Schérer (1971:147-153) – Daseinanálise de Binswanger (III)

destaque

A metáfora indica precisamente que, se o sonho não se junta à vida real na sua forma prática, pode, no entanto, assumir a forma e o sentido da espiritualidade e da comunidade: “a espiritualidade, uma vez desperta, pode estender-se até ao sonho para fazer surgir pelo menos a imagem da vida universal”. A metáfora do sonho é a possível assunção pela subjetividade de uma universalidade que não lhe é estranha, mas que se inscreve nas possibilidades da sua história individual, ou a passagem da vida sofrida como função à vida assumida como história.

original

La métaphore indique précisément que, si le rêve ne rejoint pas la vie réelle sous sa forme pratique, il peut prendre toutefois la forme et le sens de la spiritualité et de la communauté : « la spiritualité une fois éveillée peut s’étendre même au rêve pour en faire surgir au moins l’image de la vie universelle ». Le rêve voit se réaliser dans sa métaphore l’assomption possible par la subjectivité d’une universalité qui ne lui reste pas étrangère, mais qui s’inscrit dans les possibilités de son histoire individuelle, ou encore le passage de la vie subie comme fonction à la vie assumée comme histoire.

[148] Il s’agit ici de la « vérité subjective » à laquelle elle accède et de l’histoire de sa propre vie dans laquelle elle transcende la soumission à la fonction biologique. La question de la vérité objective et pratique reste en dehors de cette transition puisque, sous la forme métaphorique, le logos de l’esprit et le nous de la présence à l’être parviennent à se manifester suffisamment à l’individu :

« Nous psychothérapeutes ne devons pas nous en tenir à Hegel, car, en tant que tels, nous n’avons pas à nous occuper de la vérité objective, de l’harmonie de la pensée et de l’être, mais bien de cette « vérité subjective » dont parle Kierkegaard, c’est-à-dire de cette « passion de l’intériorité », en vertu de laquelle, par le moyen de l’objectivité (de la communication, de la compréhension, de la soumission à une norme intersubjective) la subjectivité peut s’élaborer à partir d’elle » (p. 187).

Cette dernière remarque porte en elle, mais d une façon qui n’est pas totalement explicitée, l’essentiel de ce qui est en question : à savoir le moyen d accès à ce renversement des directions qui permettra au rêve même d’offrir la métaphore de la spiritualité et de la communication. Si nous voyons bien comment, du langage onirique à celui de l’esprit ou logos, s établit par le biais de la métaphore la continuité d une signification, le moment nous est encore voilé ou l’expression métaphorique du rêveur peut s éveiller à sa signification. Si ce moment est bien indiqué dans l’idée que des opérations communicatives entre le psychothérapeute et le malade sollicitent la variation de sens de la métaphore, il faut toutefois admettre que le problème de l’expression métaphorique dans sa double orientation, et celui de la possibilité de cette communication, ne forment pas un seul et même problème. En d’autres [149] termes, le secret de la communication ne peut pas être découvert uniquement au niveau du langage et de l’expression.

Car il est incontestable que le « nous » ne se laisse pas totalement « remplir » (remplissement de sens) au plan d’une analyse du langage : d’une part, il ne peut se comprendre que par référence à une expression pratique universelle assurant l’unité du Logos et du monde objectif, d’autre part, au niveau de l’expérience individuelle, il fait appel à des relations et des actions interindividuelles, se situant, en dernière analyse, dans l’ineffable. Ou bien, si nous considérons, ainsi que nous y invite Binswanger, le problème de l’objectivité du monde commun, comme « en dehors de la question », faudra-t-il admettre l’acte de transcendance absolue et imprévisible par quoi la communication, l’ouverture à l’esprit, s’opère ? Peut-être qu’effectivement, dans le cours de la technique psychothérapique on ne peut se passer d’une pratique non théorétisée, ou de l’appel à l’hypothèse d’une transcendance, points d’articulation à partir desquels seuls une théorie peut prendre un sens. Mais, pour nous, qui ne nous préoccupons pas ici d une telle technique, mais de la cohérence d’une théorie possible du fondement de la communication, nous ne pouvons pas faire autrement que de prendre acte d une dichotomie apparemment insurmontable : la théorie propose l’unité et la continuité d’un langage symbolique universel, qui nous conduit de l’image de la mort à celle d’une ouverture sur une présence spirituelle à laquelle l’individu peut participer dans une communauté, mais le mécanisme de ce changement dans la métaphore dépend d’un principe hétérogène. Si nous mettons hors de question la connaissance de ce principe, alors il ne reste plus en présence que l’histoire individuelle intérieure et l’infini où elle plonge, [150] qui peut être aussi bien rêve ou délire que réalité ; établir la distinction entre eux au moment où la vie individuelle s’historialise ne peut suffire, car l’interrogation se posera à nouveau de la possibilité de cette historialisation, qui présuppose une communication déjà instaurée: là se trouvent les limites d’une analyse purement existentielle et la nécessité d’une doctrine qui ne soit plus divisée entre les notions d une vérité intérieure et subjective et d’une vérité universelle. En nous fixant simplement sur les données de « l’existence », nous ne pouvons, absolument en juger :

« La vie comme fonction est une autre vie que la vie comme histoire. Et cependant les deux ont un fondement commun : l’existence. Montrer le lieu du rêve au sein de ce fondement était notre dessein. En dehors de cette communauté de fondement, mais en relation avec lui, rêve et veille ont encore quelque chose de commun : comme le « passage » de l’un à l’autre est successif (ce à quoi ne change rien le caractère de rupture de la décision biographique individuelle) le commencement de la vie biologique et par là du rêve et la fin de l’état de veille de la biographie intérieure, plongent dans l’infini ; car, comme nous ne savons pas où la vie et le rêve commencent, le souvenir nous restera toujours dans le cours de notre vie qu il est au-dessus des forces humaines d’être, « au plus haut sens du mot, l’individu » (ibid., ad fin.).

