Parce qu’ils sont rigoureusement ordonnés à des essences objectives où se manifestent les structures aprioriques des régions, parce que, pour cette raison, ils obéissent à une légalité d’ordre éidétique, les différents types d’évidence ont, à cet égard, un degré égal de validité. Chacun d’entre eux nous propose, conformément à une catégorie déterminée de l’appréhension, une possibilité d’expérience qui correspond strictement à une sphère de l’être et qui est susceptible de nous livrer, à l’intérieur de cette sphère, l’être lui-même, tel qu’il s’y manifeste dans sa structure essentielle. On ne saurait cependant ranger tous les types d’évidence sur le même plan. Une discrimination, d’ordre axiologique si l’on veut, mais qui trouve sa source, non point dans les préférences subjectives d’une conscience, mais dans une téléologie de signification universelle immanente à la vie intentionnelle en général, s’établit manifestement entre eux. MHEM I
Si particulière et si intense que soit l’expérience subjective à laquelle parvient la conscience qui s’égale à l’objet dans la certitude et dans la vérité, une telle expérience n’est encore qu’un mode d’une vie essentiellement finie. MHEM 3
Dans la jouissance de l’être fini ou de l’expérience finie qui le donne, la conscience ne peut se délivrer du mode d’existence qu’elle doit assumer si elle veut vivre la vie rationnelle à laquelle appartiennent également la certitude singulière et l’être déterminé. MHEM 3
C’est donc le remplissement ou, pour être plus exact (car la conscience ne vise jamais, dans la vie immédiate du moins, à se transformer elle-même, elle vise un contenu qu’elle cherche à modifier, en s’en rapprochant par exemple, – et c’est de cette façon qu’elle se transforme, involontairement en quelque sorte, et d’une manière non thématique), le contenu qui doit donner à ce remplissement l’occasion de se produire, qui demeure le véritable but de la vie intentionnelle. MHEM 3
Mais la rationalité immanente à la vie intentionnelle est-elle autre chose qu’un idéal ? Et bien que celui-ci soit justement ce qui confère à toute recherche le mouvement par lequel elle se dépasse sans cesse et s’engage dans la voie d’un progrès indéfini, n’est-il pas, cependant, à bien des égards, et en dépit de sa fécondité pratique, un idéal dangereux ? N’est-ce pas en lui que s’engendre l’oubli originel, l’oubli de l’origine et du fondement ? Le problème est celui de savoir si l’horizon qui appartient à toute conscience intuitive, en tant qu’elle est aussi et toujours une conscience non intuitive, est un élément contingent de la structure de la conscience en général, ou s’il lui appartient, au contraire, par principe. MHEM 3
Au-dessus d’une telle phénoménologie, lui conférant son sens et lui assignant ses limites, se situe une discipline d’ordre supérieur, la phénoménologie transcendantale de la conscience absolue, qui consiste dans l’ensemble ordonné et systématique des recherches visant à élucider comment cette conscience confère chaque fois, et cela dans sa vie même, un sens spécifique à l’être qu’elle constitue dans l’acte par lequel elle se transcende vers lui. MHEM 5
La vie de la conscience présente ainsi des configurations typiques où se dessine à priori toute forme possible d’objectivité. MHEM 5
Encore ce fondement doit-il être correctement compris, dans sa signification absolument concrète, car il n’est pas une forme vide, la simple possibilité par elle-même indéterminée d’une pensée d’objets en général ; il se ramène, en fait, à des configurations rigoureusement définies qui sont les modes mêmes de la vie d’une conscience, les déterminations singulières, quoique d’ordre éidétique, que revêt nécessairement une existence réelle en tant précisément qu’elle existe. MHEM 5
Que l’ego existe, à titre de réalité constituée, comme un être transcendant, pourvu d’un sens propre, qui trouve son origine dans une configuration éidétiquement définie de la vie transcendantale, cela ne doit pas nous faire oublier que l’ego dont il s’agit maintenant n’est rien d’autre en réalité que cette vie transcendantale elle-même considérée comme l’ensemble des configurations possibles dans et par lesquelles se constituent, au sein de la conscience, tous les types de données transcendantes et tous les sens d’être qui leur sont immanents. MHEM 5
Au même titre que la conscience empirique qui demeure liée au monde et à l’être naturel, l’ego pur transcendantalement réduit implique, comme condition de possibilité de sa manifestation et, par suite, de toute élucidation systématique de sa vie propre, un horizon de présence. MHEM 5
