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Entretiens de Lin-Tsi

Lin-Tsi (ELT) – Instruções coletivas §11

Instructions collectives

domingo 18 de setembro de 2022, por Cardoso de Castro

      

E o mestre disse: “O que aqueles que aprendem a Lei do Buda   precisam atualmente é ter a visão justa. Tendo a visão justa, nascimentos e mortes não os afetarão; eles serão livres para se mover, ir ou ficar; e toda superioridade   transcendente chegará a eles por si mesma, sem que precisem buscá-la.

      

a.

Et le maître dit : « Ce qu’il faut actuellement à ceux qui apprennent la Loi du Buddha  , c’est avoir la vue juste. Ayant la vue juste, les naissances et les morts ne les affecteront pas ; ils seront libres de leurs mouvements, de s’en aller ou de rester ; et toute supériorité transcendante leur viendra d’elle-même sans qu’ils aient besoin de la rechercher. Adeptes de la Voie, tous nos anciens ont eu leurs routes pour faire sortir les hommes. Quant à moi, ce que je leur montre, c’est à ne se laisser abuser par personne. Si vous avez usage (de ce conseil), faites-en usage ; mais plus de retard, plus de doute ! Si aujourd’hui les apprentis ne réussissent pas, où est leur défaut ? Leur défaut est de ne pas avoir confiance en eux-mêmes. C’est parce que vous n’avez pas de confiance en vous-mêmes, que vous vous empressez tant à courir après ce qui vous est extérieur, vous laissant détourner par ces dix mille objets, et que vous ne trouvez pas l’indépendance. Sachez mettre en repos cet esprit   de recherche qui vous fait courir de pensée en pensée, et vous ne différerez plus d’un Buddha-patriarche. Voulez-vous savoir ce qu’il est, le Buddha-patriarche ? Tout simplement ces hommes qui sont là, devant moi, à écouter la Loi. C’est parce que les apprentis n’ont pas suffisamment de confiance, qu’ils courent tant chercher à l’extérieur ; et même s’ils trouvent quelque chose, ce ne sont que supériorités selon la lettre : jamais ils ne trouvent l’esprit même du patriarche vivant. Ne vous y trompez pas, vénérâbles Dhyanistes ! Si vous ne le rencontrez pas en ce moment même, c’est pour des milliers de renaissances, au cours de myriades de périodes cosmiques, que vous circulerez dans le Triple Monde à la poursuite des objets agréables qui vous accrochent, renaissant dans des ventres d’ânesses ou de vaches. A mon point de vue, adeptes, vous ne différez point de Çakya. Aujourd’hui, au milieu de tant d’activités de toutes sortes, qu’ est-ce qui vous manque ? Jamais ne s’arrête le rayonnement spirituel émanant de vos six sens ! Quiconque sait voir les choses de cette manière, sera pour toute son existence un homme sans affaires.

T. 497 a, 29 ; Y. 37, 7, § 27-28 ; Ai .32, 6 ; A2.38, 11.

Et le maître dit : che naiyun, cf. § 5 c. D’après certaines sources (p. ex. Taisho, n° 2006, i, p. 300 b), les « quatre alternatives » (§ 10) auraient été prêchées par Lin-tsi   dès son arrivée dans le Ho-pei (Nord du Fleuve), et c’est pourquoi les compilateurs du Lin-tsi lou les auraient classées en tête des « Instructions collectives », les faisant suivre du § 11 : ce dernier n’aurait aucun rapport avec le paragraphe précédent. L’expression « Et (alors) le maître dit » manque dans plusieurs recensions.