En ce cas, la signification du « nous » ne revêt-eile pas également une singulière imprécision ? Nous pourrons nous laisser prendre au mirage des communications imaginaires, nous ne saurons jamais quand nous sommes effectivement en communication avec les autres et s’ils ne sont pas des projets à la limite de notre existence intérieure. La marque de [151] l’inachèvement et de l’erreur de principe de la philosophie de Binswanger est qu’en présupposant la communication originaire elle rejette dans l’incertain la communication effective; inachèvement parce qu’une doctrine de la communication ne saurait se passer d’une doctrine de la vérité et de l’expérience universelle pratique, ce qu’elle refuse de tenter; erreur de principe, dans la mesure où le nous de l’ontologie fondamentale entre en contradiction avec lui-même, ne peut légitimer le langage dans lequel il se déploie, c’est-à-dire le langage de la métaphore pour atteindre le langage de la vérité. Cette contradiction ne peut échapper à qui cherche à pousser les principes dans la rigueur de leurs conséquences : de quelle façon serons-nous assurés que le « nous » de I ontologie, cette Wirheit, n’est pas une métaphore épuisant son sens dans une communication imaginaire ? Seul le refus de couronner le langage dans sa dimension ontologique de métaphore ou de logos par une instance personnelle quelconque pourrait nous garantir contre l’illusion à laquelle la théorie du « nous » paraît céder.

Mais alors, il faut refuser également la tentation d’une doctrine de la communication se déroulant dans une pure positivité d’être, avec de simples différences quantitatives de plus ou de moins, de dimension ascensionnelle ou descendante, pour admettre au fondement de la « chaîne » de symbolisation par laquelle la vie humaine se spiritualise et devient apte à la communication, une négativité qui, quel que soit le nom qu’on lui donne de « désir de mort », de « lutte pour la reconnaissance » ou de « risque », fait de la mort et de la violence une possibilité première de l’existence et du discours. Aussi entrevoit-on dans cette perspective qu’un principe spéculatif qui commence par « refuser » la communication est plus fécond que celui qui l’admet [152] dès l’origine à titre de structure ontologique fondamentale de l’existence humaine. Dans le domaine anthropologique, la psychanalyse freudienne à laquelle la psychothérapie binswangérienne entend se substituer est précisément fondée sur une critique du « nous » immédiatement atteint, sur sa mise en suspicion dans le domaine thérapeutique et sur la décomposition de sa structure. L’Eros freudien situé dans l’affirmation et la liaison instinctive n’est pas principe du nous, ce n’est pas un nous que le logos, directement, recouvre: c’est par la dénégation de l’être-là donné que l’homme peut accéder à la symbolisation et à la vérité, et à la possibilité de communiquer, mais également à la mort.

En d’autres termes, si nous traitons l’être de l’homme dans son existence individuelle et mondaine, comme étant, son essence renvoie à la compréhension d’un Autre que l’étant, l’être, et cette compréhension dépasse dans son principe les oppositions existantes sur le plan mondain entre l’homme pris en tant qu’individu et l’homme en tant que communauté, puisque, à nous en tenir à cette opposition, nous ne parviendrons jamais à transformer les problèmes de l’étant en ouverture sur l’être. Ainsi la signification ontologique profonde qui se trouve à la base de toute recherche ontologique sur la communication est élucidée en subissant un déplacement radical : la recherche de la communication avec le sens d’accès à l’être qu’on lui donne, par l’arrachement qu elle implique à la limitation individuelle, n est qu’une traduction et un transfert, au niveau de l’étant, d’une question qui intéresse, non les relations entre étants particuliers, mais celle de l’étant dans sa totalité avec l’être. Cette question est posée au sein du Dasein lui-même, au sein de l’homme même, indépendamment de la situation existentielle de l’individu ou du groupe. [153] Dans cette orientation, la référence de l’être essentiel à un je ou à un nous tombe en dehors du problème.

Le fondement ne peut être atteint que si nous excluons toute manière de poser la communication en termes de relation d’individu à individu, de personne à personne, de subjectivité à subjectivité dans l’intersubjectivité ou, comme on peut encore l’exprimer, « d’être à être » ; de toute manière, la relation de l’étant et de l’être est partout présupposée et, tant qu’elle n’est pas élucidée, il est impossible, en ce domaine, d’avancer d’un pas: tout au plus parcourons-nous le chemin de l’alternance entre le je et le nous, entre la communication et la solitude.

La question de l’antériorité dans l’être du je ou du nous est donc bien, en un certain sens, une question de « choix » simplement, choix inessentiel au fond, puisque, pour pouvoir décider de son sens authentique, il est nécessaire que nous nous détournions d’abord des termes en lesquels il s’exprime, des termes personnalistes, et que nous empruntions, pour aller au sens ontologique du logos, un autre chemin.

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