Henry (1963) – não-verdade
(MHEM)
L’essence est réelle, en tant qu’elle fonde la vérité, cependant elle n’est point elle-même la vérité, mais plutôt une non-vérité plus originelle. 7
A cette non-vérité, toutefois, le phénomène renvoie toujours en tant qu’il brille sur le fond d’une relation obscure. 7
Une philosophie qui s’appuie sur le donné n’élude pas pour autant, il est vrai, le problème de la non-vérité. 8
La non-vérité de l’essence est la vérité de l’étant. 13
L’étant porte donc en lui, dans sa vérité, la non-vérité de l’essence de la manifestation. 13
C’est justement parce que l’essence est la non-vérité qu’elle ne se manifeste pas autrement que dans la vérité de l’étant, c’est-à-dire dans le phénomène lui-même et comme tel. 13
En tant que l’essence se dissimule dans cette manifestation, en tant qu’elle ne se recouvre pas avec le contenu phénoménologique effectif de la détermination, la vérité de ce contenu lui est étrangère, elle est bien plutôt, par rapport à elle, la non-vérité. 13
C’est cette non-vérité de l’essence, finalement, qui se dissimule dans la vérité de la phénoménalité effective. 13
Mais la vérité de l’essence est la non-vérité de sa non-vérité. 13
L’élucidation du fondement de l’immanence du devenir phénoménal à l’essence de la phénoménalité permet seule de dire si ce devenir se recouvre totalement avec l’essence qui le fonde, si l’essence originaire et pure est la vérité ou si elle est aussi la non-vérité. 16
L’incapacité de saisir la réalité de l’acte originairement formateur de l’horizon, la philosophie de la transcendance ne peut-elle la faire sienne et la revendiquer comme un témoignage de sa propre fidélité au réel, si la vérité trouve sa condition dans une non-vérité plus ancienne qu’elle ? Si, par exemple, l’instauration kantienne du fondement de la métaphysique « ne mène pas à l’évidence absolue et claire d’une première thèse ou d’un premier principe mais… se dirige et nous renvoie consciemment vers l’inconnu », n’est-ce pas précisément parce qu’en prenant comme thème ultime de sa visée l’acte originairement formateur de la transcendance, une telle instauration se concentre finalement sur ce qui n’est principalement pas susceptible d’être exhibé. 25
La vérité ontologique et la non-vérité qui la fonde sont deux essences juxtaposées. 25
Comme la réalisation de la non-phénoménalité dans la non-essence de la non-vérité est arbitraire, arbitraire est aussi la réalisation de la phénoménalité dans le milieu ouvert de l’extériorité pure. 25
Ou bien, si cette non-essence est cependant caractérisée comme non-vérité, cette détermination phénoménologique purement négative rend seulement plus évident l’isolement des essences, leur impuissance à constituer ensemble la réalité du devenir effectif de la manifestation. 25
Mais quand la réalité n’a pu être saisie là où elle est, dans ce qui fait l’être essentiel du fondement, il reste à la réaliser hors de lui dans l’abstraction de l’être-séparé de la vérité, comme il reste à réaliser ce fondement lui-même dans l’abstraction de l’être-séparé de cette vérité et de sa réalité, dans la non-essence de la non-vérité. 25
L’obscurité de l’âme humaine cache en elle l’essence ontologique de la non-vérité. 26
L’impossibilité pour l’homme fini et pécheur de recevoir du moins la vérité recouvre l’impossibilité pour l’essence de la non-vérité de s’unir à l’essence de la vérité, c’est-à-dire de la fonder. 26
Que l’être du fondement échappe à la problématique au moment où elle essaie de le saisir dans la manifestation de l’horizon, que la transcendance ne soit pas en elle-même ce qui se phénoménalise originairement dans le champ phénoménologique de l’être, cela se voit aussi dans le fait qu’elle est bien plutôt ce qui ne se montre pas dans la vérité de ce champ et, comme telle, l’essence ontologique, plus ancienne que lui, de la non-vérité. 28
Qu’au moment où elle se dérobe ainsi à la lumière de cette phénoménalité, la transcendance soit purement et simplement réalisée dans la nuit de la non-vérité, cela atteste l’échec, dans la double direction où elle s’engage, de la problématique qui voulait lui assigner un statut phénoménologique positif et, par là, déterminer dans sa réalité l’être du fondement. 28
