Henry (1963) – ontologia
La science qui étudie le problème de l’être en général, de l’être en tant qu’être, est l’ontologie. Intro
La philosophie première est l’ontologie universelle. Intro
Or le lien qui rattache la problématique qui vise l’ego à l’ontologie universelle est particulièrement complexe. Intro
Comment l’ontologie régionale pourrait-elle s’égaler à la tâche fondamentale de l’ontologie, elle qui demeure aveugle à l’égard de son propre fondement ? Comment prétendrait-elle saisir le sens de l’être à l’intérieur d’une sphère déterminée aussi longtemps que le sens de l’être en général n’a pas été compris comme le thème propre de l’ontologie ? La recherche qui se donne pour thème le sens de l’être en général, l’ontologie phénoménologique universelle, ne diffère pas seulement, dans sa visée propre, des diverses ontologies régionales qui fondent les sciences ontiques, elle s’écarte aussi, pour la même raison, de l’ontologie formelle. 2
à la tâche fondamentale de l’ontologie, elle qui demeure aveugle à l’égard de son propre fondement ? Comment prétendrait-elle saisir le sens de l’être à l’intérieur d’une sphère déterminée aussi longtemps que le sens de l’être en général n’a pas été compris comme le thème propre de l’ontologie ? La recherche qui se donne pour thème le sens de l’être en général, l’ontologie phénoménologique universelle, ne diffère pas seulement, dans sa visée propre, des diverses ontologies régionales qui fondent les sciences ontiques, elle s’écarte aussi, pour la même raison, de l’ontologie formelle. 2
En réfléchissant sur l’essence de la région considérée, non comme une région proprement dite, mais comme la forme vide d’une région en général qui, à ce titre, convient à toutes les régions matérielles possibles, l’ontologie formelle n’est susceptible de prescrire aux diverses ontologies matérielles qu’une législation commune de pure forme, et comme, par ailleurs, les catégories analytiques qui lui correspondent sont incapables de se soumettre les catégories synthétiques des régions matérielles, il apparaît clairement qu’elle ne peut conquérir qu’une préséance purement formelle sur l’empire de l’être et sur les multiples déterminations concrètes dans lesquelles celui-ci exprime son infinie richesse. 2
Bien au contraire, c’est manifestement dans le règne des essences matérielles que l’ontologie formelle puise son origine, puisque l’essence pure d’une région en général est nécessairement relative à quelque chose comme une région concrète. 2
A la dépendance foncière de l’ontologie formelle, l’ontologie phénoménologique universelle oppose avec éclat son autonomie et sa suffisance première. 2
Le thème de l’ontologie phénoménologique universelle n’est donc rien qui puisse être assimilé par nous à une essence purement formelle, ou même complètement vide. 2
L’ontologie phénoménologique universelle se heurte nécessairement, dans son développement même, à la question de savoir si elle est autre chose qu’un jeu de mots et de concepts qui ne correspondent strictement à rien. 2
L’ontologie phénoménologique universelle qui s’oriente délibérément vers la tâche d’une compréhension de l’essence est bien l’ontologie fondamentale. 2
L’ontologie phénoménologique universelle suppose, comme première condition d’une prise de conscience de sa tâche et de sa possibilité propres, un dépassement radical de l’intuitionnisme. 3
La généralité que vise l’ontologie universelle ne concerne donc point « l’explicitation du sens de tout type d’être que moi, l’ego, je peux imaginer ». 3
Si une telle ontologie se réfère au « sens authentique et universel de l’être en général », c’est cependant d’une façon spécifique qui ne l’attache pas aux structures universelles de l’être ni à leurs généralités les plus hautes. 3
A une telle difficulté l’ontologie phénoménologique universelle qui comprend comme sa tâche fondamentale l’élucidation de l’horizon pensé par elle comme l’essence absolue, n’échappe assurément pas. 3
La tâche de comprendre un tel horizon est celle de l’ontologie phénoménologique universelle qui domine, à titre de condition, toute ontologie particulière et toute science ontique. 3
Il n’est pas facile à l’ontologie de préserver la pureté de son projet initial. 4