La vue juste : « une vue et une compréhension vraies et correctes ». Dans le bouddhisme classique, la « vue juste » (ou « correcte », ou « droite » : samyag-drsti  ) est le premier des huit éléments constitutifs de l’éveil (bodhy-anga) et une des catégories cardinales de la dogmatique canonique. Lin-tsi l’adopte, mais en en donnant, selon son habitude  , une définition à sa façon (§ 14 a). La « vue juste » revient souvent chez lui, comme dans d’autres textes Tch’an  . Le « Traité de la nature de l’éveil », attribué (comme tant d’autres) à Bodhidharma   (Wou-sing louen, Taisho, n° 2009, p. 371 b), en offre une interprétation proprement Tch’an : « C’est la vue sans vue, qu’on appelle la vue juste ; c’est la compréhension sans compréhension, qu’on appelle la vraie compréhension. » Mais ici Lin-tsi, pour une fois, ne fait pas de paradoxe.

Toute supériorité transcendante : les « excellences » des saints (chou-cheng : viçesa), pouvoirs miraculeux, etc.

Adeptes de la Voie : tao  -lieou, au propre ceux qui relèvent du « courant de la Voie ». Le mot lieou, « courant », au sens d’école ou d’adeptes d’un courant de pensée, remonte au Traité bibliographique de l’« Histoire des Han », où il s’applique aux diverses écoles philosophiques de l’antiquité, le « courant de l’école du Tao » (tao-kia tcho lieou), par exemple, étant celle que nous appelons l’école taoïste. Lin-tsi emploie souvent le terme tao-lieou pour s’adresser à ses auditeurs ; il sera rendu ci-dessous par « adeptes ».

Si vous avez usage (de ce conseil), faites-en usage : on pourrait comprendre aussi « si vous voulez agir (yong, § 9 b), eh bien agissez » (mais de votre propre chef, sans tenir compte de rien qui vienne du dehors).

Confiance : sin, qu’on pourrait traduire par « foi » ; cf. note du § 1 e. L’expression pou tseu-sin, « ne pas avoir confiance en soi-même », est peut-être tirée d’une stance du « Lotus de la Vraie Loi » (ch. II) : « Les gens de peu de savoir prennent plaisir à une petite Loi ; Ils n’ont pas confiance en eux-mêmes pour devenir Buddha. » Le sanscrit a un verbe dérivé de çraddha.

Dix mille objets : il s’agit des objets sensibles, par opposition au sujet.

L’indépendance : tseu-yeou, ne suivre que soi-même, terme qui a servi à rendre en chinois moderne la notion occidentale de liberté, d’indépendance.

Buddha-patriarche : tsou-fo. D’après la plupart des contextes, c’est en ce sens que ce terme doit être pris chez Lin-tsi, tandis quefo-tsou signifie « le(s) Buddha et les patriarches (§ 12 a, etc.). Quelques lignes plus loin, on a : « Vous ne différez pas de Çakya. » L’homme vrai est à la fois le Buddha lui-même et un « patriarche vivant » (ci-dessus, § 11 a ; et § 17 a) ; les deux notions se confondent en lui.

Vénérables Dhyanistes : tch’an-to, interpellatif calqué sur ta-to, « grande vertu », qui correspond au sanscrit bhadanta et sera traduit ci-dessous par « vénérables ». Une telle expression montre à quel point le mot tch’an avait dévié de son sens de dhyâna, « méditation ».

Supériorités selon la lettre : au propre « marques de supériorité selon la lettre ». Il doit s’agir des trente-deux marques corporelles (laksana) ou autres particularités transcendantes attribuées aux Buddha dans les textes canoniques («la lettre »).

Le rayonnement spirituel de vos six sens : lieou-tao chen-kouang. Le fonctionnement de l’esprit, qui s’opère par la voie (tao) des six organes des sens, est assimilé à un rayonnement. En chinois le mot tchao, « éclairer, rayonner, refléter », s’applique au fonctionnement de la connaissance, de même que l’œil est censé « éclairer » les objets qu’il perçoit. Voir mon Concile de Lhasa, I, p. 78, n. 2. Au IXe siècle Tsong-mi parle encore de la croyance selon laquelle les pupilles sont des foyers lumineux (Taisho, n° 1795, 1 b, p. 546 a).