La représentation ne désigne nullement, par suite, un mode particulier de la vie de la conscience, comme s’il y avait pour celle-ci, à titre de possibilité offerte à elle, une vie représentative à côté d’autres formes et d’autres modes possibles d’existence, à côté, par exemple, d’une vie sensible, conceptuelle ou affective ; c’est l’essence de la conscience qui doit être comprise dans sa structure éidétique propre et, comme telle, universelle à la lumière du concept de « représentation ». MHEM 11
C’est cette dernière qu’on cherche en fait à fonder, et cela en montrant que la vie psychologique et intérieure de la conscience n’est possible que dans sa connexion avec les objets extérieurs dont l’ordre objectif constitue le seul fondement assignable à l’unité, comme à la distinction, des événements intérieurs. MHEM 12
Ou bien l’essence pure de la phénoménalité n’est-elle pas présente en tant que telle dans le contenu réel de l’apparence ? L’absolu ne se manifeste-t-il pas en lui-même dans cette conscience effective ? « Ou bien, demande Fichte, la vie divine ne se trouve-t-elle pas immédiatement dans cette conscience ?… Non, car la conscience ne peut absolument que transformer en un monde cette vie immédiate, et dès qu’on pose cette conscience, cette transformation est posée comme effectuée. » MHEM 14
Parce que la conscience naturelle, conformément à l’essence de la conscience en elle, vit en présence de l’être qui se manifeste à elle, la manifestation de l’être à la conscience ne requiert aucune modification radicale dans la vie de cette conscience. MHEM 17
La manifestation de l’être se produit constamment, habituellement, dans la vie de la conscience naturelle, en tant qu’elle est identique à l’essence de cette vie. MHEM 17
La vie de la conscience n’est certes pas monotone, elle est susceptible de se modifier. MHEM 17
Une modification radicale intervient dans sa vie lorsque, cessant de se diriger vers l’étant qui faisait jusque-là l’objet de sa préoccupation exclusive, la conscience prend en considération, non plus cet étant lui-même, mais l’acte d’apparaître en vertu duquel l’étant apparaît. MHEM 17
La représentation ainsi entendue est un mode déterminé de la vie de la conscience et elle inclut en elle, à titre de corrélat noématique irréel, l’« objet » en présence duquel cette vie se tient dans ce mode déterminé d’existence qui est alors le sien. MHEM 18
La conscience naturelle elle-même est ce mode déterminé de la vie de la conscience dans lequel cette conscience vise précisément l’étant en tenant pour rien tout ce qui n’est pas lui. MHEM 18
Le savoir philosophique ou savoir vrai est lui aussi un mode déterminé de la vie de la conscience, une détermination particulière de son existence. MHEM 18
Parce que le savoir vrai est un mode déterminé de la vie de la conscience, il n’a rien à voir avec le savoir absolu. MHEM 18
Le savoir absolu désigne l’existence de la conscience dans son essence universelle, non une détermination de cette existence, un mode particulier de sa vie. MHEM 18
Loin de surgir seulement dans un mode déterminé de la vie de la conscience, la Parousie constitue l’essence même de cette vie et, comme telle, la condition de toutes les déterminations que celle-ci est susceptible de se donner. MHEM 18
Parce que la présupposition du savoir vrai de la conscience philosophique et du savoir non vrai de la conscience naturelle est la Parousie, cette présupposition n’est pas un fondement caché derrière la vie de la conscience, elle est la vie consciente elle-même comme telle, la vie de la conscience philosophique comme celle de la conscience naturelle. MHEM 18
Parce que la vie de la conscience en général est la Parousie, la Parousie ne réclame pas le renversement. MHEM 18
Une modification particulière de la vie de la conscience est ici nécessaire pour qu’elle puisse atteindre ce qui ne se donne à elle qu’à l’intérieur de cette modification qui est alors la sienne. MHEM 18
La représentation de la conscience s’entend ici au sens premier du mot représentation conformément auquel « représentation » désigne la visée de la conscience et se réfère ainsi à un mode particulier de sa vie. MHEM 18
Que la conscience naturelle, maintenant, se représente l’être, cela veut dire que l’être se manifeste à elle et lui est accessible en dehors de toute modification de sa vie qui aurait l’être pour thème, en dehors de toute prise de position et de toute visée particulière » La conscience naturelle se représente l’être sans faire de lui le thème de sa visée parce que la représentation de l’être est l’essence de la conscience en général. MHEM 18