Le dur projet qui meut l’ontologie dans la démarche radicale par laquelle elle s’oriente d’abord vers l’origine de toute chose, vers l’être, le maître absolu, tombe vite dans l’oubli. 4
Mais la subordination de l’ontologie à l’égologie, implicite ou non, de la philosophie moderne, n’est pas plus justifiée que l’ancien primat de la théologie. 4
Ainsi voit-on la signification authentique de l’ontologie grecque être complètement falsifiée par Hegel qui prétend réduire une telle ontologie à un moment dans l’évolution de la conscience. 4
La transposition des thèmes centraux de l’ontologie de l’être à l’intérieur d’une philosophie du cogito ne peut aboutir, en réalité, qu’à une déformation. 4
L’insertion de l’ego cogito et de sa problématique à l’intérieur de l’horizon libéré par l’ontologie phénoménologique universelle se heurte toutefois à une objection si l’existence de cet ego puise son originalité ailleurs que dans la structure ontologique que lui prescrit à priori une région déterminée de l’être. 5
Certes, on l’a montré, toute ontologie régionale se subordonne nécessairement à l’ontologie universelle. 5
Ainsi voit-on l’ontologie se donner immédiatement, dans la démarche même par laquelle elle prétend se constituer, un fondement d’ordre ontique. 6
L’ontologie fondamentale, déclare Sein und Zeit, doit être cherchée dans une analytique du Dasein. 6
Pourquoi, cependant, l’ontologie est-elle incapable de se fonder elle-même ontologiquement et doit-elle placer au centre de sa problématique un existant déterminé, au point de se confondre avec l’analyse existentiale de celui-ci ? A une telle condition l’ontologie ne peut évidemment être soumise qu’en fonction du rapport qui unit, dans l’essence, l’être et l’étant. 6
L’ontologie fondamentale repose sur l’analytique du Dasein. 6
En tant qu’elle se pense elle-même comme une exhibition libératrice du fondement, l’ontologie fondamentale ne repousse pas l’idée d’un progrès circulaire de son analyse, elle l’accueille, au contraire, comme conforme à la nature des choses. 6
Lorsqu’on appuie l’ontologie fondamentale sur l’analytique du Dasein, ce dernier intervient manifestement en tant qu’il porte en lui le pouvoir de se rapporter originellement à l’être ; c’est le rapport transcendantal de la réalité humaine à l’essence qui est en cause. 6
Mais une telle identification est-elle possible ? Sa conséquence paradoxale ne serait-elle pas la pure et simple suppression du privilège du Dasein ? Cette suppression est-elle concevable, s’il est vrai qu’il y a pour ce dernier deux manières d’être irréductibles l’une à l’autre, comme être qui se rapporte à l’être en général et, par suite, à tous les existants possibles, et à lui- même, comme être, d’autre part, auquel il se rapporte lorsqu’il se rapporte à lui-même ? La nécessité pour l’ontologie de se donner un fondement d’ordre ontique ne fait point, par elle-même, difficulté. 6
La référence de l’ontologie à la réalité d’un existant singulier n’est que la transposition méthodologique du lien qui unit, dans l’origine, la transcendance et la finitude. 6
Cette raison ultime de la nécessaire référence de l’ontologie à un fondement ontique n’explique pas encore, toutefois, le privilège du Dasein. 6
Or, la subordination de l’analytique existentiale à l’ontologie fondamentale est constamment affirmée dans Sein und Zeit. 6
L’insertion nécessaire de la phénoménologie de l’ego à l’intérieur du contexte constitué par l’ontologie universelle ne peut être mise en cause que si c’est seulement à partir d’une élucidation du phénomène central de l’ego que l’ontologie peut acquérir sa dimension fondamentale. 7
Très rapidement, au contraire, c’est comme ens creatum que l’être de l’ego est interprété, au même titre que celui de toute nature simple, et cela à la lumière des conceptions philosophiques et théologiques de la pensée médiévale, elle-même issue de l’ontologie grecque. 7
La méthode de l’ontologie est phénoménologique. 7
C’est précisément lorsqu’elle apporte son aide à l’ontologie que la méthode phénoménologique acquiert sa signification philosophique décisive. 7
Qu’est-ce qui peut, en effet, réclamer pour soi, et cela d’une façon impérative et urgente, un mode de présentation explicite et le titre de « phénomène », sinon ce qui ne se montre pas tout d’abord mais demeure le plus souvent caché, à savoir l’être lui-même, l’objet de l’ontologie ? La philosophie est alors dans l’embarras. 7
