Henry (1963) – consciência infeliz

Ainsi la conscience malheureuse du judaïsme se comprend-elle comme quelque chose d’inessentiel, comme une existence qui laisse l’essence en dehors d’elle, essence dont elle est radicalement privée et qui lui demeure à jamais transcendante. 19

La conscience malheureuse du judaïsme ne se représente pas l’unité de l’essence et de l’existence, cette unité n’est pas pour elle (für es), elle est au contraire pour nous (für uns) qui comprenons l’existence dans sa vérité, c’est-à-dire comme l’essence. 19

Lorsque la conscience naturelle se sera élevée à travers toute la série de ses expériences, à travers l’expérience de la conscience malheureuse, au savoir philosophique qui est le nôtre, l’unité de l’essence et de l’existence qui constitue l’essence de cette conscience lui deviendra présente à elle-même, ne sera plus seulement une unité pour nous. 19

Toutefois, et comme on vient de le voir, l’unité de l’essence et de l’existence qui est pour la conscience qui parvient à la compréhension de son essence (für sich) comme elle est pour nous (für uns) qui nous mouvons à l’intérieur du savoir philosophique, n’est pas moins irréelle que la séparation de l’existence et de l’essence qui est pour la conscience malheureuse, pour la conscience naturelle en général (für es). 19

La conscience malheureuse n’est pas seulement la conscience sensible, ce n’est pas à celle-ci précisément, mais à toute connaissance, à toute pensée, que s’adresse l’interrogation qui est celle de l’essence elle-même, sa parole la plus essentielle : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » L’opposition structurelle de l’être et de la connaissance est l’intuition centrale de la religion. 46