Sans affaires : wou-che, un des termes clés du vocabulaire de Lin-tsi. Il se rattache directement au wou-wei de la philosophie taoïste (« rien-faire », non-agir, « no ado »).

b.

« Vénérables, il n’y a point de paix dans le Triple Monde ; il est comme une maison en feu. Ce n’est point un lieu où vous restiez longtemps. Le démon tueur de l’impermanence frappe en un seul instant, sans choisir entre gens de haute et de basse condition, ni entre vieux et jeunes. Voulez-vous ne pas différer du Buddha-patriarche ? Gardez-vous seulement de chercher au-dehors de vous-mêmes. Le rayonnement pur émanant de votre esprit à chacune de vos pensées, c’est là le Buddha en son Corps de Loi qui est en votre propre maison ; le rayonnement sans différenciation subjective qui émane de votre esprit à chacune de vos pensées, c’est là le Buddha en son Corps de Rétribution qui est en votre propre maison ; le rayonnement sans différenciation objective qui émane de votre esprit à chacune de vos pensées, c’est là le Buddha en son Corps de Métamorphose qui est en votre propre maison. Ces Trois Corps ne sont autres que vous-mêmes qui êtes là, devant mes yeux, à écouter la Loi. Mais c’est seulement en ne courant pas chercher à l’extérieur, que vous aurez un tel pouvoir. On se fonde sur les Textes et sur les auteurs de Traités, pour faire de ces Trois Corps des normes suprêmes. A mon point de vue, il n’en est point ainsi. Ces « Trois Corps », ce ne sont que des noms, des mots ; ce ne sont aussi que des points d’appui dépendants. Les anciens l’ont dit : c Les Corps de Buddha ne diffèrent qu’en dépendance du sens qu’on leur attache ; les Terres de Buddha n’existent que du point de vue de la substance. ’ Il est clair que les Corps et les Terres, qui sont en réalité essence des choses, n’existent comme tels qu’en tant que reflets.

T. 497 b, 15 ; Y. 42, 5, § 29 ; Ai.34, 4 ; A2.41, 1.

Comme une maison en feu : célèbre parabole   du « Lotus de la Vraie Loi », ch. III (adiptagara).

Le Triple Monde : les trois plans ou éléments cosmiques, celui du désir (kama-dhatu), celui de la mati  ère (rupa  -dhatu, où il n’y a plus désir) et le monde immatériel (arupya-dhatu).

Le démon tueur de l’impermanence : la mort. L’expression est tirée d’une version chinoise des « Vers de la Loi » (Dharmapada, Taisho, n° 212).

Qui est en votre propre maison : en vous-mêmes. Toutes choses sont « meubles de votre maison » (§ 21 b).

Différenciation subjective : viçesa, l’imagination différenciatrice qui introduit dans l’absolu des relativités illusoires. Les Trois Corps de Buddha (tri-kaya) sont ici assimilés à trois modalités de notre pensée, selon le processus   d’intériorisation et de symbolisation qui est familier à Lin-tsi. La différenciation objective, quelque chose comme viçista, ce sont les phénomènes illusoires que notre esprit introduit dans le monde objectif. Mais il ne faut pas serrer de trop près les emprunts de Lin-tsi à la scolastique indienne ; ce n’est pas son fort. Peut-être s’inspire-t-il plutôt du « Sutra   de l’estrade » de Houei-neng  , où on lit (Taisho, n° 2007, p. 339 a ; trad. Yampolsky, p. 141) : « Pourvoir en vous-mêmes le Buddha en ses Trois Corps, dites : ‘Je prends refuge dans le pur Corps de Loi qui est en mon propre corps matériel (rupa-kaya) ; je prends refuge dans les milliards de Corps de Transformation (nirmana-kaya) qui sont en mon propre corps matériel ; je prends refuge dans le Corps de Rétribution (sambhoga-kaya) qui est en mon propre corps matériel. ’ C’est ce corps matériel qui est votre maison ; vous ne sauriez y faire retour (pour y prendre refuge)... » Et la recension du XIIIe siècle (Taisho, n° 208, p. 354 b) ajoute : « Le Buddha en ses Trois Corps est dans votre propre maison ; tout le monde les possède. Mais, votre esprit étant égaré, vous ne voyez pas la (vraie) nature (de Buddha) qui est en vous, et vous cherchez au dehors le Tathâgata en ses Trois Corps... »

Les Textes et les Traités : les sûtra et les çastra, la parole du Buddha et son exégèse scolastique, deux des Trois Corbeilles formant le Canon bouddhique (tripitaka).