L’ontologie, dit Heidegger, n’est possible que comme phénoménologie. » 7
L’ontologie est encore possible sur une base phénoménologique. 7
L’interprétation de l’essence du fondement comme révélation originaire immanente nous amène à repenser la connexion essentielle qui unit l’ontologie et la phénoménologie. 7
Le mode de traitement phénoménologique que l’ontologie veut à juste titre appliquer au problème du fondement demeure en fait totalement indéterminé tant que la signification du concept de phénomène n’a pas été fixée d’une façon décisive. 7
En tant qu’elle s’interprète elle-même comme « phénoménologique », l’ontologie comprend sa tâche comme une « élucidation ». 7
Si la « critique du paralogisme de la psychologie rationnelle » a été choisie pour faire l’objet d’une destruction ontologique qui met en lumière l’absence de toute ontologie de la subjectivité au sein même d’une problématique qui prétend faire de l’ego son thème explicite, c’est que la signification de cette destruction intéresse, croyons-nous, l’ensemble de la philosophie moderne. 7
A une telle pensée il est donné de s’avancer dans une région nouvelle et, par là, de conférer aussi à l’ontologie une nouvelle dimension. 7
La compréhension de la signification existentielle de l’aliénation humaine exige que soit établie une distinction rigoureuse entre le plan de l’existence et celui de l’ontologie. 7
C’est parce qu’il comprend l’être comme l’essence du phénomène, que Heidegger peut dire que la phénoménologie est la science de l’être et, comme telle, l’ontologie. 8
Ontologie et phénoménologie ne sont pas, dit Heidegger, deux disciplines appartenant l’une à côté de l’autre à la philosophie. 8
La compréhension du lien qui unit l’ontologie et la phénoménologie demeure indéterminée aussi longtemps que la pensée n’est pas parvenue à l’intérieur de la structure de l’essence. 8
A y regarder de près, cependant, il apparaît que ces progrès se sont toujours déroulés à l’intérieur de l’horizon ontologique dessiné par le monisme et que leur résultat le plus remarquable n’a été, dans l’ontologie contemporaine, que la libération de cet horizon, porté enfin dans la clarté du concept et pensé dès lors comme « l’horizon de l’être ». 11
La philosophie de l’être trouve son origine dans l’ontologie grecque mais, comme l’a noté Heidegger, celle-ci demeure très souvent naïve en ce qu’elle considère l’étant tel qu’il s’offre à nous, prenant comme allant de soi son être-donné au lieu de le considérer en et pour lui-même, et de s’interroger décidément sur lui. 11
En tant qu’elle porte à l’état de problème l’essence de ce que l’ontologie grecque prenait d’une façon pré-philosophique pour l’être même, la philosophie de la conscience apparaît comme l’accomplissement de la philosophie antique de l’être, elle est un terme et non un commencement. 11
Elle est une avec l’ontologie contemporaine qui a su justement donner pour thème à sa recherche la condition ontologique de possibilité de l’étant et comprendre cette condition comme le milieu ontologique de la vérité. 11
La préservation de la vérité de l’existence est la visée dernière des grandes critiques de l’heideggerianisme et notamment des critiques dirigées contre l’ontologie cartésienne et contre la conception traditionnelle de la vérité. 12
L’ontologie cartésienne aboutit dans ses résultats à une altération, voire à un oubli complet de l’essence, sur le fond de la compréhension de celle-ci à partir de l’étant qui se produit en et par elle. 12
La transformation apportée aux thèmes directeurs de l’ontologie heideggerienne lorsqu’ils sont repris à l’intérieur d’une philosophie du cogito, n’est pas essentielle aussi longtemps que l’être de la conscience demeure l’Être lui-même identifié dans son fond avec le Néant. 12
La tâche que se donne l’ontologie de penser l’essence dans sa pureté ne peut signifier la rupture du lien qui relie la transcendance comme telle aux phénomènes auxquels elle se rapporte. 13