La conscience philosophique se représente l’être comme la conscience naturelle se représente l’étant, en faisant de lui le thème de sa visée, à l’intérieur d’une modification déterminée de la vie de la conscience en général. MHEM 18
Mais l’objet de la conscience, dans son essence universelle n’est déterminé par aucun acte de la conscience, il n’est solidaire d’aucune détermination particulière de sa vie. MHEM 18
C’est seulement d’un tel acte de saisie, en réalité, c’est-à-dire d’un mode déterminé de la vie de la conscience, qu’on peut dire qu’il n’est que le « concept du savoir », en tant justement qu’« il ne prend pas garde à l’être ». MHEM 18
Le « prendre garde à l’être » du savoir vrai et le « ne pas prendre garde à l’être » de la conscience naturelle sont des modes de la vie de la conscience, des déterminations de son existence. MHEM 18
Le rapport entre la structure ontologique de la conscience et les déterminations existentielles que celle-ci est susceptible de revêtir dans sa vie est facile à comprendre, du moins pour ce qui en est dit ici : la structure ontologique de la conscience est à la fois indifférente et immanente aux déterminations existentielles de celle-ci. MHEM 18
Considérée comme une détermination existentielle, la conscience naturelle n’en est pas moins ontologique en tant qu’elle est justement un mode de la vie de la conscience, un mode de l’existence dans sa structure ontologique universelle – en tant que, en général, la structure ontologique universelle de l’existence est immanente à toute détermination existentielle comme constituant son essence même. MHEM 18
Ce avec quoi une conscience a affaire, ce qu’elle retient dans le contenu qu’elle a devant elle – non pas ces traits maladroits sur un tableau, mais un « triangle » –, plus précisément, le sens qu’elle confère à ce contenu – celui d’être une figure idéale formée par l’intersection de trois droites sur un plan –, voilà ce qui qualifie la vie de cette conscience, ce qui la détermine au point de vue existentiel. MHEM 18
L’unité de cette structure assure l’unité existentielle entre un mode déterminé de la vie de la conscience et la signification qu’elle constitue et en présence de laquelle elle se tient. MHEM 18
Une détermination existentielle est donc une détermination de la vie de la conscience et, solidairement, une détermination de sa signification transcendante. MHEM 18
Le fondement de la compréhension existentielle implicite de soi et de son lien avec la compréhension existentielle explicite de l’« objet » réside dans le fait que celle-ci est identiquement un mode déterminé de la vie de la conscience et, comme telle, une détermination existentielle. MHEM 18
Irréelle, toutefois, cette séparation ne l’est pas parce qu’elle est fausse, mais parce qu’elle se produit à l’intérieur de la représentation, c’est-à-dire comme une signification visée par la conscience dans un mode déterminé de sa vie. MHEM 19
Ce qui est pour la conscience, « pour elle », « pour soi », « pour nous », ce qu’elle se représente en se comprenant dans un mode déterminé de sa vie est toujours, et cela quel que ce soit ce mode, quelque chose d’irréel. MHEM 19
Que la conscience soit l’être-pour-soi de la vérité, c’est là justement sa vie. MHEM 19
La vie de la conscience est une vie dans la vérité, c’est la vie de la vérité elle-même. MHEM 19
Parce que la vie de la vérité est la vie même de la conscience, la conscience n’est à aucun moment séparée de la vérité. MHEM 19
La différence entre le savoir naturel et le savoir réel est la différence qui existe entre une modalité de la vie de la conscience et cette conscience elle-même dans sa structure ontologique universelle. MHEM 20
Comment cette différence entre deux termes dont l’un seulement est « pour elle » peut-elle entrer néanmoins dans la vie de la conscience de manière à y devenir agissante et à déterminer en elle un mouvement ? Hegel ne concevait pas cette possibilité autrement qu’en faisant de l’autre terme, de l’être-en-soi de la conscience, quelque chose qui est aussi, d’une certaine façon, « pour elle ». MHEM 20
Dans ce qui est au début il convient donc de distinguer une modalité de la vie de la conscience, modalité dans laquelle cette conscience commence l’histoire de sa vie, et, d’autre part, ce qui rend possible un tel commencement, à savoir le commencement lui-même. MHEM 21
