Le concept non élaboré de distance n’est encore que la façon dont la conscience naturelle et pré-philosophique se représente la condition du phénomène, et cette représentation n’est pas encore une pensée. 9
C’est en fait le même pouvoir ontologique de manifestation qui est pensé par Fichte sous les titres, équivalents pour lui, d’existence, de forme, de représentation, de manifestation, de révélation, d’image, de conscience et d’être au sens philosophique, c’est-à-dire au sens qu’a le verbe être dans l’expression « le mur est ». 11
Cette conscience qui surgit dans un processus ontologique déterminé a en conséquence les caractères ontologiques que lui confère le processus dont elle résulte, et ces caractères sont les mêmes que ceux de l’image ou de la représentation qui adviennent aussi à l’intérieur d’un tel processus et qui ne sont, à vrai dire, rien d’autre que la conscience : « l’existence, disait Fichte dans un texte que nous avons cité, mais que nous rétablissons maintenant dans son intégralité, doit par son propre être s’anéantir en face d’une autre existence absolue ; ce qui lui donne justement le caractère de simple image, de représentation ou de conscience de l’être. » 11
Ce n’est pas seulement chez les post-kantiens, et notamment chez Hegel, que la conscience est identifiée dans son concept avec le phénomène ontologique de l’aliénation de l’être et de son opposition à lui-même ; cette conception domine en fait l’ensemble de la philosophie de la conscience, elle trouve son illustration en même temps que sa formulation la plus générale dans la compréhension de l’essence de la conscience comme « représentation ». 11
L’existence, disait Fichte, doit par son propre être s’anéantir en face d’une autre existence absolue ; ce qui donne justement le caractère de simple image, de représentation ou de conscience de l’être. » « 11
L’existence de l’être, dit encore Fichte, est la conscience ou la représentation de l’être. » 11
L’assimilation de la conscience à la représentation n’est pas accidentelle, elle repose sur la communauté d’essence qui se fait jour derrière les concepts de « conscience » et de « représentation » dès qu’on veut saisir ceux-ci dans leur signification ontologique. 11
La volonté de saisir l’essence de la conscience amène la pensée devant le processus ontologique qui confère à cette essence sa structure propre et c’est justement lorsqu’elle est comprise à partir de cette essence qui est la sienne que la conscience est pensée comme la représentation. 11
La représentation ne désigne nullement, par suite, un mode particulier de la vie de la conscience, comme s’il y avait pour celle-ci, à titre de possibilité offerte à elle, une vie représentative à côté d’autres formes et d’autres modes possibles d’existence, à côté, par exemple, d’une vie sensible, conceptuelle ou affective ; c’est l’essence de la conscience qui doit être comprise dans sa structure éidétique propre et, comme telle, universelle à la lumière du concept de « représentation ». 11
C’est pourquoi Heidegger peut dire que « la représentation (Vor-stellen) règne sur tous les modes de la conscience. » 11
La représentation ainsi comprise est ce qui « présente sur le mode de la représentation », elle se réfère explicitement à l’essence comme telle de la présence et nous invite à comprendre celle-ci comme une présence qui est celle du représenté, c’est-à-dire la présence de quelque chose qui survient devant, dans un milieu d’extériorité dont elle n’est elle-même, en tant qu’essence commune de la conscience et de la représentation, rien d’autre que l’ouverture. 11
L’une des indications les plus constantes par laquelle la philosophie de la conscience tente parfois de préciser le concept de représentation sur lequel elle repose, est la désignation de celle-ci sous le titre de certitude. 11
En tant qu’elle est la condition qui permet au divers de l’intuition de « s’unir en une conscience », la nécessité est le pouvoir qui assure de l’intérieur l’unité phénoménologique de l’être comme unité de la représentation. 11
La représentation de la manifestation dans le renversement de la conscience est la manifestation de la manifestation pure comme telle. 17
La représentation de l’acte d’apparaître dans le renversement introduit la conscience dans le savoir philosophique, dans le savoir vrai. 17
La représentation de la manifestation dans le renversement par lequel la conscience parvient au savoir vrai est le savoir de soi du savoir de l’étant. 17
La « représentation » désigne ici l’objet thématique que vise la conscience ainsi que cette visée elle-même dans sa particularité. 18
La représentation ainsi entendue est un mode déterminé de la vie de la conscience et elle inclut en elle, à titre de corrélat noématique irréel, l’« objet » en présence duquel cette vie se tient dans ce mode déterminé d’existence qui est alors le sien. 18
