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Bergson (OC) – a verdade científica é pragmática e operatória

sábado 6 de novembro de 2021, por Cardoso de Castro

  

português (parcial)

Que é um juízo verdadeiro? Chamamos de verdadeira a afirmação que concorda com a realidade. Mas no que pode consistir esta concordância? Gostamos de ver aí algo como a semelhança do retrato com o modelo e a afirmação verdadeira seria aquela que copiaria a realidade. Entretanto, reflitamos um pouco sobre isso: veremos que somente em casos raros, excepcionais, esta definição de verdadeiro acha aplicação. [...]

Tomemos uma verdade tão vizinha quanto possível da experiência, esta, por exemplo: "o calor dilata os corpos". Do que ela poderia ser cópia? É possível, num certo sentido, copiar a dilatação de um corpo determinado em momentos determinados, fotografando-a em suas diversas fases. Mesmo, por metáfora, posso ainda dizer que a afirmação "esta barra de ferro dilata-se" é a cópia do que se passa quando assisto à dilatação da barra de ferro. Mas uma verdade que se aplica a todos os corpos, sem dizer respeito especialmente a nenhum daqueles que vi, não copia nada, não reproduz nada. [...]

Uma frase como "o calor dilata os corpos", seguida da visão da dilatação de um certo corpo, faz com que prevejamos como outros corpos se comportarão em presença do calor; ela nos ajuda a passar de uma experiência antiga a novas experiências; é um fio condutor, nada mais. A realidade passa; nós passamos com ela; e chamamos de verdadeira toda afirmação que, dirigindo-nos através da realidade móvel, coloca-nos em melhores condições e dá-nos os meios para agir sobre ela vê-se a diferença entre esta concepção de verdade e a concepção tradicional. Geralmente definimos o verdadeiro por sua conformidade ao que já existe; James define-o por sua relação com o que ainda não existe. O verdadeiro, segundo William James  , não copia algo que foi ou é: ele anuncia o que será, ou melhor, prepara nossa ação sobre o que vai ser. A filosofia tem uma tendência natural a querer que a verdade olhe para trás: para James, ela olha para a frente.

original

Qu’est-ce qu’un jugement vrai ? Nous appelons vraie l’affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance ? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l’affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c’est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c’est tel ou tel fait déterminé s’accomplissant en tel ou tel point de l’espace et du temps, c’est du singulier, c’est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l’expérience, celle-ci par exemple : « la chaleur dilate les corps ». De quoi pourrait-elle bien être la copie ? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d’un corps déterminé à des moments déterminés, en la photographiant dans ses diverses phases. Même, par métaphore, je puis encore dire que l’affirmation « cette barre de fer se dilate » est la copie de ce qui se passe quand j’assiste à la dilatation de la barre de fer. Mais une vérité qui s’applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j’ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien. Nous voulons cependant qu’elle copie quelque chose, et, de tout temps, la philosophie a cherché à nous donner satisfaction sur ce point. Pour les philosophes anciens, il y avait, au-dessus du temps et de l’espace, un monde où siégeaient, de toute éternité, toutes les vérités possibles : les affirmations humaines étaient, pour eux, d’autant plus vraies qu’elles copiaient plus fidèlement ces vérités éternelles. Les modernes ont fait descendre la vérité du ciel sur la terre ; mais ils y voient encore quelque chose qui préexisterait à nos affirmations. La vérité serait déposée dans les choses et dans les faits : notre science irait l’y chercher, la tirerait de sa cachette, l’amènerait au grand jour. Une affirmation telle que « la chaleur dilate les corps » serait une loi qui gouverne les faits, qui trône, sinon au-dessus d’eux, du moins au milieu d’eux, une loi véritablement contenue dans notre expérience et que nous nous bornerions à en extraire. Même une philosophie comme celle de Kant  , qui veut que toute vérité scientifique soit relative à l’esprit humain, considère les affirmations vraies comme données par avance dans l’expérience humaine : une fois cette expérience organisée par la pensée humaine en général, tout le travail de la science consisterait à percer l’enveloppe résistante des faits à l’intérieur desquels la vérité est logée, comme une noix dans sa coquille.

Cette conception de la vérité est naturelle à notre esprit et naturelle aussi à la philosophie, parce qu’il est naturel de se représenter la réalité comme un tout parfaitement cohérent et systématisé, que soutient une armature logique. Cette armature serait la vérité même ; notre science ne ferait que la retrouver. Mais l’expérience pure et simple ne nous dit rien de semblable, et James s’en tient à l’expérience. L’expérience nous présente un flux de phénomènes : si telle ou telle affirmation relative à l’un d’eux nous permet de maîtriser ceux qui le suivront ou même simplement de les prévoir, nous disons de cette affirmation qu’elle est vraie. Une proposition telle que « la chaleur dilate les corps », proposition suggérée par la vue de la dilatation d’un certain corps, fait que nous prévoyons comment d’autres corps se comporteront en présence de la chaleur ; elle nous aide à passer d’une expérience ancienne à des expériences nouvelles c’est un fil conducteur, rien de plus. La réalité coule nous coulons avec elle ; et nous appelons vraie toute affirmation qui, en nous dirigeant à travers la réalité mouvante, nous donne prise sur elle et nous place dans de meilleures conditions pour agir.

On voit la différence entre cette conception de la vérité et la conception traditionnelle. Nous définissons d’ordinaire le vrai par sa conformité à ce qui existe déjà ; James le définit par sa relation à ce qui n’existe pas encore. Le vrai, selon William James, ne copie pas quelque chose qui a été ou qui est : il annonce ce qui sera, ou plutôt il prépare notre action sur ce qui va être. La philosophie a une tendance naturelle à vouloir que la vérité regarde en arrière : pour James elle regarde en avant.


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