L’expérience de l’être dans sa simplicité et dans sa totalité se réalise autrement, toutefois, que dans la représentation de la conscience religieuse ou dans un mode déterminé de sa vie, elle se réalise dans l’être lui-même, de telle manière que cette expérience de l’être dans sa totalité constitue l’être lui-même dans sa simplicité et, comme telle, une structure ontologique absolument universelle et indépendante à l’égard de toute compréhension comme de toute détermination particulière. MHEM 37
Aux degrés inférieurs de la vie spirituelle de l’homme, dit Fichte, l’être divin ne se révèle pas en tant que tel à la conscience… au point central de la vie spirituelle… il se découvre en tant que tel à la conscience… il entre dans la forme qui vient d’être démontrée la forme nécessaire de l’existence et de la conscience comme une image et une reproduction ou comme une notion qui se donne expressément pour une simple notion sans aucunement se faire passer pour la chose elle-même. » MHEM 38
La réflexion radicale, est-il dit plus précisément, est conscience de sa propre dépendance à l’égard d’une vie irréfléchie qui est sa situation initiale, constante et finale. » MHEM 44
Au moment de la négation de l’immanence par la conscience philosophique préexiste celui de son affirmation immédiate dans la vie. MHEM 45
La conviction qui caractérise celle-ci est la conscience immédiate de l’être, laquelle s’exprime non moins immédiatement dans le sentiment que cet élément essentiel dont elle vit et qui constitue aussi l’essence de toute vie, ne se laisse point rencontrer sur le chemin suivi par la connaissance et ne peut être saisi par elle. MHEM 46
L’invitation expressément faite à la conscience de ne plus se perdre dans l’irréalité du milieu où elle aliène son essence, l’abandon corrélatif des représentations où cette aliénation s’accomplit, c’est-à-dire précisément du concept de Dieu, le retour à la vie et à la sphère originelle d’existence où réside sa possibilité concrète, définissent celle-ci, constituent les moments d’une analyse éidétique où la structure originelle de l’être se trouve reconnue et posée. MHEM 46
Ainsi Husserl montre-t-il comment, à partir du présent vivant où il se donne primitivement, tout vécu tombant, conformément à la légalité éidétique qui régit la constitution de la temporalité immanente et domine la vie concrète de la conscience, dans la rétention, subit en celle-ci et dans ses phases successives une série de modifications phénoménologiques dont l’aboutissement est « le tréfonds universel… ce qu’on appelle l’inconscient qui n’est rien moins qu’un néant phénoménologique mais qui, ajoute Husserl, est lui-même un mode limite de la conscience ». MHEM 51
Que l’indifférence au contraire caractérise dans le réel l’opposition des structures qui le divisent, le partage en lui du monde ouvert de la cité où s’accomplit et se reconnaît dans la lutte la spiritualité des hommes, et de l’invisible où s’enferment au contraire la conscience originelle de la vie et son essence sacrée, c’est ce que rend clair la parole fameuse : « Rends à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » MHEM 51
Ainsi voit-on, et cela au sein même de la vie quotidienne, la conscience pure montrer, comme une suprême preuve qui peut au besoin se donner dans la mort, sa différence d’avec l’être-naturel. MHEM 51
Ainsi voit-on chez Kant où les conditions de la phénoménalité sont explicitement comprises comme l’objectivité, la problématique se montrer incapable de déterminer l’être de la conscience originelle de l’ego, de sa vie concrète, comme, d’une manière générale, de tout ce qui a trait à l’essence et, dans son prétendu rejet de la spéculation, recourir au contraire à celle-ci pour reconstruire comme elle le peut, par le biais d’une morale précisément spéculative, le règne de la réalité qu’elle pressent mystérieusement derrière l’apparence. MHEM 51
Le pressentiment de ce qui se cache sous le masque et que celui-ci ne manifeste pas autrement qu’en le désignant comme l’élément radicalement autre et qui, précisément, se cache sous lui, c’est la vie cependant qui l’éprouve, en elle, dans la conscience qu’elle a d’elle-même, se fonde la signification qu’a l’apparence de n’être qu’une apparence. MHEM 51
Parce que la signification qu’a l’apparence de n’être qu’une apparence repose sur la vie et sur la conscience originelle qu’elle a d’elle-même, une telle signification, le pressentiment que la forme n’est rien et cache l’essence, est présente partout où celle-ci est présente, partout où la vie ne se reconnaissant pas dans l’apparence se cherche derrière elle. MHEM 51