La représentation désigne maintenant l’essence de la conscience. 18
La représentation de l’être est la conscience elle-même dans son essence universelle. 18
La représentation de la conscience s’entend ici au sens premier du mot représentation conformément auquel « représentation » désigne la visée de la conscience et se réfère ainsi à un mode particulier de sa vie. 18
Que la conscience naturelle, maintenant, se représente l’être, cela veut dire que l’être se manifeste à elle et lui est accessible en dehors de toute modification de sa vie qui aurait l’être pour thème, en dehors de toute prise de position et de toute visée particulière » La conscience naturelle se représente l’être sans faire de lui le thème de sa visée parce que la représentation de l’être est l’essence de la conscience en général. 18
La représentation désigne maintenant l’essence de la conscience, la manifestation de soi de l’être, la Parousie. 18
L’objet de la conscience universelle est plutôt la condition de possibilité de tout « objet » comme la représentation de la conscience universelle est la condition de toute « représentation » particulière, de tout acte spécifique visant chaque fois un « objet ». 18
La représentation de la conscience dans son essence universelle est la représentation de l’horizon. 18
L’objet de la représentation de la conscience universelle est indépendant de toute « représentation » particulière et, comme tel, il n’est jamais l’« objet » de celle-ci. 18
La mise en lumière de l’ambiguïté des concepts de « représentation » et d’« objet » permet de lever l’équivoque qui pèse sur les formules par lesquelles on s’efforce de définir le savoir de la conscience naturelle. 18
Employé affirmativement, prendre garde désigne la représentation qui constitue l’essence de la conscience en général. 18
Mais la conscience naturelle a déjà pris garde à l’être, en un tout autre sens il est vrai, en tant qu’elle est une conscience et que la représentation de l’être lui appartient comme la manifestation de soi originaire de l’être, comme la Parousie. 18
La distinction entre ce que l’existence est en soi et la façon dont cette existence se comprend est une distinction qu’il importe d’avoir sans cesse présente à l’esprit parce que des termes comme ceux de « représentation », de « compréhension » et même de « conscience » sont trop souvent employés indifféremment pour désigner des réalités pourtant radicalement différentes. 18
Irréelle, toutefois, cette séparation ne l’est pas parce qu’elle est fausse, mais parce qu’elle se produit à l’intérieur de la représentation, c’est-à-dire comme une signification visée par la conscience dans un mode déterminé de sa vie. 19
La « manifestation de l’esprit » dans le savoir vrai, ce que Hegel appelle improprement la phénoménologie de l’esprit, n’est pas la manifestation de l’esprit qui constitue l’essence même de celui-ci, l’essence de la conscience et de l’existence en général, elle n’est pas la réalité, mais seulement une représentation de celle-ci à l’intérieur d’un acte déterminé de la conscience. 19
La « manifestation de l’esprit » dans le savoir vrai est le strict corrélat d’une représentation déterminée de la conscience ; elle n’est qu’une « manifestation » parmi d’autres qui, loin de la constituer, présuppose au contraire l’essence universelle et pure de la manifestation en général. 19
Ce qu’on oppose, comme ayant sa mesure en soi, à la conscience naturelle qui a sa mesure hors de soi, n’est donc pas la conscience elle-même dans sa structure ontologique universelle, ce n’est pas la conscience qui est la vérité de l’étant, c’est la représentation déterminée d’une conscience elle-même déterminée qui se comprend justement comme la vérité de l’étant, comme ayant la mesure en elle. 20
Comment une telle conscience peut-elle naître ? Comment et pourquoi la conscience se représente- t-elle ainsi ? Sans doute la conscience ne devient-elle pour soi, dans sa représentation, la vérité de l’étant que parce qu’elle est en soi cette vérité, que parce que la vérité qu’elle est en soi est l’être-pour-soi. 20
Loin de résulter de la représentation de la vérité dans la conscience, l’être-pour-soi de la vérité en est au contraire la présupposition. 20
Pour instituer une dialectique qui repose sur la comparaison de la conscience de soi et de la conscience de l’objet, il faut traiter subrepticement cette conscience de soi comme une représentation de soi, confondre la signification ontologique de l’être-pour-soi avec sa signification existentielle. 20