Des normes suprêmes : des modèles qui seraient le dernier mot de la perfection et qu’il faudrait s’assigner comme idéaux suprêmes. Même maxime dans les Entretiens de P’ou-yuan de Nan-ts’iuan (748-835) : « Ces Textes et ces auteurs de Traités qui disent que le Corps de Loi est une norme suprême... » (cité par Dochu).

Points d’appui dépendants : yi, ce qui s’appuie, ou ce sur quoi l’on s’appuie (açraya ? samniçraya, samnisçrita ?), terme impliquant la notion de dépendance (cf. § 14 b, 15 c, 17 b, etc.). Pour yi avec la clé de l’homme, il y a dans certaines recensions une variante sans la clé de l’homme : yi, « habit ». Sur ce jeu de mots, voir § 29 b-c.

Les Corps de Buddha ne diffèrent... : cette formule obscure et assez gauche (reprise au § 15 c) semble être tirée des traités de Vijnaptimatra. Cf. p. ex. la « Somme du rien qu’information » de Hiuan-tsang ( Vijnaptimatrata-siddhi, trad. La Vallée Poussin, p. 711) qui traite des rapports entre les Corps (kaya) et les Terres (ou domaines, ksetra) de Buddha. Dans son commentaire, K’ouei-ki (ibid., pp. 717-718) définit le Corps comme un « sens » (artha  , un objet signifiant) qui sert d’appui à des qualités composées (samskrta), à des marques particulières (laksana), alors que la Terre, sur laquelle il prend appui, est substance (t’i). La même question est traitée dans les « Paragraphes sur la forêt des sens du parc de la Loi » [Fa-yuanyi-lin tchang, Taisho, n° 1861, vii, p. 370 b), autre ouvrage de K’ouei-ki, le grand disciple et exégète de Hiuan-tsang, qui est probablement la source directe de Lin-tsi. Sur la connaissance qu’avait Lin-tsi de la scolastique indienne du «rien qu’information », voir § 27 et la note.

Reflets : les Corps de Buddha et leurs Terres ne sont que des reflets de l’essence des choses (dharmata), c’est-à-dire de la réalité suprême, dans l’esprit de l’homme. Avec Lin-tsi, on retombe toujours sur l’humanisme.

c.

« Vénérables, sachez reconnaître l’homme en vous qui joue avec des reflets : c’est lui qui est ‘ la source originelle de tous les Buddha ’ ; c’est lui, adeptes, en qui vous trouvez refuge où que vous soyez. Ce n’est point votre corps matériel fait des quatre grands éléments, qui sait énoncer la Loi ni l’écouter ; ce n’est ni votre rate ni votre estomac, ni votre foie ni votre vésicule biliaire ; les cavités de votre corps non plus ne savent ni énoncer ni écouter la Loi. Qu’est-ce donc qui sait énoncer la Loi et l’écouter ? C’est vous qui êtes là devant mes yeux, bien distincts un à un, lumières solitaires ne comportant aucune fragmentation physique : voilà ce qui sait énoncer la Loi et l’écouter. Quiconque sait voir les choses ainsi, s’identifie au Buddha-patriarche. Mais il faut que ce soit à chacune de vos pensées, sans discontinuité, et que tout ce qui touche vos yeux soit tel ! ‘ C’est seulement parce que naissent les passions, que le savoir se trouve intercepté ; c’est du fait des modifications de la conscience, que l’essence se différencie. ’ Telle est la cause de la transmigration dans le Triple Monde, au cours de laquelle on subit toutes sortes de douleurs. Mais, à mon point de vue, (si l’on sait réaliser Y homme vrai) il n’est plus rien qui ne soit très profond, rien qui ne soit délivrance.