Le caractère de la tâche que se donne l’ontologie dans le projet par lequel elle se définit, n’éclaire-t-il pas, dès lors, suffisamment la manière dont celle-ci doit s’y prendre pour se réaliser ? Si, conformément à son caractère le plus propre, la tâche de penser l’essence ne peut s’accomplir en dehors de la relation fondamentale par laquelle la transcendance, dans le retour indissociable de son essor, se trouve rapportée aux phénomènes, la nécessité pour l’ontologie de se donner un fondement ontique ne commence-t-elle pas, dès lors, à s’éclaircir et à se comprendre ? C’est parce que l’être est l’être de l’étant, parce que le néant est toujours le néant de ce qu’il néantise, que l’interrogation sur l’être que promeut l’ontologie est toujours nécessairement et d’abord une interrogation sur l’étant qui se trouve questionné dans son être. 13
Ainsi la finitude qui affecte dans son accomplissement la démarche par laquelle l’ontologie se construit, est-elle une en réalité avec celle de l’être même, c’est-à-dire avec la finitude de la transcendance en tant que celle-ci se trouve rapportée aux phénomènes dans l’acte même par lequel elle les transgresse. 13
La nécessité pour l’ontologie de se donner un fondement ontique n’est que l’expression sur le plan où la philosophie se constitue du lien indissoluble conformément auquel l’être est toujours l’être de l’étant. 13
Tout ce qu’on pourra dire de ce dernier point de vue, c’est-à-dire en considérant la manière dont l’existence se comprend elle-même, demeure radicalement étranger au propos de la philosophie première, si par philosophie première on entend, comme il convient de le faire, l’ontologie elle-même. 19
La tâche de saisir un tel fondement est pourtant celle de l’ontologie. 21
A cette tâche qui est la sienne l’ontologie s’égale seulement dans le respect de l’origine. 21
Si, comme le dit lui-même Hegel, une pensée pure est « celle qui se tourne vers le commencement des choses », l’ontologie ne sera cette pensée pure, elle ne préservera sa pureté que dans la claire conscience de ce qui était avant elle. 21
La question de savoir si la phénoménalité trouve son principe dans l’essence de l’homme peut difficilement être résolue aussi longtemps que nous ne savons pas ce qu’est l’homme lui-même, aussi longtemps que la problématique ne dispose pas du soubassement ontologique suffisant lui permettant de décider de ce qu’il en est ultimement des rapports qui missent la phénoménologie de l’ego à l’ontologie fondamentale. 26
Ici, cependant, ce sont les fondements mêmes d’une ontologie phénoménologique qui peuvent sembler être mis en question. 31
La possibilité de l’édification d’une ontologie phénoménologique repose, en effet, sur l’identité de la réalité ontologique et de l’apparence comme telle. 31
C’est cette possibilité en vertu de laquelle l’être se suffit à lui-même et se trouve être ainsi la condition en un sens absolu, possibilité qui est identiquement pour lui celle de parvenir originairement en lui-même, qui est pensée sous le concept de l’immédiat et le détermine comme le concept fondamental de l’ontologie. 36
La nature interne de la médiation qui constitue la loi de tout ce qui est, c’est là cependant le thème propre de l’ontologie. 36
Et c’est ainsi que, au moment même où son idée se fait jour, l’immanence se trouve rejetée hors du domaine propre de l’ontologie pour recevoir au contraire, comme on l’a vu, la signification d’être une catégorie ontique. 38
Et de même, s’il existe un mode dont le pouvoir originaire s’exprime dans la révélation de l’être absolu en lui-même et tel qu’il est, son élaboration et la détermination de sa structure constituent, de toute évidence, la tâche fondamentale de l’ontologie. 38
Une telle compréhension qui est identiquement celle de la structure interne de l’immanence et de l’essence originaire de la révélation, est précisément celle qui manqua à Fichte pour lui permettre de donner un contenu effectif aux intuitions fondamentales de sa pensée religieuse, comme elle devait manquer plus tard, avec, toutefois, des conséquences infiniment plus graves, à toute l’ontologie moderne. 38
C’est parce qu’une telle essence reste inéclaircie que l’ontologie et la dialectique qui font constamment usage de la négation sans fonder celle-ci et sans en faire seulement un problème, demeurent en fait aveugles à l’égard de leur présupposition fondamentale, de ce qui fait l’origine du nicht et de la Nichtigkeit. 42