En la confondant avec l’être-pour-soi qui constitue la structure ontologique originaire de la conscience, Hegel n’obtient pas seulement l’avantage de placer la représentation de son savoir par la conscience au début de l’expérience et de pouvoir en faire par suite un ressort de celle-ci – ou plutôt cet avantage peut encore s’exprimer autrement en disant, comme le fait Hegel, que non seulement les deux moments, l’objet et le savoir, sont pour la conscience, mais encore que la comparaison est elle aussi son fait « de sorte que, quand la conscience s’examine elle-même, il ne nous reste de ce point de vue que le pur acte de voir ce qui se passe » sans intervenir nous-mêmes. 20
Cette immanence à la conscience du principe du mouvement de son expérience, Hegel l’interprète toutefois comme une présentation explicite à la conscience des éléments qu’elle examine, comme une présentation dans la représentation. 20
Après avoir dit que tout est pour la conscience, Hegel doit dire – précisément parce que cet être-pour-la-conscience est seulement un être pour et dans sa représentation – que quelque chose aussi pourtant n’est pas pour elle. 20
La confusion de la réalité avec la représentation est lourde de conséquences : ce qui ne s’étale pas devant la conscience doit, s’il est réel, se trouver quelque part ailleurs, de telle manière cependant qu’il soit lui aussi une représentation, un contenu étalé pour une conscience possible. 20
Surmontée à la fin du cours de l’expérience, cette différence risquait, il est vrai, de l’être dès le début, puisque le savoir réel immanent à la conscience naturelle, le savoir de soi du savoir de l’objet, était justement compris comme une représentation de ce savoir, comme le savoir vrai. 20
Sans doute cette représentation pouvait-elle être impropre et la conscience naturelle comprendre par exemple son savoir de l’objet comme quelque chose d’ontique. 20
Ce qui résulte de l’histoire de l’expérience de la conscience, en fait, ce n’est pas l’absolu, mais seulement sa représentation dans le savoir vrai. 21
Sans doute cette représentation diffère-t-elle de celle dans laquelle la conscience naturelle se représente son propre savoir pour le comparer à l’objet. 21
La dissociation entre la vérité ontologique, qui constitue l’essence de la conscience, et la vérité existentielle, qui apparaît à celle-ci à travers les actes déterminés de représentation par lesquels elle se comprend elle-même, nous permet de fixer le départ entre ce qui est historique et ce qui ne l’est pas. 21
Le concept est là avant son devenir dans le temps, l’essence de la manifestation est effective avant le travail par lequel la conscience parvient à se donner de cette essence, c’est-à-dire d’elle-même, une représentation qui lui soit conforme. 21
Avec l’essence qui constitue la structure ontologique de l’être-pour-soi et de la vérité absolue, la « conscience » qui désigne la représentation de cette essence ne peut se recouvrir, fût-ce dans le savoir philosophique, car, comme on l’a vu, la différence entre la réalité et sa représentation ne peut être supprimée. 21
L’expérience de l’être dans sa simplicité et dans sa totalité se réalise autrement, toutefois, que dans la représentation de la conscience religieuse ou dans un mode déterminé de sa vie, elle se réalise dans l’être lui-même, de telle manière que cette expérience de l’être dans sa totalité constitue l’être lui-même dans sa simplicité et, comme telle, une structure ontologique absolument universelle et indépendante à l’égard de toute compréhension comme de toute détermination particulière. 37
Les structures ontologiques ultimes qui donnent sa forme et son sens à la représentation habituelle des caractères de l’être-en-situation se découvrent alors avec évidence à la problématique : comme représentation dans l’extériorité de l’espace de ce qui la nie, elle est celle, par la conscience naïve, de l’immanence. 41
Parce que, dans sa transcendance, la réalité se retient au-delà de toute représentation possible, la conscience ne peut s’ouvrir à elle que si à son tour elle dépasse celle-ci et s’oriente délibérément au-delà du monde et de l’objectivité. 47
Cet effort de la conscience pour dépasser elle-même toute objectivité comme telle et toute représentation, est l’acte de transcender, lequel se manifeste précisément comme cet effort, comme un élan et une impulsion. 47
C’est cette transcendance de la réalité et la nécessité corrélative pour la conscience qui ne veut pas renoncer à celle-ci, d’accomplir l’acte de transcender qui déterminent l’échec de l’ontologie, c’est-à-dire d’une représentation objective de l’être et de sa saisie comme totalité. 47