T. 497 b, 24 ; Y. 45, 4, §30 ; Ai.34, 11 ; A2.41, 14.

La source originelle... : diverses sources mettent cette formule dans la bouche de Chen-houei (670-762), en réponse à une question de son maître Houei-neng.

Les quatre grands éléments : sseu-ta, en sanscrit mahâ-bhuta, les éléments constitutifs de la matière (et du corps physique), à savoir la terre (élément solide), l’eau   (élément liquide), le feu (chaleur), le vent (élément pneumatique, mobile).

Lumière solitaire : de l’homme vrai émane un rayonnement autonome, une source de lumière qui ne dépend que d’elle-même et dont dépendent les «reflets ». Le terme revient aux §130, etc.

C’est seulement parce que naissent les passions... : les kleça, les « passions » au sens étymologique de ce qui fait souffrir (pâtir). Cette phrase est tirée du « Nouveau traité sur le Sutra de l’Ornementation fleurie » (Sin houa-yen king louen, Taisho, n° 1739, p. 721 a), œuvre d’un lettré laïc du Vme siècle, Li T’ong-hiuan. On la trouve citée un peu plus tard dans les écrits de moines bouddhistes, auxquels Lin-tsi l’a sans doute empruntée.

Le Triple Monde : cf. § 11 b.

d.

« Adeptes, les choses de l’esprit sont sans figure sensible   ; elles compénètrent tout dans les dix directions. C’est l’esprit qu’on appelle la ‘ vue ’ dans l’œil, l’ ‘ouïe ’ dans l’oreille, l’ ‘olfaction ’ dans le nez, la ‘ discussion ’ dans la bouche, la c préhension ’ dans les mains, la ‘ course ’ dans les pieds. ‘ Ce n’est foncièrement qu’un seul rayonnement subtil, qui se répartit en six contacts. ’ Pour peu qu’on n’ait aucune pensée, on sera délivré où qu’on soit. Quelle est donc mon idée en vous parlant ainsi ? C’est seulement, adeptes, que je vous vois avoir toutes ces pensées qui vous font courir en cherchant, sans que vous puissiez les arrêter, tombant ainsi dans les vains pièges que vous tendent les anciens. Adoptez mon point de vue, adeptes : tranchez la tête du Buddha de rétribution et celle du Buddha de métamorphose. Les Bodhisattva qui ont pleinement satisfait aux dix étapes de leur carrière, sont comme des salariés. Ceux qui ont atteint l’éveil d’identité ou l’éveil merveilleux, sont des gaillards mis à la cangue et chargés de chaînes. Les saints Arhat   et les Buddha-pour-soi, sont comme ordures des latrines ; l’éveil et le Nirvana  , comme pieux à attacher les ânes. C’est seulement, adeptes, parce que vous n’êtes pas parvenus à concevoir la vacuité de toutes les pratiques prescrites aux Bodhisattva pour trois périodes cosmiques incalculables, qu’il y a en vous cet obstacle qui vous obstrue. Jamais rien de pareil chez un véritable religieux, lequel ne sait que 4 liquider ses actes anciens au fur et à mesure des conditions ’. Il s’habille au hasard ; lorsqu’il veut marcher, il marche ; lorsqu’il veut s’asseoir, il s’assied. Il ne lui vient pas la moindre pensée d’aspirer au fruit de Buddha ou de le rechercher. Et pourquoi ? Un ancien l’a dit : ‘ Pour qui veut rechercher le Buddha en faisant des actes, le Buddha sera grand pronostic de naissances et de morts. ’