Comme toujours, la faillite de l’ontologie laisse le champ libre au réalisme. 44
A la pensée qui se meut en général dans l’extériorité comme à celle qui, dans le Re-mémorial qu’elle croit authentique de l’être, se donne explicitement pour thème l’objet de l’ontologie, cette extériorité même, échappe nécessairement au contraire et se dérobe par principe la condition la plus ultime de celle-ci. 45
La détermination de ce que, sur le fondement de l’oubli essentiel qui est le sien, la pensée se représente au sujet d’elle-même et de son rapport à l’essence, c’est-à-dire finalement au sujet de celle-ci, la détermination de la philosophie comprise comme ontologie fondamentale, est la suivante. 45
Que la perte de l’essence résulte dans la pensée de l’objet de sa direction et non de la finitude d’un contenu entouré d’horizons, le caractère du Remémorial où prend corps au contraire et s’historialise concrètement pour la première fois dans la philosophie occidentale la possibilité d’une ontologie, l’atteste. 45
On trouve dans l’ontologie moderne, il est vrai, une interprétation positive de celui-ci en tant qu’il entre lui-même dans la définition de la connaissance et de ses conditions. 46
C’est cette transcendance de la réalité et la nécessité corrélative pour la conscience qui ne veut pas renoncer à celle-ci, d’accomplir l’acte de transcender qui déterminent l’échec de l’ontologie, c’est-à-dire d’une représentation objective de l’être et de sa saisie comme totalité. 47
La signification axiologique qu’elle revêt et qui la détermine sans doute à cet égard comme une « opposition », se fonde dans l’ontologie et seulement en elle. 51
Mais l’objectivité qui confère sa rigueur au savoir scientifique et le définit n’a principiellement rien à voir avec celle que l’ontologie comprend en son fondement comme la transcendance du monde, elle désigne plutôt l’exigence théorique par laquelle se définit un tel savoir comme celle de reconnaître la réalité sous toutes ses formes. 51
Ce qui fonde notre accord avec le tout de l’étant et le constitue a été interprété dans ces recherches, suivant en cela l’ontologie contemporaine, comme la compréhension de l’être. 54
L’essentiel, l’essence psychologique, est constituée par l’intentionnalité ou, pour parler le langage plus rigoureux de l’ontologie, la transcendance est le fondement de tous les phénomènes psychiques et les détermine tous également, y compris les phénomènes affectifs. 54
Faute de se révéler en lui-même, dans son essence, « le moi se révèle dans sa dignité » et l’ontologie défaillante, une fois de plus, cède la place à l’enthousiasme moral. 65
C’est pourquoi si l’éthique prétendait maintenir, en dépit des évidences de l’ontologie, les concepts de récompense et de punition, elle ne pourrait le faire qu’en cessant de considérer les biens et les maux qu’ils désignent comme des adjonctions synthétiques, comme des conséquences séparées des différents actes qu’ils accompagnent pourtant et auxquels ils se joignent ainsi mystérieusement, pour les saisir au contraire comme l’être même de ces actes, comme leur affectivité. 68
Ici s’éclaire à la lumière de l’ontologie l’étrange prière de saint Bernard : « Seigneur, si tu es avec moi dans la souffrance, donne-moi toujours à souffrir, afin que tu sois toujours avec moi et en moi et que je puisse t’avoir toujours. » 70
C’est commettre un contresens complet sur la signification de l’ontologie hégélienne que de prétendre interpréter l’être de la réalité humaine à partir de la négativité comprise comme une essence. 72
Il n’y a chez Hegel aucune ontologie de la subjectivité. 73
Les impératifs éthiques de l’hégélianisme trouvent leur fondement dans l’ontologie. 74
Hegel n’a pas conçu pour la conscience un mode de présence à soi-même autre que le mode de présence de l’objet, et cela parce que la présence de l’objet comme telle n’est rien d’autre à ses yeux (et c’est en cela, on l’a vu, que la philosophie moderne n’est que le prolongement de l’ontologie antique) que l’essence même de la conscience. 77
Il n’a pas peu contribué à donner à celle-ci sa physionomie propre, à lui conférer ses caractères distinctifs : l’absence de toute ontologie positive de la subjectivité, l’abandon de l’homme au milieu absolu de l’extériorité, le désespoir. 77