Bien plus, l’idée d’une telle détermination, du devenir affectif de la pensée dans sa soumission à l’action du corps selon les lois de la causalité externe, l’idée de la passivité comme passivité en troisième personne n’est que la formulation naïve par la conscience naturelle, à l’aide des moyens dont elle dispose et qu’elle emprunte nécessairement au contenu habituel de sa représentation, de la passivité ontologique originaire inscrite dans la structure phénoménologique interne de l’affectivité et constituée par elle. 53
Le respect, toutefois, n’est pas défini seulement par Kant comme la représentation de la loi, comme l’affection par elle de la conscience pure. 58
La lumière est précisément la relation considérée en tant que telle, c’est-à-dire abstraitement et, conformément à des présuppositions qui n’ont plus ici à être explicitées, la conscience se confond avec la représentation. 59
C’est pourquoi, en dépit de l’ordre postulé par l’explication génétique, la sensibilité affective ne précède pas véritablement la sensibilité représentative, elle n’existe comme quelque chose dont il nous est loisible de parler et comme un phénomène que pour autant que la lumière de la représentation l’éclaire rétrospectivement et la pénètre, la rendant ainsi expressive, lui apportant le complément indispensable de la conscience, pour autant que, par le jeu de ce choc en retour, elle se trouve être en elle-même représentative. 59
Si la perception de l’état psychique actuel le trouble et le fait « s’évanouir », si son regard, tout regard intentionnel en général, manque par principe l’être-vivant de cet état, l’être du sentiment actuellement éprouvé, et le laisse échapper, comment nier, d’autre part, la possibilité inhérente à toute conscience d’atteindre ses propres sentiments dans des actes de représentation, de souvenir ou d’attente. 67
Ou bien vivre de nouveau un sentiment veut dire se le donner de nouveau dans un acte de la reproduction, de l’imagination, de la représentation, de la perception ou encore dans un acte du sentir, comme re-sentir, de telle manière toutefois que le sentiment perçu, senti et, en ce sens si l’on veut, « vécu » de nouveau, n’est jamais celui de la conscience qui le « vit » : le sentiment de la conscience est la tonalité de l’acte de reproduction, d’imagination, de représentation, de perception, de l’acte de sentir qui se dirige sur ce sentiment « vécu à nouveau » et se le donne, celui-ci n’est que le corrélat de cet acte, son contenu extérieur et étranger. 67
La possibilité d’atteindre ces derniers dans des actes de la perception ou de l’intuition affective, de les co-sentir, de se réjouir ou de s’affliger de ce qu’ils sont et, pareillement, de se les donner dans la représentation, la reproduction, l’imagination, le souvenir ou l’attente, ne signifie en aucune façon pour cette conscience la possibilité de les éprouver réellement comme des tonalités appartenant à sa vie propre et comme ses déterminations immanentes mais, bien au contraire, l’exclut. 67
Une même loi éidétique les régit, conformément à laquelle la conscience n’éprouve jamais réellement le sentiment qu’elle se donne dans la perception ou dans l’intuition affective non plus que dans les actes de représentation et de reproduction fondés sur elles. 67
Que le sentiment donné dans la perception ou dans l’intuition affective, ou encore dans les actes de représentation ou de reproduction fondés sur elles, ne soit jamais réellement éprouvé par la conscience, cela veut dire : un tel sentiment n’en est pas un et ne peut en être un, se trouve au contraire privé par principe de ce qui constitue son essence. 67
En celle-ci, dans le mode d’accomplissement perceptif du sentir, il y a une « possession directe » du sentiment par la conscience, tandis que cette possession n’est qu’« indirecte » dans le cas ou l’intuition affective revêt la forme d’un acte de l’imagination, du souvenir, de la reproduction, de la simple représentation en général. 67
Que peut signifier cependant la possession directe du sentiment par la conscience qui le perçoit affectivement si, comme la problématique l’a montré, le contenu de celui-ci échappe par principe à toute perception possible ? Et si le contenu du sentiment échappe par principe à toute perception possible, s’il ne peut être réellement donné mais seulement représenté, « simplement représenté » en elle, où réside alors la différence entre la perception et « la simple représentation » d’un sentiment ? Ce qui se propose devant le regard intentionnel, quelle que soit la nature de celui-ci, perception ou simple représentation, c’est, on l’a vu, non le sentiment lui-même mais « quelque chose qui vaut pour lui ». 67
À la représentation correspond la figure imparfaite de la religion, le côté de la conscience qui est « le côté non surmonté à partir duquel l’esprit doit passer dans le Concept pour résoudre en lui tout à fait la forme de l’objectivité ». 77