T. 497 c, 4 ; Y. 48, 2, § 31 ; AI.36, 3 ; A2-44, 1.

Ce n’est foncièrement... : citation du « Sutra de la marche héroïque » (Taisho, n° 945, vi, p. 131 b), célèbre apocryphe chinois du début du Vme siècle, souvent cité par les maîtres de Tch’an (et sur les théories gnoséologiques duquel on peut se reporter à mon Concile de Lhasa, I, pp. 43-52). Le « rayonnement subtil » est celui de l’esprit « un » (qui s’identifie au « sans-esprit » ou au « sans-pensée » du Tch’an), lequel en son activité (tso-yong, fonctionnement : karitra ?) se fractionne en six connaissances sensibles (vijnana) par le contact des six organes des sens et de leurs objets. Le maître de Lin-tsi, Hi-yun de Houang-po  , se plaisait à citer ce passage et à le commenter ( Taisho, n° 2012 A, p. 382 a-b, trad. J. Blofeld   : On the Transmission of Mind  , 1958, p. 51 ; « Salle des patriarches », trad. T’oung Pao, LVI, 1970, p. 285). — Cf. aussi Taisho, nc 2076, ni, p. 218 b ; Mochizuki, « Grand dictionnaire... », IX (1963), pp. 259-260 ; Sargent, Tchou Hi contre le bouddhisme (1955), pp. 100-101.

Tranchez la tête du Buddha... : dans tso-touan, le caractère tso, « assis », doit se lire comme avec la clé du couteau : tso, « couper, trancher ». On trouve un passage identique dans le yu-lou d’un contemporain de Lin-tsi, Ts’ong-chen de Tchao-tcheou (778-897 ; éd. Suzuki   et Akizuki, Kamakura, 1962, p. 21). Le Corps de Rétribution et le Corps de Métamorphose sont les deux hypostases plus ou moins empiriques de Buddha. Au § 20 b, c’est le meurtre de tous les Buddha que préconise Lin-tsi, et celui des patriarches, et celui des saints, et celui du père  , de la mère et de tous les proches...

Les dix étapes : ce sont les dix « terres » (bhumi) que, selon la doctrine du Grand Véhicule, les Bodhisattva doivent parcourir pour parvenir à l’éveil, à l’état de Buddha. Leur carrière est ici comparée à la vie d’un travailleur à gages qui ne travaille que pour obtenir sa récompense. Cette image est tirée de l’apologue du fils prodigue dans le « Lotus de la Vraie Loi », ch. iv ( Taisho, n° 262, ii, p. 17a: le chinois a k’o - tso, le sanscrit anyesam purusanam karma   kurvant). « Salarié » est devenu dans le Tch’an une injure courante, qui se retrouve souvent dans les textes de la fin des T’ang.

L’éveil d’identité et l’éveil merveilleux : ce sont les deux plus hauts des cinquante-deux degrés qu’on distingue dans la carrière du Bodhisattva.

Pieux à attacher les ânes : image — courante dans le Tch’an — de l’esclavage causé par l’attachement à des idéaux extérieurs.

Trois périodes incalculables : trois asamkhyeya kalpa  , durée normale de la carrière du Bodhisattva.

Liquider ses actes anciens... : liquider son karman au fur et à mesure des conditions qui occasionnent les actes. L’expression se retrouve chez Hi-yun de Houang-po ( Taisho, n° 2012 A, p. 386 c).

Il s’habille au hasard : jen-yun, au petit bonheur  , comme ça vient. Voir les Entretiens de Tao-yi dit Ma-tsou, édition critique de Ui dans « Recherches sur l’histoire de la secte Tch’an », II, p. 523 : « S’habiller et manger suivant le moment, nourrir l’embryon de sainteté, passer le temps au hasard : quelle autre affaire y a-t-il ! »

Pour qui veut rechercher le Buddha... : citation de l’« Hymne du Grand Véhicule », poème philosophique attribué à Pao-tche (418-514 ; Taisho, n° 2076, xxix, p. 449 b). Mais, au lieu de : « L’acte sera grand pronostic de naissances et de morts », Lin-tsi a mis — peut-être intentionnellement — : « Le Buddha sera grand pronostic... »

e.

