie phénoménologique de l’expérience vécue, de l’ego, de la connaissance de soi, de la vie intérieure et de la temporalité qui lui appartient en propre, de la structure de l’expérience en général et de ses formes essentielles. 70

L’immanence essentielle de la négativité à l’être (l’extériorité de l’être n’est qu’une conséquence de l’immanence en lui de la négativité) constitue le motif ontologique et, par suite, le sens profond de la critique dirigée par Hegel contre le formalisme. 72

En fait, c’est à la lumière de l’interprétation ontologique de la dialectique qu’il convient de comprendre l’identité d’essence du sujet et de l’objet ou, comme le dit souvent Hegel, l’immanence du Soi dans le contenu. 72

Mais l’immanence de l’universel dans la détermination demeure une affirmation purement spéculative aussi longtemps qu’elle n’est pas vécue. 74

L’immanence de l’infini dans la détermination ne peut recevoir une signification positive que si elle se réfère à une présence phénoménologique du Concept. 74

L’immanence du Concept au sein de la détermination transcendante a une signification ambiguë. 76

Ce qui fait que l’esprit ne s’en tient pas à sa connaissance présente, c’est justement l’immanence du Concept à celle-ci. 77

C’est dans l’immanence radicale de la sphère de la subjectivité absolue que cette passivité trouve son fondement. 77

Cependant, la découverte de cette sphère d’immanence radicale, comme ultime fondement de toute présence possible, exige un dépassement décisif de la problématique hégélienne du phénomène et de toute philosophie moniste de la manifestation en général. 77

Mais la nécessaire référence de l’être objectif à la certitude subjective ne signifie rien d’autre que l’immanence de l’entité transcendante dans le milieu universel de l’être avec lequel la conscience est en fait identifiée. 77