Ainsi doit être rejetée la thèse de Fichte selon laquelle « le sentiment… dépend du hasard » et ne saurait comme tel, en raison de ce caractère contingent et variable de son être, nous permettre de saisir la vie, au sens où il l’entend, et d’en jouir, c’est-à-dire asseoir notre rapport à l’absolu, la possibilité de fonder un tel rapport devant être laissée à ce qui est seul capable de subsister par soi-même et ainsi de durer, à la conscience de soi identifiée à la connaissance et à la pensée. MHEM 55
Et d’abord, en ce qui concerne l’affectivité, elle n’est plus la forme ni son essence mais justement un contenu, médiatisé par elle et la présupposant, parmi beaucoup d’autres, de la vie conscientielle, étranger à l’essence de celle-ci, à la conscience pure et à la phénoménalité pure comme telle, quelque chose d’opaque par conséquent, d’hétérogène à l’esprit, plus ou moins assimilable au contenu impressionnel spécifique, contingent, variable et irrationnel, d’une sensation quelconque ou, pour mieux dire, identique, précisément, à celui-ci. MHEM 57
C’est la conscience de soi seule qui est capable de saisir la vie et d’en jouir », de telle manière que cette conscience de soi qui concentre en elle l’essence de la révélation et son effectivité doit être comprise dans son identité à la pensée ou encore à la connaissance pure et, du même coup, dans son opposition explicite au sentiment, incapable en tant que tel d’appréhender l’absolu et la permanence de l’être en lui. « MHEM 59
C’est le thématisme de la perception ou, pour parler avec plus d’exactitude, la réflexion et le mode de vie proprement réflexif dans lequel la conscience est capable d’entrer qui sont rendus responsables précisément de la disparition du sentiment, de son évanouissement. MHEM 61
C’est donc une erreur absolue, un contresens ontologique total que de prétendre justement saisir dans la pensée, à l’intérieur du pouvoir de compréhension qu’elle met chaque fois en œuvre, le contenu de la révélation originelle du Logos, de telle manière que ce qui est dit dans ce contenu, ce contenu lui-même comme contenu manifeste, se trouverait subordonné à un acte de compréhension et à son libre mode de réalisation, ne serait plus rien d’autre qu’un contenu dépendant, un signe, si l’on veut, mais dont toute la signification, constituée dans la vie de la conscience et par elle, lui viendrait de celle-ci, lui viendrait de notre pensée. MHEM 61
Ou bien vivre de nouveau un sentiment signifie l’éprouver réellement une nouvelle fois, signifie sa répétition authentique dans la vie et alors, dans son appartenance à celle-ci et à son cours réel, un tel sentiment ne peut être ni perçu ni senti, son mode de présentation à la conscience, excluant tout acte de saisie intentionnellement dirigé sur lui, réside au contraire en lui-même, dans le s’éprouver soi-même intérieurement qui le constitue, est son affectivité. MHEM 67
La possibilité d’atteindre ces derniers dans des actes de la perception ou de l’intuition affective, de les co-sentir, de se réjouir ou de s’affliger de ce qu’ils sont et, pareillement, de se les donner dans la représentation, la reproduction, l’imagination, le souvenir ou l’attente, ne signifie en aucune façon pour cette conscience la possibilité de les éprouver réellement comme des tonalités appartenant à sa vie propre et comme ses déterminations immanentes mais, bien au contraire, l’exclut. MHEM 67
Le besoin, dans les modes élémentaires de la vie, se présente le plus souvent sous cette forme, comme un simple malaise, comme la conscience par essence affective et ici douloureuse de quelque chose qui est l’affectant et demeure cependant comme tel axiologiquement indifférencié. MHEM 68
La vie, en effet, n’est vraiment la vie que si elle est capable de sortir de la nuit de l’inconscience pour parvenir au sentiment d’elle-même et à la conscience de soi. MHEM 71
C’est ce que dit encore le jeune Hegel dans un texte remarquable, très proche de l’analyse fichtéenne du début de l’Évangile johannique et qui obéit aux mêmes présupposés ontologiques : « seule une conscience égale à la vie, et telle que toutes deux ne diffèrent qu’en ce que la vie est l’être, tandis que la conscience est cet être comme réfléchi, est phos ». MHEM 71
En d’autres termes, la réflexion ne désigne pas un mode particulier de la vie de la conscience, elle en constitue bien plutôt l’essence, et cela non point parce que la conscience serait conçue à partir de l’expérience privilégiée de la réflexion, mais parce que la scission et la division (le terme de réflexion ne désigne ici rien d’autre) sont pensées comme la condition de la possibilité d’une présence, comme l’essence même du phénomène interprétée à partir de l’idée de lumière (phos). MHEM 71