« Vénérables, le temps est précieux, mais vous ne pensez qu’à vous agiter comme les vagues de la mer, recourant à d’autres pour apprendre le Dhyana  , pour apprendre la Voie, ne voulant connaître que des noms et des phrases, cherchant le Buddha, cherchant les patriarches, cherchant des amis de bien, et vous livrant à des spéculations. Ne vous y trompez pas, adeptes ! Vous avez un père et une mère, c’est tout. Que cherchez-vous de plus ? Essayez donc de retourner votre vision vers vous-mêmes ! Un ancien l’a dit :
 
‘ Yajnadatta croyait avoir perdu sa tête ; S’il eût cherché le repos de l’esprit, il aurait été sans affaires. ’
 
« Tout ce qu’il vous faut, vénérables, c’est vous comporter le plus ordinairement du monde. Pas tant de manières ! Il y a certains coquins chauves, ignorants du bien et du mal, qui prétendent voir des esprits, voir des démons, qui font des signes du doigt à l’est ou des traits à l’ouest, qui aiment à parler du beau temps et de la pluie. Pour toute cette engeance viendra le jour de rendre compte, et ils avaleront des boules de fer brûlant devant le vieux Yama   ! Des fils et des filles de bonnes familles se voient envoûter par cette bande de renards sauvages et de larves malignes. Pour ces gnomes aveugles viendra le jour où l’argent de leur grain leur sera réclamé !»

T. 497 c, 16 ; Y. 52, 2, § 32 ; AI.36, 12 ; A2.46, 3.

Recourant à d’autres : au prochain, littéralement « au voisin » (pang-kia), expression vulgaire dont le sens n’est pas sûr.

Amis de bien : kalyana-mitra, des amis vertueux, qui font du bien.

Vous avez un père et une mère : vous êtes nés une bonne fois, vous êtes un homme comme les autres, et c’est en vous-mêmes, tels que vous êtes, qu’il faut chercher la vérité ; elle vous est innée. Le Buddha, c’est vous-mêmes. Pourquoi le chercher au dehors ? Pourquoi en faire un objet de dévotion, un sauveur ? Cf. § 17 b : « N’êtes-vous pas nés de votre maman ? ». Aussi § 20 a.

Retourner votre vision vers vous-mêmes : fan-tchao, où tchao, « éclairer, mirer », a le sens de « regarder », l’œil étant conçu comme une lumière qui éclaire son objet (voir mon Concile de Lhasa, I, 1952, p. 78, n. 2 et ci-dessous § 32). L’expression est dans le « Sutra de l’estrade » (Taisho, n° 2008, p. 349 b) : « Retourne ta vision : le secret est à tes côtés. »

Yajnadatta... : l’apologue (mais non le texte exact) est tiré du « Sutra (apocryphe) de la Marche héroïque » (Taisho, n° 945, iv, p. 121 b). Yajnadatta, un bel homme de la ville de Çravasti, se complaît à regarder son visage dans un miroir. Soudain il ne le voit plus et, frappé de démence, il se met à courir à la recherche de sa tête, croyant que l’image du miroir était l’œuvre d’un démon. L’image, explique le sûtra, c’était le produit de sa fausse imagination, auquel il a eu le tort de s’attacher ; la vraie tête, c’est l’« éveil merveilleux », notre face   véritable mais invisible que Yajnadatta a méconnue. Cf. aussi § 13 d et 32.

Coquins chauves : moines tonsurés ; signes à l’est... : cf. § 19 d.

Rendre compte : au propre « s’acquitter de sa dette », c’est-à-dire de la dette contractée envers les pieux donateurs qui entretiennent les moines.

Yama : le roi des enfers.

Envoûter : nie-kouai ; cf. § 37.

Renards sauvages et larves malignes : cf. § 18 c.

L’argent de leur grain : celui que les donateurs, « fils et filles de bonnes familles », ont déboursé pour les nourrir.


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