« Vide cette barque, ô moine,vidée, elle voguera légère.Ayant détruit passion et haine,alors, tu atteindras le nirvana . » ( DmP., 369.)
Au terme de sa quête, le disciple du Buddha trouve le nirvana, l’extinction, une extinction qui a naturellement un aspect positif au même titre que la vacuité qui y mène et définie par le Buddha, lors de la nuit de l’Éveil, comme « la parfaite sécurité, non-née, impérissable [...] ». Tantôt la formulation en est purement négative, comme ici :
« Il est, ô moines, un domaine où il n’y a ni terre ni eau ni feu ni vent [...] ni domaine du néant ni domaine sans perception ni absence de perception, ni ce monde-ci ni l’autre [...] il est dépourvu de fondement , de progression et de support : c’est la fin de la douleur. » [1]
Tantôt son fond positif se révèle.
Ce « non-né, non-produit, non-fait, non-composé » est la paisible issue pour ce qui est né, etc. et « c’est le domaine immaculé, la cessation des afflictions, l’apaisement des tendances fabricatrices, le bonheur ». [2]
Ou encore :
« A ceux qui se trouvent au milieu de la mer quand la terreur naît de la masse des eaux, à ceux qui sont atteints par la vieillesse et la mort, j’annonce l’île, ô Kappa.« Sans rien, sans saisie, telle est l’île où il n’y a plus de retour ici-bas. Je l’appelle Extinction, cet épuisement complet de la vieillesse et de la mort.
Le domaine de la paix infinie où vit l’Éveillé « immergé dans l’immortel » [4] s’appelle aussi « l’autre rive » de l’océan de l’existence :
« Libère-toi du passé, libère-toi du futur,du présent libère-toi, gagne l’autre rive de l’existence.La pensée entièrement affranchie,tu ne souffriras plus naissance ni vieillesse. » ( DmP348.)
Ainsi, le disciple du Buddha, se libérant du devenir, découvre le nirvana. Mais on trouve aussi dans le Dhammapada une formulation qui préfigure certains développements ultérieurs du Grand Véhicule, en particulier l’effacement des « signes distinctifs » (nimitta) ou la dialectique de Nagarjuna selon laquelle on ne peut attribuer au nirvana ni l’être, ni le non-être, ni à la fois être et non-être, ni leur négation.
« Celui pour qui n’existent plusni cette rive ni la rive opposée ni les deux ensemble,qui est sans crainte et détaché du monde,celui-là, je l’appelle “brahmane”. » (DmP., 385.)
Désormais, vide est la barque :
« Celui qui, ici-bas, a vaincule bien et le mal ainsi que l’attachement aux deux,sans peines, sans poussières, pur,celui-là, je l’appelle “brahmane” ». (DmP., 412.)« Celui qui ne possède plus rien,ni avant, ni après, ni milieu,et qui, n’ayant rien, est détaché de tout,celui-là, je l’appelle “brahmane”. » (DmP., 421.)
Sans le définir non plus, le Milindapanha, à l’aide d’images qui en illustrent les qualités, tente une approche du nirvana :
« — Vénérable Nagasena, les dix attributs de l’espace que tu as dit être inhérents au nirvana, quels sont-ils ? — Ô roi, de même que l’espace n’est pas né, ne vieillit pas, ne meurt pas, ne disparaît ni ne renaît, ne peut être vaincu, ni dérobé par des voleurs, qu’il est sans attaches, qu’il est le domaine de l’oiseau, sans obstacle, infini, de la même façon, ô roi, le nirvana n’est pas né, ne vieillit pas, ne meurt pas, ne disparaît ni ne renaît, ne peut être vaincu, ni dérobé par des voleurs, il est sans attaches, il est le domaine des mystiques, sans obstacle, infini. Voici, ô roi, les dix attributs de l’espace inhérents au nirvana.